Paul Ariès, le rédacteur en chef du bimestriel « La vie est à nous ! Le Sarkophage » m’a demandé un texte de 8000 signes sur le « conspirationnisme ». Le voici, tel qu’on peut le lire dans le N° 33, novembre 2012 et sur quelques sites.
MV
Un texte de 8000 signes sur le conspirationnisme ? Mais il faudrait un livre pour définir ce mot né sous la plume des soi-disant « anti-conspirationnistes » qui en usent comme d’une massue cloutée, d’une bague à poison et d’une muselière.
Définitions succinctes.
Conspiration : entente secrète en vue de renverser un pouvoir établi ou d’attenter à la vie d’une personne d’autorité. Synonymes : complot, conjuration.
Conspirationniste : celui qui voit des complots partout et qui y trouve l’explication de la marche du monde.
Anti-conspirationnisme : mouvance anonyme se réclamant souvent de l’anarchie pour pervertir ce que cet idéal porte en lui de beau et de généreux.
Analphabète politique (synonyme d’« anti-conspirationniste ») : celui qui jure qu’il n’y a jamais eu des conspirations.
Des esprits éclairés prétendent que les conspirations, complots, conjurations ne sont pas des vue de l’esprit, mais que, cependant, « Ce sont les masses, qui font l’histoire » (Marx).
Le fusil à trois coups des « anti-conspirationnistes ».
1- « Effet de halo ». Son nom étant répétitivement associé à « conspirationniste », l’adversaire est discrédité par phagocytose. Et le débat est clos.
2- « La circulation circulaire de l’information » (Pierre Bourdieu). Validation de la sentence par les journalistes qui se lisent entre eux et la diffusent. L’affaire est entendue.
3- Jeu du « Cadavre exquis ». On souffle une phrase à l’oreille de son voisin, qui transmet à un autre en ajoutant quelques mots, et ainsi de suite jusqu’au dernier. Tout est (mal) dit.
La milice des « anti-conspirationnistes » use de ces trois cartouches dont la poudre est un mélange de mensonges, amalgames, erreurs factuelles, extrapolations et généralisations abusives. Elle écrit la nuit des lettres de dénonciation non signées comme faisait naguère la France vertueuse et saine du marché noir.
Glissements sémantico-idéologiques
Sur le site d’information alternative Le Grand Soir (LGS), Viktor Dedaj explique comment, à chaque grand sujet sera associé un qualificatif « épouvantail », véritable « taser idéologique » aux effets paralysants (www.legrandsoir.info/tasers-r-ideologiques-contre-une-gauche-auto...). Il montre comment sont classés les partisans d’une discussion ouverte sur le 11 septembre 2001 (complotistes) l’Europe et l’euro (souverainistes) la politique économique et sociale (nationalistes), les conditions de vie (populistes), l’impérialisme (confusionnistes), le sionisme (antisémites), Israël (négationnistes, révisionnistes) la « guerre des civilisations » (islamistes) et, tous ces sujets groupés (rouge-bruns).
Exemples vécus, ou bercement insidieux de la rime.
Ornella Guyet a publié sous pseudonyme le 28 mars 2011 sur le site Article 11, un brûlot affirmant que le site Le Grand Soir (dont je suis un administrateur) est en pleine « dérive droitière » en raison de « la publication, de plus en plus fréquente et sous couvert de défense de la liberté d’expression, d’auteurs ou de textes ouvertement fascisants et d’extrême-droite ». Aggravé par des centaines de commentaires de lecteurs et d’elle-même, l’article faisait du Grand Soir un site complotiste, conspirationniste, confusionniste, puis (notez le glissement permis par la paronymie ou la rime) : antisioniste, révisionniste, négationniste et, pour tout dire, aux yeux de ceux qui suivirent la flèche lancée : antisémite.
Bien entendu sur 10 000 articles publiés par Le Grand Soir, aucun n’est, ni « ouvertement », ni insidieusement « fascisants et d’extrême-droite ». Au contraire.
N’empêche, des ignares embusqués rebondissent sur les mots infamants dans une fuite en avant diabolisante. Ils saluent mon invitation dans un salon du livre aux cris : « Pas de fachos dans nos quartiers, pas de quartier pour les fachos ! », ils nous promettent « des coups de manche de pioche », ils font annuler sous la menace une conférence de Viktor Dedaj, ils rappellent à l’ordre les sites qui nous référencient, ils s’insurgent de notre présence à la fête de l’Humanité.
