La télécratie contre la démocratie, de Bernard Stiegler.

Bernard Stiegler est un penseur original (voir son parcours personnel atypique). Ses opinions politiques personnelles sont parfois un peu déroutantes, comme lorsqu’il montre sa sympathie pour Christian Blanc, un personnage qui, quels qu’aient été ses ralliements successifs, s’est toujours fort bien accommodé du système dénoncé par lui. J’ajoute qu’il y a un grand absent dans ce livre : le capitalisme financier.

Cet ouvrage a pour but de montrer comment et pourquoi la relation politique elle-même est devenue un marché parce que l’appareil télécratique, nous dit l’auteur, a « développé un populisme industriel qui engendre, à droite comme à gauche, une politique pulsionnelle qui a détruit le désir. »

En Europe, entre un tiers et deux tiers des enfants ont désormais la télévision dans leur chambre (les trois-quarts dans les milieux défavorisés en Angleterre). Aux États-Unis, dès l’âge de trois mois, 40% des bébés regardent régulièrement la télévision.
En 2004, Patrick Le Lay, ancien directeur de TF1 expliquait que le populisme industriel était devenu la loi de notre époque, les citoyens s’étant effacés devant « le temps de cerveau disponible ». Les consommateurs de la télécratie sont ainsi, et se sentent, irrémédiablement tirés vers le bas, ce qui provoque une réelle souffrance. Ils souffrent d’être seuls devant leur télé, tout en ayant le sentiment d’appartenir à une « foule artificielle d’où surgissent des processus d’identification régressive. »

Court-circuités en tant que représentants d’organisations sociales par le temps réel et le direct des médias de masse (ce qui les conduit à produire une pensée sous forme de slogans, par exemple), les représentants politiques ont tendance à court-circuiter à leur tour les organisations politiques qui les ont mandatées. Les présidentiables, nous dit Stiegler, recherchent les faveurs du quatrième pouvoir, en osmose désormais totale avec le pouvoir industriel et capitalistique, en « faisant de la télé-réalité politique, cultivant leurs personnages et leurs discours dans le sens de ce qui détruit l’opinion et avec elle la démocratie. Le peuple n’existe plus : il est remplacé par une population en attente de spectacles.

C’est parce que les liens sociaux ont été détruits par la télécratie que la répression est vouée à proliférer. Les politiques ne traitant jamais les causes des comportements déviants " barbares " (y compris ceux des patrons voyous) mais leurs effets.
Les blogs des politiques sont des simulacres qui imposent des modalités de fonctionnement inspirées des techniques de communication mises en oeuvre par les industries de programmes. Ces blogs ne proposent pas des programmes politiques (on utilise désormais le mot " logiciel " en lieu et place de programme), mais des réponses individualisées. Ce qui renforce tous les communautarismes, pas seulement ceux spécifiquement " ethniques " . La défense de la consommation, du " pouvoir d’achat " devient alors le commencement et la fin de la " politique" . Le marché, explique Stiegler, est désormais « l’unique horizon de toute identification collective ». La commercialisation (le marketing, pour parler la langue du dollar) crée du manque qu’il comble par un autre manque, ce qui débouche sur une consommation addictive, y compris pour la politique passée par le tamis de la télécratie. Tous les « segments de l’existence humaine » sont devenus des marchés. Les politiques ont intériorisé cet état de fait en ne voyant pas que leur « impuissance publique » n’était que la traduction de leur impuissance (acceptée) politique.

Cette télécratie est le corollaire superstructurel de la société de marché, cette société qui, bien sûr, creuse les inégalités et qui, selon l’auteur, « pose comme principe fondamental que l’individu se fait par le marché ». Stiegler dénonce, dans ce contexte, « l’explosion de l’espace et du temps publics ». Le consommateur, qui n’est pas un citoyen, n’a plus aucune prise sur ce qu’il utilise : transports privatisés, nourriture industrielle, thérapies géniques, services médicaux etc. Il tend à ne plus y avoir, prévient Stiegler, d’action publique.

