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Les Zindigné(e)s n° 31

Un numéro largement consacré à la montée du FN.

Paul Ariès incrimine les « liquidateurs » : J’ai provoqué volontairement une polémique assez vive sur le site de nos amis de Politis en expliquant, à la veille du second tour des régionales, que les fusions techniques entre les listes de gauche (EELV, PG, PCF, Ensemble !, etc.) et le parti « socialiste » ajoutaient de la confusion à la confusion en donnant le sentiment que faire liste commune avec les « socialistes » serait possible, malgré la condamnation de sa politique. Comme si le P « S » n’était pas responsable de la montée de la droite et du Front-national en ayant choisi d’abandonner les milieux populaires et les jeunes au chômage. Comme si la meilleure façon de combattre l’extrême-droitisation ce n’était pas d’exiger d’abord de nos partenaires « techniques » « socialistes » quelque chose que nous estimons essentiel, comme l’arrêt de certains grands projets inutiles imposés, comme la gratuité des services publics régionaux, comme la démocratisation des institutions, etc.

Pierre Zarka interroge le scrutin des régionales, la « tempête » Le Pen :

La réactivité d’abstentionnistes du premier tour des régionales dit que nous ne sommes pas d’abord en présence d’une irrésistible attraction du Fn, mais d’abord devant une panne de perspective transformatrice. a quelle perspective (heureuse) peuvent s’identifier celles et ceux qui font l’expérience que quel que soit leur vote, ce qui sort des urnes ne fait que prolonger et amplifier ce que faisaient les précédents élus ? c’est sur cette panne que réagissent les abstentionnistes qui, loin d’être passifs, sont en colère et refusent de jouer un jeu fait pour les berner. Qui pourrait reprocher à quelqu’un sa lucidité ? Quant au FN, il surfe sur le ressentiment provoqué non seulement par les promesses jamais tenues et l’exaspération qui suit, mais aussi sur le fait qu’aucune force qui se réclame d’une alternative n’en porte réellement les contours.

Membre du PG, Jean-Pierre Lemaire nous invite à ne pas nous décourager :

C’est avec beaucoup de modestie qu’il faut envisager l’analyse de la nouvelle période ouverte par les attentats de novembre, l’état d’urgence et la montée continue du Front national. au delà de la sidération et de l’impuissance, l’heure est avant tout à l’introspection. avant de s’accorder sur la nécessité de « tout changer », encore faut-il comprendre la situation et se poser quelques bonnes questions en tentant d’avancer dans trois directions : comment en est-on arrivé là ? Pourquoi eux et pas nous ? la gauche est-elle condamnée à disparaître ?

Pour Christian Jacquiau, décembre 2015 fut « l’heure de vérité » :

Cela faisait déjà longtemps que le divorce était consommé entre les citoyens et ceux qui prétendent les représenter. ce désamour s’est traduit lors des dernières élections régionales par une désaffection de l’électorat des partis pseudo républicains doublé d’une mobilisation des électeurs d’un Front national conforté par les voix protestataires d’un électorat trop content de donner une bonne leçon à ceux qu’ils n’ont guère d’autres moyens de sanctionner. Et maintenant ?

Pour Jacques Testart, il faut « bouleverser les usages frelatés de la démocratie » :

Cette situation, où le FN devrait trouver un nouveau ring, ne pourrait être prévenue qu’en s’y préparant par une culture de la convivialité et du partage, en bouleversant complètement les règles du jeu politique afin que le plus grand nombre ne se trouve pas exclu, en plaçant le bien des humains au dessus de toutes les actions. Il s’agit d’inventer et appliquer des règles pour rendre possible l’avenir immédiat. Sans de telles règles, proprement révolutionnaires, tout effort des partis pour afficher un programme supposé satisfaire les besoins authentiques de la population sera considéré comme une manœuvre par l’électorat. Ce n’est plus seulement le contenu du programme qui compte, mais le protocole mis en action pour le réaliser.

Le FN : « péril brun ou grand méchant loup ? », demande Jean-Pierre Garnier :

Au début de l’an 2015, la France - une certaine France - avait démarré en beauté avec cette consigne répercutée tous azimuts et suivie par une masse auto-satisfaite et hébétée : « Je suis charlie ». elle termine l’année, rassemblée de manière tout aussi grégaire sous l’injonction diffusée aux cinq coins de l’hexagone une semaine durant : « barrer la route au Fn ». Faire front face au Front, tel fut, en effet, le mot d’ordre qui allait réanimer ce qui tient lieu de vie politique dans un pays où celle-ci était devenue exsangue à force d’« alternances » sans alternative.

