Ou alors faut il prendre ce commentaire au second ou xième degré, comme je l’espère ?
Bon diou d’bon diou il se confirme vraiment que le 2nd degré passe pas du tout.. tonnerre c’était pas évident ? ben merde alors... ? M’en voici fort marri et l’on ne m’y prendra plus, je le jure, désormais j’avertirai...
Par contre, voilà qui n’en est certes pas du 2nd degré ou plus, c’est de l’info toute nue et elle pique , à vos marques, prêts ? partez :
Dans la Drôme, les gendarmes sortent les grands moyens pour traquer l’autrice de tags propalestiniens
Au nom de la lutte contre « l’apologie du terrorisme » post-7-Octobre, le parquet de Valence s’est mis en quatre pour surveiller une jeune femme, autorisant notamment la pose d’une balise GPS sous sa voiture. Elle doit finalement être jugée jeudi pour des « dégradations légères ».
Camille Polloni - 4 décembre 2024 à 18h08
Pendant plus de cinq semaines, Emma S., une potière et céramiste âgée de 24 ans, a roulé avec une balise GPS sous sa voiture. Sans qu’elle le sache, les gendarmes de la Drôme ont suivi en temps réel tous ses déplacements. Ils ont aussi planqué devant sa maison, épluché ses comptes bancaires et adressé des réquisitions aux opérateurs téléphoniques pour géolocaliser son numéro et identifier ses principaux contacts.
Ce qui a valu un tel traitement à la jeune femme ? Elle est soupçonnée d’une dizaine de tags contre le « massacre à Gaza » et en soutien à la Palestine, à l’automne 2023.
Initialement visée par une enquête pour apologie du terrorisme, Emma S. doit finalement être jugée par le tribunal de Valence, jeudi 5 décembre, pour des « dégradations légères par inscription » (les tags), un « outrage aux forces de l’ordre » pour avoir écrit « ACAB » (pour « All Cops Are Bastards ») sur un mur, ainsi que pour son refus de donner ses empreintes et son ADN lors de sa garde à vue.
Les premiers tags apparaissent le 23 octobre 2023, à La Bégude-de-Mazenc, une petite commune drômoise de moins de 2 000 habitant·es entre Montélimar et Dieulefit.
« STOP MASSACRE À GAZA », est-il écrit sur le mur d’une maison, à la peinture noire. À proximité, le maire trouve une banderole : « SOLIDARITÉ AVEC LES PEUPLES DE PALESTINE, pas de guerre entre les peuples, pas de paix entre les classes ». Il prévient les gendarmes. Sur la route qui mène à Dieulefit, ceux-ci découvrent d’autres inscriptions : « Tu préfères passer ta vie avec Pascal Praud ou Darmanin – ACAB » et une citation (presque exacte) de Paul Valéry : « Car la guerre c’est un massacre de gens qui ne se connaissent pas au profit de gens qui toujours se connaissent et ne se massacrent pas. »
Dans un contexte particulièrement tendu juste après les massacres du 7-Octobre en Israël, et alors que le garde des Sceaux appelle les procureurs à la plus grande vigilance (voir encadré), une enquête pour apologie du terrorisme est immédiatement ouverte sur la foi de ces seuls écrits.
Alice Becker, l’avocate d’Emma S., juge cette décision « inquiétante pour le balancier entre répression et liberté d’expression ». « À aucun moment, ces tags ne peuvent être assimilés à l’apologie d’un groupe terroriste ou présentés comme favorables aux attaques. »
Avec l’aval du parquet de Valence, et d’une juge des libertés et de la détention (JLD) qui a autorisé l’emploi des techniques d’enquête les plus intrusives, les gendarmes se lancent pourtant dans une véritable traque pour identifier et surveiller Emma S., l’autrice supposée de ces inscriptions. Parmi toutes les qualifications pénales retenues, seule l’apologie du terrorisme, passible de cinq ans de prison, permet un déploiement aussi exceptionnel de moyens.
