Boris Vian : Le Déserteur

Gaza

Monsieur le Président je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps
Je viens de recevoir
Mes papiers militaires
Pour partir à la guerre
Avant mercredi soir
Monsieur le Président
je ne veux pas la faire
je ne suis pas sur terre
Pour tuer des pauvres gens
C’est pas pour vous fâcher
Il faut que je vous dise
Ma décision est prise
je m’en vais déserter

Depuis que je suis né
J’ai vu mourir mon père
J’ai vu partir mes frères
Et pleurer mes enfants
Ma mère a tant souffert
Qu’elle est dedans sa tombe
Et se moque des bombes
Et se moque des vers
Quand j’étais prisonnier
On m’a volé ma femme
On m’a volé mon âme
Et tout mon cher passé
Demain de bon matin
Je fermerai ma porte
Au nez des années mortes
J’irai sur les chemins

Je mendierai ma vie
Sur les routes de France
De Bretagne en Provence
Et je dirai aux gens
Refusez d’obéir
Refusez de la faire
N’allez pas à la guerre
Refusez de partir
S’il faut donner son sang
Allez donner le vôtre
Vous êtes bon apôtre
Monsieur le Président
Si vous me poursuivez
Prévenez vos gendarmes
Que je n’aurai pas d’armes
Et qu’ils pourront tirer.

Boris Vian (1920 - 1959)

Paroles venant d’ici

Chanté par Boris Vian :
http://www.youtube.com/watch?v=oj6Jj7L8mzE

COMMENTAIRES  

21/11/2012 15:24 par Anonyme

Jean Ferrat dira après, dans Pauvre Boris :

Tu vois rien n’a vraiment changé
Depuis que tu nous a quitté
Les cons n’arrêtent pas de voler
Les autres de les regarder
Si l’autre jour on a bien ri
Il paraît que le déserteur
Est un des grands succès de l’heure
Quand c’est chanté par Anthony
Pauvre Boris

Voilà quinze ans qu’en Indochine
La France se déshonorait
Et l’on te traitait de vermine
De dire que tu n’irais jamais
Si tu les vois sur leurs guitares
Ajuster tes petits couplets
Avec quinze années de retard
Ce que tu dois en rigoler
Pauvre Boris

Ils vont chercher en Amérique
La mode qui fait des dollars
Un jour ils chantent des cantiques
Et l’autre des refrains à boire
Et quand ça marche avec Dylan
Chacun a son petit Vietnam
Chacun son nègre dont les os
Lui déchirent le coeur et la peau
Pauvre Boris

On va quitter ces pauvres mecs
Pour faire une java d’enfer
Manger la cervelle d’un évêque
Avec le foie d’un militaire
Faire sauter à la dynamite
La bourse avec le Panthéon
Pour voir si ça tuera les mythes
Qui nous dévorent tout du long
Pauvre Boris

Tu vois rien n’a vraiment changé
Depuis que tu nous a quitté

Tiré de : http://www.frmusique.ru/texts/f/ferrat_jean/pauvreboris.htm

Michel Rolland dit Anonyme malgré lui

21/11/2012 23:10 par Safiya

La première version était :

Prévenez vos gendarmes
Que je tiendrai une arme
Et que je sais tirer...
Mais après dame Anastasie... www.franch-meli-melo.com/article-le-deserteur-boris-vian-1954-58454950.html

22/11/2012 23:43 par Anonyme

Merci, Safiya !

Un Anonyme est content de vous lire à nouveau sur les colonnes du Grand Soir ! Un Anonyme a accompagné votre silence et est bien heureux que vous ayez vaincu la maladie qui vous y avait contrainte. Safya, vous n’êtes pas seule : nous sommes des millions... Restez avec nous !

Pour ce qui est du déserteur, il n’aura pas échappé aux oreilles attentives que c’est bien cette version de la fin que chante le grand Boris - c’est-à -dire le compositeur de la chanson.

Mais ! Au moment où la France ambitionnait de garder une ancienne colonie, l’Algérie, au moment où il s’agissait d’envoyer les jeunes tuer du "bougnoule" - qui pourtant ne lui avait rien fait - cette chanson a été interdite. Elle n’a, semble-t-il , pu être diffusée que moyennant une modification pacifiste et martyre de la fin.

Déjà à l’époque, le pacifisme était à l’honneur ! Il n’a depuis fait que croître et embellir ! A la faveur, c’est vrai, des hommes qui ne veulent plus mourir, servir de chair à canons, pour les intérêts de quelques uns, et en tout cas pas les leurs.
Le pacifisme est même devenu OBLIGATOIRE, sinon vous êtes TERRORISTE - et poursuivi. Quoi de plus facile en effet que de réprimer armé jusqu’aux dents des manifestants identifiables, EUX, et (surtout l’été) quasiment tout nus ? Quoi de plus facile que de bombarder un pays après l’avoir désarmé auparavant ? Etc....

Car nous ne sommes plus aux temps de Ghandi (qui, bien sûr, sert de référence aux chantres médiatiques de la non-violence) : un char "décomplexé" passe sans problème de conscience aucun sur un être humain qui est couché devant. De quelque sexe qu’il soit, et c’est ainsi que Rachel Corrié est morte.

Ghandi, pourtant, disait :

"Je crois vraiment que là où il y a le choix entre la couardise et la violence, je conseillerais la violence."

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