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Dominique de Villepin : « Lever la voix face au massacre perpétré à Gaza »

Dominique de Villepin

Oui, c’est dans Le Figaro, oui, c’est signé Villepin.
Mais à qui la faute si le Président (PS) de la République, par un communiqué de l’Elysée, le 9 juillet, rendait compte d’un entretien avec Benjamin Nétanyahou au cours duquel il a « exprimé la solidarité de la France face aux tirs de roquettes en provenance de Gaza », en ajoutant qu’il « appartient au gouvernement israélien de prendre toutes les mesures pour protéger sa population face aux menaces » ?

Le Grand Soir

Lever la voix face au massacre qui est perpétré à Gaza, c’est aujourd’hui, je l’écris en conscience, un devoir pour la France, une France qui est attachée indéfectiblement à l’existence et à la sécurité d’Israël mais qui ne saurait oublier les droits et devoirs qui sont conférés à Israël en sa qualité d’État constitué. Je veux dire à tous ceux qui sont tentés par la résignation face à l’éternel retour de la guerre qu’il est temps de parler et d’agir. Il est temps de mesurer l’impasse d’une France alignée et si sûre du recours à la force. Pour lever le voile des mensonges, des omissions et des demi-vérités. Pour porter un espoir de changement. Par mauvaise conscience, par intérêt mal compris, par soumission à la voix du plus fort, la voix de la France s’est tue, celle qui faisait parler le général de Gaulle au lendemain de la guerre des Six-Jours, celle qui faisait parler Jacques Chirac après la deuxième intifada. Comment comprendre aujourd’hui que la France appelle à la « retenue » quand on tue des enfants en connaissance de cause ? Comment comprendre que la France s’abstienne lorsqu’il s’agit d’une enquête internationale sur les crimes de guerre commis des deux côtés ? Comment comprendre que la première réaction de la France, par la voix de son président, soit celle du soutien sans réserve à la politique de sécurité d’Israël ? Quelle impasse pour la France que cet esprit d’alignement et de soutien au recours à la force.

Je crois que seule la vérité permet l’action. Nous ne construirons pas la paix sur des mensonges. C’est pour cela que nous avons un devoir de vérité face à un conflit où chaque mot est piégé, où les pires accusations sont instrumentalisées.

Ayons le courage de dire une première vérité : il n’y a pas en droit international de droit à la sécurité qui implique en retour un droit à l’occupation et encore moins un droit au massacre. Il y a un droit à la paix qui est le même pour tous les peuples. La sécurité telle que la recherche aujourd’hui Israël se fait contre la paix et contre le peuple palestinien. En lieu et place de la recherche de la paix, il n’y a plus que l’engrenage de la force qui conduit à la guerre perpétuelle à plus ou moins basse intensité. L’État israélien se condamne à des opérations régulières à Gaza ou en Cisjordanie, cette stratégie terrifiante parce qu’elle condamne les Palestiniens au sous-développement et à la souffrance, terrifiante parce qu’elle condamne Israël peu à peu à devenir un État ségrégationniste, militariste et autoritaire. C’est la spirale de l’Afrique du Sud de l’apartheid avant Frederik De Klerk et Nelson Mandela, faite de répression violente, d’iniquité et de bantoustans humiliants. C’est la spirale de l’Algérie française entre putsch des généraux et OAS face au camp de la paix incarné par de Gaulle.

Il y a une deuxième vérité à dire haut et fort : il ne saurait y avoir de responsabilité collective d’un peuple pour les agissements de certains. Comment oublier le profond déséquilibre de la situation, qui oppose non deux États, mais un peuple sans terre et sans espoir à un État poussé par la peur ? On ne peut se prévaloir du fait que le Hamas instrumentalise les civils pour faire oublier qu’on assassine ces derniers, d’autant moins qu’on a refusé de croire et reconnaître en 2007 que ces civils aient voté pour le Hamas, du moins pour sa branche politique. Qu’on cite, outre les États-Unis, un seul pays au monde qui agirait de cette façon. Même si les situations sont, bien sûr, différentes, la France est-elle partie en guerre en Algérie en 1995-1996 après les attentats financés par le GIA ? Londres a-t-elle bombardé l’Irlande dans les années 1970 ?

Troisième vérité qui brûle les lèvres et que je veux exprimer ici : oui il y a une terreur en Palestine et en Cisjordanie, une terreur organisée et méthodique appliquée par les forces armées israéliennes, comme en ont témoigné de nombreux officiers et soldats israéliens écœurés par le rôle qu’on leur a fait jouer. Je ne peux accepter d’entendre que ce qui se passe en Palestine n’est pas si grave puisque ce serait pire ailleurs. Je ne peux accepter qu’on condamne un peuple entier à la peur des bombardements, à la puanteur des aspersions d’« eau sale » et à la misère du blocus. Car je ne peux accepter qu’on nie qu’il y a quelque chose qui dépasse nos différences et qui est notre humanité commune.

