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Selon quelles normes jugerons-nous Barack Obama ?

Voici un des deux rapports qui ont scandalisé les abonnés de William Blum. Il date du 11 juin, soit un jour avant les élections présidentielles iraniennes et ce qui s’en est suivi, soit encore dix-sept jours avant le coup d’état militaire qui a renversé le président du Honduras et rendu le pays à une occupation sans entraves.

Beaucoup de mes lecteurs ont été choqués par mes critiques de la politique du président Obama. A la suite de mes deux précédents rapports, plus d’une douzaine d’entre eux se sont désabonnés. Mais si vous partagez ma conviction que les nombreuses atrocités dont la politique des États-Unis est responsable constituent la plus grande menace qui soit pour la paix, la prospérité et le bonheur du monde, alors, je pense que vous devez vous souhaiter des dirigeants qui s’opposent sans ambiguité aux aventures militaires de l’Amérique, parce que ces interventions sont - sans ambiguité - malfaisantes. Il n’y a rien de bon à dire sur le fait de déverser des mégatonnes de puissantes bombes sur des foules d’innocents, d’envahir leurs pays, de renverser leurs gouvernements, d’occuper leurs terres, d’enfoncer les portes de leurs citoyens, de tuer le père, de violer la mère, de traumatiser les enfants et de torturer ceux qui s’opposent à tout cela... Barack Obama n’a aucun problème avec tout cela, si nous le jugeons sur sa politique et non sur sa rhétorique.

Club Obama/CulteObama

Les brassées de louanges déversées sur le président Obama à propos de son discours au monde musulman par les écrivains de gauche, ici comme à l’étranger, sont inquiétantes. Je parle de gens dont il me semble qu’ils devraient savoir mieux, de gens qui ont choisi « Politique 101 » et qui sont capables de relever les hypocrisies dont ce texte est truffé, tout comme les distortions, les omissions et les contradictions, les remarques vraies mais hors de propos, les indiscutables mensonges, les déclarations d’optimisme qu’aucune action ne justifie, l’indifférence aux victimes. Pourtant, il est évident que ces commentateurs en ont été impressionnés, souvent très impressionnés. Où que ce soit dans le monde, ce genre d’état d’esprit confine à un culte.

Dans de tels cas, il faut aller voir au-delà de l’intellectuel et tenir compte de l’attrait émotionnel. Nous savons tous que le monde affronte en ce moment une terrible adversité - Trois Grands Problèmes : une violence universelle incessante, une crise financière qui provoque des souffrances économiques, la dégradation de l’environnement. Dans tous ces domaines, les États-Unis portent plus de responsabilité que n’importe quel autre pays. Quoi de mieux pour satisfaire l’intense désir de soulagement de l’humanité qu’un nouveau président américain qui, semble-t-il, comprend les problèmes, admet plus ou moins que son pays en est responsable à l’un ou l’autre degré et exprime « avec éloquence » son désir et sa détermination de changer la politique des États-Unis, tout en encourageant le reste du monde à suivre son stimulant exemple. Est-il surprenant que nous soyons en 1964, que les Beatles viennent de débarquer à New York, et que tout le monde se prenne pour une petite jeune fille ?

