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Une lettre qui s’est prolongée en article

Lettre Ouverte à Noam Chomsky suite à sa visite à Paris (Counterpunch)

Cher Noam,

Vous retrouver à Paris fut un plaisir que vos nombreux amis et admirateurs avaient attendu depuis longtemps. C’était fatigant, je le sais, mais vous ne devez pas penser que vous avez épuisé votre voix pour rien. Vous ne devez pas non plus retenir une impression trop négative du traitement de certains médias qui "n’ont rien appris ni rien oublié" . Je pense que le traitement peu amène accordé par Le Monde, en particulier, ne fait que souligner l’importance de votre visite et la signification géopolitique de ce que vous représentez pour la France.

Excusez-moi de négliger dans mon analyse votre principal domaine de recherches, la linguistique. Je ne suis pas qualifiée pour en parler. Mais j’ai tendance à croire que l’animosité que vous avez suscitée dans certains milieux en France est moins due à la linguistique qu’à votre rôle en tant que critique américain le plus éminent de la politique étrangère des Etats-Unis. Oui, nous savons que vous êtes loin d’être le seul, mais vous êtes certainement le plus connu dans le monde entier. Mon opinion personnelle est que ce rôle est la cause fondamentale de la campagne contre vous, commencée il y a plus de trente ans. A mon avis, la tempête soulevée d’abord à propos du Cambodge et ensuite à propos de votre défense du droit à la libre expression du Professeur Robert Faurisson visait avant tout à discréditer l’intellectuel emblématique de la critique de l’impérialisme américain.

Mais remettons cela dans son contexte.

A la fin de la Deuxième Guerre mondiale, l’Europe se trouva divisée en deux groupes de satellites des deux grandes puissances victorieuses. Les méthodes politiques de l’Union Soviétique rendaient le statut de satellite des pays de l’Est manifeste aux yeux de tous, et notamment des citoyens de ces pays, qui ressentaient la contrainte les maintenant à l’intérieur du bloc communiste.

En Occident, la richesse américaine, la complicité volontaire des classes dirigeantes et des méthodes de persuasion politique bien plus sophistiquées, dramatisant une "menace soviétique" largement imaginaire, ont réussi à convaincre les pays satellites qu’ils étaient des alliés volontaires des Etats-Unis.

Cela a bien fonctionné avec seulement quelques petites exceptions temporaires. La Suède, n’ayant jamais été ni conquise ni libérée, a connu des moments d’indépendance relativement importants, notamment avec le dirigeant social-démocrate Olof Palme (dont l’assassinat mystérieux a laissé la voie libre au rapprochement progressif de ce pays avec l’Otan). Dans les années soixante, Charles de Gaulle a fait des pas importants en direction de l’indépendance de son pays, notamment en s’éloignant de l’Otan, en critiquant la guerre menée par les Etats-Unis en Indochine, et en cherchant à renforcer les relations avec les pays du Tiers Monde. Cet effort fut anéanti par les évènements de mai 1968 et, après la chute de de Gaulle, un processus de normalisation se mit en route pour assurer l’hégémonie américaine en France une fois pour toutes.

Or, c’est précisément parce que la France avait été la scène de l’élan vers l’indépendance le plus fort que le processus de normalisation devait y être particulièrement vigoureux. Le fer de lance de ce processus fut l’opération médiatique dite des "nouveaux philosophes" , lancée au milieu des années 1970. Les attaques contre Chomsky furent partie intégrante de cette campagne, visant à discréditer l’énorme mouvement international contre la guerre des Etats-Unis au Viêt-Nam, stigmatisant ses militants comme "naïfs" ou "apologistes du Goulag" , etc. Menée par les médias, cette campagne politique à multiples facettes s’appliqua à détourner la population du parti communiste, du gaullisme social (représenté par Chaban-Delmas), de la solidarité avec le Tiers Monde, et de l’orienter vers "les droits de l’homme" , c’est-à -dire, en pratique, les droits des dissidents dans des pays dont le gouvernement était désigné comme hostile par les Etats Unis.

Les Intellectuels du Pouvoir

Le rôle des intellectuels français dans ce processus est multiple et sophistiqué.

Tout d’abord, la nature et le rôle des "intellectuels organiques du pouvoir" sont très différents, voire opposés, aux Etats-Unis et en France. Aux Etats-Unis, les très nombreux intellectuels du pouvoir (les "nouveaux mandarins" , pour reprendre le titre de votre premier livre politique) travaillent directement pour le gouvernement, dans les "think tanks" , ou encore en tant que conseillers et éditorialistes. Leur "pensée" a pour but de renforcer la puissance des Etats-Unis dans le monde.

En France, la situation est presque l’inverse, car le vrai "pouvoir" pour lequel les intellectuels du pouvoir travaillent n’est pas celui de leur propre pays, mais celui des Etats-Unis, considérés comme le protecteur indispensable de "l’Occident" , y compris d’Israël.

En France, les intellectuels employés par le gouvernement sont traditionnellement issus des meilleures écoles et se soucient des intérêts proprement français. En privé, ils peuvent se montrer mécontents du suivisme par rapport à Washington. Mais ils sont peu visibles du grand public et leurs conseils sont souvent ignorés par les politiques.

Par contre, les vrais "intellectuels du pouvoir" en France sont les vedettes médiatiques qui, d’une manière ou d’une autre, justifient l’hégémonie américaine. Certains sont très célèbres, comme le couple Bernard Kouchner-Christine Ockrent, ou Alain Minc, d’autres le sont moins, mais tous arrivent à faire l’apologie de l’adhésion de la France au leadership américain. L’idée de base du vieux "nouveau philosophe" Bernard-Henri Lévy est que "l’idéologie française" n’est autre que le fascisme, et qu’il faut se méfier du peuple et du gouvernement de la France. Ainsi le but politique fondamental des intellectuels du pouvoir en France est de rendre la France inoffensive, voire impuissante, en l’insérant fermement à l’intérieur de l’Alliance Atlantique, de l’Otan et de l’Union européenne.

