Pour Benoît Bréville, un autre protectionnisme est toujours possible : « Seattle avait été choisie pour sa modernité, son dynamisme, son ouverture au monde. Le berceau de Microsoft, de Boeing, de Starbucks, avec son immense port tourné vers l’Asie. La ville, à forte tradition syndicale, fut aussi le théâtre de l’une des plus grandes grèves générales de l’histoire des États-Unis, en 1919. Mais ça, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) l’avait oublié quand elle décida d’y organiser sa troisième conférence ministérielle, fin novembre 1999. Certes, quelques formations militantes avaient appelé à manifester, mais le défilé ne devait « pas durer plus de trois ou quatre heures », certifiait le maire de la ville. Finalement, pendant quatre jours, une foule bigarrée de cinquante mille âmes s’empara de la Cité émeraude, bloquant carrefours et stations de métro. »
Sophie Bourdet déplore qu’on enferme de plus en plus la jeunesse : « Une idée reçue voudrait que la jeunesse, toujours plus violente, plonge peu à peu la société dans le chaos. D’où les appels à davantage de sévérité et d’enfermements. Mais dans quelles conditions ? Et avec quelles conséquences ? »
Pour Renaud Lambert, la Chine prend la barre de la mondialisation : « L’offensive commerciale menée par les États-Unis ne constitue pas une véritable rupture dans la politique américaine à l’égard de la Chine. Mais, cette fois, Pékin a décidé de tenir tête. Par un renversement difficile à concevoir il y a trente ans, c’est désormais le Parti communiste chinois (PCC), et non la Maison Blanche, qui s’érige en défenseur du multilatéralisme et du libre-échange. »
Les politiques contre le peuple (par André Bellon) : quand les Français refusaient de ratifier le traité constitutionnel européen : « Le 29 mai 2005, un peuple disait « non ».Après une campagne intense et une forte mobilisation populaire, le traité établissant une Constitution pour l’Europe est rejeté par référendum le 29 mai 2005. Les institutions permirent ensuite au président Nicolas Sarkozy de bafouer ce vote en faisant adopter un texte jumeau : le traité de Lisbonne. Sous-estimé à l’époque, ce déni de démocratie marque pourtant un tournant dans la vie publique française.
Pour Rémi Carayol, le Sénégal est à tâtons sur le chemin de la transformation sociale : « Que sont devenus les 700 milliards de francs CFA (1 milliard d’euros) que Dakar avait débloqués pour lutter contre le Covid-19 ? Un récent rapport de la Cour des comptes relève des « fautes de gestion », cinq anciens ministres risquent la Haute Cour de justice. Ce scandale intervient alors que le gouvernement issu de l’alternance historique de mars 2024 cherche à satisfaire une forte demande sociale sous le regard sourcilleux des bailleurs de fonds internationaux. »
Donald Trump est désormais en guerre contre la libre expression (Eric Alterman) : « Persuadée que les institutions culturelles américaines lui sont hostiles et enseignent la haine d’Israël ainsi que de l’Occident, la nouvelle administration a décidé de les purger. En expulsant les chercheurs étrangers trop critiques, en coupant les fonds des universités récalcitrantes, en assimilant à de l’antisémitisme les manifestations de solidarité avec la Palestine. Pour le moment, la peur l’emporte sur la colère. »
Ce que corroborent Serge Halimi et Pierre Rimbert : « La giboulée de décisions liberticides prises par la Maison Blanche, le concours qu’y apportent des oligarques de la tech séduits par l’extrême droite provoquent la stupeur et l’effroi des libéraux européens. Faute de concevoir une parade ou un changement de cap, ils espèrent que leurs contestataires de gauche vont une fois encore les renflouer politiquement. Ce vœu sera-t-il exaucé ?
Y a-t-il un axe Washington-Moscou ?, demande Marlène Laruelle : « Au cours des dernières semaines, la relance du dialogue entre les autorités américaines et le pouvoir russe a surpris, voire déstabilisé, nombre de capitales européennes. Des débats télévisés ressassent le soupçon d’une collusion entre des dirigeants que réunirait une commune idéologie conservatrice. Mais on peut s’influencer, s’admirer même, sans s’allier… »
Selon Christophe Trontin, loin du front, Moscou poursuit sa métamorphose : « L’explosion des dépenses militaires en Russie n’a pas ralenti la multiplication des grands chantiers qui rythment la vie quotidienne dans la capitale depuis quelques années. La modernisation de la mégalopole ultra connectée se poursuit, avec le renfort indispensable d’une main d’œuvre immigrée pourtant de plus en plus mal accueillie par les Moscovites. »
Israël et la Turquie sont peut-être les meilleurs ennemis (Ariane Bonzon) : « L’incarcération du maire d’Istanbul Ekram İmamoğlu, en mars dernier, a provoqué d’importantes manifestations qui se poursuivent dans les universités. Au nombre des divergences opposant le leader de l’opposition au président Recep Tayyip Erdoğan, le soutien d’Ankara au nouveau pouvoir en Syrie. Un choix qui pourrait placer la Turquie sur une trajectoire de collision avec son ancien allié, Israël.
