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Nigeria - D’anciens malades de la lèpre se réfugient dans la forêt, par Sam Olukoya.





’’Quand que je rentre chez moi, je remarque souvent que, dès que j’arrive, les serviettes de toilette, les savons et les éponges vont disparaître de la salle de bain’’, déclare Isaiah Ojeabulu, un ancien malade de la lèpre. Il dirige une Association de défense des droits des personnes affectées par la lèpre au Nigeria.


IPS, Lagos , 13 novembre 2006.


Il a les mêmes souvenirs de son enfance. La discrimination à son égard a commencé dès l’instant où il a contracté la lèpre, dit-il. La maladie avait provoqué un ulcère sur sa jambe, c’était un an avant la fin de ses études secondaires.

"Tous mes amis m’ont délaissé. J’étais très seul parce que mes camarades s’écartaient de moi en classe. Parfois, la honte me poussait à quitter la salle", raconte-t-il.

Pour les personnes guéries de la lèpre, il n’y a pas de répit, car les cicatrices physiques laissées par la maladie font croire à beaucoup que ceux qui les portent sont toujours infectés. "Les gens nous voient comme des dangers pour la santé", explique Ojeabulu, dont les doigts sont devenus griffus, et qui souffre encore d’une plaie à l’un de ses pieds.

Pareilles réactions ont poussé plusieurs anciens malades à fuir la société pour s’installer en petits groupes dans des forêts retirées, situées pour la plupart dans le sud du Nigeria.

"J’ai toujours l’impression que ces objets sont retirés à cause de moi, indique Ojeabulu lorsqu’il décrit ses retours dans sa famille. "C’est en partie pour cette raison que j’ai dû m’installer dans la forêt après avoir quitté la léproserie".

La forêt d’Abo, où vit Ojeabulu, accueille environ 70 anciens lépreux. Selon des statistiques officielles, datant de 2004, environ 5.350 lépreux sont recensés dans tout le pays, contre 250.000 en 1989.

La maladie est provoquée par un bacille qui se transmet par des gouttelettes, comme lorsqu’on tousse ou que l’on éternue. Elle n’est pas extrêmement contagieuse et se guérit grâce à une combinaison de plusieurs médicaments. D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le nombre de cas dans le monde a chuté de 5,2 millions en 1985, à 286.000 en 2004.

Néanmoins, "la honte associée depuis des siècles à cette maladie dresse toujours un obstacle à la consultation spontanée et au traitement précoce", note l’OMS sur son site Internet. "Tout au long de l’histoire, les malades ont souvent été rejetés par leur communauté et leur famille".

La lèpre provoque des lésions de la peau, des nerfs, des membres et des yeux, qui entraînent l’apparition de plaies, de grosseurs et de déformations, voire la cécité. Les dommages nerveux occasionnent des blessures aux mains ou aux pieds des malades, qui ne sont plus capables de ressentir les douleurs, tout comme la perte éventuelle de l’usage de leurs membres.

Cependant, contrairement à ce que certains croient, la lèpre n’entraîne pas la chute des doigts ou des orteils, mais le manque de tissu peut en revanche provoquer un rétrécissement ou endommager les os.

"Notre plus gros problème est que la société refuse d’accepter les personnes guéries à leur retour de la léproserie. Elles sont victimes d’une série de discriminations", confie à IPS, Godwin Ovbiagele, le commissaire à la Santé de l’Etat d’Edo, situé dans l’ouest du Nigeria.

Il explique que certains malades peuvent devenir invalides, et que cette infirmité, "ajoutée aux complications des yeux et aux ulcères sur leur corps, les rend laids et effrayants aux yeux de certains".

Si la forêt constitue pour ces anciens malades un refuge face aux réactions de rejet, elle n’offre que peu de possibilités d’emploi, et la plupart de ces ex-lépreux vivent dans l’extrême pauvreté.

Certains habitants d’Abo s’aventurent parfois sur la grande route qui relie la capitale économique, Lagos, au Bénin voisin, pour mendier auprès des automobilistes. Leur présence aux abords de cette route n’est pas sans danger : un certain nombre d’entre eux se sont déjà fait tuer par des véhicules roulant à vive allure.

La mendicité sur la route représente parfois la seule source de revenus, en particulier pour les femmes. "Les femmes se reposent exclusivement sur la mendicité, tandis que les hommes complètent le revenu en chassant les animaux de la forêt", explique Ojeabulu.