Alors que les intellectuels du pouvoir américains ont tendance à être nationalistes, leurs homologues français sont pour l’essentiel hostiles à la France. La classe ouvrière est caricaturée comme composée de beaufs et de racistes. Depuis le film de 1969, "Le Chagrin et la Pitié" , on est passé de la célébration de la Résistance à l’auto-flagellation pour les crimes commis contre les juifs pendant l’occupation nazie. La présence sur la scène politique de Jean-Marie Le Pen et de son Front National a servi pendant presque trente ans à renforcer principalement l’antinationalisme. Toute critique justifiée de l’Union européenne à cause de son démantèlement de l’état social en faveur du capital financier globalisé est stigmatisée comme étant du nationalisme français archaïque et inacceptable. Le centre-gauche dominant s’est désintéressé des questions économiques et de l’opposition à la guerre en faveur d’une idéologie des droits de l’homme plus attentive au Dalaï Lama (pour lequel la France ne peut en réalité rien faire) qu’à la désindustrialisation de la France. La gauche humanitaire a largement abandonné la politique économique à l’Union européenne et la politique militaire à l’Otan, sous commandement américain.

D’une façon ou d’une autre, les intellectuels "humanitaires" dans la ligne de Bernard Kouchner contribuent à promouvoir la division de l’humanité entre trois V : les Vilains, les Victimes, et les Victorieux Sauveurs. Ce triangle fatidique sert de lit de Procuste à l’analyse de tous les grands évènements, à commencer bien sûr par la Deuxième Guerre mondiale telle qu’on l’enseigne aujourd’hui dans la plupart des écoles : le drame du Vilain (Hitler), des Victimes (les Juifs) et du Victorieux Sauveur (les forces armées des Etats-Unis). (On ignore de plus en plus le Traité de Versailles, la crise économique de 1929, l’anti-bolchévisme d’Hitler, la bataille de Stalingrad et de nombreux autres éléments non dénués de signification.)

La crise yougoslave, enfoncée dans le même moule, au prix d’une déformation encore plus grande de la réalité, a servi à renforcer ce modèle. Les intellectuels français du pouvoir sont montés en première ligne dans cette guerre médiatique, renforçant l’image des peuples comme victimes passives des "dictateurs génocidaires" dont le seul espoir de salut est l’Otan. Et pas seulement en France. Partout, l’objectif est d’unifier l’Alliance occidentale contre le reste du monde.

Les Philosophes français

Bien sûr, il y a des écrivains et philosophes français qui critiquent les Etats-Unis. "Le Monde des livres" en a cité plusieurs - Pierre Bourdieu, Alain Badiou, Slavoj Zizek, Antonio Negri, etc. (pas tous français, mais assimilés par Le Monde) - pour prouver que les Français ont tant de grands intellectuels qu’ils n’ont pas besoin de Chomsky. Quoiqu’ils soient naturellement très différents les uns des autres, on peut mentionner quelques différences entre les philosophes français contemporains d’un côté et Chomsky de l’autre.

Tout d’abord l’importance des faits. Vos écrits sont remplis de faits, lesquels semblent constituer, pour nombre d’intellectuels français, une substance étrange, propre uniquement à susciter de l’ennui. Sans doute le rôle central de l’essai dans le système scolaire français a produit un monde de "philosophes" dont l’habileté à manipuler des idées libérées de tout rapport aux faits garantit une brillante carrière. Louis Althusser l’a reconnu dans son autobiographie (L’avenir dure longtemps), admettant non seulement qu’il ne connaissait pas beaucoup de faits mais aussi qu’il ne connaissait que peu d’oeuvres de grands philosophes - il avait seulement appris à bien rédiger des essais. Ceci soulève la question de l’utilité sociale de cette philosophie. Si le but est le divertissement, alors l’école française l’atteint - la mystification est souvent bien plus amusante que les descriptions sans fard de la réalité. Par contre, si l’objectif est d’aider les lecteurs à arriver à leur propre appréciation de la réalité, surtout de la réalité politique, alors leur premier besoin est de connaître les faits les plus pertinents et fondamentaux, ce que la plupart des gens n’ont pas le temps de chercher par eux-mêmes. Ainsi, vous êtes utile aux citoyens en leur fournissant le matériel de base pour développer leurs propres idées, contrairement à ceux qui offrent des idées toutes faites mais faiblement étayées.

Deux autres différences concernent l’éthique et la clarté de pensée. L’éthique chomskienne se focalise sur les abus de pouvoir dans la société dans laquelle il vit. Cela n’implique pas un rejet de cette société ; vous êtes en réalité très américain. Mais votre attitude fondamentale est que l’on a, avant tout, le devoir de combattre les abus de pouvoir dans sa propre société, où il est possible de le faire, alors que cela est difficile voire impossible à accomplir dans les sociétés étrangères, et a fortiori dans des sociétés ennemies.

Par contre, les intellectuels français ont souvent adopté un dualisme moral qui les amène à choisir un "camp" contre l’autre. Depuis la chute de l’Union Soviétique et du "camp socialiste" , ce dualisme s’est recentré sur l’Occident, "patrie des droits de l’homme" , contre le reste du monde, perçu comme arriéré. Cette tendance a contribué à un malentendu total à votre égard, car votre critique des Etats-Unis n’a rien à voir avec le soutien à un quelconque camp opposé.

Quant à la clarté, la valorisation de la complexité dans le système scolaire français d’élite mène souvent à l’idée que tout ce qui est clair est banal. Une certaine obscurité est censée suggérer la profondeur. (Pierre Bourdieu a délibérément exploité ce préjugé en formulant des pensées plutôt simples dans des phrases très longues. Bourdieu a confié au philosophe américain John Searle que, pour qu’un écrivain soit pris au sérieux en France, au moins vingt pour cent de ce qu’il écrit doit être incompréhensible).

