RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Lénine et le contenu anticolonial de la révolution russe

Le centenaire de la mort de Lénine tombe dans un climat culturel et politique qui n'est certainement pas propice à la libre confrontation intellectuelle et très peu enclin à évaluer les raisons et l'héritage d'un événement qui, quel que soit notre jugement, a marqué un changement de vitesse radical dans l'histoire de l'humanité, dont nous ne pouvons pas nous désintéresser.

Dans un cadre où le communisme et le nazisme sont présentés comme des frères jumeaux, issus de la même dégénérescence totalitaire, le principal protagoniste de la révolution russe est généralement considéré comme l’origine de tous les fanatismes idéologiques modernes. Si le XXe siècle a été classé comme le siècle des horreurs, des dictatures et des totalitarismes, selon l’opinion dominante aujourd’hui, Lénine est l’archi-démon à qui l’on doit toutes les calamités et les horreurs d’un siècle sanglant.

Que l’histoire qui s’est ouverte avec l’assaut du ciel en octobre 17 ait connu des contradictions et des limites est incontestable, sinon notre raisonnement serait différent et porterait sur d’autres questions, sans devoir partir d’un fait incontournable : la défaite historique du socialisme. Cependant, même en tenant compte de cet épilogue et de ses nombreuses causes concomitantes, une plus grande historicisation du socialisme en général et des processus révolutionnaires qui ont enflammé l’Occident au XXe siècle aiderait à mieux comprendre ce siècle marqué par de grands drames, mais aussi par des conquêtes historiques dans l’histoire de la lutte pour l’émancipation de l’humanité.

La première hypothèse conceptuelle de la révolution de Lénine était que chaque pays atteindrait le socialisme à sa manière, en fonction de ses particularités économiques, historiques et culturelles. Conformément à cette perspective, Lénine est arrivé à la conclusion que la voie de son pays vers le socialisme devait être extrêmement différente de celle empruntée, ou imaginée, par les pays occidentaux.

À la base d’une telle conception des processus de transformation, on trouve le rejet du schéma unique et figé de modernisation et de transition du socialisme positiviste, qui ignorait totalement la réalité historico-territoriale du processus en cours et le protagonisme du sujet social de l’émancipation. En d’autres termes, le socialisme s’affirmerait non pas par l’action concrète des exploités avec leurs luttes sociales et politiques, mais par le cours fatal des choses, au terme d’un processus dont l’épilogue est déjà écrit dans les lois de l’économie et dans lequel, tôt ou tard, arrivera la crise finale du capitalisme.

Selon les schémas positivistes de la Deuxième Internationale, un pays arriéré comme la Russie ne pouvait même pas envisager un processus révolutionnaire socialiste sans avoir d’abord connu toutes les étapes du "via crucis du capitalisme" et les stades d’évolution de la société bourgeoise. De même, on pensait que l’européanisation forcée des domaines coloniaux accélérerait les processus d’évolution de ces pays en les libérant de structures socio-économiques archaïques et d’institutions despotiques et féodales. En substance, l’impérialisme aurait rapproché le socialisme, de sorte que les raisons de l’expansion coloniale, dans la littérature de l’époque, étaient légitimées par le devoir de protéger les peuples "primitifs", par la mission civilisatrice de l’Occident.

Face à ce panorama qui, selon Gramsci, trouvait son correspondant en Italie dans l’approche erronée de notre socialisme à l’égard de la question méridionale, Domenico Losurdo a souligné un aspect particulièrement important : parmi ses nombreuses significations, la révolution russe a représenté un point de non-retour dans l’histoire mondiale, avant tout pour son contenu et son engagement anticoloniaux, et c’est précisément à ce stade que se situe la distinction entre le marxisme "oriental" et le marxisme "occidental" après Marx.

Grâce à cette impulsion anticoloniale du communisme de Lénine, le marxisme a franchi les frontières rigides de l’Occident, devenant en Asie, en Afrique et en Amérique latine une doctrine de libération pour les pays arriérés et périphériques, où c’était la question agraire et non celle du prolétariat qui prévalait. C’est précisément l’incompréhension, la sous-estimation ou le paternalisme à l’égard de la question coloniale et, en son sein, le désintérêt pour la centralité de la question agraire, qui ont produit des lectures contradictoires expliquant en grande partie la subalternité idéologique, l’inconclusivité et la marginalité de la gauche dans les pays capitalistes avancés.