L’économiste Jean Gadrey nous invite à « interpréter » rapidement le « traumatisme » de l’élection :

C’est après le « tournant de la rigueur » de 1983-1984 (la première percée du FN remonte aux élections européennes de 1984 avec 2,2 millions de voix), puis la montée en puissance, au milieu des années 1980, du social-libéralisme et du nombre des « déçus du socialisme » que le FN atteint un premier palier haut autour de 4 millions de voix, niveau auquel il se maintiendra en moyenne jusqu’en 2007. C’est beaucoup, mais on n’est pas encore aux plus de 6 millions de 2015. Le passage à ce niveau plus élevé se produit en deux temps, d’abord entre 2010 et 2012, à la fin de la présidence Sarkozy, et depuis 2012, sous Hollande, Valls, Macron et consorts.

Quel avenir pour la gauche, demande Florent Bussy ? :

La « fin de l’histoire » espérée n’a pas eu lieu, la France paye aujourd’hui le prix des choix de ses dirigeants, des zones d’ombre de la République. À force de soutenir des dictatures, de mener des jeux troubles au Moyen Orient et en Afrique, elle connaît aujourd’hui le retour de bâton. Nous sommes les cibles de ses attentats, parce que nous sommes impliqués dans des opérations qui localement maintiennent nos sources d’approvisionnement en matières premières et énergies et de profits pour nos grandes multinationales. La guerre nous touche (même si cela restera probablement très localisé), parce que nous menons des guerres extérieures, parce que notre modèle économique est fondé sur l’exploitation et la spoliation, sur le soutien à des dictatures et sur la désespérance des peuples. Daech s’est fait des alliés des populations sunnites écrasées par la chute de Saddam Hussein. Il ouvre une brèche dans la désespérance. En Europe, il concentre l’espoir de certains de ceux qui ne trouvent aucune place dans un modèle qui accepte l’exclusion toujours plus accentuée d’une partie des siens, qui ne propose pas d’avenir, mais qui affirme cyniquement que la richesse continuera d’être concentrée entre quelques mains, entre quelques nations et que les « damnés de la terre » ont vocation à se taire et se soumettre.

L’économiste Michel Husson apporte un éclairage économique sur la montée du FN :

Peut-on quantifier les liens existant entre les scores du Front national et la conjoncture économique et sociale ?

Malgré le risque d’une lecture « économiciste », l’exercice peut apporter un éclairage, certes partiel mais utile. Il montre qu’il existe effectivement une corrélation assez étroite entre le vote FN et les perspectives sociales et économiques mesurées par le chômage et la stagnation du niveau de vie.

Le FN ne reculera pas tant que s’incrustent le chômage et la précarité sociale. Imaginons que soit garanti le droit à l’emploi et à un revenu décent : si l’analyse qui précède est correcte, elle implique que les « fondamentaux » du FN seraient largement ébranlés et que sa décrue pourrait commencer. Mais cela implique des mesures radicales : réduction du temps de travail, créations ex nihilo d’emplois utiles, remise en cause de la répartition inégalitaire des revenus. On sait que la gauche gouvernementale a totalement tourné le dos, depuis longtemps, à cette orientation. Et la crise est venue creuser le pas à franchir dans le degré d’affrontement avec le système.

Il se trouve que le programme du FN est fondamentalement anti-social : il propose des aides aux petites entreprises et à la production nationale, plutôt que la baisse du temps de travail ; il envisage de réduire les emplois publics plutôt que de les favoriser ; il préconise une baisse indifférenciée des impôts plutôt que la justice fiscale et l’investissement public. Tous ces arguments critiques doivent être diffusés mais, aussi fondés soient-ils, ils sont en grande partie inaudibles. Restent les luttes sociales. Elles sont le seul levier qui permet en pratique de marginaliser le FN. Dans les luttes pour l’emploi, pour les retraites, pour la santé, la dimension sociale reprend le dessus et les réflexes xénophobes passent au second rang. Jamais le FN n’a vraiment réussi à s’inscrire dans les mobilisations sociales. Il faut donc qu’une autre « mayonnaise » prenne : entre les luttes locales, sectorielles, souvent défensives, et la construction d’un autre horizon, d’un projet de transformation sociale. Cette perspective peut - malheureusement - sembler hors d’atteinte aujourd’hui, mais c’est sans doute la seule qui puisse enrayer la montée de la droite extrême.