Une Mercedes sous surveillance
Dès le lendemain de la découverte des tags, la voiture d’Emma S. est repérée sur une image de vidéosurveillance permettant de lire sa plaque d’immatriculation. Formellement, le véhicule appartient à son père, dont les gendarmes consultent le compte Facebook et consignent en procédure quelques « publications politiques », sur le procès d’Olivier Dussopt, la dissolution du groupe Soulèvements de la Terre, les moyens de l’hôpital public ou encore la polémique sur l’abaya à l’école.
Les gendarmes comprennent immédiatement qu’Emma S. est l’utilisatrice principale du véhicule Mercedes. Ils multiplient alors les recherches auprès des opérateurs téléphoniques et de sa banque pour retracer ses habitudes, ses déplacements et ses contacts les plus fréquents. Ils géolocalisent son trafic téléphonique et constatent qu’elle a pu se trouver dans le secteur quand les tags ont été commis. Dans les fichiers de police, son nom renvoie par ailleurs à des tags commis à Paris en 2019 : « la manif pour tous est homophobe » ainsi que « trans, pd, gouines, on est partout », même si Emma S. n’a pas été condamnée pour ces faits.
D’autres tags fleurissent le 1 novembre 2023, toujours sur la commune de La Bégude-de-Mazenc et dans le village voisin de La Bâtie-Rolland : « Free Palestine », « STOP au massacre à Gaza », « Pas de guerre entre les peuples pas de paix entre les classes », « ANTIFACHISTE » (avec une faute d’orthographe), « À bas l’impérialisme PALESTINE VINCRA » (avec une autre faute d’orthographe), « Un massacre a lieu en Palestine FRANCE COMPLICE » et « ANTISIONISTE ». Ils sont tracés sur les murs de particuliers ou encore sur le sol d’un rond-point.
Les gendarmes planquent devant chez Emma S. et la prennent en photo lorsqu’elle sort, vêtue d’une doudoune, accompagnée d’un homme qui porte un panier en osier. Ils les suivent même... jusqu’au magasin bio.
Dans l’objectif déclaré de trouver l’adresse d’Emma S., le parquet autorise les gendarmes à poser une balise GPS sous sa voiture pendant huit jours pour la géolocaliser en temps réel. L’appareil, géré par une société privée sous- traitante du ministère de l’intérieur, est installé le 30 novembre à 2 heures du matin… alors que la voiture de la jeune femme est garée devant chez elle.
L’avocate d’Emma S. « ne comprend pas très bien à quelles fins » cette balise est posée. « L’adresse qu’ils cherchent, et où ils viennent poser la balise, est son adresse fiscale. Il suffisait d’envoyer une demande à l’administration fiscale pour en avoir confirmation. »
Au bout d’une semaine, estimant qu’ils ne peuvent toujours pas localiser le domicile de la jeune femme avec certitude – ils ont un doute entre des maisons mitoyennes –, les gendarmes obtiennent de pouvoir utiliser la balise pour un mois supplémentaire, à compter du 8 décembre 2023. C’est une juge des libertés et de la détention du tribunal de Valence qui autorise cette mesure, particulièrement intrusive. Le jour même, les gendarmes contrôlent Emma S. au volant de son véhicule et elle leur donne oralement son adresse. Mais la surveillance continue.
Des affiches et autocollants comme pièces à conviction
Début janvier 2024, les gendarmes photographient la boîte aux lettres de la jeune femme. Une semaine plus tard, ils planquent devant chez elle et la prennent en photo lorsqu’elle sort, vêtue d’une doudoune, accompagnée d’un homme qui porte un panier en osier.
Ils les suivent même... jusqu’au magasin bio.
En prévision de son interpellation, les enquêteurs obtiennent des magistrats l’autorisation de recourir à la « comparution forcée » de la jeune femme et à des « perquisitions sans assentiment » de son domicile, de sa voiture et de son téléphone portable, sous prétexte qu’elle serait susceptible de les refuser.
