L’arrestation d’Assange est une mise en garde de l’histoire (Counterpunch)

Dessin de Nathaniel St. Clair

L’image de Julian Assange traîné hors de l’ambassade de l’Equateur à Londres est emblématique de notre époque. La force contre le droit. La brutalité contre la loi. L’indécence contre le courage. Six policiers malmenant un journaliste malade, ses yeux plissés contre sa première lumière naturelle depuis près de sept ans.

Que ce scandale se soit produit au cœur de Londres, dans le pays de la Magna Carta, devrait faire honte et mettre en colère tous ceux qui se soucient pour les sociétés "démocratiques". Assange est un réfugié politique protégé par le droit international, le bénéficiaire de l’asile en vertu d’un pacte strict dont la Grande-Bretagne est signataire.

L’Organisation des Nations Unies l’a clairement indiqué dans la décision juridique de son Groupe de travail sur les détentions arbitraires.

Mais au diable tout ça. Laissez entrer les voyous. Dirigée par les quasi-fascistes de l’administration Trump, en collaboration avec l’Équatorien Lenin Moreno, un Judas latino-américain et menteur qui cherche à camoufler l’état moribond de son régime, l’élite britannique a abandonné son dernier mythe impérial : celui d’équité et de justice.

Imaginez Tony Blair traîné hors de sa maison géorgienne de plusieurs millions de livres à Connaught Square, Londres, menotté, pour être ensuite expédié à La Haye. Selon l’exemple de Nuremberg, le "crime suprême" de Blair est la mort d’un million d’Irakiens. Le crime d’Assange est le journalisme : demander des comptes aux rapaces, dénoncer leurs mensonges et donner aux gens du monde entier les moyens d’agir avec la vérité.

L’arrestation choquante d’Assange est un avertissement pour tous ceux qui, comme l’écrivait Oscar Wilde, "sèment les graines du mécontentement [sans lesquels] il n’y aurait pas de progrès vers la civilisation". L’avertissement est explicite à l’égard des journalistes. Ce qui est arrivé au fondateur et rédacteur en chef de WikiLeaks peut vous arriver dans un journal, ou à vous dans un studio de télévision, ou vous à la radio, ou vous qui diffusez un podcast.

Le principal bourreau médiatique d’Assange, The Guardian, collaborateur de l’État secret, a montré sa nervosité cette semaine avec un éditorial qui a atteint de nouveaux sommets en termes d’hypocrisie. The Guardian a exploité le travail d’Assange et de WikiLeaks dans ce que son précédent éditeur appelait "le plus grand scoop des 30 dernières années". Le journal s’inspira des révélations de WikiLeaks et s’attira louanges et fortune.

Sans verser un sou pour Julian Assange ou WikiLeaks, un livre largement promu du Guardian donna lieu à un film hollywoodien lucratif. Les auteurs du livre, Luke Harding et David Leigh, se retournèrent contre leur source, le maltraitèrent et divulguèrent le mot de passe qu’Assange avait confié au journal en toute confidentialité, conçu pour protéger un fichier numérique contenant des câbles des ambassades des États-Unis.

Alors qu’Assange était piégé à l’ambassade de l’Équateur, Harding se joignit à la police à l’extérieur et se réjouit sur son blog que "Scotland Yard aura le dernier mot". The Guardian a depuis publié une série de mensonges à propos d’Assange, notamment une affirmation discréditée selon laquelle un groupe de Russes et l’homme de Trump, Paul Manafort, avaient rendu visite à Assange à l’ambassade. Ces réunions n’ont jamais eu lieu ; c’était faux.

Mais le ton a maintenant changé. "L’affaire Assange est une toile moralement enchevêtrée", estime le journal. « Il (Assange) croit en la publication de choses qui ne devraient pas être publiées... Mais il a toujours fait la lumière sur des choses qui n’auraient jamais dû être cachées. »

Ces "choses" sont la vérité sur la façon meurtrière dont l’Amérique mène ses guerres coloniales, les mensonges du Foreign Office britannique dans son déni des droits des personnes vulnérables, comme les habitants des îles Chagos, la dénonciation d’Hillary Clinton comme une partisane et bénéficiaire du jihadisme au Moyen-Orient, la description détaillée par des ambassadeurs américains sur la façon dont les gouvernements en Syrie et au Venezuela pourraient être renversés, et beaucoup plus. Tout cela est disponible sur le site de WikiLeaks.