Il n’y a aujourd’hui ni plan de paix, ni interlocuteur capable d’en proposer un. Il faut tout reprendre depuis le début. Le problème de la paix, comme en Algérie entre 1958 et 1962, ce n’est pas « comment ? », c’est « qui ? ».

Il n’y a pas de partenaire en Palestine car les partisans de la paix ont été méthodiquement marginalisés par la stratégie du gouvernement d’Israël. La logique de force a légitimisé hier le Hamas contre le Fatah. Elle légitime aujourd’hui les fanatiques les plus radicaux du Hamas voire le Djihad islamique. Se passer de partenaire pour la paix, cela veut dire s’engager dans une logique où il n’y aurait plus que la soumission ou l’élimination.

Il n’y a plus de partenaire pour la paix en Israël car le camp de la paix a été réduit au silence et marginalisé. Le peuple israélien est un peuple de mémoire, de fierté et de courage. Mais aujourd’hui c’est une logique folle qui s’est emparée de son État, une logique qui conduit à détruire la possibilité d’une solution à deux États, seule envisageable. La résignation d’une partie du peuple israélien est aujourd’hui le principal danger. Amos Oz, Zeev Sternhell ou Elie Barnavi sont de plus en plus seuls à crier dans le désert, la voix couverte par le vacarme des hélicoptères.

Il n’y a plus non plus de partenaire sur la scène internationale, à force de lassitude et de résignation, à force de plans de paix enterrés. On s’interroge sur l’utilité du Quartette. On désespère de la diplomatie du carnet de chèques de l’Europe qui se borne à payer pour reconstruire les bâtiments palestiniens qui ont été bombardés hier et le seront à nouveau demain, quand les États-Unis dépensent deux milliards de dollars par an pour financer les bombes qui détruisent ces bâtiments.

Face à l’absence de plan de paix, seules des mesures imposées et capables de changer la donne sont susceptibles de réveiller les partenaires de leur torpeur. C’est au premier chef la responsabilité de la France.

Le premier outil pour réveiller la société israélienne, ce sont les sanctions. Il faut la placer devant ses responsabilités historiques avant qu’il ne soit trop tard, tout particulièrement à l’heure où il est question d’une opération terrestre de grande envergure à Gaza. Cela passe par un vote par le Conseil de sécurité de l’ONU d’une résolution condamnant l’action d’Israël, son non-respect des résolutions antérieures et son non-respect du droit humanitaire et du droit de la guerre. Cela signifie concrètement d’assumer des sanctions économiques ciblées et graduées, notamment pour des activités directement liées aux opérations à Gaza ou aux activités économiques dans les colonies. Je ne crois guère aux sanctions face à des États autoritaires qu’elles renforcent. Elles peuvent être utiles dans une société démocratique qui doit être mise face aux réalités.

Le deuxième outil, c’est la justice internationale. L’urgence aujourd’hui, c’est d’empêcher que des crimes de guerre soient commis. Pour cela, il est temps de donner droit aux demandes palestiniennes d’adhérer à la Cour pénale internationale, qui demeure aujourd’hui le meilleur garant de la loi internationale. C’est une manière de mettre les Territoires palestiniens sous protection internationale.

Le troisième outil à la disposition de la communauté internationale, c’est l’interposition. À défaut de pouvoir négocier une solution, il faut l’imposer par la mise sous mandat de l’ONU de Gaza, de la Cisjordanie et de Jérusalem Est, avec une administration et une force de paix internationales. Cette administration serait soumise à de grands périls, du côté de tous les extrémistes, nous le savons, mais la paix exige des sacrifices. Elle aurait vocation à redresser l’économie et la société sur ces territoires par un plan d’aide significatif et par la protection des civils. Elle aurait également pour but de renouer le dialogue interpalestinien et de garantir des élections libres sur l’ensemble de ces territoires. Forte de ces résultats, elle appuierait des pourparlers de paix avec Israël en en traçant les grandes lignes.

Nous n’avons pas le droit de nous résigner à la guerre perpétuelle. Parce qu’elle continuera de contaminer toute la région. Parce que son poison ne cessera de briser l’espoir même d’un ordre mondial. Une seule injustice tolérée suffit à remettre en cause l’idée même de la justice.

