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L’ancien et le nouveau

«  La crise, c’est quand le vieux n’arrive pas à mourir, et que le neuf n’arrive pas à naître »
Gramsci

Tu sais, quand je diffuse un texte parce que j’y trouve un intérêt que je souhaite faire partager, je ne suis jamais d’accord à 100 %. Je pourrais dire ce que je pense mais je considère aussi que chacun peut réagir à sa façon, ce que tu fais et dont je me félicite.

Cela étant, je ne pense pas que JPP (1 ) veuille rouler pour le PS, il emploie comme d’autres, indifféremment "socialisme" et/ou "communisme" comme on peut le retrouver chez les "classiques".

Il y a eu aussi un temps où le "socialisme" devait être la première étape ( URSS ) avant le passage au communisme proprement dit. J’ai fini par considérer que cette série d’étapes n’était guère dialectique et semblait plutôt ignorer les aléas du mouvement de l’histoire dont Marx dit que ce sont les "masses" qui la font, et qu’il valait mieux parler de "processus" pour parvenir au communisme.

DONNER REELLEMENT LE POUVOIR AU PEUPLE.

Ce qu’il convient d’assurer, c’est de donner réellement le pouvoir au peuple pour "dépasser" la démocratie instituée par la bourgeoisie et ses limites qui apparaissent avec netteté aujourd’hui.

Il convient en conséquence que le nouveau pouvoir se donne les moyens aptes à lui permettre de jouer pleinement son rôle et d’assumer ses responsabilités. Cela concerne au premier chef l’expropriation des capitalistes et l’appropriation sociale des grands moyens de production, d’échanges, établissements financiers...et l’Etat qui doit évoluer dans un processus de dépérissement vers des formes d’auto-administration de la société. Parler de "démocratie participative" me semble tout à fait insuffisant si ces deux premières conditions ne sont pas réunies.

C’est en ce sens que le "pauvre vieux" Marx est encore nécessaire. Pour ma part, j’évoque une image, celle de le convoquer au 21eme siècle pour nous aider à faire "l’analyse concrète" de la situation de crise que nous connaissons.

D’ailleurs, nombre d’historiens, sociologues, anthropologues,... continue à se référer aux "fondamentaux", tandis que les philosophes s’évertuent de donner un contenu aux vides qu’il n’a pas eu le temps matériel de combler. Bien évidemment tous ceux-là n’adhèrent pas nécessairement au parti communiste, à considérer qu’il y en ait un aujourd’hui digne de porter ce nom !

LE MOUVEMENT DE L’HISTOIRE

L’un des grands mérites de Marx, c’est justement qu’il a mis en évidence le mouvement (la dialectique) de l’histoire dont il situait les causes dans le mode de production et ses évolutions. Pour lui les situations historiques sont donc toujours nouvelles et on ne peut faire l’impasse de "l’analyse concrète des situations concrètes" ainsi que je le disais plus haut, et des contradictions qui les font se mouvoir.

Bien sûr, dans le processus dont je parle, je pense comme toi qu’il conviendra de prendre très vite des dispositions immédiates pour satisfaire les revendications latentes. Je pense en premier lieu à celles qui sont nécessairement portées par les huit millions de Françaises et Français qui vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Cette situation inadmissible dans un des pays les plus riches de la planète ne peut exister que parce que le capitalisme est devenu particulièrement avaricieux et prédateur lors de sa dernière forme financière.

En même temps, ainsi que je l’ai dit, mais j’y insiste, il conviendra que les mesures soient prises pour enlever les moyens du pouvoir à ces capitalistes gloutons, propriété et Etat, sans quoi ils ne tarderaient pas à reprendre à nouveau ce qu’ils auraient été obligés de céder, ainsi qu’on l’a vu à différentes reprises...et comme on continue de le voir puisque, jusqu’alors, les luttes n’ont pas permis d’engager véritablement le processus de transformation de la société, et le peuple, les salariés, se battent toujours dans la défensive contre les remises en cause de ce qui avait pu être conquis à d’autres étapes.

LE RETOUR DE MARX

Tu sais, les éditeurs viennent de faire état d’un retour vers l’achat des oeuvres de Marx, notamment de la part des jeunes, et je trouve que c’est particulièrement significatif. Je ne suis plus jeune et comme, à la retraite, je dispose d’un peu plus de temps, j’ai fait aussi ce retour vers Marx et je ne peux que m’en féliciter.

En premier lieu, Le Manifeste, qui est d’une particulière et étonnante jeunesse. Je souhaite que d’autres "anciens" fassent également cette expérience.

C’est aussi, je pense, le moyen de conjurer cet "état d’impuissance" dont tu parles.

A ces lectures aujourd’hui, je constate que j’ai eu tort de ne pas les lire davantage, non pas comme on pourrait lire un quelconque "catéchisme", c’est-à -dire quelque chose de figé, mais au contraire cette explication des causes du mouvement des sociétés, de la nécessité de rompre enfin avec le capitalisme et de passer à autre chose à l’initiative des "producteurs", ceux que Marx appelle les "prolétaires".

Leur nombre n’a pas diminué puisqu’ils représentent aujourd’hui 92% de la population active de la France, les autres professions, par exemple les exploitants agricoles, les artisans et autres travailleurs dits "indépendants", ayant les mêmes intérêts à faire valoir dans le rassemblement de tous pour gagner les changements propres à satisfaire leurs aspirations qui sont celles de ce début de 21eme siècle.