En partie à cause de ces différences, il existe un antagonisme naturel entre vous et vos contemporains en France. Cet antagonisme renforce les controverses politiques. Par exemple, dans le cas du Cambodge, votre souci d’établir les faits avec exactitude et sans exagération fut grossièrement déformé en expression d’une sympathie pour les Khmers Rouges. Ensuite, dans le cas bien plus délicat de Faurisson, le simple fait de défendre le principe de la liberté d’expression, quelle que soit la nature de ce qui est exprimé, fut interprété comme un soutien aux thèses de Faurisson, malgré le fait que vous ayez toujours insisté sur la différence radicale entre ces deux questions. Dans cette affaire, il est impossible de juger où s’arrête une authentique divergence philosophique et où commence une exploitation malhonnête de certaines situations, visant à discréditer le pourfendeur intellectuel de l’impérialisme américain.

La "Loi Gayssot" et la religion d’état

Personne ne pouvait être pleinement conscient à l’époque, au début des années 1980, de jusqu’où mènerait "l’affaire Faurisson" . Le scandale suscité par le professeur de littérature qui entreprit de contester la réalité de l’utilisation des chambres à gaz pour exterminer les juifs dans les camps nazis s’est avéré être un moment clé dans un processus qui a mené à l’établissement du génocide des juifs, sous la désignation de "Shoah" , comme religion de mémoire et de pénitence, promue au statut de dogme officiel.

Loin de suivre vos conseils, en juillet 1990, l’Assemblée nationale adopta un amendement à la loi de 1881 sur la liberté de la presse appelé la loi Gayssot, d’après le nom du membre du Parti communiste qui l’avait introduit. Selon cet amendement, seront punis "ceux qui auront contesté [ …] l’existence d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité, tels qu’ils sont définis par l’article 6 du statut du tribunal militaire international" de Nuremberg, commis soit par les membres d’une organisation déclarée criminelle par ce statut, "soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale" .

En général, cette loi a été appliquée à des personnes qui ne contestent pas l’existence en soi des crimes qu’elle mentionne, mais plutôt leur étendue et surtout l’utilisation des chambres de gaz. Par ailleurs, la loi a été utilisée contre des personnes qui, à cause de leur orientation politique, sont soupçonnées de sentiments antisémites cachés. Telles furent les poursuites contre Bruno Gollnisch, numéro deux (à l’époque) du Front National. Le seul tort de Gollnisch, professeur à l’Université de Lyon et spécialiste du Japon, consista à répondre à une question sur la Shoah posée par un journaliste, en disant que cela relevait du travail des historiens spécialistes en la matière et que ceux-ci devaient travailler librement. La cour de cassation a fini par casser sans renvoi les condamnations antérieures de Gollnisch, mais, en attendant, il fut suspendu de son poste universitaire pendant cinq ans.

Ce genre de loi a des effets qui dépassent de loin son application immédiate.

D’abord, la Loi Gayssot a contribué à la sacralisation de la Shoah, qui est traitée de moins en moins comme un évènement historique et de plus en plus comme un dogme sacré. Dans un Etat laïc, où la religion est exclue de l’école de la République, seule la Shoah exige l’adhésion mentale et émotionnelle réservée traditionnellement à la religion. Sa place dans les programmes scolaires empiète de plus en plus sur l’enseignement de l’histoire profane.

Jadis, les crimes nazis étaient enseignés comme des crimes contre l’humanité en général, mais au fur et à mesure que l’identification des victimes s’est focalisée sur les juifs, l’effet implicite en a été de diviser les enfants entre les descendants des victimes, les juifs, et tous les autres, dont l’innocence est moins évidente. On assiste ainsi à un curieux renversement de la stigmatisation médiévale des juifs en tant que "peuple déicide" . Aujourd’hui, les non-juifs sont dans la position désagréable d’être descendants des "tueurs de juifs" , ou du moins de ceux qui n’ont pas sauvé les enfants juifs déportés à Auschwitz.

Un effet inévitable de cette évolution est d’encourager les autres communautés ethniques à mettre en valeur leur propre statut de victimes historiques, surtout en cas de "génocide" . Des Africains, Arméniens, Musulmans et autres peuvent avoir le sentiment que les tragédies de leurs ancêtres méritent un respect et des commémorations comparables. Cette valorisation de l’état collectif de victime peut mener à des extensions de la loi Gayssot, ou de la loi antérieure réprimant l’incitation à la haine raciale, ce qui amènerait à poursuivre toute personne qui considère le terme "génocide" comme inapproprié pour caractériser des évènements tragiques en Ukraine, Arménie, Bosnie, etc.

Transformer l’histoire en objet de vénération plutôt que de curiosité marque une régression subtile mais grave des valeurs laïques de libre examen. Cela contribue à créer une ambiance d’auto-censure, de "politiquement correct" , qui favorise la timidité plutôt que l’audace intellectuelle. L’effet en est également d’endoctriner les enfants dans la vision du monde des trois V, où le Victorieux Sauveur est représenté par les Etats-Unis, et où la France n’est qu’un spectateur passif semi-coupable.

Les temps changent

Néanmoins, pour beaucoup de jeunes, le culte de la Shoah, avec ses commémorations annuelles obligatoires et ses rappels constants du "devoir de la mémoire" , devient aussi ennuyeux que n’importe quelle religion imposée. Il ne peut pas faire taire les protestations qui montent contre le traitement des Palestiniens par Israël. Le guilt trip [approx. "crise de culpabilité" - NdR] finira bien par se terminer un jour.

Votre visite à Paris pendant les cinq derniers jours de mai fut accompagnée d’indices montrant que le vent idéologique commence à tourner. Un de ces indices fut le caractère relativement jeune du public qui assistait à votre conférence à la Mutualité, organisée par Le Monde diplomatique.