Par ailleurs co-auteur de Marine Le Pen amène le pire, Maxime Vivas pose une grave question à propos du Venezuela : « Venezuela : Nicolas Maduro a perdu les élections législatives. Mais pourquoi ? Et contre qui ? »

Cependant, ont été observées la tristesse de Caracas au lendemain du scrutin, l’absence de liesse dans les rues et la mobilisation de collectifs populaires et des syndicats qui se déclarent en « état d’urgence », après qu’une partie du peuple a fait défaut au successeur d’Hugo Chávez. Car Fedecámara (le MEDEF vénézuélien) a aussitôt annoncé l’agenda de la future Assemblée Nationale. Entre autres : privatiser les services publics, supprimer les subventions publiques, renvoyer les médecins cubains qui garantissent la santé gratuite sur tout le territoire national, abroger la loi organique du travail (le Code du travail), les lois contre l’escroquerie immobilière, celle pour la protection des locataires... Et cela, dans le silence des médias internationaux, hier si attentifs au sort du peuple vénézuélien affecté par des pénuries, dont celle de « papier toilette ».

Robert Ali Brac de la Perrière revient sur un problème qui n’a pas fini d’être topique, les semences paysannes et la souveraineté alimentaire :

Au début de ce siècle, l’imposition des plantes transgéniques brevetées comme seul horizon aux cultures alimentaires de demain a brutalement réveillé les campagnes, assoupies depuis quelques décennies à l’écoute de la berceuse du progrès éternel : produire toujours plus et vivre toujours mieux. Les OGM ont brisé l’enchantement. et le mouvement pour les semences paysannes est né.

Le dépistage organisé du cancer du sein nuit-il aux femmes, demandent les oncologues Georges et Nicole Delépine ?

Chaque année les Françaises sont victimes d’une intense campagne de désinformation sur le dépistage organisé du cancer du sein. le ministère de la santé, l’institut national du cancer et de nombreuses entreprises qui vendent des appareils d’imagerie médicale, des tests diagnostiques et des produits de chimiothérapie investissent des sommes considérables pour généraliser toujours plus un dépistage qui leur rapporte beaucoup au détriment des femmes et de la sécurité sociale.

Pour Ronan David, le sport est « le poisson-pilote de l’égalité répressive entre les sexes » :

Lorsque Coubertin affirmait que « le seul véritable héros olympique, c’est l’adulte mâle individuel. Par conséquent ni femmes, ni sports d’équipes », il exprimait largement les racines idéologiques et politiques du projet sportif et olympique moderne. Loin de constituer cet espace de démocratie, de liberté, de réalisation de soi, le projet sportif s’est constitué originellement comme projet de domination, de hiérarchisation alimenté par son carburant essentiel que constitue la mise en compétition des individus.

Bernard Guibert envoie une lettre à ses « camarades endeuillés » :

L’oligarchie mondiale qui représente en gros 1/1000 de la population totale a une section française qui totalise environ 60 000 personnes. Celle-ci cumule tous les pouvoirs sanctionnés par des titres de propriété, titres de propriété économique en termes de propriété foncière, d’actions et d’obligations, de propriété d’entreprises, d’assurance-vie etc., titres et diplômes universitaires de la noblesse d’État comme disait Pierre Bourdieu et enfin différents mandats politiques multiples des cumulards des politiques professionnels et de leur clientèle puisée dans leur environnement familial ou parmi leurs collaborateurs.

Yann Fiévet évoque la « double dépression climatique » qui nous affecte :

Décembre 2015 restera le mois des révélations. Il est désormais patent que notre société est dramatiquement soumise à une double dépression climatique. Le climat politique est détérioré par une droitisation accélérée des discours et pratiques découlant d’une interprétation outrancière des aspirations sécuritaires et identitaires des fractions de « l’opinion publique » les moins bien associées à « l’aventure démocratique ». Le climat, quant à lui, fut placé au Bourget sous le feu des projecteurs le temps d’une Cop, vingt- et-unième du nom, pour l’adoption, aux forceps et in extremis, d’un texte unanime des 196 pays ainsi réunis, texte salué comme une « remarquable avancée », mais qui ne permet en rien de commencer à régler rapidement la crise écologique majeure. Ce que révèle la détérioration des deux climats tient en ceci : la classe dite politique est cruellement impuissante à tenter d’enrayer les profondes dérives de notre temps.

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