CE QUI EST EN TRAIN DE MOURIR

Tu sais, ce sentiment d’impuissance dont tu fais état, j’y reviens : il nous faut voir que "le vieux" est en train de mourir, et qu’il n’en finit pas... Ce n’est pas la première fois que le peuple et nous sommes confrontés à cette situation... Gramsci le disait d’ailleurs en son temps : "La crise, c’est quand le vieux n’arrive pas à mourir, et que le neuf n’arrive pas à naître."

Alors, ce vieux, quel est-il ?

Ce qui a vieilli depuis cinq siècles qu’il «  hante » l’Europe, Marx et Engels faisant remonter ses aspirations à affirmer sa prééminence sur la féodalité aux guerres de religion, et cherche en même temps à asseoir sa domination sur le monde à l’encontre d’autres civilisations qu’il voudra détruire, c’est le capitalisme !

Il a pu réussir à chasser les féodaux du pouvoir, à imposer progressivement son hégémonie qu’il partage quelque fois avec les anciens dominateurs, réussir la révolution industrielle et l’extraordinaire développement de la société qui en est résulté... en partie grâce au pillage colonial et une exploitation féroce des prolétaires, femmes et enfants compris !

Très vite cependant ses crises se sont manifestées, dans les guerres et les hécatombes, comme lors de la guerre de 1914-1918 dont les prémices faisaient dire à Jaurès que ce capitalisme porte en lui la guerre comme «  la nuée porte l’orage ». Dans les crises économiques comme celle de 1929 et son prolongement dans la montée du fascisme, en Allemagne, en Italie ou en Espagne où cette nouvelle «  reconquista » pris les formes de l’horrible guerre civile que l’on connait, et finalement dans le seconde guerre mondiale qui, comme son nom l’indique, concerna l’essentiel de la planète, pour asseoir l’hégémonie du l’impérialisme étanusien sur ceux de l’ancien monde.

A la fin de la guerre les Etats-Unis voulurent faire apparaître ce nouveau rapport des forces : ils demeurent le seul pays au monde à avoir employé la nouvelle arme qu’ils détenaient seuls alors, l’arme atomique. L’humanité entière commémore chaque année en août le souvenir tragique de cette barbarie contre les populations de deux villes japonaises.

Les sociétés se disant ou se voulant socialistes ou communistes apparues dans les luttes des peuples contre les guerres impérialistes ne purent s’affirmer dans la durée après avoir joué le rôle primordial dans l’écrasement du fascisme et dans le mouvement de libération des peuples asservis par les colonisations. Sans doute les retards historiques de développement, l’hypertrophie étatique, n’ont-ils pas permis aux peuples de ces pays de prolonger l’élan initial ! Le bilan réel reste à faire.

CE N’ETAIT PAS LA FIN DE L’HISTOIRE

Après 1992, le capitalisme mondial triomphant tenta de faire croire qu’il était la fin de l’histoire !

Las, c’est de nouveau la crise, ou plutôt les crises multiples que connaissent nos sociétés.

C’est bien de la crise du capitalisme dont il est question, la crise économique avec ses prolongements financiers dans les efforts désespérés de contrer la baisse tendancielle du taux de profit dans la dévalorisation du capital, la crise de l’énergie, avec les spéculations, avec la fin annoncée du pétrole et les guerres pour s’assurer les réserves les plus importantes, la crise environnementale qui résulte de son «  productivisme » effréné, la crise alimentaire qui prend de nouvelles dimensions...

Mais aussi la, ou les, crises politiques, les crises ou les guerres de domination, les crises de la démocratie de délégation de pouvoir où les décisions des peuples souverains sont foulées aux pieds, les crises de la démocratie représentative, les crises des partis, les crises constitutionnelles et institutionnelles, les crises juridiques... bref la crise de L’Etat et de ses appareils comme l’aurait dit Althusser.

Une crise totalisée où tout ce qui fait la vie d’une société est chamboulé à merci.

UNE DEMANDE DE NOUVEAU.

Une crise globalisée qui annonce une fin et demande du nouveau !

Comme le demandent les dernières conquêtes de l’humanité, l’informatique et l’automatisation, qui portent d’immenses potentialités, appellent de profondes transformations du mode de production, des solutions «  sociétales » inédites auxquelles le capitalisme, empêtré comme il l’est dans l’ensemble de ses contradictions et de ses crises, ne peut répondre.

Cela ne nous donne pas "la clé" mais permet de voir où nous en sommes et que l’on cherche à nous faire oublier : quand 61% des Français considèrent le capitalisme comme négatif, ce qui est pour moi une grande "première", quelque chose d’inédit, je pense que nous ne sommes pas seuls à attendre le nouveau...

Et il y a aussi ce qui est inscrit dans la mémoire populaire : «  Il n’est pas de sauveur suprême, ni Dieu, ni César, ni Tribun... Producteurs sauvons-nous nous-mêmes » !

La seule question que je me pose : quel va être le déclic qui peut tout enclencher ?

Car, nous avons eu déjà eu l’occasion de le dire, il n’y a aucune détermination préétablie, et d’autres crises, ainsi qu’il est rappelé ci-dessus, ont pu trouver des dénouements beaucoup plus tragiques.

Et les retours à différentes formes de répression doivent laisser penser que les classes dirigeantes sont aussi à la recherche d’un nouveau qui préserverait leur domination.

Michel Peyrat
 

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