Les privatisations (sans parler des délocalisations) renforcent la division industrielle du travail. Étant progressivement dépossédé de la responsabilité de son savoir, le travailleur n’est plus un ouvrier qui « ouvre le monde ». L’objet lui échappe en tant que sa fabrication.

Bernard GENSANE

La télécratie contre la démocratie, Bernard Stiegler - Paris, Flammarion, 2008

COMMENTAIRES  

27/04/2009 19:09 par Jean-Claude

Rien de neuf ! La Société du spectacle de Guy Debord est parue en 1967, et tout ce qui est dit là y était et bien plus. Mais, c’est bien de le rappeler.
Jean-Claude

14/09/2009 05:50 par Lamelune

oui c’est bien de le rappeler, surtout pour les jeunes même si la majorité ne vous lit pas, et que dans ce qui reste certains ont du mal à tout comprendre, d’autres comprennent mais n’agissent pas. Il en reste très peu qui ont définitivement banni toute télévision de leur existence. Cela fait 4 ans que je ne regarde plus la télévision et je m’en porte très bien... j’aimerai faire plus, pour les autres, mais que faire de plus pour lutter contre la télécratie ?

19/12/2018 06:03 par Lecteur

J’ai découvert Bernard Stiegler sur le Media, avec cette vidéo :

https://www.youtube.com/watch?v=3ggF2jE5d8M

J’ai été scandalisé que Le Media puisse inviter quelqu’un comme lui. J’ai passé 55 mins à me faire bourrer le crâne de conneries à la "Jean Marc Jeancovici". JMJ raconte les même salades mais sans nous dire toutes les conneries sur la physique.

Dans cette vidéo, Bernard Stiegler montre à ceux qui ont le niveau requis en physique qu’il n’a rien compris en physique, le second principe de thermo n’a jamais contredit la phrase de Lavoisier, l’irréversibilité et la flèche du temps donne le sens d’évolution d’un système dans le temps, mais ne dit pas que l’énergie se répands inévitablement. Comment expliquer la formation du système solaire si l’énergie se répands ou se dissipe uniquement ?
Ou plus simplement, comment un ouragan peut se former si l’énergie se répands inévitablement ?

J’ai été scandalisé que Le Media passe ce type, car pour moi, c’est ni plus ni moins qu’un physico-logue, la version en science physique du mathématicien, le numérologue.

Après mettre tapé 1 heure de ses conneries, je vous confirme que ce type ne vous vend que la même sauce Malthusienne que Jean Marc Jancovici, mais pour les gens qui votent France Insoumise. Au final, les objectifs défendus par Bernard Stiegler sont les mêmes que ceux de JMJ.

JMJ ment d’une façon différente que BS : Il ne dit que des choses vraies, mais fait très attention à occulter certaines parties qui changeraient tout le sens de son discours s’il était mis devant ces contradictions et qu’il devait se justifier.

19/12/2018 11:15 par Assimbonanga

Les jeunes ne regardent plus la télé. Ils choisissent à la carte des abonnements ciblés selon leur personnalité. Netflix fait un tabac. Sinon, il y a les jeux addictifs, Fortnite par exemple. Chacun sa bulle. Et c’est plutôt dommage qu’ils ne regardent plus la télé ! Ils peuvent ne plus se faire télescoper par l’actualité et juste rester réfugiés dans l’irréel. Julian Assage, ils n’en ont rien à foutre.
Je regarde toujours la télé mais avec mon bagage critique et souvent je fais des bons d’indignation donc, faut pas avoir peur de la télé : voir la télé ne rend pas nécessairement con (bon enfin, je suis peut-être présomptueuse.). On peut s’orienter et il y a des choses gratuites de qualité. Personne n’est obligé de regarder Anouna !
Bien des gens n’ont pas écouté les informations à la radio ni à la télé à propos des gilets jaunes. Ils ont juste vu dans leur secteur la circulation entravée, la préfecture brûlée, le trésor public empêché de fonctionner, etc...
Comment faire pot commun sans une télé commune ?
Sur les ronds-points à se peler les meules, les gilets jaunes ont renoué avec la chaleur humaine, un grand bonheur.