Dominique de Villepin, 31/07/2014.
Dominique de Villepin est avocat. Il a été ministre des Affaires étrangères et premier ministre de Jacques Chirac.

 http://www.lefigaro.fr/vox/monde/2014/07/31/31002-20140731ARTFIG00381-dominique-de-villepin-lever-la-voix-face-au-massac
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COMMENTAIRES  

04/08/2014 15:05 par sdjqhfqmsjk

J’espère que nos "amis socialistes" (les vrais) vont ouvrir les yeux... Que ce soit la droite qui fasse la morale à un gouvernement PS de cette façon, ça devrait percuter dans leur cerveau !

04/08/2014 15:11 par Daniel Vanhove

Quand une personnalité politique (quelle qu’elle soit) utilise le mot "vérité" dans son discours, je sais à quoi m’en tenir... pcq s’il y a bien deux choses complètmt antinomiques ce sont ces deux termes-là : politique & vérité...
Tout citoyen que la chose intéresse sait qu’il n’y a pas terrain plus hypocrite et mensonger que la politique !

Cela étant précisé, si Mr de Villepin voulait vraiment tout reprendre dès le départ, il faudrait alors commencer par demander aux Palestiniens s’ils sont d’accords que soit établi un Etat étranger sur leurs terres... et voir quelle sera leur réponse. Là, effectivemt, on reprendra tout depuis le départ et on pourra p-ê construire qq chose sur une vérité inexistante aujourd’hui... à condition de respecter leur réponse... pcq précisémt, les politiques ne respectent jamais ce que les peuples décident quand ça ne va pas dans le sens de leurs intérêts... On l’a vu quand le Hamas a été élu à Gaza... on l’a vu quand des millions de citoyens défilaient dans les rues du monde entier pour refuser la guerre en Irak... on l’a vu quand la majorité en Crimée a voulu son rattachement à la Russie... plus près de chez nous, on l’a vu quand qqs pays ont refusé le Traité européen que les autorités ont fait passer de force... et on le voit chaque jour, dans la non-application du Droit international vis-à-vis de tous ceux qui l’enfreignent...

Mr de Villepin, arrêtez de nous vendre des vessies pour des lanternes... définitivemt, aujourd’hui : politique & vérité = imcompatible !!!

04/08/2014 16:18 par Antonio

Pas d’accord avec Daniel ! Malgré un certain nombre de choses (très) contestables ce texte ne manque pas de courage dans le paysage politique français actuel. Et que ce soit un homme politique de droite qui soit obligé de rappeler des vérités aussi élémentaires parce que nos dirigeants actuels n’ont aucune morale permet d’évaluer quelle sera la place de ceux-ci : les latrines de l’Histoire !

05/08/2014 10:48 par jean-marie Défossé

@Antonio
Où se situe le courage dans cette mise en scène grotesque ayant pour seul but de remettre sur le devant de la scène politique française la "bravoure" de l’aristocratie française en la personne de Mr Dominique de Villepin , digne héritier d’un fameux général de Gaulle ?

Si l’honnêteté avait été le premier critère de cet appel au final opportuniste et intéressé, nous aurions dû avoir des antécédents de vérité de la part de ce Monsieur de Villepin , bien avant le massacre de civils palestiniens , car le rôle d’un homme politique , c’est avant tout d’anticiper les événements risquant de provoquer ce genre de boucherie !
La politique française de bellicisme et la droite israélienne , bien imbriquées l’une dans l’autre , ne peuvent être que complices dans ce génocide palestinien qui nous rappelle , entre autres , celui des indiens d’Amérique .
GAZA , réserve palestinienne !

Que le parti socialiste en la personne de Mr Hollande prenne volontairement faits et causes pour la droite israélienne , entre autres bévues aussi graves et du même genre , cela fait partie du jeu politique français consistant à faire la part belle à la droite française et à ses "chevaliers blancs" de l’aristocratie française .
Ce n’est pas pour rien que la droite française nous a installé ce personnage de Mr Hollande , président sans envergure politique et roi de la "boulette" et qui aurait peut-être fait un très bon directeur de Pompes Funèbres ... en Corrèze , mais dont le rôle essentiel de sa vie politique consiste à préparer le terrain pour "de Grands Personnages" , tel Mr de Villepin et tels que la France a déjà eu (suivez mon regard), plus en adéquation avec les desiderata des marionnettistes de ce pays .
L’IMAGE DE LA FRANCE DOIT PARAITRE GLORIEUSE ... à défaut d’être humaine !

Ce n’est pas la vie d’innocents palestiniens qui soucie Mr de Villepin et Compagnie , mais plutôt la nouvelle image à donner à l’opinion française et internationale , d’une France "à la Hauteur" de ses anciennes ambitions seigneuriales !