Perry Anderson réfléchit sur la force des idées : « Les uns attribuent l’actuelle vague réactionnaire aux idéologues James David Vance, Peter Thiel ou Steve Bannon. D’autres pointent les effets de la mondialisation sur le salariat occidental. À quelles conditions les idées rencontrent-elles les forces sociales pour changer le monde ? Des origines du christianisme au néolibéralisme, l’historien Perry Anderson dévoile le grand jeu des doctrines et des intérêts. »
Éric Aunoble et Yurii Latysh décrivent la victoire sur le nazisme vue de Kiev : « En 2023, Kiev adoptait le 8 mai pour célébrer la défaite de l’Allemagne hitlérienne, que Moscou commémore le 9. Mais, à l’approche du quatre-vingtième anniversaire, l’Ukraine semble céder à son ennemi le prestige de cet héritage : en effaçant la mémoire des Ukrainiens ayant combattu dans l’Armée rouge, elle masque aussi leur contribution majeure à la victoire sur le nazisme. »
Selon Florentin Cassonnet, les Roumains sont entre deux autoritarismes : « L’annulation du premier tour du scrutin présidentiel du 6 décembre dernier, remporté par le candidat d’extrême droite Călin Georgescu, ne semble pas en mesure d’endiguer la montée fulgurante de ce courant politique en Roumanie. De nombreux électeurs aspirent à changer le système en sanctionnant les partis proeuropéens, qui s’accrochent au pouvoir par tous les moyens. »
Lisa Giraud et Raphaël Kempf expliquent pourquoi il faut critiquer les juges : « La figure de proue du Rassemblement national (RN) prétend avoir fait les frais d’une politisation de la justice. Elle profite en réalité d’un système à deux vitesses, dur avec les faibles et doux avec les puissants. Celui-là même qu’elle défend à l’Assemblée nationale. »
Selon Margot Hemmerich et Clémentine Méténier, le Groupe SOS lorgne les espaces naturels protégés : En 2020, le Groupe SOS prenait le contrôle des Marais du Vigueirat avec une stratégie de diversification et d’expansion. Mais les méthodes du mastodonte de l’entrepreneuriat social ont mis en péril la santé du personnel comme la préservation de cet espace protégé unique en France. L’efficacité dans la collecte de subventions ne suffit pas à la gestion d’une réserve naturelle. »
Pour Nicolas Sirvent et Patrice Taourel, Le Covid n’a pas sauvé l’hôpital : « Remettre de l’humain, des moyens et du sens dans notre système de soins. » En juillet 2020, le ministre de la santé Olivier Véran présentait les conclusions d’une ample concertation. En pleine pandémie, durant deux mois, plus d’une centaine d’acteurs s’étaient alors penchés sur l’avenir du système. Cinq ans plus tard, deux médecins racontent leur déception. Les maux de l’hôpital ne sont toujours pas guéris. »
Le Brésil plaide pour le multilatéralisme (Celso Amorim) : « Brasília s’engage sur divers fronts face aux désordres internationaux qui se multiplient. Dans cette contribution rédigée avant la guerre commerciale lancée par les États-Unis, le conseiller diplomatique du président Luiz Inácio Lula da Silva éclaire l’action et les orientations de son gouvernement pour la construction de nouveaux équilibres mondiaux. »
La gauche belge se positionne contre le réarmement (Pierre Mertens) : « Secrétaire général du Parti du travail de Belgique (PTB), qui a réalisé une percée lors des élections fédérales de 2024, M. Peter Mertens présente ici l’analyse de sa formation politique face à la perspective d’un grand réarmement européen pour affronter la « menace russe ». Contrairement aux discours dominants, rappelle-t-il, préparer la paix n’implique pas nécessairement de faire la guerre.
Selon Emilie Bickerton, « Adolescence », la série fait sa crise : « Une pétition qui exige la diffusion d’« Adolescence » dans les collèges français a déjà recueilli des milliers de signatures. Pourtant, la série-phénomène parle surtout aux adultes, de leurs tourments de parents, de leur rapport confus aux images. »
Timothée de Rauglaudre propose L’ésotérisme en dix leçons : « Dans les rayons ésotérisme de la Fnac du Forum des Halles à Paris, des classiques du xixe siècle – comme les ouvrages d’Allan Kardec, père du spiritisme, ou Le Livre des tables, de Victor Hugo – côtoient des titres contemporains sur l’astrologie, le chamanisme ou la vie après la mort. Une jeune femme arrête son ami dans l’allée : « Attends, le vampirisme, ça m’intéresse ! » Étudiante en sociologie de 22 ans, Shanice préfère la sorcellerie et la médiumnité. Elle navigue entre des comptes de « sorcières » sur Instagram et les rayons de la Fnac : « C’est ma façon de vivre, comme si j’avais une religion. »