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Brésil : Marina Silva ne laisse aucun doute sur son projet (Pagina 12)

(Marina Silva est ex-membre du Parti des travailleurs (PT) et a été sénatrice avant de devenir ministre de l'Environnement du gouvernement Lula de 2003 à 2008. Candidate à l'élection présidentielle de 2010 pour le Parti vert du Brésil, elle arrive troisième avec près de 20% des voix. Après avoir échoué à créer son propre parti, elle rejoint en 2013 le Parti socialiste brésilien (PSB) et aurait occupé le poste de vice-présidente en cas de victoire du candidat Eduardo Campos pour l'élection présidentielle de 2014. Après la mort de ce dernier dans un accident d'avion le 13 août 2014, elle est désignée candidate du PSB.)

Il y a quelques semaines, Marina Silva a lancé sa candidature à la présidence du Brésil. Dans son programme, trois points se distinguent par leur importance : l’indépendance de la Banque centrale, une importance moindre donnée au Pré-sal et au Mercosur, ce dernier étant remplacé par des accords bilatéraux. Ces trois points ne sauraient être plus plus significatifs, car ils entrent directement en conflit avec les orientations des gouvernements de Lula et de Dilma. Les trois, ensemble, pointent sur un projet d’orientation nettement néolibérale.

L’autonomie de la Banque centrale est l’une des thèses les plus préconisées par les recettes néolibérales. Elle provoque l’affaiblissement de l’État et le renforcement du centralisme du marché, alors que cette indépendance de la politique monétaire est normalement l’oeuvre du gouvernement, qu’il applique à un modèle de développement économique inextricablement lié à la répartition du revenu. Retirer au gouvernement son contrôle de la politique monétaire et la laisser soumise à l’influence directe des acteurs du marché – en particulier du système bancaire privé – revient à déplacer la capacité de ce modèle à soumettre l’équilibre budgétaire à des politiques distributives, en se soumettant, au contraire, à la centralité de l’ajustement fiscal, recherché par le néolibéralisme.

Diminuer l’exploration du Pré-sal revient à jeter par-dessus bord la capacité du Brésil à s’affranchir en termes de politique énergétique, de disposer d’une grande quantité de ressources provenant de l’exportation, ainsi que de consacrer 7,5 % de ces ressources à l’éducation et 2,5% à la santé, conformément à une décision déjà adoptée par le Congrès.

Ce serait aussi une politique suicidaire en termes de développement technologique du Brésil, et diminuerait l’impulsion économique obtenue par les immenses demandes exigées par l’exploration du Pré-sal.

Ces positions se complètent – et gagnent leur plein sens – lorsqu’on examine ce que peut vouloir dire diminuer l’importance du Mercosur et développer des accords bilatéraux. Le MERCOSUR a signifié jusqu’ici la politique de priorité des accords régionaux face au Traité de libre-échange avec les États-Unis, prêché par le gouvernement de Fernando Henrique Cardoso et bloqué par la victoire de Lula en 2002.

Minimiser l’importance du Mercosur, en réalité, signifierait nier l’importance de toute la gamme des instances d’intégration développées et créées ces dernières années : la Banque du Sud, le Conseil sud-américain de la défense, l’Unasur, la Celac, ainsi que les Brics et leurs accords nouvellement établis, qui comprennent la Banque de développement et le Fonds de réserves de soutien aux pays ayant des problèmes de devises.

Le programme ne dit pas clairement de quel type d’accord bilatéral il s’agit, mais il est à craindre que ce soit, surtout, des accords avec les États-Unis et les pays centraux du capitalisme. Il sera alors impossible au Brésil de continuer dans le Mercosur, et aboutira, peut-être, à une rupture totale du pays avec tous ces organismes et une réinsertion radicale et subordonnée à la sphère des États-Unis, avec toutes les conséquences régionales et mondiales que cela suppose.

Il ne fait aucun doute que la forme de l’affrontement électoral a changé, avec la polarisation autour de Marina Silva et de Dilma Rousseff, mais le contenu reste le même : continuité du gouvernement postnéoliberal du PT ou retour à un projet néolibéral, maintenant déguisé de quelques – assez peu – oripaux et déclarations écolos (Marina a déjà déclaré qu’elle n’a jamais été contre les cultures transgéniques) ou un prétendu renouvellement de la politique, au-dessus des partis et de la polarisation gauche-droite, tout en regroupant à droite toute derrière elle.