03/10/2019 15:25 par robess73

OK bernard.j ai regardé plusieurs conférences de stiegler !!!a prendre avec des pincettes...quelques vérités constatées..certes mais un rejet total du programme de la france insoumise...bref comme onfray tres utile au pouvoir !!!

02/09/2024 11:21 par milsabor

Bernard Stiegler est le chantre de l’anthropocène et de la bifurcation.
"L’Anthropocène est une nouvelle époque géologique qui se caractérise par l’avènement des hommes comme principale force de changement sur Terre, surpassant les forces géophysiques. C’est l’âge des humains ! Celui d’un désordre planétaire inédit." (sic)
Pour corriger cet effet néfaste des hommes sur la planète, BS propose l’initiation d’un changement de mode de production et de consommation qui se ferait en douceur, tellement progressif qu’on n’en ressentirait pas la douleur. Ceci afin d’éviter des réactions adverses.
Lordon oppose au concept d’anthropocène celui de capitalocène renvoyant la cause du désordre écologique au mode de production et de consommation capitaliste. Du coup il est clair que les réactions adverses aux changements correctifs seront celles du capitalisme luttant pour se maintenir et cela exclut le principe de bifurcation au profit de celui de révolution.
L’anthropocène est un moteur de culpabilisation collective qui fait le terreau de l’écolo-fascisme promu par le GIEC qui n’est qu’un procédé manipulatoire de fabrication du consentement à toujours plus de restrictions des libertés, de contrôle et de spoliation du peuple en même temps qu’une formidable machine de consommation obligatoire (énergies renouvelables, voitures électriques etc ...)
Filiation généalogique et idéologique oblige, Barbara, la fille à son papa, déclare "urbi et orbi" qu’"il n’y a pas de complot, que croire à l’existence de marionnettistes cachés en coulisse relève du fantasme infantile." (sic) cela devant un François Ruffin en pâmoison. https://www.youtube.com/watch?v=DKee-NveOFw&ab_channel=FRANCOISRUFFIN Stiegler 17:43

02/09/2024 12:11 par milsabor

Bernard Stiegler est le chantre de l’anthropocène et de la bifurcation.
"L’Anthropocène est une nouvelle époque géologique qui se caractérise par l’avènement des hommes comme principale force de changement sur Terre, surpassant les forces géophysiques. C’est l’âge des humains ! Celui d’un désordre planétaire inédit." (sic)
Pour corriger cet effet néfaste de "l’Homme" sur la planète, BS propose l’initiation d’un changement de mode de production et de consommation qui se ferait en douceur, tellement progressif qu’on n’en ressentirait pas la douleur. Ceci afin d’éviter des réactions adverses.
Lordon oppose au concept d’anthropocène celui de capitalocène renvoyant la cause du désordre écologique au mode de production et de consommation capitaliste. Du coup il est clair que les réactions adverses aux changements correctifs seront celles du capitalisme luttant pour se maintenir et cela exclut le principe de bifurcation au profit de celui de révolution.
L’anthropocène est un moteur de culpabilisation collective qui fait le terreau de l’écolo-fascisme promu par le GIEC qui n’est qu’un procédé manipulatoire de fabrication du consentement à toujours plus de restrictions des libertés, de contrôle et de spoliation du peuple en même temps qu’une formidable machine de consommation obligatoire (énergies renouvelables, voitures électriques etc ...)
Filiation généalogique et idéologique oblige, Barbara, la fille à son papa, déclare "urbi et orbi" qu’"il n’y a pas de complot, que croire à l’existence de marionnettistes cachés en coulisse relève du fantasme infantile." (sic) cela devant un François Ruffin en pâmoison. https://www.youtube.com/watch?v=DKee-NveOFw&ab_channel=FRANCOISRUFFIN Stiegler 17:43

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