Contrairement au Monde diplomatique, Le Monde, qui fut pendant longtemps un journal de référence respecté, est devenu le pavillon de la "pensée unique" et de l’obéissance atlantiste. Ce journal a commencé par publier un reportage sur votre principal discours au Collège de France fait par un journaliste qui était arrivé trop tard pour entrer dans la salle et qui ne l’a pas entendu. Quelques jours plus tard, le Monde des Livres s’est livré à une entreprise de démolition du visiteur, en ignorant certains livres nouveaux et importants, et en déterrant l’affaire Faurisson pour chanter les louanges de vos critiques sans donner le moindre écho à vos arguments en faveur de la liberté d’expression.

Par contre, à la fin de votre visite à Paris, Frédéric Taddeï vous a interviewé dans l’émission de France 3, Ce soir ou jamais, ce qui vous a donné enfin l’occasion de répondre pour le public français aux reproches qui vous sont faits. Cela s’est très bien passé, et les couche-tôt qui ont manqué l’émission peuvent facilement la trouver sur internet.

Cette interview fut mentionnée favorablement par Marianne qui, ces dernières années, est devenu l’hebdomadaire le plus lu en France. Marianne a souligné "l’étrange silence des sphères médiatiques" par rapport à votre visite. Le magazine a noté qu’il n’y avait même pas une dépêche de l’Agence France Presse pour citer la réaction vive et détaillée du "penseur le plus célèbre au monde" à l’arraisonnement sanglant par Israël de la flottille d’aide à Gaza qui venait de se produire le matin même. Pour expliquer l’absence des médias, Marianne citait ce que vous avez dit chez Taddeï : "Il y a des gens comme nous, éduqués, qui ont été dans les bonnes écoles, qui ont eu un bon enseignement, qui ont été endoctrinées à ne pas voir certaines choses. C’est ce qu’on peut appeler l’auto-refoulement. Parfois consciemment, parfois inconsciemment, nous filtrons ce que nous ne voulons pas voir, parce que ça nous met trop mal à l’aise."

Il est évident que vous mettez toujours mal à l’aise certains... Mais pas tous.

Il y eut deux grandes pages dans Le Monde diplomatique, un des organisateurs de la visite, avec un long article par le professeur Jacques Bouveressse, votre hôte de Chomsky au Collège de France. Daniel Mermet qui anime l’émission de radio très populaire "là -bas si j’y suis" a diffusé votre rencontre avec une demi-douzaine de syndicalistes. Le journal catholique La Croix a publié un long article très correct.

Il y a plus de sept ans, en février 2003, le ministre des affaires étrangères de l’époque, Dominique de Villepin, a fait un discours devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies s’opposant à l’attaque des Etats-Unis contre l’Irak. Ce discours fut accueilli avec enthousiasme. On pouvait croire que la France allait retrouver sa propre voix. Mais la peur des représailles de la part de la superpuissance occasionnées par tant de hardiesse a contribué au revirement opéré par Sarkozy qui aligna la France sur les Etats-Unis et Israël. Pourtant, cette servilité apporte peu de récompenses, autre que la perte de soldats français dans le bourbier afghan et l’aliénation d’une partie de la population française d’origine arabe. Les années Bush, la guerre en Afghanistan, le soutien aveugle des Etats-Unis pour le comportement criminel d’Israël, la crise financière et la désillusion croissante envers l’Union Européenne sont en train d’ébranler l’acceptation par la population de l’allégeance de la France à l’impérialisme américain.

Le pendule se remet à osciller. L’ennemi politique le plus acharné de Sarkozy, Dominique de Villepin, est de retour sur la scène politique, exhortant la France à apprendre les leçons du Viêt-Nam, de l’Algérie, du colonialisme, à se retirer d’Afghanistan et à reconnaître que le monde change. L’Occident ne peut plus dicter sa volonté à un monde où de nouvelles puissances sont en train d’émerger. Villepin est actuellement loin du pouvoir, mais ses paroles résonnent. Le paradoxe est que vous, considéré comme anti-français à cause de votre attitude critique envers les intellectuels français, arrivez à fournir un soutien à ceux qui voudraient retrouver l’indépendance nationale française pour jouer un rôle constructif et pacifique dans le monde multipolaire de demain.

Au moins, vous aidez à libérer la parole.

Avec mes plus cordiales salutations,

Diana Johnstone
Paris, le 13 juin 2010
http://www.counterpunch.org/johnstone06142010.html

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COMMENTAIRES  

21/06/2010 11:36 par s

Cette lettre ouverte appelle un certain nombre d’observations. Bien que j’adhère à l’essentiel du point de vue qui est exposé, je me sens l’obligation de revenir sur quelques points qui pour le moins posent problème et sont quelque peu en décalage par rapport à la pensée chomskyienne.

C’est ce passage dans lequel vous écrivez Madame que "dans les années soixante, Charles de Gaulle a fait des pas importants en direction de l’indépendance de son pays, notamment en s’éloignant de l’Otan, en critiquant la guerre menée par les États-Unis en Indochine, et en cherchant à renforcer les relations avec les pays du Tiers Monde." qui me fait en particulier sursauter.