The Gardien est nerveux, et on le comprend. La police secrète a déjà rendu visite au journal et exigé et obtenu la destruction rituelle d’un disque dur. Sur ce point, le journal n’en est pas à sa première. En 1983, une commis du Foreign Office, Sarah Tisdall, a divulgué des documents du gouvernement britannique indiquant quand les armes nucléaires américaines de croisière arriveraient en Europe. Le Gardien fut couvert d’éloges.

Lorsqu’un tribunal a exigé de connaître la source, au lieu de laisser le rédacteur en chef aller en prison sur la base d’un principe fondamental de protection des sources, Tisdall fut trahie, poursuivie et condamnée à six mois de prison.

Si Assange est extradé vers les Etats-Unis pour avoir publié ce que The Guardian appelle des "choses" véridiques, qu’est-ce qui empêchera la rédactrice en chef actuelle, Katherine Viner, de le suivre ou l’ancien rédacteur en chef, Alan Rusbridger, ou le propagandiste prolifique Luke Harding ?

Qu’est-ce qui empêchera les rédacteurs en chef du New York Times et du Washington Post, qui ont également publié des bouts de vérité provenant de WikiLeaks, et le rédacteur en chef de El Pais en Espagne, de Der Spiegel en Allemagne et du Sydney Morning Herald en Australie. La liste est longue.

David McCraw, avocat principal du New York Times, a écrit : « Je pense que la poursuite [d’Assange] constituerait un très, très mauvais précédent pour les éditeurs... d’après ce que je sais, il est en quelque sorte dans la position classique d’un éditeur et la loi aurait beaucoup de mal à distinguer le New York Times de WilLeaks. »

Même si les journalistes qui ont publié les fuites de WikiLeaks ne sont pas convoqués par un grand jury américain, l’intimidation de Julian Assange et Chelsea Manning suffira. Le vrai journalisme est criminalisé par des voyous, au vu et au su de tous. La dissidence est devenue une indulgence.

En Australie, l’actuel gouvernement pro-américain poursuit deux dénonciateurs qui ont révélé que les espions de Canberra avaient mis sur écoute les réunions du cabinet du nouveau gouvernement du Timor oriental dans le but de priver ce petit pays pauvre de sa part des ressources en pétrole et en gaz de la mer du Timor. Leur procès se déroulera en secret. Le Premier ministre australien, Scott Morrison, est tristement célèbre pour son rôle dans la mise en place de camps de concentration pour les réfugiés dans les îles de Nauru et Manus, dans le Pacifique, où les enfants s’auto-mutilent et se suicident. En 2014, Morrison a proposé des camps de détention de masse pour 30 000 personnes.

Le vrai journalisme est l’ennemi de ces scandales. Il y a dix ans, le ministère de la Défense de Londres a publié un document secret qui décrivait les "principales menaces" à l’ordre public, au nombre de trois : les terroristes, les espions russes et les journalistes d’investigation. Ces sont ces derniers qui étaient désignés comme la principale menace.

Le document fut dûment divulgué à WikiLeaks, qui l’a publié. "Nous n’avions pas le choix", m’a dit Assange. "C’est très simple. Les gens ont le droit de savoir et le droit de remettre en question et de contester le pouvoir. C’est ça la vraie démocratie."

Et si Assange et Manning et les autres dans leur sillage - s’il y en a d’autres - étaient réduits au silence et "le droit de savoir, de questionner et de contester" était retiré ?

Dans les années 1970, j’ai rencontré Leni Reifenstahl, amie proche d’Adolf Hitler, dont les films ont contribué à jeter le sort nazi sur l’Allemagne.

Elle m’a dit que le message de ses films, la propagande, ne dépendait pas "d’ordres venus d’en haut" mais de ce qu’elle appelait le "vide apathique" du public.

"Ce vide apathique s’étendait-il à la bourgeoisie libérale et éduquée ?" lui ai-je demandé.

