Ce 30 juin, j’écoutais " L’invité classique " , l’émission d’Olivier Bellamy sur Radio Classique.
Bellamy est un très fin connaisseur de la musique et des musiciens classiques. Son émission est un régal. La parole des invités n’est pas coupée toutes les sept secondes, ils peuvent s’exprimer en toute liberté et Bellamy les aide subtilement à livrer la part d’eux-mêmes qu’ils veulent bien livrer. C’est à son micro que, pour la première fois, je crois, Jean-Claude Casadesus a confié que, dans les années soixante, il avait accompagné en studio Sheila, qui plus est aux percussions.
Hier, Bellamy recevait à Moscou le jeune chef d’orchestre ossète Tugan Sokhiev, à l’occasion d’un déplacement de l’orchestre du Capitole de Toulouse en Russie. Il m’a été donné d’assister récemment à un concert dirigé par Sokhiev : c’est un grand, et Bellamy le considérait comme tel. Ce qui ne l’empêcha pas, après une dizaine de minutes d’interview, de lui infliger la remarque suivante :
– J’imagine que les musiciens russes sont amusés par le pouvoir de nuisance des syndicats de musiciens français.
Bellamy s’attendait peut-être à ce que le maestro embraye sur le même registre, en vrai relais de l’idéologie capitaliste-maffieuse de la Russie d’aujourd’hui. Manque de chance, Sokhiev expliqua de manière nuancée que la section syndicale du Capitole défendait, naturellement, le niveau de vie et les conditions de travail au quotidien des musiciens. Et il ajouta, ce qui importait au plus haut point, qu’elle le faisait toujours avec le seul souci de servir la musique. Ceci cloua le bec de Bellamy.
Les gens les plus raffinés savent être les plus grossiers. Il faut en effet une bonne dose de vulgarité pour introduire dans un échange consacré à la " grande " musique une " analyse " politique aussi prosaïque afin de tenter de déstabiliser un interlocuteur qui vous dépasse de cent coudées.
Radio Classique fait partie du groupe de Bernard Arnault LVMH, où tout n’est que « luxe, calme et volupté ». La station compte de vrais spécialistes, mais aussi des produits d’appel, comme le journaliste sportif Nelson Montfort ou Jean-Luc Hees qui y pantouflait il y a peu encore, avant que Sarkozy et Philippe Val le nomment à la tête de Radio France.
Avec Radio Classique, ce n’est pas le capitalisme qui est au service de la musique, mais bien la musique qui est au service du capitalisme.