Il conviendrait pour permettre au lecteur de peser le pour et le contre d’être un peu plus "complet" dans le tableau que vous dressez très rapidement. Tout d’abord, il conviendrait de dire précisément ce que recouvre cet éloignement de l’OTAN : De Gaule a fait sortir la France de la structure militaire de commandement intégré de l’OTAN en 1966 mais la France n’en est pas pour autant sorti de l’OTAN. C’est un premier point un peu anecdotique mais ça relativise la portée de cet acte dont on fait tout un symbole. Ensuite, et surtout, concernant plus généralement cette indépendance de la France vis-à -vis des États-Unis : vous participez vous-même, peut-être inconsciemment, à l’entretien de cette fable qui nous est contée depuis des lustres et qui voudrait que De Gaule ait été un réel caillou dans la botte de l’Oncle Sam. M’enfin ! Je vous conseillerais pour commencer la lecture des ouvrages de Dominique Lorentz que vous trouverez aux éditions des Arènes et en particulier de "affaires atomiques". Les conditions dans lesquelles l’auteure a pu publier ses travaux d’investigation sont non moins intéressantes, dénotant le trouble occasionné par un travail qui démonte sans appel ce mythe de l’indépendance de la France. Vous découvrirez en effet si votre curiosité vous y incite un travail irréfutable de fourmi qui met au jour l’une des plus grandes impostures de l’histoire française contemporaine savamment entretenu par ceux-là même qui ne connaissent que trop bien les dessous des cartes. La nucléarisation de la France a été voulue et décidée outre-atlantique et la France avec Israël est devenu le couple maître d’oeuvre de la prolifération nucléaire notamment vers le régime d’apartheid d’Afrique du sud et de l’Iran.

Je vous cite un petit condensé que je viens de trouver sur le net qui résume bien "La chaîne de diffusion nucléaire des alliés" :

"Dominique Lorentz, raconte, documents officiels méticuleusement cités à l’appui, comment la chaîne de dissémination s’est effectuée. Les États-unis l’ont donné directement à la Grande-Bretagne, puis ont facilité par le biais des chercheurs juifs qui avaient "inventé" la bombe, la transmission à Israël qui s’est chargé de la transmettre à la France. Les Israéliens connaissaient le secret de l’atome avant même la création de leur état, et l’indépendance de la France dans la découverte de la bombe est un mythe : c’est en jointure avec Israël et en utilisant d’abord le terrain d’expérimentation de l’Algérie, puis celui, de l’Afrique du sud raciste, que le secret fut transmis. De Gaulle "habilla" un projet qui le précédait, et fit mine, lié comme il l’était de "sortir" de l’Otan, tout en restant dépendant (Framatome, St Gobain) des marchés et commandes des États-unis. Lui qui ne voulait pas que l’Allemagne détienne la bombe nucléaire fut ainsi obligé d’associer la RFA (Siemens) dans le projet sud-africain avant que la France ne devienne vendeuse des licences américaines de centrale nucléaire.". Des licences "westinghouse" pourrait-on préciser.

C’était un premier point important me semble-t-il...
Par ailleurs, les conditions de l’accession De Gaule au pouvoir lors de l’opération Résurrection en 58 sponsorisée/favorisée par la CIA pourra également vous inciter à plus de prudence sur cette question de l’indépendance française. Pour les États-Unis, il n’a jamais été question que les colonies françaises prennent leur envol en devenant réellement indépendantes. C’est d’ailleurs le sens de quasi toutes les interventions extérieures Etats-uniennes que d’empêcher ce que Chomsky appelle l’effet domino. Même sur un territoire aussi petit que celui des îles Grenadine, apparemment ridicule d’un point de vue géostratégique, il fallait empêcher l’émancipation réelle pour éviter les risques de contagion. Toutes ces interventions se faisant bien sûr au prétexte du péril rouge.
Et sur ce point encore, les États-Unis et la France n’ont jamais divergé d’un iota. Et il est inacceptable de sous-entendre que De Gaule a fait beaucoup pour l’indépendance du Tiers-Monde quand on connaît un tant soit peu les conditions foccartistes de l’octroi des indépendances aux ex colonies de l’Afrique francophpone subsaharienne. C’est bien ce que vous faîtes en écrivant que ce dernier n’a cessé de chercher à "renforcer les relations avec les pays du Tiers Monde", non ? Que De Gaule ait développé quelques relations cordiales avec certains non alignés ne devrait pas faire illusion quand on sait sa politique avec les pays de son précarré. Je vous invite à lire en détail la prose de feu François-Xavier Verschave et de tous les auteurs qui lui ont emboîté le pas pour faire toute la lumière sur la nature de ce qu’on appelle aujourd’hui, dans un sens dévoyé,la Françafrique. Il n’a jamais été question de permettre à ces nouveaux pays de jouir d’une quelconque indépendance économique ou politique. Cette ignorance sur ce point de non détail est très problématique. Ne connaissez-vous pas la nature des régimes Bongo, Déby, Sassou, Houphouët, Ahidjo, Byia, etc., qui ont mis à feu et à sang "leur" pays respectifs ? Et celle de leurs liens ombilicaux avec la métropole ? Savez-vous du reste que ces pays restent formellement dépendants sur le plan monétaire ? Que les administrateurs des institutions d’émission (BCEAO, BEAC, Banque centrale des Comores) de ces pays sont encore aujourd’hui nommés pour moitié par la France, assurant par là même un contrôle de la politique d’émission ? Inutile ici de s’étendre sur un pan de l’histoire amplement connue pour qui se donne les moyens de sa curiosité.
Chanter les droits de l’homme pour des pays dont la répression échoit à l’un de ses alliés, c’est facile. La France et les États-Unis sont très forts à ce petit jeu qui consiste à montrer du doigt ce que fait son voisin alors qu’on est de mèche avec lui. Ne dénonçant pas cette complicité abjecte, vous ne vous en prenez logiquement pas plus au Monde Diplomatique qui est l’un des principaux outils utiles de cette politique. Toujours plus prompt à dénoncer l’impérialisme Yankee, ce journal a fait plus que profil bas sur l’impérialisme françafricain. Combien d’articles minutieux sur le Rwanda, sur le génocide des Bamilikés sous l’égide de Messmer, sur l’affaire du Beach au Congo, sur le Biafra et plus largement sur toute la litanie contemporaine des crimes de cette Françafrique trouve-t-on dans cet organe dont il faut rappeler tout de même qu’il publie sous la "surveillance" de son grand frère Le Monde ? Combien pèsent ces articles au regard de toute la "bienpensance" dénonçant les gringo ? Combien d’articles dans Le Monde Diplomatique sur des investigations concernant l’implication fondamentale de la France dans le plan Condor ? Cet organe nous a-t-il suffisamment rappelé ce que De Gaule a fait des affreux militaires de l’OAS à l’orée des années 60 ? Pourquoi sait-on trop peu qu’il les a envoyés enseigner la torture au Brésil, en Argentine, etc. ? (les ouvrages de Marie-Monique Robin et Gabriel Périès sur la doctrine de la guerre révolutionnaire).

