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Chaque année, des milliers de milliards d’euros échappent aux États.

Le grand hold-up

Les différences entre les systèmes économiques prônés par la gauche et la droite conduisent à des duels qui n’ont cessé de me laisser perplexe. Comment deux systèmes économiques opposés peuvent-ils faire autant d’adeptes, convaincus de leur bon choix, d’un côté et de l’autre ? Peut-être pourrait-on l’expliquer par le besoin de justice sociale des uns et la cupidité des autres. C’est simpliste mais pas forcément faux.

Au risque d’apparaître comme passéiste, je constate que le modèle économique qui a fait ses preuves et a prévalu durant des millénaires est le système rural du paysan et de sa ferme : une famille utilise la richesse produite par ses membres pour faire vivre ses membres. Pourquoi un état dont les entreprises industrielles et commerciales seraient nationalisées ne pourrait-il pas faire de même ? Le problème vient essentiellement du changement d’échelle : toutes les structures de l’État doivent être repensées pour s’adapter à cette nouvelle gestion. Utopique, irréaliste, absurde diront la plupart des gens qui s’appuient sur nombre d’échecs passés sans avoir l’honnêteté de reconnaître que la cause était sans doute moins imputable au système économique lui-même qu’à l’incurie des responsables, aux dérives de fonctionnement qu’ils toléraient et à leur gestion catastrophique.

La recherche du bonheur ou du bien-être des citoyens et la nationalisation de l’outil de production sont les deux fondements du socialisme. Grâce à une gestion rigoureuse, les richesses produites serviront à la communauté : salaires, éducation, santé, retraites, justice, transports, recherche, etc. L’éducation, la santé et les transports vers le lieu de travail seront gratuits. Ainsi plus besoin ni de sécurité sociale ni d’impôts, les salaires seront nets. La fraude fiscale et l’évasion fiscale n’existeront plus. Aucune utopie dans ces propositions car, à bien y regarder, c’est seulement un meilleur contrôle de la richesse produite et une plus juste répartition, rien de vraiment subversif. Les patrons, remplacés par des directeurs compétents, devront veiller, comme auparavant, à la bonne gestion de l’entreprise. Ce système garant d’une meilleure égalité sociale, évitera les écarts de salaires abusifs. À l’instar du système capitaliste, il viseront aussi le profit mais, comme le disait André Gorz, un profit subordonné au culturel et à l’éthique, et un profit qui bénéficiera à la communauté. Ce n’est pas le profit qui est critiquable mais ce qu’on en fait.

Le capitalisme considère que la rentabilité, le profit et la croissance sont les seuls critères de choix économique (1) et qu’ils doivent donc prévaloir sur tous les autres facteurs comme le social, l’écologie, le culturel et l’éthique. Le capitalisme vise avant tout l’enrichissement de la bourgeoisie au détriment du prolétariat qui est dès lors considéré comme un simple outil de production dont il se passerait volontiers. Les richesses produites, destinées aux patrons (2), aux investissements rentables et aux actionnaires, partent souvent vers les paradis fiscaux (5) : les prolétaires n’en verront jamais la couleur et devront se contenter des miettes tout en se consolant d’avoir encore un travail. La part de l’entreprise dévolue aux salaires et aux impôts (3) est systématiquement contestée et revue à la baisse de diverses manières : pression du lobby patronal, chantage au licenciement, menace de délocalisation, etc. Les entreprises privées sont une formidable pompe pour transférer l’argent des classes laborieuses dans les poches de la bourgeoisie. La richesse et le pouvoir des grandes entreprises privées leur permettent, grâce à des avocats fiscalistes bien payés, de monter des systèmes complexes et quasiment légaux pour éviter de payer des impôts. L’échelle de la fraude(4) et de l’évasion fiscale (5) permet de mesurer l’éthique et la conscience des défenseurs du capitalisme. L’état, voyant disparaître ainsi une grande part de sa richesse nationale, n’a pas d’autres choix que d’augmenter la pression fiscale sur les contribuables (6). Pour eux, c’est la triple peine :

· ils voient les riches s’emparer du fruit de leur travail.
· ils doivent compenser cette perte en s’acquittant d’impôts supplémentaires.
· ils voient le service publique disparaître au profit de compagnies privées à qui ils devront verser des cotisations pour espérer bénéficier encore de l’assurance santé et de la retraite. Il suffit de regarder les publicités dédiées pour s’en convaincre.