"Bien sûr, répondit-elle, surtout l’intelligentsia... Quand les gens ne posent plus de questions sérieuses, ils sont soumis et malléables. Tout peut arriver."

Et arriva.

Le reste, aurait-t-elle pu ajouter, c’est de l’histoire.

John Pilger

Traduction "ce n’est qu’un début, continuons..." par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles

 https://www.counterpunch.org/2019/04/12/the-assange-arrest-is-a-warning-from-history/

COMMENTAIRES  

12/04/2019 22:43 par JC

Juste pour prendre la température (ne sachant pas comment Assange est vu aux États-Unis, et notamment par le courant trumpiste vu qu’il est au pouvoir), j’ai été regardé sur Breitbart : https://www.breitbart.com/tech/2019/04/11/u-s-extradition-request-forced-assange-arrest/
Je suis rassuré de voir qu’il est honoré pour tout ce qu’il a fait, que les gens espèrent qu’il soit gracié par Trump et même médaillé (j’ai peur qu’ils ne se fassent des illusions... peut-être en fin de deuxième mandat, quand il n’aura plus rien à gagner). Et quelqu’un a rappelé à juste titre qu’on a un mystérieux fichier chiffré depuis des années, dont la clé devait être révélée en cas de problème chez Wikileaks (rappel, désolé c’est le premier résultat qui est tombé : https://www.france24.com/fr/20101214-assange-wikileaks-prison-caution-insurance-aes256-crypto-secret). Donc si ça tourne vraiment mal pour Assange... là encore ça ne sera pas pour rien.

13/04/2019 00:14 par Louise de Bretagne

It is a sad day for freedom of expression and information, journalists and whistleblowers are in grave danger {{}} in some so-called democratic countries.!

13/04/2019 20:15 par Bruno

Merci à M.Pilger pour son remarquable article où toutes les dimensions du sujet sont posées, analysées et réfléchies. Une source importante pour comprendre ce qui arrive à M.Assange et à nous-même.

Palme du second titre bien dégueulasse sur l’arrestation musclée du dissident international, au journal "Libération" qui il y a deux jours a intitulé dans la foulée de la honte :

"Julian Assange : la fuite est finie "

Un fuyard ? Vraiment ? ... c’est ça que la rédaction de "Libération" a trouvé comme terme juste pour nous informer sur l’ignominie politico - policière en cours ?

La qualité du papier du quotidien "Libération" est vraiment pourrie, on dirait du papier toilette de basse intensité, mais là vraiment, je conseille à la rédaction du journal de changer de titre car "Libération" ne convient plus du tout.

Je les laisse trouver les antonymes qui conviendront à la refonte complète du journal propriété du consortium publicitaire d’Altice et de l’oligarque macroniste, M.Patrick Drahi. Je ne doute pas que l’ancien directeur, Serge July, le pote de Nicolas Sarkozy trouvera rapidement les bons mots et le bon titre car là, le titre est à lui seul, une grossière Fake News !

14/04/2019 09:04 par François de Marseille

Triste journée. Ce genre de journée ou une mauvaise nouvelle, qu’on savait inéluctable, tombe. On a beau s’y être préparé, la baffe fait mal. Mais cette nouvelle ne surprendra que ceux qui croient encore en une certaine forme de justice. Un pas est franchi disent certain, moi je ne ressent rien de tel, je vois juste une énième forme de manifestation de la guerre mortelle à laquelle se livre la bourgeoisie contre toute forme de résistance.

14/04/2019 12:29 par babelouest

Au moins, Le Grand Soir peut s’honorer d’être de ceux que le Pouvoir attaque parce qu’il gêne. Pour le moment, ce ne sont que quelques sombres auteurs hébergés par des sites honteux (nous avons subi les mêmes). Cela pourrait devenir bien plus grave, dans le futur. La vérité est une arme terrible, pour ceux qui ne supportent surtout pas la lumière. Cela doit les préoccuper d’autant plus, que même handicapée et devant passer par de tortueux escaliers, elle parvient tout de même à se frayer un passage. L’Histoire jugera. Cela prendra peut-être cent ans, mais mais son tribunal tranchera, un jour.