Bon je vais m’arrêter là mais franchement une critique fondée qui au passage encense des De Gaule et des Villepin, c’est vraiment bizarre. Et en contradiction je le répète avec l’esprit de la pensée Chomskyienne. A l’instar de ses critiques qui visent et dénoncent un système dans une logique transpartisane qui ne saurait épargner une frange de l’appareil politique dominant, il conviendrait en effet pour être crédible et conforme à sa pensée de ne pas encenser des personnages qui s’inscrivent pleinement dans ce qu’il dénonce.

Aussi cette ode à De Gaule suivie de celle à De Villepin me laisse pour tout vous dire très perplexe. Quelques mots sur De Villepin tout de même, le Védrine de droite, qui s’amuse à se faire la voix d’une France éclairée, raisonnable. Vous savez sa compromission dans le génocide des Tutsi en 1994 ? Sans doute pas mais j’arrête d’insister.

21/06/2010 20:48 par Diana Johnstone

Comment répondre aux lecteurs dont la critique principale est qu’un article, déjà assez long, ne soit pas un livre de plusieurs volumes ? Car il faudrait bien cela pour mettre en contexte et expliquer en détail chaque phrase d’un article comme celui-ci.

J’ai dit que De Gaulle avait "fait des pas importants en direction de l’indépendance de son pays" ; je n’ai pas dit que la France fût indépendante. Ces pas étaient fort peu appréciés aux Etats-Unis, quelles que soient leurs limites. Tout ce qu’écrit Dominique Lorentz ne change rien au fait que De Gaulle voulait retrouver une certaine marge de manoeuvre dans la politique étrangère, une tentative qui n’a duré que quelques années et qui a échoué. A quoi ça sert-il de ne pas le reconnaître ?

Et oui, De Gaulle a cherché "à renforcer les relations avec les pays du Tiers Monde", notamment en faisant un tour triomphal en Amérique Latine et en Asie. Et évidemment il voulait garder l’influence française en Afrique. Ou est la contradiction ? Je n’ai pas fait "sous-entendre que De Gaule a fait beaucoup pour l’indépendance du Tiers-Monde" ; il voulait faire beaucoup pour la France en poursuivant une politique vis-à -vis du Tiers Monde indépendante des Etats-Unis. En effet, on constate qu’aujourd’hui, la gauche française s’intéresse très peu, et le centre-droite-gauche pas du tout, à l’indépendance de la France, mais elle ne fait pas grand’chose pour l’indépendance du Tiers Monde non plus. Au point où on est, un peu plus d’indépendance pour les uns pourrait s’avérer bonne pour les autres.

22/06/2010 03:19 par Fethi GHARBI

Je pense plutôt que De Gaulle a passé sa vie à se prendre pour un empereur sans jamais se résoudre au fait que la France a cessé d’être un empire. Il n’a pu se faire à l’idée que les USA aient eu raison de tous les empires européens et que son pays tout comme le reste est un simple vassal du nouvel empire. Ce monarque anachronique abuse de gesticulations et de coups d’éclat pour voiler les contradictions dans lesquelles il s’emmêle. Il possède tous les attributs d’un colonialiste mais accepte mal(il l’accepte toutefois) d’être vassalisé. Tragique !

22/06/2010 08:16 par posidonien

Cette analyse me parait une très bonne synthése sur l’histoire de l’intelligentsia française, voire parisienne.
Il est possible d’y apporter quelques précisions :
1) sur la victimisation le livre d’Eliacheff- Soulez larivière, "le temps des victimes" analyse très bien l’origine de ce mouvement et d’abord le role de la psychiatrie américaine confrontée aux GI traumatisés par la guerre du viet-nam, Chirac y a donné une dimension politique avec sa secrétaire d’état aux victimes, nicole guedj.
2) les mouvements de balancier des "intellectuels" français commencent à la libération où les fonctionnaires français se sentent assez peu fiers de leur rôle pendant l’occupation et se "rachètent" par un communisme militant et sectaire qui stérilisera complètement la pensée marxiste en france. Ce pauvre Althusser, radoteur infatigable, en est l’illustration. Pas étonnant que ses élèves de Normale Sup aient réagi contre et aient ensuite fui l’université française "quadrillée" longtemps par les gardiens du temple marxiste.
3) il y a une imposture typiquement française qui réside dans le fait que ces nouveaux "philosophes" approximatifs et maniant laborieusement des concepts lourdingues se soient drappés dans les habits des Voltaire - Zola et autres "témoins -conscience" qui ont jalonné notre histoire . Cette farce prend fin mais BHL et Glucksmann continuent à être pris au sérieux parce que normaliens et agrégés de philo, dernier avatar de l’elitisme à la française.Le paradoxe tient à ce que ces zélateurs des usa s’exposent au statut indifférencié de l’intellectuel américain qui n’intéresse pas grand monde aux usa (comme chomsky) puisque la prise de parole y est asujetti au statut de "sucessful".

22/06/2010 13:05 par Anonyme

où avez vous vu que ma principale critique soit que votre article ne soit pas un livre de plusieurs volumes ? C’est n’importe quoi.