En juin 2012, sur le site Rue89 (en signant de son vrai nom, son pseudo ayant été percé), Guyet me dit « Rouge-brun ». En août, un journaliste de Charlie Hebdo (qui confesse en privé s’être inspiré d’elle) classe LGS, Viktor Dedaj et moi parmi les « Bruns ». Bruns ? Cf. Les Chemises brunes des SA qui s’illustrèrent dans la « Nuit de cristal », pogrom et point culminant de la vague antisémite en Allemagne.
Les « anti-conspirationnistes » conspirateurs.
Ces maccarthystes, ces flics de la pensée, gagnent toujours la première manche. Ils perdent les autres. La première, peut durer une vie d’homme.
Par les accusations infondées qu’ils martèlent (sans se montrer) par l’assemblage à coups de talons des pièces mal assorties d’un puzzle, par le rapprochement de ragots et de semi-vérités, par leur manie de fouiller placards, caves et poubelles, ces émules de la Stasi et ayatollahs masqués se vautrent dans le conspirationnisme qu’il prétendent dénoncer.
Ils sont les clones des juges, policiers et journalistes qui ont formaté l’opinion pendant les 4 ans du procès d’Outreau où des présumés coupables par l’accumulation d’incontestables éléments à charge, ont vécu le martyr : destruction physique et mentale, éclatement de familles, pertes d’emploi, ruine, et jusqu’au suicide.
Comment dégarnir le front antifasciste et ouvrir la voie aux Panzers ?
Tout à leur procès de Moscou, ces procureurs évitent de s’alarmer d’une droite extrême à qui sourit le verdict des urnes et qui pérorera, demain, sur les marches du pouvoir s’ils nous neutralisent et rendent impossible tout débat d’idées.
Dans la charrette que tirent les inquisiteurs sans visage vers la place de Grève pour que la foule conspue leurs prises de guerre, on distingue : Edgar Morin, Daniel Mermet, Pascal Boniface, Charles Enderlin, Alain Ménargues, Bernard Cassen, Jacques Bouveresse, Pierre Bourdieu, José Bové, Stéphane Hessel, Pierre Péan, Umberto Ecco, Yves Calvi, Jean Ferrat, Jean-Luc Godard, René Balme, Mikis Theodorakis, Viktor Dedaj, Michel Collon, moi-même.... La liste folle est lacunaire et elle s’allonge sans cesse.
D’abord un bruit léger, dit Beaumarchais : « … il germe, il rampe, il chemine, et, rinforzando de bouche en bouche, il va le diable ; puis tout à coup, ne sais comment, vous voyez calomnie se dresser, siffler, s’enfler, grandir à vue d’oeil… ».
Tous ces accusés, que les vrais « Bruns » brûleraient en une seule fournée, que les Gi’s enfermeraient dans un container exposé au soleil, que les participants aux fêtes des bleu-blanc-rouge caresseraient au nunchaku, subissent la conspiration du « mensonge triomphant qui passe », la conjuration des bellicistes dont beaucoup ont applaudi toutes les guerres des atlantistes en Europe (Yougoslavie), au Proche et Moyen-orient, c’est-à -dire les massacres de populations, la destruction de pays, la fabrication de haines régionales, ethniques, tribales. Et gare à qui s’alarme du prix payé par les innocents pour remplacer, grâce aux armes ou armées de l’Occident, des dictateurs par des dictateurs, l’école par le prêche, la loi civile par la charia, l’oppression des femmes par leur encagement sous niqabs et burkas, les paysans palestiniens par des colons ukrainiens.
En mitraillant la tranchée qu’ils prétendent défendre, les « anti-conspirationnistes » cagoulés dégagent un boulevard pour le déferlement des Panzers des pires idéologies. Pascal les connaissait déjà , qui s’alarmait de cet : « Étrange zèle qui s’irrite contre ceux qui accusent des fautes publiques et non contre ceux qui les commettent ».
Les pseudo « anti-conspis » ont gagné la première manche.
L’Histoire nous apprend que les conspirations sont souvent découvertes quand le mal est fait.
N’auriez-vous pas en tête, en ce moment précis, ce dicton qui dit qu’il n’y a pas de fumée sans feu ? Et à combien d’antifascistes La vie est à nous/Le Sarkophage devrait-il offrir 8000 signes pour un humiliant plaidoyer pro-domo depuis le pilori où ils sont ligotés par des Dupont-la-Joie dont il est difficile de penser qu’ils ne sont activés que par leur inculture ?
Maxime Vivas
« La vie est à nous ! Le Sarkophage », In novembre 2012/janvier 2013.