En conformité avec le niveau de crédulité et d’indifférence du plus grand nombre de français , l’histoire de France actuelle oublie de nous préciser que les seigneurs d’une époque sont devenus les SAIGNEURS DU SANG DES PEUPLES des temps modernes !

Et tant pis pour les dégâts collatéraux que sont devenus les palestiniens , dont enfants , femmes et personnes âgées sont les principales victimes ; victimes nécessaires pour construire entre autres et indirectement , des pans entiers de l’histoire de France , aussi "nobles" que nos chers aristocrates !

05/08/2014 14:04 par Aris

C’est bien tard et bien peu monsieur de Villepin !

05/08/2014 16:09 par Antonio

@ jean-marie Défossé

Où se situe le courage dans cette mise en scène « « grotesque » »

Je ne vais pas reprendre point par point ce qui me paraît manifester un certain courage dans le contexte politique français, qu’il me suffise de dire que beaucoup de choses que dit de Villepin vont complètement à l’encontre de la présentation que nous fait la plus grande part de la presse française et "occidentale" en général qui n’est que le reflet de ce que défendent la plupart des hommes politiques aux commandes en Europe actuellement. Ça ne m’amènera certainement pas à voter un jour pour ce monsieur mais je lui reconnais un certain courage et de la suite dans les idées (voir la position qu’il a défendue contre tout le monde à propos de la guerre en Irak). Je peux être en désaccord avec toutes les autres positions de M. De Villepin, ça ne m’empêche pas de lui trouver des qualités !
Il y en a marre des positions de principe qui consistent à dégommer systématiquement ceux qui ne pensent pas exactement comme nous (le voudrions) !
La gauche et particulièrement la gauche radicale en crève !
Je me trouve en Équateur actuellement et je discute avec des personnes qui ont milité il y a 30-40 dans des mouvements de gauche radicale ou d’extrême gauche. Ils me disent que Correa est en train de réaliser certaines revendications qui étaient les leurs à l’époque mais ça n’empêche pas certains de leurs anciens camarades d’être farouchement dans l’opposition à Correa parce qu’il ne fait pas les choses exactement comme eux le voudraient !
Ça n’arrive jamais en France ? Ça n’est jamais arrivé ? Regardez l’état de la gauche française !
Attitude infantile et suicidaire !

05/08/2014 16:24 par legrandsoir

Vous nous ôtez les mots de la bouche.

05/08/2014 17:08 par Dwaabala

Nota bene. Cette intervention de D. de Villepin dans le Figaro a également été publiée en dossier PDF dans l’Huma.fr.
 Condamnation des actes d’Israël par le Conseil de Sécurité de l’ONU. Sanctions.
 Adhésion, selon sa demande, de l’Autorité palestinienne à la CPI.
 Force d’interposition de l’ONU afin de protéger les Palestiniens et de permettre les réparations, en préparant mieux.
Voilà ce qu’il demande en tant que personnalité politique française. Qu’il soit de droite, peu importe : il fait honte à ceux qui exercent actuellement le pouvoir. Puisse sa parole avoir le poids que lui confèrent les responsabilités qu’il a exercées !

05/08/2014 17:23 par Dwaabala

Noter aussi que D. de V. ne se contente pas de condamner la politique de M. Netanyahou, puisqu’il affirme que les sanctions doivent jouer le rôle d’un électrochoc sur la société israélienne : « réveiller la société israélienne, »dans laquelle « Amos Oz, Zeev Sternhell ou Elie Barnavi sont de plus en plus seuls à crier dans le désert, la voix couverte par le vacarme des hélicoptères. »

05/08/2014 17:48 par Dwaabala

... et, en contrepoint, ceci :
« S’il existe une Ligue de défense juive, c’est qu’il y a un grand nombre de juifs qui se sentent en insécurité. Ils ont le sentiment que monte un nouvel antisémitisme en France et qui est le fait de confrontations communautaires. »
in Marine Le Pen justifie l’existence de la Ligue de défense juive

06/08/2014 16:39 par Roger

C’est la 2ème fois que de Villepin dit quelque chose dont je n’aurai jamais à rougir pour la France.
Alors qu’à chaque intervention d’un abject politicien pour qui j’ai voté par triste devoir, je tourne au cramoisi de honte, je m’étrangle de vaine fureur...
Antonio m’a aussi ôté les mots de la bouche.
D’ailleurs, comme c’est précisément argumenté dans cette page de LGS, "Israël n’à aucun droit d’exister", si ce n’est par la volonté de l’ONU dont par ailleurs il ne respecte aucune des décisions !

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