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Les casseurs de l’économie - La lutte contre la stupidité économique (Counterpunch)

Les yeux de tous ceux qui gagnent de l’argent étaient fixés sur les chiffres de l’emploi ce matin après que la bourse américaine ait enregistré sa chute la plus importante depuis 2009 et que la panique se soit répandue dans tous les marchés boursiers de la planète. Les chiffres annoncés n’étaient pas aussi mauvais que beaucoup l’avaient craint : l’économie étasunienne avait généré 117 000 emplois en juillet et le taux de chômage était passé de 9,2 à 9,1 pour cent. Mais le déclin du taux de chômage était dû aux gens qui avaient cessé de chercher un emploi, pas à ceux qui avaient trouvé un emploi ; et la situation générale du marché du travail aux USA reste très mauvaise. Il n’y a que 58,1 pour cent des Etasuniens en capacité de travailler qui aient du travail, le plus mauvais chiffre depuis la récession. Comme le note mon collègue, Dean Baker, "avec le gouvernement qui supprime 30 000 emplois par mois, nous aurons de la chance si le taux de chômage ne grimpe pas avant la fin de l’année."

La faiblesse de l’économie étasunienne est en partie responsable de l’affolement qui a saisi les marchée hier mais ça n’en est pas la raison principale. L’oeil de la tempête cette fois est en Europe et c’est la Banque Centrale Européenne qui a déclenché les événements d’hier. La BCE a annoncé qu’elle relançait son programme d’achat de bonds des gouvernements en difficulté après quatre mois d’interruption mais pas ceux de l’Espagne et de l’Italie a-t-elle précisé.

Cela a déclenché la peur d’une crise financière pour deux raisons : la première à cause de la crainte que les marchés financiers continueraient à spéculer contre les bonds italiens en faisant monter les taux d’intérêt à tel point que l’Italie ne pourrait plus emprunter sur les marchés et serait obligée d’emprunter auprès des autorités européennes comme la Grèce, l’Irlande et le Portugal l’ont déjà fait.

La dette publique de l’Italie est de 2.600 milliards, ce qui représente plus du triple du total de l’économie globale de ces trois pays. Les autorités européennes -qu’on appelle parfois la "troïka" de la Commission Européenne, l’Union Européenne et du FMI- ne sont pas encore prêtes à accorder des "aides" d’un pareil montant.

La seconde source de crainte concerne les banques européennes qui ont prêté des centaines de milliards de dollars à l’Italie et à l’Espagne. Comme les taux d’intérêt de ces bonds vont augmenter et leur valeur diminuer ces banques risquent d’avoir des problèmes de liquidité et d’essuyer des pertes financières. Les problèmes des banques européennes ont aussi alimenté la crainte d’un effondrement financier.

Alors pourquoi la BCE a-t-elle envoyé cet inquiétant message aux marchés hier ? La réponse est simple : elle essaie de forcer le gouvernement italien à réduire davantage son budget. Comme c’est la dangereuse habitude dans la zone euro, on joue une fois de plus à qui se dégonflera le premier.

En ce qui me concerne, je crois que les têtes vont se refroidir et que les autorités européennes feront tôt ou tard ce qu’il faut pour empêcher l’effondrement financier. A ce qu’on sait, les USA font aussi pression sur elles pour qu’elles prennent des mesures plus agressives pour contenir la crise. Et la menace que représentent les dettes italiennes et espagnoles a été exagérée.

Mais malheureusement résoudre les problèmes actuels des marchés financiers ne résoudra pas le problème de la vaste majorité des peuples d’Europe et des USA -pays dont les économies ont aussi un large impact sur la plus grande partie du monde puisque les pays où le niveau de vie est élevé représentent encore la moitié de l’économie mondiale.

Le problème de base est que les gouvernements de ces deux ensembles économiques n’ont rien compris à la macroéconomie. Et de ce point de vue l’Europe est sans doute encore bien pire que les USA -car au moins notre Réserve Fédérale a pris quelques mesures positives de politique monétaire en maintenant les taux d’emprunt à court terme proches de zéro depuis décembre 2008 et en créant plus de deux mille milliards de liquidités par assouplissement quantitatif.* La BCE est beaucoup plus à droite comme cela a été pleinement démontré hier ; ils ont des intérêts à court terme à 1,5% ( en ayant augmenté le taux d’intérêt deux fois cette année) et leur politique monétaire globale a été beaucoup plus conservatrice que celle de la Fed.

La politique fiscale des autorités européennes est d’essayer de forcer les gouvernements les plus faibles de la zone euro à réduire leurs déficits budgétaires alors même qu’ils sont en récession ou en très faible croissance avec des taux de chômage de 20% en Espagne et 16% en Grèce. Ca ne marche pas et ça ne pourra jamais marcher.

Nous assistons désormais au triste spectacle des USA emboîtant le pas à la zone euro sur la route de la stagnation depuis que notre Congrès, notre président et la plus grande partie des médias se sont mis d’accord pour que la réduction de la dette publique devienne la priorité nationale. Et cela, bien que nous ayons 25 millions de chômeurs et de personnes travaillant à temps partiel contre leur gré ou de personnes qui ne cherchent même plus de travail. C’est bien sûr absurde. Le déficit est en très grande partie dû à la récession et à la faible reprise. Comme la plupart des Etasuniens le savent maintenant, toute la "crise" du plafond de la dette a été fabriquée de toutes pièces. En fait les USA n’ont pas vraiment de crise de la dette ; le paiement de l’intérêt de la dette se monte seulement à 1,4% du PIB, un chiffre bas selon les standards historiques et internationaux. Notre problème principal est le chômage.

Quand la loi sur le plafond de la dette est passée au Congrès, même des économistes d’origine relativement conservatrice comme le FMI et le directeur du fond de bons PIMCO ont fait remarquer que cela nuirait probablement à l’économie. L’économie des USA n’a pas encore retrouvé son niveau d’avant la récession et c’est pareil en Europe ; la Chine, quant à elle, a enregistré une croissance de 40% au cours de cette même période de trois ans et demi. Eux ils ont une bonne politique macroéconomique.

C’est l’ironie tragique de ce qui se passe aux USA et en Europe : une décade perdue est en train de se dérouler et cette épreuve inutile, nous nous l’infligeons stupidement à nous-mêmes.

Mark Weisbrot

Mark Weisbrot est économiste et codirecteur du Center for Economic and Policy Research. Il a écrit avec Dean Baker :"Social Security : the Phony Crisis".

Cet article a été originellement publié par The Guardian.

Pour consulter l’original : http://www.counterpunch.org/weisbrot08082011.html

Traduction : Dominique Muselet pour LGS

Note :

(*) Quantitative easing Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Assouplissement_quantitatif

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