Ce jour-là, peut-être la partie aujourd’hui considérée comme "DC la Folle" sera-t-elle en ruines, et petit à petit les quartiers particulièrement défavorisés de la même ville auront-ils repris un peu de lustre.

Vive l’Avenir !

14/04/2019 13:41 par act

cela mérite d’être signalé :
"Le Soir" tout court, est un de principaux médias de presse écrite belge francophone, consensuel se croyant au centre et donc à droite tient un discours plutôt mesuré sur Assange. Il va même jusqu’à publier un texte intitulé :
Alerte maximale pour les lanceurs d’alerte
intro : Comme Snowden, Manning et tous les activistes « anonymes », Julian Assange a eu le courage de s’attaquer aux zones occultes du pouvoir. Ne pas le soutenir, c’est être complice de celles et ceux portent atteinte à la démocratie.
ici : https://plus.lesoir.be/218021/article/2019-04-12/alerte-maximale-pour-les-lanceurs-dalerte

Et s’ils se montrent parfois plus motivés, Amnesty a toutefois pris position :
https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2019/04/julian-assange-must-not-be-extradited-to-the-usa/
n’hésitez pas à les encourager (gentiment, c’est plus productif) à en faire plus et faites de même...

14/04/2019 22:31 par Bruno

François de Marseille dit :

" Un pas est franchi disent certains, moi je ne ressens rien de tel, je vois juste une énième forme de manifestation de la guerre mortelle à laquelle se livre la bourgeoisie contre toute forme de résistance."

C’est exactement ce que je me disais à l’heure où l’armée brésilienne sous le président fasciste J.Bolzonaro assassine dans son pays 5 personnes chaque jour et " par erreur " quand il n’ intimide pas déjà ses opposants politiques, à l’heure aussi où Macron et son homme de main, Chistophe Castaner estropient et martyrisent des centaines de citoyennes et de citoyens chaque samedi tandis que la police monarchiste espagnole arrête de l’autre côté des Pyrénées des artistes catalans à la sortie de leur concert sous le prétexte que leurs chansons louant l’indépendance de la Catalogne ne plait pas au roi. L’ Uper- bourgeoisie mondiale qui se sait dangereusement minoritaire ne tolère plus ce qui ne lui ressemble pas et encore moins les voix agissantes des oppositions politiques contestant son règne inamovible. Souvenons-nous du journaliste repenti qui à ses débuts vantait le djihadisme et le pouvoir d’Arabie saoudite avant de faire machine arrière et d’écrire des articles critiques sur la dictature wahhabite atroce dans le Washington Post : piégé, torturé, étranglé et découpé à la machine à os ! Disparition définitive dans l’horreur et la souffrance de M. Jamal Khashoggi. M.Trump a regardé ailleurs pour ne pas froisser son allié politique mazouté et n’a pas dit grand chose sur le crime ignoble de son ami dictateur et grand psychopathe, Mohammed ben Salmane.

Ici, la classe politique macro-compatible ne veut pas froisser l’oncle Sam sur les crimes de masse en Irak dénoncé par le réseau Wikileaks et la vie des deux millions de personnes assassinées a vite été oublié après la campagne de terreur US intitulée " Choc et Effroi" (Blitzkrieg) . Par ailleurs la loi sur le secret des affaires, qu’elles soient commercialement d’ordre civile ou militaire en arrange plus d’un. Notamment ce même Macron lorsqu’il était à Bercy et qu’il avait permis à l’homme d’affaire indien Anil Ambani de recevoir une ristourne fiscale de 143 millions dans le scandale des " Rafales" en Inde. 143 millions d’euros annulés par le seul fait du prince-ministre et d’un simple coup de fil à son administration ! Autant d’argent - en forme de pot-de-vins déguisés - qui manque aujourd’hui dans les caisses de l’État républicain. Si le président Macron nous coûte aujourd’hui un pognon de dingue du fait de sa politique inepte, notons aussi qu’ il ne commente pas du tout l’arrestation de Julian Assange par la police monarchiste britannique. Peu lui chaut. Cela ne l’empêchera pas demain lors de sa prochaine incontinence mémorielle de faire de beaux discours à la voix chevrotante sur les droits de l’Homme et le nécessaire combat contre la barbarie.