"Tout ce qu’écrit Dominique Lorentz ne change rien au fait que De Gaulle voulait retrouver une certaine marge de manoeuvre dans la politique étrangère, une tentative qui n’a duré que quelques années et qui a échoué. A quoi ça sert-il de ne pas le reconnaître ?"

Vous confondez fiction médiatique avec l’Histoire véritable.

"Et oui, De Gaulle a cherché "à renforcer les relations avec les pays du Tiers Monde", notamment en faisant un tour triomphal en Amérique Latine et en Asie. Et évidemment il voulait garder l’influence française en Afrique. Ou est la contradiction ?"
La contradiction, vous ne la voyez pas ou ne voulez pas la voir ? Il faut être un brin schizophrénique ou plutôt cynique pour chanter les droits de l’Homme et l’amitié franco-latine en Amérique du sud tandis qu’on massacre allègrement en Afrique francophone, vous ne trouvez pas ? Ce que vous nommez pudiquement par "voulait garder l’influence française en Afrique". Avez-vous idée de ce que recouvre cette politique ?

Mais au delà de cette critique qui visait à pointer votre accréditation de cette fable de l’indépendance française, mon propos visait aussi à dénoncer l’inconséquence qu’il y a à laisser entendre que des De Villepin puissent incarner en quoi que ce soit une voie alternative en phase avec l’intérêt général des citoyens. Nul besoin d’écrire des volumes pour se prononcer sur ce point et répondre à ma critique. Vous esquivez une divergence flagrante. Ces espoirs placés dans un de Villepin révèle soit de la naïveté, soit du cynisme.

Quant à votre intérêt pour l’indépendance de la France, il est plutôt anachronique je trouve. Les enjeux s’appréhendent en termes de respect des peuples, des citoyens du monde et de mieux vivre ensemble dans la communauté humaine. Ce n’est pas en vivant reclus, en poursuivant de tels objectifs qu’on fera avancer les choses.

Et puis l’indépendance de quelle France d’ailleurs ? De cette France si peu démocratique qui est préemptée par une élite si apte à se reproduire et se pérenniser ? Moi je n’ai aucune nostalgie d’une France indépendante car, définitivement, je ne vois rien dans mon rétroviseur qui ressemble à quoi que ce soit qui me fasse envie. L’émergence d’une société qui se prend réellement en main, qui ne s’en remet pas à un chef suprême dans le cadre d’une démocratie plébiscitaire et publicitaire, n’a encore jamais eu lieu si ce n’est à travers quelques expériences
localisées dans le temps et dans l’espace. Ce besoin d’une telle société, à nous de le construire. Et l’indépendance de la France est de ce point de vue une question accessoire et subsidiaire.

22/06/2010 14:30 par legrandsoir

sans être spécialiste de l’Afrique, que viennent faire de Gaulle et surtout de Villepin dans les massacres en Afrique ? Le refus de la France de participer à la mascarade Irakienne compte-il pour du beurre ? J’ai personnellement un respect pour de Villepin pour sa position (et celle de la France) à l’époque.

(Ceci n’engage que le modérateur qui aime bien de temps en temps rappeler qu’il existe...)

22/06/2010 13:09 par R

Très bon article.
Le 1er commentaire de "s" est également très intéressant, car il réemploie précisément les mécanismes que vous dénoncez. L’ensemble des médias français, du Diplo (avec Colette Braeckmann) au Figaro (avec Patrick de Saint-Exupéry) tente de nous rejouer le coup de la victimisation à outrance avec le Rwanda. Un peu comme la nouvelle histoire de la Shoah, le génocide des Tutsis est instrumentalisé à des fins suspectes (ici soutenir la dictature militaire de Kagame) et toute opposition est taxée de négationnisme. Impossible au Rwanda d’évoquer seulement les morts Hutus...

Installé au pouvoir par les Etats Unis et Israel, Kagame a ainsi pu compter sur le soutien des "idiots utiles" dénonçant la Françafrique alors même que la France avait eu une attitude honorable : pour éviter le bain de sang au Rwanda, elle a protégé le gouvernement des attaques de Kagame tout en faisant pression sur ce gouvernement pour ne pas qu’il cède à la tentation de faire payer aux tutsis rwandais les égarements de Kagame. Mais celui-ci a préféré jouer avec le feu, et prendre Kigali tout en sachant que les extrémistes hutus se vengeraient sur les tusis... Et il s’est servi de cette excuse du génocide pour mettre en place sa dictature avec le soutien occidental.

L’histoire officielle se termine là où la vraie partie commence : une fois le Rwanda acquis à la cause des Américains, a pu commencer le pillage du Congo au prix de millions de morts... Mais la France étant encore une fois innocente de ce carnage, la cinquième colonne médiatique a préféré rester muette ou au mieux relayer la propagande rwandaise déguisant ces massacres en "chasse au génocidaire" !

De toute façon, la mauvaise foi ou la bêtise des groupes obnubilés par la "Françafrique" (Survie, Génocide made in France (sic), ...) est flagrante quand on voit qu’ils qualifient des anciens ministres comme Hubert Védrine de "génocidaires", alors que la France est le seul pays à avoir envoyé des troupes pour protéger les civils tutsis... Evidemment au grand dam de ceux qui espéraient avoir le plus grand nombre de morts possibles afin d’instaurer une nouvelle religion médiatique.

22/06/2010 14:24 par legrandsoir

alors même que la France avait eu une attitude honorable : pour éviter le bain de sang au Rwanda

Et pour quel résultat ? Pensez-vous que l’engagement de la France fut sans ambiguïté ?

22/06/2010 15:31 par Cyril

"que viennent faire de Gaulle et surtout de Villepin dans les massacres en Afrique ? "

le système Foccart, ça vous dit quelque chose ? Le SAC ? Notre intervention au Biafra, au Cameroun en pays bassa avec Napalm et compagnie ? L’octroi d’indépendances en trompe-l’oeil ? Le maintien de dictateurs sanguinaires à notre bottes dans le précarré ? Qu’est-ce que De Gaule a à voir avec ? Vous rigolez ou quoi ?
De Villepin quant à lui n’est pas en reste : il s’inscrit dans la continuité sans le moindre problème de conscience.