Gianni FRESU

Gianni Fresu est docteur en philosophie à l’Université d’Urbino Carlo Bo, professeur de philosophie politique à l’Universidade Federal de Uberlândia (MG/Brasil), chercheur à l’Université de Cagliari et président de l’International Gramsci Society Brasil de 2019 à 2022. Membre fondateur de l’International Gramsci Society Brasil dont il a été le président de septembre 2019 à septembre 20222. Membre de la Société italienne de philosophie politique et du comité scientifique de l’École internationale d’études Gramsci, créée par la Fondation de l’Institut "Antonio Gramsci", la Société internationale Gramsci, la Maison-musée Antonio Gramsci et financée par la Fondation Banco di Sardegna. Il est membre des groupes de recherche "Antonio Gramsci" de l’Universidade Federal de Uberlandia et de l’Universidade Federal de Santa Catarina (Florianopolis), du Nucleo de Estudos e Pesquisa "Estado, Políticas públicas e práticas sociais" (Universidade Estadual de Ponta Grossa, Paraná-Brasil). Membre du groupe pour la traduction intégrale des Cahiers de prison de l’italien au portugais de la Société internationale Gramsci Brésil. Il a été militant du Parti de la refondation communiste et secrétaire régional pour la Sardaigne.

»» https://italienpcf.blogspot.com/2024/01/lenine-et-le-contenu-anticolon...
URL de cet article 39323
  

Maurice Tournier. Les mots de mai 68.
Bernard GENSANE
« Les révolutionnaires de Mai ont pris la parole comme on a pris la Bastille en 1789 » (Michel de Certeau). A la base, la génération de mai 68 est peut-être la première génération qui, en masse, a pris conscience du pouvoir des mots, a senti que les mots n’étaient jamais neutres, qu’ils n’avaient pas forcément le même sens selon l’endroit géographique, social ou métaphorique où ils étaient prononcés, que nommer c’était tenir le monde dans sa main. Une chanson d’amour des Beatles, en fin de compte très (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Il faudrait d’abord étudier comment la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l’abrutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral, et montrer que, chaque fois qu’il y a au VietNam une tête coupée et un oeil crevé et qu’en France on accepte, une fillette violée et qu’en France on accepte, un Malgache supplicié et qu’en France on accepte, il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort, une régression universelle qui s’opère, une gangrène qui s’installe, un foyer d’infection qui s’étend et qu’au bout de tous ces traités violés, de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées. de tous ces prisonniers ficelés et interrogés, de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y a le poison instillé dans les veines de l’Europe, et le progrès lent, mais sûr, de l’ensauvagement du continent. [...]

Aimé Césaire

Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
Appel de Paris pour Julian Assange
Julian Assange est un journaliste australien en prison. En prison pour avoir rempli sa mission de journaliste. Julian Assange a fondé WikiLeaks en 2006 pour permettre à des lanceurs d’alerte de faire fuiter des documents d’intérêt public. C’est ainsi qu’en 2010, grâce à la lanceuse d’alerte Chelsea Manning, WikiLeaks a fait œuvre de journalisme, notamment en fournissant des preuves de crimes de guerre commis par l’armée américaine en Irak et en Afghanistan. Les médias du monde entier ont utilisé ces (...)
17 
Hier, j’ai surpris France Télécom semant des graines de suicide.
Didier Lombard, ex-PDG de FT, a été mis en examen pour harcèlement moral dans l’enquête sur la vague de suicides dans son entreprise. C’est le moment de republier sur le sujet un article du Grand Soir datant de 2009 et toujours d’actualité. Les suicides à France Télécom ne sont pas une mode qui déferle, mais une éclosion de graines empoisonnées, semées depuis des décennies. Dans les années 80/90, j’étais ergonome dans une grande direction de France Télécom délocalisée de Paris à Blagnac, près de Toulouse. (...)
69 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.