C’est un vrai cadeau pour la droite brésilienne et pour les États-Unis, qui étaient près de voir leurs candidats et ses thèses éliminées une fois de plus. Le monopole privé des moyens de communication – le véritable parti de la droite – sans doute obtiendrait une grande victoire, dans le cas où sa nouvelle candidate parviendrait à vaincre le gouvernement du PT – objectif unique, par n’importe quel moyen, de la droite brésilienne et de Washington. C’est ce qui est en jeu maintenant au Brésil.

Marine indique clairement la nature de son projet par ses positions, mais également en regroupant dans la coordination de sa campagne électorale des noms connus du néolibéralisme : Andre Lara Resenda, ancien ministre des gouvernements Collor de Melo et Cardoso ; Giannetti da Fonseca, notoire idéologue néolibéral, et Neca Setubal, héritière de la Banque Itaú, l’une des plus grandes banques privées brésiliennes. Avec ces positions et cette équipe, l’ex-leader écologiste Marina Silva se convertit pleinement au néolibéralisme.

Emir Sader

Traduit par Lulu de la Lune, qui est resté sérieux pour l’occasion http://souslescratereslaplage.overblog.com

 http://www.pagina12.com.ar/diario/elmundo/4-254486-2014-09-04.html
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COMMENTAIRES  

06/09/2014 18:35 par Manseh Mouolah

Merci pour cet article qui nous permet de savoir dans quel camp est cette femme (Marina Silva)
Même si Lula ou Dilma ne sont pas du genre Correa, Morales, Pepe Mujica, ou ... Chavez, on préfère faire avec Dilma que (Marina Silva) cette pseudo amie des humbles.

07/09/2014 20:21 par PAUL

un copié-collé pour savoir ce qu est le Pré-sal. Ce terme est utilisé pour désigner un type de roche de la croute terrestre formé exclusivement de sel pétrifié, déposé en couches au fond des mers. Ce type de roche peut retenir du pétrole. Au Brésil l’ensemble des champs de pétrole du pré-sal, récemment découverts se situent à des profondeurs allant de 1000 à 2000 mètres, pour la partie immergée et de 4 à 6.000 mètres au-dessous du la couche de sel. Ces nouveaux champs de pétrole s’étendent sur une bande d’environ 800 kms le long du littoral brésilien, entre l’Etat de l’Espirito Santo et celui de Santa Catarina

08/09/2014 02:43 par Lulu de la Lune

Merci pour le rajout sur le Pre-sal (que j’aurais dû mettre à côté de la traduction).

08/09/2014 09:11 par Serge Charbonneau

Il est évident que cette nouvelle venue, Marina Silva (nom pouvant entrainer une confusion avec Lula da Silva) est « LE » choix des manipulateurs mondiaux.

Nos médias de masse vont nous livrer sûrement plusieurs articles louangeurs concernant cette brave femme.
On n’en finira plus de nous lister ses nombreuses qualités et de nous promouvoir son esprit "de gauche".

Le lectorat des mass-média tombera sous le charme de cette brave qui aura l’écologie de l’Amazonie à coeur ainsi que sa volonté notable pour combattre les injustices des inégalités et mettre fin à la pauvreté endémique de certains Brésiliens.

Bien sûr que Marina ne sera pas élue, mais elle servira allègrement à faire sortir à grands coups médiatiques tout le "mauvais" de cette Roussef !

On dira probablement que le Brésil est "divisé" !
Y aura-t-il des manifestations pour dénoncer des anomalies électorales, voire des fraudes électorales ?
Humm ! Possible, n’est-ce pas ?

Salutations,

Serge Charbonneau
Québec

09/09/2014 04:56 par Lulu de la Lune

Juste une petite rectification pour Serge : À n’en pas douter, Marina sera élue. Elle arrivera en 2ème position au premier tour, et avec le report des voix de la droite au second tour, arrivera devant Dilma.