@ R, je vais éviter de trop me répandre maintenant sur le Rwanda mais ton indigence est éclatante. ça fait 8 ans que je lis sur l’implication de la France au Rwanda : rapports officiels, bouquins de tout bord, la presse...Il n’y a que les ignorants pour venir encore controverser sur le sens de notre intervention. Les ignorants et les commis de la raison d’État...
Kagame est un dictateur à la solde des États-Unis ? Ce n’est pas mon sujet mais je n’aurais aucun mal à l’admettre devant les preuves qui le démontreraient. Moi je m’intéresse à ce que notre pays a fait là -bas, à savoir soutenir de bout en bout, par tous les moyens diplomatiques, militaires, financiers et politiques, une clique d’extrémistes qui n’ont fait que mettre en oeuvre,jusqu’au bout, les préceptes de la doctrine de la guerre révolutionnaire à laquelle que les cerveaux du génocide sont venus se former en France. Cette doctrine, c’est celle qu’on appliqué en Algérie, au Cameroun, qu’on a enseignés aux dictateurs d’Amérique du Sud, et qui est à la base du système sécuritaire moderne. Libre à vous de démonter les Survie et compagnie en assénant des non arguments d’une vacuité péremptoires qui n’est pas à votre honneur. La vérité des faits est celle qui compte. Désolé pour votre confort intellectuel si elle ne colle pas à la fiction dont vous vous convainquez.

22/06/2010 15:40 par legrandsoir

(Merci de ne pas tirer sur le pianiste.)

Sentant les échanges glisser vers la Françafrique, merci de recadrer sur le sujet de l’article... (chacun étant invité à nous proposer un texte plus développé sur ce sujet si le coeur lui en dit. On ne demande qu’à apprendre afin d’être bien préparés pour le Grand Soir...)

22/06/2010 16:13 par Cyril

vous avez raison, le sujet ici n’est pas la Françafrique. Mais le but était d’illustrer l’incongruité de l’association De Villepin-Chomsky !

juste pour préciser sur De Villepin car j’ai oublié de le faire et il est question de lui dans l’article. Ce monsieur était le directeur de cabinet du ministre des affaires étrangère Juppé dans le gouvernement de cohabitation qui a assumé une politique dont les conséquences étaient bien plus que prévisibles puisque des actes de génocide ont jalonné les 4 ans qui ont précédé le printemps 94. De Villepin connaît très le bien le sujet et s’est bien gardé de réagir à toutes les publications sérieuses qui l’accusent à juste titre. Ce connaisseur du dossier n’a pas hésité quelques années après 94 (encore en 2004 si ma mémoire est bonne) à parler de génocideS avec un s.

Je vous invite aussi à retrouver sur le web l’excellent papier de Claude Ribbe sur les agissements de De Villepin au sujet de Haïti.
Ce ne sont là que des exemples qui me viennent à l’esprit. Mais à n’en pas douter, ce monsieur ayant été 1er ministre, il y a beaucoup de casseroles.
On pourrait parler des paradis fiscaux aussi. Au lieu de parader dans cette pseudo affaire de listing comme une pauvre victime, DdV aurait été bien avisé de faire de la publicité à la véritable affaire clearstream mis en lumière par Denis Robert et qui pour le coup s’est fait assommer de procès. Les médias en ont parlé au début mais le duel DdV-Sarko a vite fait de faire oublier le véritable scandale.

02/07/2010 01:24 par JP

Petit texte intéressant d’un journaliste Israélien

Un éclair

Uri Avnery - 19 juin 2010

Extrait :

EN TÊTE DE LISTE on trouve un fait que personne ne semble avoir encore remarqué jusqu’à présent : la mort de l’Holocauste.

Dans tout le tumulte que cette affaire a causé dans le monde entier, l’Holocauste n’a même pas été évoqué. Il est vrai qu’en Israël il s’est trouvé des gens pour qualifier Recep Tayyip Erdogan de "nouvel Hitler" et quelques uns de ceux qui haïssent Israël ont parlé de l’"attaque nazie" , mais l’Holocauste a pratiquement disparu.

Pendant deux générations, notre politique étrangère a fait de l’Holocauste son principal instrument. La mauvaise conscience du monde déterminait son attitude à l’égard d’Israël. Les sentiments de culpabilité - soit pour des atrocités commises soit pour en avoir détourné les yeux - ont conduit l’Europe et l’Amérique à traiter Israël autrement que toute autre nation - depuis l’armement nucléaire jusqu’aux colonies. Toute critique des actions de notre gouvernement était automatiquement qualifiée d’antisémitisme et réduite au silence.

Mais le temps fait son oeuvre. De nouvelles tragédies ont émoussé la sensibilité du monde. Pour une nouvelle génération, l’Holocauste est l’affaire d’un passé lointain, un chapitre d’histoire. Le sentiment de culpabilité a disparu dans tous les pays, à l’exception de l’Allemagne.

L’opinion publique israélienne ne s’est pas rendu compte de cela, parce qu’en Israël-même la Shoah est vivante et présente. De nombreux Israéliens sont les enfants ou les petits-enfants de survivants de l’Holocauste, et l’Holocauste a imprégné leur enfance. Bien plus, un énorme dispositif garantit que l’Holocauste ne disparaîtra pas de notre mémoire, depuis l’école maternelle jusqu’aux voyages "là -bas" , en passant par les célébrations et les journées de la mémoire.

En conséquence, l’opinion publique israélienne est choquée de voir que l’Holocauste a perdu son pouvoir en tant qu’instrument politique. Notre arme la plus précieuse s’est émoussée.

http://www.france-palestine.org/article15097.html

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