Le système capitaliste libéral est un système auto-stable : en effet les riches et les puissants, tenants du capitalisme libéral, ayant plus de chances d’accéder au pouvoir politique que les prolétaires, il est peu probable qu’il soit un jour remis en question, à moins qu’un Grand Soir… Le comble du cynisme est d’appeler ça une démocratie !

Daniel Sergal
13/09/2013

»» http://www.lavenirduquebec.org/

(1) Alors qu’environ la moitié des entreprises du CAC 40 ne paye pas d’impôt sur les sociétés, selon Nathalie Kosciusko-Morizet, c’est un chiffre qui risque de faire polémique. En 2011, les entreprises qui composent l’indice CAC 40 - qui ont toutes publié leurs résultats à l’exception de celles qui ont un exercice décalé - ont dégagé 74 milliards d’euros de bénéfices nets. Leur chiffre d’affaires atteint 1324 milliards d’euros. L’Expension 8/3/2012

(2) Près de 93 M€. C’est ce que pèsent les salaires versés en 2012 aux patrons du CAC40, l’indice regroupant les quarante plus grosses entreprises cotées à la Bourse de Paris. Entre leur salaire fixe et la part variable, qui dépend de l’atteinte ou non d’objectifs définis par le conseil d’administration de l’entreprise, chacun d’entre eux a touché en moyenne 2,3 M€. Le Parisien 06/05/2013

(3) Voilà un mot qui fâche : "impôt". Il y a ceux qui disent en payer trop, d’autres pas assez. Et ceux qui n’en paient pas du tout. C’est le cas de grands groupes français du CAC 40. Exemples : Total, qui a réalisé l’an dernier 12 milliards d’euros de bénéfices, s’est acquitté de 300 millions d’euros au Trésor public. "Avant, c’était zéro", affirme Mathilde Dupré qui travaille pour la plate-forme Paradis fiscaux et judiciaire. En 2009, Saint-Gobain n’a pas payé d’impôt sur les bénéfices et n’est pas la seule grande entreprise dans ce cas. Le Monde Culture 10/09/2013

(4) La fraude fiscale atteindrait entre 60 et 80 milliards d’euros en France, selon un rapport de Solidaires-Finances publiques publié ce mardi. Soit près de 20% des recettes fiscales brutes. Les Echos 22/01/2013

(5) Chaque année, des milliers de milliards de dollars échappent aux États. On estime qu’entre vingt mille milliards et trente mille milliards de dollars sont dissimulés dans les quelque soixante paradis fiscaux existant dans le monde. Depuis des décennies, des multinationales cherchent à réaliser un maximum de profit en payant - bien évidemment - le moins de taxes possible. Optimisation fiscale, évasion fiscale, trust... Tous les procédés légaux, ou pas, se révèlent utiles pour engranger encore plus de billets verts. C’est le cas de la firme Colgate-Palmolive. Il y a une dizaine d’années, ce groupe a décidé de délocaliser son siège social français en Suisse. Conséquence : plus d’impôt à payer sur les bénéfices et fin de l’intéressement pour les salariés. En toute impunité, la multinationale a pu transférer les gains qu’elle a réalisés en France à l’étranger. Aux Caïmans, notamment, un bâtiment de quatre étages abrite... 18 000 entreprises. Dans l’État du Delaware, aux États-Unis, 285 000 entreprises sont enregistrées dans un immeuble d’un étage. Comme l’explique le documentaire (produit par Arte France et Maha Productions), l’évasion fiscale a une double conséquence dramatique pour les États : elle les oblige à faire des coupes budgétaires et à sacrifier des services publics. ou à s’endetter. En Grèce, où les armateurs, les banquiers et l’Église - pourtant premier propriétaire foncier du pays - ne paient pas d’impôt, on estime l’évasion fiscale à quelque 45 milliards d’euros, soit près de 20 % du PIB national. Si le pays récupérait la moitié de cette somme "la Grèce n’aurait plus de problème", estime Nikkos Lekkas, de la brigade fiscale grecque. Le Monde Culture 10/09/2013

(6) Depuis son élection François Hollande a rajouté près de 28 milliards d’euros d’impôts, qui sont venus après les quelque 27 milliards votés dans la deuxième moitié du quinquennat de Nicolas Sarkozy. France Info 8/9/2013


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