Il va falloir un jour leur dire ce qu’ils ne savent pas ou font semblant de ne pas savoir déjà : la barbarie, ce sont eux.

20/04/2019 23:20 par mediacideur

Mérite d’être signalé aussi (Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
, et toute cette sorte de choses...), le texte de Plenel du 16, " Quand ils sont venus chercher Assange.. {{}}." Extraits :

"Le sort de Julian Assange, tout comme celui de Chelsea Manning ou d’Edward Snowden, dépasse sa personne, ses fautes ou ses erreurs. Ce que la puissance américaine et ses alliés étatiques veulent lui faire payer, c’est d’avoir ouvert la voie à une nouvelle utopie démocratique dont l’arme pacifique est le droit de savoir.

Il y a plein de raisons légitimes d’être indifférent au sort de Julian Assange (...) : les accusations de violences sexuelles qui le visent en Suède ; son aventurisme égocentrique dans la gestion de WikiLeaks qui a fait le vide autour de lui ; sa dérive déontologique vers la diffusion brute de documents, sans travail de vérification ni de contextualisation ; son obscure complaisance, à tout le moins, pour le pouvoir russe et son jeu géopolitique ;ses récentes élucubrations idéologiques sur les réseaux sociaux, visant notamment l’athéisme, le féminisme et l’immigration. Reste qu’aucune de ces raisons ne tient face à la raison d’État qui, depuis bientôt dix années, le persécute.

Nul besoin de les apprécier personnellement, encore moins de les soutenir aveuglément, pour comprendre que ces trois personnes (Manning, Snowden, Assange), qui ont pris leur risque avec l’audace de la jeunesse, resteront comme les figures emblématiques, courageuses et vaincues,des espérances démocratiques nourries par la troisième révolution industrielle de notre modernité.

Tous trois sont des héros du droit de savoir qui ont déjà payé fort cher pour le défendre. Quelles que soient leurs faiblesses, leurs égarements, leurs solitudes, leurs fragilités, nous leur devons reconnaissance et solidarité. Ils se sont battus pour que tout document concernant le sort des peuples, des nations et des sociétés soit connu du public afin qu’il puisse se faire son opinion, juger sur pièces, choisir pour agir, influer sur la politique des gouvernements et les affaires du monde.

En faisant la démonstration que l’information est à portée de clavier,WikiLeaks a proposé de renverser cette domination par les armes de l’information, de la connaissance et du savoir, armes ô combien pacifiques quand celles des États sont autrement violentes,humiliantes, offensantes et blessantes,voire meurtrières. C’est cette audace démocratique qu’à travers le cas de Julian Assange, les tenants de l’ordre établi, dans une coalition sans principe où seul le pouvoir compte, veulent sanctionner dans l’espoir de l’effacer, ne serait-ce que momentanément.

Pour la contrecarrer (La révolution numérique, lourde d’une Réforme, à l’instar de ce que fut le surgissement du protestantisme face à la corruption de la chrétienté), se dresse désormais une Contre-Réforme dont l’affaire Assange est le symbole : faire reculer les libertés numériques, diaboliser le peuple qui s’y exprime, regarder d’en haut une supposée foule afin de rester propriétaire de la vérité, se prémunir contre le surgissement des questions et des solutions portées par ce « n’importe qui » démocratique dont la révolution numérique permet l’épanouissement

Dans notre époque incertaine et fragile,nous n’avons collectivement qu’une protection, celle que nous procurent ces quatre droits fondamentaux que sont ceux de se réunir, de s’exprimer, de manifester et de savoir. Les défendre est aujourd’hui devenu un engagement prioritaire, et c’est pourquoi le sort de Julian Assange nous concerne. L’Europe, qui n’a pas su être au rendez-vous de ses valeurs autoproclamées en offrant l’asile aux pionniers de nos libertés numériques, ne devrait pas tolérer l’extradition du fondateur de WikiLeaks vers les États-Unis

« Pire que le bruit de bottes, le silence des pantoufles » : cette lucidité du dramaturge suisse Max Frisch fait écho à la mise en garde initiale de cet article : si nous restons indifférents au sort des pionniers des libertés numériques, nous serons les premières victimes de leurs mises en cause.

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