10/09/2014 12:12 par Gérard

Selon des sources parmi les plus fiables au Brésil, Marina Silva serait une protégée des banksters brésiliens et américains et aussi de George Soros. On avance même que l’accident d’avion dont était victime le candidat à la Présidence dont elle était la vice, reste très suspect. Il n’y a pas des preuves, pas d’enregistrements, l’avion n’avait pas de transponder et pour couronner le tout, il était américain et sans immatriculation au Brésil. Politiquement, Silva est connue par ses hésitations et son manque de charisme. Si son élection s’avère, ce sera certainement un coup dur pour la politique énergétique brésilienne, pour les libertés et la justice, et pourra également mettre en cause le rôle du pays au sein du BRICS. Pour l’instant, concernant la soumission à la politique étrangère dictée par Washington, l’Amérique du sud reste toujours la même des années 60. Et Marina Silva est, à l’évidence, la candidate de Washington.

01/10/2014 09:36 par alain harrison

Bonjour.

Le Brésil est un gros morceau.
Il fera une différence dans le monde de l’Amérique latine, selon le choix qu’il fera :
être solidaire des Peuples Latino-américain ou être un relais dangereux des US.

De même la France est un gros morceau pour le pays européens.
C’est une situation similaire.

Ici au Québec, le PLQ (24.5% du sufrage absolue) a obtenu 70 députés.
Conclusion : l’état de droit est un état voyou.
Les élections sont bien illégales du point de vue démocratique.
Un crime contre la démocratie.
Un crime contre les citoyens. Mais les citoyens maintiennent l’omerta.
Sommes-nous des demeurés, sommes nous sous-éduqués ou sommes-nous, tout simplement, des conformistes ?
Ma réponse, c’est que la grande majorité est conformiste.
Petite citation :
2% de la population réfléchit.
3% croit qu’elle réfléchit.
Et 95% préférerait mourir plutôt que de réfléchir.
George Bernard Shaw

Alors, pas étonnant que le questionnement ne soit pas du paysage.
Comment expliquer le phénomène des jeunes occidentaux (originaires) qui se rallient au terrorisme ?
Est-ce un mouvement sous-tendu par la Nature ? Que nous serions bel et bien soumis aux phénomènes de la Nature que nous ne comprenons pas encore. Un genre d’équilibre du phénomène naturel de la compétition.
Pourtant, il y a l’autre axe du phénomène de la Nature qui tient plus du coopératisme et même de la symbiose, comme la recherche en micro-biologie le démontre.

Mais , ne confondons pas les ordres selon les échelles de grandeurs.
Ne confondons pas le macro et le micro. Chaque strate travaille à son niveau.
Il y a assez de la théorie de l’évolution selon le néo-libéralisme qui tourne sur lui-même, l’économie une partie seulement du phénomène vivant, ou plutôt une interprétation questionnable de certains phénomènes qui sont abordés avec des conceptes économiques de façon très artificielle.
L’économie tente de tout ramener à elle. Il s’agit bien d’un impérialisme sans partage et génocidiare. un génicide qui se perpétue en ce moment sous nos yeux.
Le gaffeur Busch-fils a ouvert la boîte de pandore.
Deux toures contre le moyen-orient, 3000 victimes contre de centaines de milles d’enfants innocents, de femmes innocentes, de gens àgés innocents, combien de terroristes (les vrais) et des soldats occidentaux. Et ils veulent remettre ça contre combien d’égorgeurs ? Combien ?
L’Algérie au lendemain du coup de force contre le gouvernement islamique élu, combien de citoyens algériens égorgés ?
Qui sont les vrais belliqueux, les vrais provocateurs, les vrais hypocrites, les vrais égorgeurs ?

Les citoyens occidentaux se posent-ils, ont-ils le courage de se poser les vrais questions ?
Préfèrent l’entertainment ?
L’omerta citoyen ?
Soyons élémentaire :
Quels sont les deux enjeux en occident qui pourraient faire la différence entre la destruction du monde ou l’harmonie du monde.
De ces deux enjeux, le reste découle.
Cousteau a dit qu’il fallait être capable de faire des liens entre des choses qui semblent ne pas en avoir en apparence.
Une citation (métaphorique) :

Comment voulez-vous comprendre les choses d’en haut, si vous ne comprenez pas les choses d’en bas.

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