Au risque d’apparaître comme passéiste, je constate que le modèle économique qui a fait ses preuves et a prévalu durant des millénaires est le système rural du paysan et de sa ferme : une famille utilise la richesse produite par ses membres pour faire vivre ses membres. Pourquoi un état dont les entreprises industrielles et commerciales seraient nationalisées ne pourrait-il pas faire de même ? Le problème vient essentiellement du changement d’échelle : toutes les structures de l’État doivent être repensées pour s’adapter à cette nouvelle gestion. Utopique, irréaliste, absurde diront la plupart des gens qui s’appuient sur nombre d’échecs passés sans avoir l’honnêteté de reconnaître que la cause était sans doute moins imputable au système économique lui-même qu’à l’incurie des responsables, aux dérives de fonctionnement qu’ils toléraient et à leur gestion catastrophique.
La recherche du bonheur ou du bien-être des citoyens et la nationalisation de l’outil de production sont les deux fondements du socialisme. Grâce à une gestion rigoureuse, les richesses produites serviront à la communauté : salaires, éducation, santé, retraites, justice, transports, recherche, etc. L’éducation, la santé et les transports vers le lieu de travail seront gratuits. Ainsi plus besoin ni de sécurité sociale ni d’impôts, les salaires seront nets. La fraude fiscale et l’évasion fiscale n’existeront plus. Aucune utopie dans ces propositions car, à bien y regarder, c’est seulement un meilleur contrôle de la richesse produite et une plus juste répartition, rien de vraiment subversif. Les patrons, remplacés par des directeurs compétents, devront veiller, comme auparavant, à la bonne gestion de l’entreprise. Ce système garant d’une meilleure égalité sociale, évitera les écarts de salaires abusifs. À l’instar du système capitaliste, il viseront aussi le profit mais, comme le disait André Gorz, un profit subordonné au culturel et à l’éthique, et un profit qui bénéficiera à la communauté. Ce n’est pas le profit qui est critiquable mais ce qu’on en fait.
Le capitalisme considère que la rentabilité, le profit et la croissance sont les seuls critères de choix économique (1) et qu’ils doivent donc prévaloir sur tous les autres facteurs comme le social, l’écologie, le culturel et l’éthique. Le capitalisme vise avant tout l’enrichissement de la bourgeoisie au détriment du prolétariat qui est dès lors considéré comme un simple outil de production dont il se passerait volontiers. Les richesses produites, destinées aux patrons (2), aux investissements rentables et aux actionnaires, partent souvent vers les paradis fiscaux (5) : les prolétaires n’en verront jamais la couleur et devront se contenter des miettes tout en se consolant d’avoir encore un travail. La part de l’entreprise dévolue aux salaires et aux impôts (3) est systématiquement contestée et revue à la baisse de diverses manières : pression du lobby patronal, chantage au licenciement, menace de délocalisation, etc. Les entreprises privées sont une formidable pompe pour transférer l’argent des classes laborieuses dans les poches de la bourgeoisie. La richesse et le pouvoir des grandes entreprises privées leur permettent, grâce à des avocats fiscalistes bien payés, de monter des systèmes complexes et quasiment légaux pour éviter de payer des impôts. L’échelle de la fraude(4) et de l’évasion fiscale (5) permet de mesurer l’éthique et la conscience des défenseurs du capitalisme. L’état, voyant disparaître ainsi une grande part de sa richesse nationale, n’a pas d’autres choix que d’augmenter la pression fiscale sur les contribuables (6). Pour eux, c’est la triple peine :
· ils voient les riches s’emparer du fruit de leur travail.
· ils doivent compenser cette perte en s’acquittant d’impôts supplémentaires.
· ils voient le service publique disparaître au profit de compagnies privées à qui ils devront verser des cotisations pour espérer bénéficier encore de l’assurance santé et de la retraite. Il suffit de regarder les publicités dédiées pour s’en convaincre.
Le système capitaliste libéral est un système auto-stable : en effet les riches et les puissants, tenants du capitalisme libéral, ayant plus de chances d’accéder au pouvoir politique que les prolétaires, il est peu probable qu’il soit un jour remis en question, à moins qu’un Grand Soir… Le comble du cynisme est d’appeler ça une démocratie !
Daniel Sergal
13/09/2013