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La pénalisation des "clients" : La nécessaire mort d’un droit de l’homme (1)

En posant la responsabilité pénale des "clients" des personnes prostituées, l’État français mettrait fin au droit inique qu’il confère depuis des siècles aux hommes. Le droit-de-l’homme-aux-prostituées est en effet garanti par l’absence de législation formelle les condamnant : ceux-ci bénéficient donc du droit à disposer de l’accès aux sexes d’autres personnes - considérées par nos sociétés comme, justement, qualifiées à cet effet - dans des conditions qui, sauf rares récentes limitations législatives et jurisprudentielles, leur garantissent leur impunité.

Ce droit de l’homme était inscrit dans le Code civil de 1804. Celui-ci, tout en contraignant les femmes mariées, seules, au devoir sexuel conjugal, puisqu’elles seules devaient "obéissance [à leur] mari" (Art.213 C.civ), autorisait les maris à avoir des relations sexuelles avec toutes les femmes autres que leurs épouses.

Une seule restriction à ce droit était posée par l’article 230 C.civ qui disposait : "La femme pourra demander le divorce pour cause d’adultère de son mari lorsqu’il aura tenu sa concubine dans la maison commune". Ainsi, sans être considéré comme "adultère" - et donc sans avoir rompu le contrat de mariage - les maris étaient autorisés à avoir des relations sexuelles avec une femme salariée par lui - ou plusieurs -, avec une "concubine" dès lors qu’elle vivait hors de "la maison conjugale" - ou plusieurs -, ainsi qu’avec toutes les autres personnes, qualifiées ou non de "prostituées". Et, alors que l’épouse ne pouvait "ester en jugement sans [l’] autorisation" [de son mari] (Article 215 C.civ), pour obtenir le divorce, c’était à elle de déposer "plainte" à son encontre. (Article 339 du Code pénal de 1810).

L’adultère était pour la femme passible de prison ("deux ans au plus"), pour l’homme, d’une amende.

Quant à "la prostitution", assimilée à la "corruption [de la jeunesse] ", elle n’était condamnée que "si elle [avait] été "excitée, favorisée ou facilitée par les pères, mères ou tuteurs ou autres personnes chargées de leur surveillance".(article 334 C.pén).
La mise en prostitution des femmes et des enfants, était donc sous cette réserve, autorisée ; le proxénétisme n’était d’ailleurs même pas nommé.

Notre droit, malgré les nombreuses et importantes évolutions législatives en la matière, est resté fondé sur ce droit de l’homme : son fondement théorique n’a en effet jamais été remis en cause.

Et c’est ainsi que la légitimité historique d’un droit d’accès marchand des hommes aux sexes de personnes qualifiées de "prostituées" s’est perpétué. Depuis des siècles, les hommes sont donc en droit de dire à une catégorie de personnes démunies de tout recours contre eux : "Je pais et tu fais ce que je veux".
Ils sont en outre, pénalement, le temps de cet échange léonin, pénalement déresponsabilisés.

Combien de plaintes pour vols, coups et blessures, agressions sexuelles, viols, déposées par des personnes prostituées, ont-elles été reçues, instruites, jugées ? Combien de "clients" ont-ils été en prison pour violences à leur encontre ?

Le silence sur les délits et les crimes commis par les clients reflète l’insensibilité de nos sociétés à la vie, à la souffrance, à la mort des personnes prostituées : il doit cesser. Et ceci ne sera possible que si le scandale de l’impunité pénale des clients cesse.

Aucune politique abolitionniste, aucune politique féministe n’est plus pensable aujourd’hui sans cette position, tandis que la permanence de cette injustice patriarcale, à elle seule, suffit à invalider l’affirmation de l’universalité de notre droit.

Le renouveau politique de l’abolitionnisme (2) nécessite donc l’inclusion, dans le droit, du principe de la responsabilité pénale des clients.

Sous quelle incrimination ?

Ils pourraient être considérés comme "complices" de proxénétisme (Art.225-5 C.pén), pour avoir "facilité [….] la préparation ou la consommation" (Art. 121-7 C.pén) des crimes commis par les proxénètes.

Ils pourraient aussi - dans la mesure où "la violence" a été reconnue à l’ONU par le gouvernement français (2) comme constitutive de la prostitution - être poursuivis pour viols. En effet : "tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature que ce soit, commise sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol". (Article 222-23 du C.pénal )

Mais le recours à ces articles - dont le principe ne doit pas être pour autant exclu - n’est pas la solution adéquate. Pour poser de "nouvelles valeurs de notre société", (3) pour réparer ce déni de justice, il faut une incrimination pénale spécifique qui affirme clairement une nouvelle position de principe judiciaire, et donc politique, de rupture avec ce privilège sexuel, jamais aboli, des hommes.

Nous pourrions alors commencer à penser un futur où le désir serait libéré de la contrainte.

Comment y parvenir ?

Que les hommes qui se refusent pour des raisons politiques, éthiques et féministes à avoir des relations sexuelles avec les prostituées justifient politiquement leur position et s’engagent publiquement.

Qu’ils apportent ainsi leur solidarité aux luttes pour l’abolition du système prostitutionnel.

Ils se désolidariseraient ainsi, sans ambiguïté, du système patriarcal.

Marie-Victoire Louis

1 Ce titre n’a pas été repris par la revue.

2 Cf., le dossier : "Pour un abolitionnisme féministe" réalisé par les Pénélopes et, en son sein : M-V Louis ,"Contribution au débat pour la reconstruction politique de l’abolitionnisme féministe. Lettre ouverte au Collectif national pour les droits des femmes". 24 octobre 2002. Sur le site des Pénélopes. Octobre 2002.

Source : http://www.marievictoirelouis.net/document.php?id=520&themeid=336

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