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Avec les compliments du Cac40, de l’OTAN et de la Françafrique

Sauf pour ceux qui croient encore aux vertus de la démocratie bourgeoise, la victoire d’Emmanuel Macron à l’élection présidentielle ne fut pas une surprise. Car le dandy de la finance n’a pas seulement été coopté par l’oligarchie. Le chantre de l’ubérisation de la société n’a pas seulement été choyé par des médias aux mains d’une poignée de milliardaires. Comme si cela ne suffisait pas, on a assisté, dans la dernière ligne droite, à une campagne marketing impressionnante. Lancé sur le marché comme une savonnette, le godelureau du Cac40 a effectué une véritable OPA sur l’Elysée.

Victime de ses casseroles, l’ambition présidentielle de M. Fillon a explosé en plein vol. Cette éviction du candidat de droite eut deux conséquences. Elle a ouvert un espace politique au social-libéralisme de M. Macron, et elle a offert la deuxième place à Marine Le Pen. Au deuxième tour, comme prévu, le repoussoir lepéniste a joué son rôle à la perfection. Elaborée par François Mitterrand dans les années 80, la stratégie de l’épouvantail d’extrême-droite a une vertu irremplaçable. Face à la bête immonde, elle transforme n’importe qui en héros national.

Emmanuel Macron en a pleinement bénéficié, et le freluquet qui s’époumonait en meeting sous les applaudissements télécommandés de groupies impubères est devenu le sauveur de la démocratie. L’invocation anachronique du péril fasciste, la séquence médiatique Oradour-sur-Glane et la culpabilisation de l’électorat de gauche ont fait merveille. En jouant sur la peur qu’inspire le FN, M. Macron a obtenu haut la main les deux tiers des suffrages. Les bonnes consciences de la gauche boboïsée, au moins, n’auront pas brandi en vain l’épouvantail lepéniste.

Défiant les lois de l’arithmétique, ces bonnes âmes expliquaient que Mme Le Pen risquait d’être élue, que le spectre de 1933 n’était pas loin et que les abstentionnistes étaient des irresponsables. Le seul résultat de ce bourrage de crânes, ce fut dix millions de voix d’avance pour le candidat de la finance. Dotée de moyens colossaux, l’opération marketing fut couronnée de succès. D’une élection difficile, elle fit un plébiscite, et d’un banquier d’affaires un président de la République. L’essentiel était sauf. Le fascisme vaincu, on a enfin pu ranger le trouillomètre.

La première allocution du nouveau président fut à l’image de cette élection-bidon. Du bla-bla de publicitaire, une ritournelle insipide aux allures d’auberge espagnole, un filet d’eau tiède qui consiste à dire à chacun ce qu’il veut entendre. Mais avec la nomination du gouvernement, les choses sérieuses commencèrent. Choisi parmi les jeunes loups de la droite néolibérale, le nouveau premier ministre, à lui seul, est tout un symbole. Composé de juteux allers-retours entre le public et le privé, son Curriculum Vitae scintille d’un véritable joyau. Après le Don Juan du Cac40, voici le lobbyiste radio-actif.

De 2007 à 2010, Edouard Philippe, en effet, exerça les fonctions de directeur de la communication et des affaires publiques d’Areva. En clair, sa mission était de faire du lobbying, notamment auprès des parlementaires acquis à la cause atomique. Selon l’Observatoire du nucléaire, c’est précisément pendant cette période, le 13 janvier 2008, qu’un accord est signé entre Areva et le gouvernement du Niger pour l’exploitation de l’uranium. Or cet accord est contesté par le mouvement touareg, en rébellion contre le pouvoir central de Niamey.

Le précieux minerai est vendu à vil prix par le Niger, et les maigres revenus qu’il procure ne bénéficient pas à la population. Les gisements se trouvant dans les zones de vie traditionnelles des Touaregs, ces derniers se sentent floués. Les troubles qui agitent la région sahélienne sont donc liés à la politique d’une multinationale dont M. Philippe fut le VRP. C’est l’alliance nouée entre certains Touaregs et les djihadistes qui servit de prétexte, en 2013, à l’intervention militaire française. Et ce n’est pas un hasard si la première visite africaine de M. Macron fut destinée à cette région.

A défaut de susciter l’enthousiasme, la séquence politique qui vient de se dérouler est riche d’enseignements. L’élection au forceps d’un télévangéliste formé chez Rothschild était déjà un signe des temps. La nomination à Matignon d’un VRP de l’industrie nucléaire au patrimoine douteux en est un autre. La volatilité des étiquettes politiques et la prolifération des retournements de veste, sur fond de bouillabaisse politicienne à l’approche des législatives, font aussi partie du paysage macronien.

En régime capitaliste, disait Marx, le gouvernement est le « conseil d’administration des affaires de la bourgeoisie ». En faisant main basse sur l’Elysée, le jeune banquier opère la synthèse entre différentes fractions de l’oligarchie. Dès l’été 2017, cette union sacrée de la classe dominante sera scellée sur le dos des travailleurs. Ex-DRH de Dassault-Systèmes, la nouvelle ministre du Travail vient de recruter comme chef de cabinet l’ex-directeur adjoint du MEDEF. Si elle obtient une majorité parlementaire, cette équipe mettra en pièces le code du travail.