Dans les faits, Emma S. est arrêtée « sans opposer de résistance » au matin du 22 janvier 2024, alors qu’elle sort de chez elle. Elle accepte de donner le code de déverrouillage de son téléphone.
Lors des perquisitions, les gendarmes saisissent plusieurs bombes de peinture chez elle et dans sa voiture, ainsi que divers objets à connotation politique : des autocollants pour la libération de Georges Ibrahim Abdallah, des affiches de soutien à la Palestine, d’autres qui portent des slogans contre Emmanuel Macron, la loi Kasbarian et la police, des tracts. Ils extraient quatre images de son téléphone pour les verser au dossier : une publication du site Contre-Attaque, une page de podcasts de Radio France sur l’extrême gauche des années 1970, un « appel international à une semaine d’action contre toutes les guerres » et un photomontage « Nique le capital
La jeune femme exerce son droit au silence et refuse de répondre aux questions des gendarmes, dont celles qui portent sur sa « confession religieuse », son avis sur « le conflit israélo-palestinien », ses opinions sur « la police, la gendarmerie ou la justice ». Au terme de sa garde à vue, qui ne dure que huit heures, Emma S. est relâchée sans même être placée sous contrôle judiciaire. La balise posée sous sa voiture, inactive depuis une quinzaine de jours, est retirée le soir même.
La vice-procureure chargée de l’affaire décide finalement de renoncer aux poursuites pour apologie du terrorisme, c’est-à-dire le délit qui a fondé l’ensemble de la procédure. « Ce déploiement de moyens inexplicables a dû coûter assez cher », commente son avocate, Alice Becker, pour qui « c’est la montagne qui accouche d’une souris ». Emma S. est convoquée au tribunal le 5 décembre pour répondre des infractions restantes.
Avisés du procès, les trois propriétaires des maisons visées par les tags (ainsi que le département de la Drôme, responsable du rond-point) auront la possibilité de se constituer parties civiles. Lors de leur dépôt de plainte initial, les gendarmes à la recherche d’un potentiel mobile antisémite leur ont demandé s’ils étaient juifs. Aucun ne l’était. « Catholique », a répondu une femme de 90 ans. « Ce n’est pas dirigé contre ma personne, estimait un homme de 66 ans. Pour moi, ils ont tagué sur mon mur, car il se trouve à l’entrée de la commune et il est bien visible des automobilistes. »
Camille Polloni
L’apologie, délit sensible
Une circulaire du garde des Sceaux, diffusée le 10 octobre 2023, appelle à « une réponse pénale ferme et rapide » contre les actes antisémites et l’apologie du terrorisme. Dans le contexte post-7- Octobre, il la définit comme « la tenue publique de propos vantant les attaques [du 7 octobre 2023 – ndlr] , en les présentant comme une légitime résistance à Israël, ou la diffusion publique de messages incitant à porter un jugement favorable sur le Hamas ou le Jihad islamique, en raison des attaques qu’ils ont organisées ». Des centaines d’enquêtes ont été ouvertes dans les semaines qui ont suivi.
Fin novembre 2024, une proposition de loi de La France insoumise visant à supprimer le délit d’apologie du terrorisme du Code pénal – les députés LFI expliquant par ailleurs qu’ils souhaitaient le réintégrer au droit de la presse – a déclenché un tollé dans la classe politique française.
Jusqu’à la loi Cazeneuve du 13 novembre 2014, l’apologie du terrorisme était encadrée par la loi historique de 1881 sur la libertéde la presse. Obéissant à des règles de procédure assez contraignantes, avec une prescription rapide, elle était en conséquence beaucoup moins poursuivie. La possibilité nouvelle de garde à vue suivie d’une comparution immédiate a conduit à ce que plusieurs centaines de personnes soient poursuivies chaque année, augmentant la probabilité de condamnation et d’incarcération