Je pourrais passer en revue le discours qu’Obama a donné au Caire et relever une par une les hypocrisies patentes, les platitudes, les couillonnades pures et simples et tout le reste (« J’ai interdit sans équivoque l’usage de la torture aux États-Unis » et pas un mot sur son transfert à l’étranger, à commencer par le pays même où il était en train de parler. « Aucune nation ne devrait choisir qui peut et qui ne peut pas posséder d’engins nucléaires », quand c’est précisément ce que les États-Unis sont en train de faire à propos de l’Iran et de la Corée du Nord.) Mais comme d’autres ont très bien su relever ces flagrantes effronteries, je voudrais m’y prendre d’une autre façon pour aborder le problème - le problème de gens éduqués et de gens un peu moins éduqués aux prises avec un politicien de carrière en train de dire « tout ce qui est juste », de gaver d’espoir des milliards qui en sont affamés et qui l’avalent comme s’ils étaient des nourrissons de la veille. Je voudrais ramener leur attention sur un autre personnage charismatique, Adolf Hitler, s’adressant aux Allemands deux ans et quatre mois après avoir été élu Chancelier du Reich, parlant à une Allemagne encore sonnée de l’humiliation d’avoir été La Nation Vaincue dans une guerre mondiale, d’y avoir perdu une énorme quantité de ses jeunes hommes, d’être toujours punie par le reste du monde pour son militarisme, de souffrir d’un chômage de masse et d’autres effets de la grande dépression. Voici quelques extraits de son discours du 21 mai 1935. Imaginez comme il dut nourrir les Allemands affamés.

Je considère qu’il est de mon devoir d’être parfaitement franc et ouvert quand je m’adresse à la Nation. J’entends souvent, de la part des tribus anglo-saxonnes, l’expression du regret que l’Allemagne se soit départie des principes de démocratie qui, dans ces pays, sont particulièrement tenus pour sacrés. Cette opinion est injustifiée. L’Allemagne aussi a une Constitution démocratique.

Notre amour de la paix est peut-être plus grand qu’il ne l’est chez d’autres, car nous avons davantage souffert de la guerre. Aucun de nous ne tient à menacer personne, mais nous sommes tous déterminés à obtenir la sécurité et l’égalité pour notre peuple.

La Guerre Mondiale devrait retentir comme un cri d’alarme. L’Europe n’est pas en état de survivre à une seconde catastrophe de ce genre.

L’Allemagne a solennellement garanti à la France ses frontières actuelles, se résignant à la perte définitive de l’Alsace-Lorraine. Elle a signé un traité avec la Pologne, et nous espérons qu’il sera renouvelé et renouvelé encore à chaque échéance.

Le Reich allemand, et particulièrement ce gouvernement allemand-ci, n’a d’autre désir que de vivre en paix et amitié avec tous les états voisins.

L’Allemagne n’a rien à gagner dans une guerre européenne. Ce que nous voulons, c’est la liberté et l’indépendance. A cause de ces intentions qui sont les nôtres, nous sommes prêts à négocier des pactes de non-agression avec les états voisins.

L’Allemagne n’a ni le désir ni l’intention de s’immiscer dans les affaires intérieures de l’Autriche, ni de l’annexer, ni d’en proclamer le rattachement.

Le gouvernement allemand est prêt, par principe, à conclure des pactes de non-agression avec chacun des états ses voisins et d’y ajouter ces dispositions qui ont pour but d’isoler les belligérents et de localiser les zones de guerre.

En limitant l’armement aéronautique de l’Allemagne à la parité avec celui des autres grandes nations occidentales, il rend possible qu’à tout moment son niveau maximal soit limité, limite que l’Allemagne considérera comme une obligation contraignante.

L’Allemagne est prête à participer activement à tous les efforts qui seront faits pour limiter la course aux armements. Elle n’en voit le moyen que dans un retour aux principes de la vieille convention de la Croix Rouge de Genève. Elle ne croit, pour commencer, qu’en la possibilité de l’abolition graduelle et de la mise hors la loi des méthodes de combat qui sont contraires à cette convention, telles que balles dum-dum et autres missiles, qui sont une menace mortelle pour les civils, les femmes et les enfants.

Abolir les champs de bataille mais laisser ouverte la question des bombardements nous paraît erroné et inefficace. Mais nous croyons dans la possibilité de bannir certaines armes comme contraires au droit international, et de mettre hors la loi ceux qui s’en servent. Mais cela aussi ne peut être fait que graduellement. Par conséquent, les gaz et les bombes incendiaires ou explosives peuvent être bannies du champ de bataille, et ce bannissement s’étendre plus tard à toutes les formes de bombardements. Aussi longtemps que la liberté de bombarder subsistera, la limitation du nombre des bombardiers est une proposition douteuse.