Les détenteurs de capitaux, eux, n’auront pas à se plaindre du nouveau gouvernement. Un exemple ? Paris vient de demander l’annulation d’une réunion consacrée à la Taxe européenne sur les transactions financières. Selon Oxfam-France, un accord sur la TTF européenne était à portée de main, et la France avait une occasion d’agir dans l’intérêt général. Mais l’audace de M. Macron s’évanouit dès qu’il s’agit de mettre un frein à la spéculation financière et de rogner les privilèges des riches.

En politique étrangère, le nouveau président a donné le ton. En s’invitant au Sahel, il s’est coulé dans le moule de la Françafrique. Sous prétexte de lutter contre le terrorisme, le pillage néo-colonial du continent africain va continuer de plus belle. Le godelureau de l’Elysée joue au dur en serrant la pogne du milliardaire new-yorkais, mais la réalité de la politique élyséenne parle d’elle-même. N’en déplaise aux flagorneurs de la presse française, l’indépendance qu’il revendique n’est que poudre aux yeux.

Affrontant une menace imaginaire, les troupes françaises participent aux manœuvres de l’OTAN dans les pays baltes. Lors de sa rencontre avec le président russe, le freluquet de l’Elysée a ressassé le “fake” habituel sur l’arme chimique, puis il a reçu l’opposition syrienne “off shore”, faux-nez de ces terroristes modérés dont raffole l’intelligentsia parisienne. La présidence de François Hollande a battu le record des compromissions avec les marchands d’armes, les monarchies corrompues, les “rebelles modérés” et les néocons de Washington. Tel le Phénix, elle va renaître sous la présidence Macron.

Bruno GUIGUE

(Afrique-Asie, juin 2017)

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COMMENTAIRES  

01/06/2017 22:04 par Irae

Bravo. Rien a ajouter en attendant les nouvelles révélations sur les membres de ce gouvernement de guignolos.

02/06/2017 05:48 par babelouest

Je persiste à affirmer, de plus, que ces élections sont abondamment truquée au niveau des préfectures, voire de certaines villes. Leurs résultats sont beaucoup trop proches des derniers sondages pour que ce soit normal. Cela a, en plus, l’avantage de réhabiliter les instituts, dont les publications devenaient de plus en plus éloignées des chiffres réels.

02/06/2017 10:02 par Titus

" Macron a obtenu les deux tiers des suffrages ..."
Sauf que :
La participation a été de 74,56% soit 25% d’abstentions. Il y a eu 66% de suffrages exprimés, c’est à dire 34% de nuls ou blancs. Si, à ce chiffre, nous ajoutons les 34% qui ont voté Le Pen, nous constatons que 68% des personnes qui se sont déplacées jusqu’aux urnes n’ont pas voté pour Macron. Dans cette élection nombreux sont ceux qui se sont abstenus par hostilité aux finalistes. En minorant leur nombre parmi les non-votants, nous pouvons les estimer à 6 ou 7%. Ce qui fait un total intermédiaire voisin de 75% qui ont refusé Macron. Si nous ajoutons à ce dernier chiffre ceux qui ont voté Macron par opposition à le Pen, mais pas par adhésion à ses idées, nous aboutissons, probablement, à 85% du corps électoral qui ne soutient pas le nouvel « élu »…

02/06/2017 13:07 par chb

@ Titus. Le type de scrutin est certainement à revoir. Exemple d’une autre possibilité :
https://www.lamastreassociationrad.fr/lelection-presidentielle-au-jugement-majoritaire/
Resterait encore à s’assurer que les promesses électorales de l’impétrant tiennent la route et soient appliquées : une autre paire de manches. Comment séduire le citoyen en ne lui promettant pas le meilleur, l’utopie ?

02/06/2017 23:45 par Irae

Merci titus pour ce petit rappel de la pondération mathématique. Il n’en reste pas moins qu’un traitre à son propre parti lr parle de accrochez-vous de concorde nationale. Oui rien moins ou comment prendre ses désirs pour des réalités.

03/06/2017 09:54 par Brigitte

Titus, votre analyse des pourcentages n’est pas correcte car il faut comparer ce qui est comparable, et donc faire une analyse de l’ensemble des % par rapport aux inscrits.
En l’occurrence, pour cette élection, les% par rapport aux inscrits sont les suivants :
abstention + blancs + nuls : 34% des inscrits
Macron : 43,61% des inscrits (au premier tour, il avait obtenu 18,19% des inscrits...)
Le Pen : 21,36% des inscrits.
Remarque : En % d’inscrits, Macron a obtenu une pourcentage légèrement plus élevé que Hollande et Sarkozy (comme quoi le mythe du front républicain est un épouvantail à gogo qui marche ...)
Toujours le même plaisir à lire les articles de Bruno Guigue, concis, bien écrits tant sur la forme que sur le fond : merci encore pour votre travail de Journaliste.

05/06/2017 16:16 par Dodo

Par mes petits calculs, j’arrive à conclure que Macron a été "désiré" (et non pas élu) au second tour par 35/36 % des inscrits (comprenant donc les abstentions et nuls/blancs) et... en considérant que 10% des exprimés valides (donc après déduction des abstentions, blancs/nuls) ont choisi Macron par peur de M Le Pen. Et en termes de votes, Macron a été élu au max par 41 à 42% des inscrits. Le 10% de repoussoir de MLP en faveur de EM est sans doute plus élevé.

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