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Langue de bois ou langue de vipère

Dans un de mes articles récemment publié sur AgoraVox, j’ai fait part de mon émotion suite à l’annonce de l’explosion qui a eu lieu à Marrakech ce 28 avril dernier. Ce papier se veut délibérément en décalage par rapport aux réactions prédominantes dans la blogosphère et dans les médias traditionnels. Mon intention fut en quelque sorte de vouloir partager par l’écriture un sentiment ressentie suite à un évènement et de le partager avec ce que l’on appelle faussement l’opinion publique. Les nombreux commentaires que cet article a suscité m’oblige aujourd’hui à pousser la réflexion un cran plus loin. Non pas que je me sois décidé sous une quelconque pression à me risquer à une interprétation hasardeuse des faits et de leurs cadres géopolitiques, mais plutôt que cela m’a fait réfléchir et m’a permis de prendre directement conscience d’une réalité aujourd’hui bien ancrée : la relation manichéenne du média et de l’utilisateur avec en filigranes, celle de l’auteur et du lecteur ou celle de la dualité et de l’inter-dépendance. J’en suis arrivé à la conclusion qu’une importante part des intervenants présentent deux symptôme opposés et complémentaires, à savoir ceux de la langue de bois et de la langue de vipère, révélateurs d’un dialogue de sourds ou le cri diabolisant du désespoir fait face au ruminement imperturbable du politiquement correct. Je n’ai que peu d’espoir quant à leur salut, d’autant plus que ces dernières ne manqueront pas de nous prouver à nouveau leurs talents de rhétoriciennes. Et c’est très bien ainsi : les déclarations ont toujours prévalu face aux messes basses. J’en profite d’ailleurs pour leur adresser mes considérations les plus flegmatiques.

Il va de soi que les lecteurs et les auteurs sont tout aussi diversifiés que la société dont ils sont les expressions vivantes. A l’exception du fait qu’ils font partie de cette frange de la population mondiale sachant lire et écrire et ayant par conséquent acquis une certaine forme de conscience et de savoir, que l’on dissocie selon moi trop souvent de la notion de responsabilité qui en découle. Je pense comme Sartre l’a expliqué que l’écriture implique l’engagement de l’auteur, la transparence et l’expression de sa vérité face aux injustices du monde qui l’entoure. Mais l’accès sans cesse élargi à l’information et l’inquiétant développement des débats d’idées houleux et vides de substances, des idées réactionnaires ou autres thèses idéologiques qui tendent à réduire nos sociétés à une interprétation binaire de l’actualité, plonge le lecteur dans une brume permanente qui brouillent son champs de lecture, le poussant à être sans cesse pour ou contre tel ou tel sujet et à se réfugier dans les retranchements de son opinion, ce qui l’empêche d’évoluer dans sa recherche de vérité et fait évidemment les affaires de la propagande et de la manipulation de masse.

C’est selon moi, le paradoxe de notre temps : trop d’info tue l’info, surtout lorsque celle ci s’enferment dans une représentation stigmatisante du monde dont elle se veut le reflet. Le besoin compulsif de définir les intervenants, de délimiter leur rôle et de leur attribuer une cause est devenu bien plus fort que la nécessité de prendre le temps de réfléchir, de remettre en question sa compréhension et de se donner les moyens de cheminer vers la voix de l’équilibre, dans une posture de transparence et d’honnêteté avec le lecteur.

C’est sans doute en cela que le média participatif est une révolution. Il est insaisissable de part ses sources et son éditorialisme évolutif. Il s’associe les valeurs de ses composantes. Liberté que les médias traditionnels n’arriveront sans doute jamais à atteindre, pour la simple et bonne raison que leur intervention est unilatérale et très souvent tracée autour d’une ligne éditoriale bien déterminée. En revanche, bien que la tentation frappe à ma porte, je tiens à préciser que je ne fais pas pour autant l’apologie des médias participatifs en tant que contenu mais plutôt en tant que concept. Ils ont aussi leur travers et leurs incohérences, mais là où ils représentent à mes yeux les plates-formes d’information les plus démocratiques qui soient, c’est dans leur fondement même : l’information provient du citoyen. Et leur rôle devrait être, je pense, de plus en plus important. Parmi les nombreux articles rédigés sur ce sujet d’avenir, je sous suggère celui que Benoit Raphaël a publié sur son blog en 2008.

Pour clôturer cette note, je souhaite réaffirmer que je déplore que certains auteurs ou lecteurs, à fortiori des esprits qui se disent critiques et en perpétuel quête de connaissances, se prêtent à des conclusions grossières et réductrices sur un fait d’actualité si complexe que l’attentat de Marrakech, d’autant plus insensées qu’elles sont à chaud. D’autant moins crédibles lorsqu’elles sont passionnées ou vulgaires. N’est-ce pas là le type de réactions que l’on peut observer chez un enfant ou un adolescent en pleine contradiction avec lui même ? Se présenter comme une exigence dans les priorités de l’auteur est une chose, et je la revendique en tant que féru de lecture, mais il tout aussi important de garder à l’esprit que l’on ne peut agir à travers la réaction. La réaction est une réponse à l’action, mais elle ne peut en aucun cas se substituer à l’action, au risque de perdre toute sa raison d’être. S’interroger sur le contenu d’un propos ne peut se limiter au questionnement de la personne qui l’a tenu. Avant de vouloir naviguer entre les lignes, ne faut-il pas, au préalable, avoir lu les lignes ? Heureusement, cette dérive ne concerne pas tous les lecteurs, pour qui l’écriture demeure principalement un acte de conscience et donc une pratique positive et constructrice.

Badi BALTAZAR

www.lebuvardbavard.com

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