Tout comme la Croix Rouge a mis fin à la pratique d’exécuter les blessés et les prisonniers, il devrait être possible de mettre fin aux bombardements de civils. L’Allemagne voit, dans l’adoption de tels principes, de meilleurs moyens de pacification et de sécurité pour les peuples, que dans tous les pactes d’assistance et autres conventions militaires.

Le gouvernement allemand est prêt à donner son accord à toute limitation conduisant à l’abandon des armements les plus lourds, qui sont surtout adaptés aux guerres d’agression. Ceux-ci comprennent au premier chef l’artillerie lourde et les chars les plus lourds.

L’Allemagne se déclare prête à donner son accord sur la limitation du calibre de l’artillerie et des fusils sur les dreadnoughts, les croiseurs et les torpilleurs. De même, le gouvernement allemand est prêt à adopter toute limitation du tonnage naval, et en fin de compte à consentir à la limitation du tonnage des sous-marins ou même à leur suppression, à condition que les autres pays fassent de même.

L’opinion du gouvernement allemand est que toutes les tentatives faites pour diminuer la tension entre états individuels, par des accords internationaux ou des accords entre plusieurs états, sont condamnés à l’échec, à moins que des mesures adéquates soient prises pour prévenir l’empoisonnement de l’opinion publique par des individus irresponsables, au moyen du discours, de l’écrit, du cinéma ou du théâtre.

Le gouvernement allemand est prêt à tout instant à signer un accord international qui préviendra effectivement et rendra impossible toute tentative extérieure d’interférence dans les affaires intérieures d’autres États. La signification du terme « interférence » devrait être internationalement définie. Si les peuples veulent la paix, il doit être possible aux gouvernements de la maintenir. Nous croyons que la restauration de la force de défense allemande contribuera à cette paix, à cause du simple fait que son existence comble un vide dangereux en Europe.

Nous croyons que si tous les peuples du monde pouvaient se mettre d’accord pour détruire tous leurs gaz et toutes leurs bombes incendiaires et explosives, cela reviendrait moins cher que de les utiliser pour se détruire les uns les autres. En disant ceci, je ne parle plus en tant que représentant d’un État sans défense qui ne pourrait moissonner que des avantages et aucune obligation d’une action de ce genre entreprise par d’autres.

Je ne puis mieux conclure mon discours, chers collègues et mandataires de la Nation, qu’en répétant notre confession de foi dans la paix. Quiconque allumera la torche de la guerre en Europe ne doit rien espérer d’autre que le chaos. Nous, cependant, vivons dans la ferme conviction que notre temps verra non le déclin mais la renaissance de l’Occident. C’est notre fière espérance et notre inébranlable foi que l’Allemagne peut apporter une impérissable contribution à ce grand oeuvre.

Combien de gens dans le monde, y compris de nombreux Allemands très éduqués, en lisant ou entendant ce discours en 1935, ont douté qu’Adolf Hitler fût un homme sincère et un dirigeant visionnaire et stimulant ?

William Blum
www.killinghope.org

Pour s’abonner au Rapport Anti-Empire (en anglais) :
envoyer un e-mail à bblum6@aol.com en inscrivant « add » en objet.

Traduction Catherine L. pour le Grand Soir http://www.legrandsoir.info


Pour notre compte et pour mémoire, rappelons les principaux faits qui ont suivi ce mémorable discours du 21 mai 1935 intitulé « L’Allemagne a besoin de paix » :

- 18 juin : Lancement du premier sous-marin allemand depuis la Première Guerre mondiale.

- 13 juillet : Dissolution et confiscation des biens des associations de Témoins de Jéhovah.

- 17 août : Dissolution des ordres francs-maçons.