Les naissances sont courantes dans la forêt, certains patients ayant épousé d’anciens malades rencontrés lors de leur convalescence à la léproserie. Vingt-cinq enfants vivent à Abo — appelés parfois "les bébés de la forêt" —, dont cinq d’entre eux sont nés au cours des cinq dernières années.

Sans école à proximité, des parents envoient leurs enfants vivre chez des proches hors de la forêt, pour qu’ils puissent bénéficier d’un enseignement ; mais dans certains cas, les enfants y sont maltraités, et leurs parents sont obligés de les ramener dans la forêt.

"Nous ne sommes pas contents à l’idée de voir nos enfants dans la forêt, sans éducation. Tant qu’ils continueront à vivre avec nous, ils ne pourront pas aller à l’école. Comme certains d’entre nous n’ont pas d’instruction, nous aurions aimé que nos enfants puissent en avoir", souligne Peter Enebulele, un autre résident de la forêt d’Abo.

"Leurs enfants sont leur espoir", ajoute Ovbiagele. "Si ces enfants sont bien élevés et reçoivent une bonne éducation, ils seront en position de réhabiliter leurs parents dans le futur".

Les conditions de la forêt rendent la vie rude. "Je suis exposé à la pluie et au soleil. Je ne veux plus rester dans la forêt, je veux aller à l’école", dit Ejiro Samson, un garçon de dix ans. "Si je reste ici, je vais souffrir et je ne serai pas capable d’aller à l’école".

Comme beaucoup d’autres, Samson et sa mère vivent dans une case faite de sacs de ciments, de branches, de feuillages et de sacs plastiques. L’habitat est petit, sombre, et manque d’électricité.

Les anciens malades dorment sur des torchons dispersés sur le sol boueux. "Nous buvons l’eau crasseuse d’une rivière proche. Nous ne pouvons rien faire, nous devons nous débrouiller", explique Ojeabulu.

La malaria, comme les serpents, constituent des menaces permanentes. "J’étais malade et presque mourante lorsqu’un serpent est entré dans la case. Je n’ai pas pu m’enfuir parce que j’étais trop malade", se souvient Roseline Osigbe.

Ovbiagele s’est engagé à offrir de meilleures conditions de vie aux victimes de la lèpre dans l’Etat d’Edo. La nourriture sera distribuée gratuitement et une somme d’environ 40 dollars par mois (soit 31 euros) sera offerte à ceux qui désirent quitter les forêts pour une léproserie gérée par le gouvernement, et qui abrite déjà 460 personnes.

Cette infrastructure sera agrandie si le nombre d’anciens lépreux quittant la forêt dépasse sa capacité actuelle, soit 5.000 personnes, a-t-il ajouté. Au niveau national, le gouvernement a instauré un programme de contrôle de la lèpre, qui aide à combattre la maladie en distribuant gratuitement des médicaments à tous les lépreux.

Mais les anciens malades ne sont pas optimistes, ils ne croient pas que le gouvernement continuera à long terme à verser cette somme tous les mois. "Dès que le paiement s’arrêtera, les gens retourneront dans la forêt", affirme Ojeabulu.

Dans un pays où la peur et la pauvreté jouent un rôle prépondérant dans la vie des lépreux, l’histoire de Blessing Egbo témoigne cependant que certains Nigérians peuvent voir au-delà des apparences.

Son mari Lucky a contracté la lèpre peu après leur mariage. Mais Blessing a décidé, contre l’avis de ses amis et de sa famille, de le suivre dans la forêt, bien qu’elle ne soit pas malade. Le couple a aujourd’hui deux enfants, dont un bébé de cinq mois, Keseli, le plus jeune résident de la forêt, et aucun des enfants n’a la lèpre.

"Ma famille n’accepte pas que je vive dans la forêt avec mon mari, mais je ne veux pas le quitter, c’est pour cette raison que je l’ai suivi", dit-elle. "Les gens se moquent de nous, ils disent que mon mari est un lépreux, mais je ne me soucie pas de ce qu’ils disent". (FIN/2006)

Sam Olukoya


- Source : IPS www.ipsinternational.org

- Droits de reproduction et de diffusion réservés © IPS Inter Press Service.



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