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La voix de la France

Un homme dit un jour que nous avions la Droite la plus bête du monde. On ne se souvient pas bien de son nom ni du moment précis où il prononça sa sentence. On sait en revanche qu’il parlait de la France. Du temps a passé depuis et force est de constater que le mal - probablement endémique - n’a fait que croître et embellir. Avec « l’affaire tunisienne » dans laquelle ils sont embourbés jusqu’au coup tordu, Michèle Alliot-Marie et ses indéfectibles soutiens portent la bêtise politique au firmament. Hélas ! Il est à craindre que ladite bêtise déborde des limites de la Droite dans ce dossier comme dans d’autres. Voilà beau temps que la voix de la France manque de volume. Avec son actuelle ministre des Affaires étrangères la France devrait appliquer un sage principe : quand on ne parvient plus à se faire entendre, mieux vaut se taire. Qui osera faire taire Michèle Alliot-Marie et ses mensonges éhontés ?

On a fini par comprendre que MAM s’occupe aussi d’affaires étrangères, étrangères aux Affaires étrangères. Ce n’est pas fortuitement qu’elle a voyagé à quatre reprises au mois de décembre dernier à bord du jet privé d’Aziz Miled, homme d’affaires tunisien proche du clan Ben Ali. Elle l’a fait en compagnie de ses parents âgés de 94 et 92 ans qui se rendaient en Tunisie afin de conclure une affaire avec Aziz Miled. Bernard et Renée Marie possédaient en effet depuis des années 13 % du capital de la SCI Ikram détenue par Aziz Miled . A Tabarka, le 30 décembre, ce dernier a cédé au couple Marie la totalité des parts qu’il possédait dans Ikram. A cela rien d’illégal. Et puis, il était sans doute temps que les parents de notre ministre songent à se mettre à l"abri du besoin avant d’atteindre leurs vieux jours ! Cet avatar de plus dans la longue histoire des conflits d’intérêts est pourtant riche d’enseignements. On y voit d’abord que les liens qui unissent Michèle Alliot-Marie et Aziz Miled ne sont pas que des liens d’amitié. Si ça se trouve l’amitié n’a rien à faire dans l’affaire. Ne le dit-on pas du reste : les affaires et les sentiments sont étrangers les unes aux autres.

L’escapade de Tabarka en compagnie de l’homme d’affaires tunisien n’avait donc rien de fortuit. Il était forcément prévu de longue date : on ne cède pas une société tunisienne à des étrangers - fussent-ils des amis intimes - sans devoir s’acquitter de formalités préalables. La confusion des genres est ici patente : le haut de notre classe politique est tellement intriquée dans le tissu des relations qui l’unit au monde de l’argent que beaucoup de ses membres sont devenus incapables de séparer la défense de l’intérêt général incarnée par leur mission politique officielle et l"aide au renforcement des positions économiques ou financières de leurs amis avec lesquels ils partagent une longue histoire. Pire, certains ne sont plus conscients qu’il existe là un mélange des genres incompatible avec l’idée démocratique. Michèle Alliot-Marie n’a-t-elle pas fait cette déclaration ahurissante : quand je suis en vacances je ne suis pas ministre. Nous avons su depuis qu’il s’agissait de vacances… d’affaires qui ne devraient pas intéresser les Français puisqu’il s’agit de vie privée.

Plus grave est l’autre mensonge de la responsable de la diplomatie française. Contrairement à ses affirmations, Michèle Alliot-Marie s’est entretenue avec le Président Ben Ali par téléphone dix jours avant de proposer au régime tunisien en mauvaise posture l’aide de la police française si renommée pour son efficacité. Là encore, l’amie du régime tunisien tenta face aux réactions indignées que ne manqua pas de provoquer cette proposition scandaleuse de justifier cela par son intérêt marqué pour la sécurité du peuple tunisien. François Fillon était probablement tenaillé par le même souci de la santé des Tunisiens quand il autorisa peu de temps auparavant l’envoi de plusieurs dizaines de tonnes d’armement destiné à la police de Ben Ali. La vérité commande de dire qu’à un moment donné, ces gens étaient prêts à aller très loin dans le soutien de la France à un régime hyper corrompu et antidémocratique. Heureusement pour les Tunisiens, comme ces mêmes gens étaient incapables de comprendre ce qui se jouait dans les rues de Tunis, ils finirent un jour par tomber de leurs nues dorées et accepter d’un coup la chute du régime si longtemps salué comme « un modèle pour les pays en développement ».

C’est à Dominique Strauss-Kahn, digne représentant de la Gauche officielle, que l’on doit cette dernière ânerie péremptoirement lancée en 2008 quand tant de brillants esprits pensaient que le système Ben Ali était indestructible et ne voyaient jamais lors de leurs fréquents séjours en Tunisie les innombrables flics en civil arpentant le macadam des villes quadrillées. Il sera un jour Président de la République, histoire d’assurer la continuité de la voix de la France. Ainsi va « la démocratie représentative de marché » pour reprendre l’expression d’André Tosel, cet autre système dont la Révolution du jasmin - et peut-être celle d’Égypte - va accoucher pour le plus grand profit des oligarchies de la mondialisation capitaliste. Ces pays - à défaut de leur peuple - auront appris la nouvelle discipline inculquée par les experts du FMI. Le champ clos des affaires sera à nouveau sécurisé. Le printemps arrive ; il ne sera pas uniquement arabe. Déjà les touristes argentés font leurs valises !

Yann Fiévet

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