- 15 septembre :

* Adoption du drapeau à croix gammées (ou svastika) comme drapeau national de l’Allemagne.

* Adoption des Lois de Nuremberg discriminatoires racialement à l’encontre des juifs en les privant de leur citoyenneté et de leurs droits politiques.

- 18 octobre : Loi sur la protection de la santé héréditaire de la Nation allemande (contre les existences qui ne méritent pas d’être vécues).

- Le chancelier Adolf Hitler annonce le réarmement de l’Allemagne en violation du traité de Versailles.

Année 1936

- 7 mars : Hitler viole les accords de Locarno en occupant la Rhénanie.
* Remilitarisation de la Rhénanie : l’Allemagne installe des troupes en violation du traité de Versailles et du pacte de Locarno

- 6 juin : Circulaires en Allemagne contre le fléau tzigane.

- 16 juillet : Création par les nazis du premier camp de Tziganes à Marzahn.

- 1er août : Ouverture des Jeux Olympiques de Berlin.

- 1er décembre : L’adhésion aux Jeunesses hitlériennes devient obligatoire.

Année 1937

- 30 janvier : Le Reichstag reconduit les pleins pouvoirs d’ Adolf Hitler pour quatre ans.

- 26 avril : les éléments de la légion Condor bombardent Guernica. L’aide italienne et allemande au camp de Franco va être déterminante pour la maîtrise des airs dans la guerre civile, et entraîner les pilotes

- 6 mai : Catastrophe du Hindenburg : le Zeppelin s’enflamme et cause 36 morts.

- 12 juin : Ordonnance secrète de Reinhard Heydrich, prolongeant en « détention de sûreté » les peines des criminels juifs..

- 20 juin : Lettre ouverte des Témoins de Jéhovah au peuple allemand, qui déclenche une répression accrue.

- 1er juillet : Arrestation du pasteur Martin Niemöller en Allemagne. Il restera en camp de concentration jusqu’en 1945.

- 5 août : Par circulaire de la Gestapo, les Témoins de Jéhovah objecteurs de conscience sont placés en camp de concentration à l’issue de leur peine.

- 24 décembre : Encyclique Mit brennender Sorge condamnant les persécutions religieuses dans l’Allemagne nazie.

- En décembre, premier camp de concentration réservé aux femmes à Lichtembourg.

Année 1938

- 26 janvier : La Gestapo est chargée par Himmler d’interner les « réfractaires au travail ».

- 4 février : Adolf Hitler prend le commandement de la Reichswehr.

- 13 mars : Anschluss .

* Hitler proclame l’annexion de l’Autriche à l’Allemagne (11-13 mars).

* L’Autriche est réduite à la condition de simple « marche » du Reich, l’Ostmark, administrée par un Statthalter, gouverneur dépendant de Berlin.

* Les réactions de la France et du Royaume-Uni se limitent à une protestation verbale.

- 9 novembre : Nuit de cristal.

Année 1939

- 15 mars : L’Allemagne occupe la Tchécoslovaquie.

- 22 mars : Adolf Hitler contraint la Lituanie à lui céder Memel.

- 28 avril : Hitler dénonce l’accord naval germano-britannique et l’accord germano-polonais.

- 22 mai : Pacte d’Acier italo-allemand.

- 22 août : Pacte germano-soviétique, appelé aussi Pacte Molotov-Ribbentrop.

- 1er septembre : Invasion de la Pologne par l’Allemagne et la Russie

* Début de la Seconde Guerre mondiale, la France et le Royaume-Uni déclarent la guerre à l’Allemagne.

- 28 septembre : Les SS demandent au gouvernement allemand de faire porter l’étoile jaune aux juifs.

(Source Wikipedia)

Pour une expérience individuelle française de ces événements, on peut lire :
Germaine Tillion, Fragments de vie, Paris, Seuil, 2009.
(N.d.T.)

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