Revendiquer d’être un corps intermédiaire, c’est vouloir devenir un subsidiaire du pouvoir. C’est mettre aussi en place un régime corporatiste au service du patronat, de l’Église et de l’État du capital, en échange de quelques prébendes, décorations et places bien rémunérées.
► La Libre Pensée va publier à la rentrée de septembre 2025 un ouvrage en hommage à Paul Ruff, Un homme libre, résistant, syndicaliste de la CGT-FO, dirigeant du Syndicat des Enseignants de la Région Parisienne, un des fondateurs du CLADO (Comité de liaison et d’action pour la démocratie ouvrière), Partisan de l’indépendance de l’Algérie, et de tous les peuples colonisés, révolutionnaire prolétarien, militant « lutte de classes ».
Il fut aussi un des responsables des 400 résistants d’Alger, dont de très nombreux jeunes Juifs, qui permirent le débarquement allié de l’Opération Torch en novembre 1943, avec le minimum de pertes humaines, désarmant la police et l’armée de Vichy.
Il aura profondément marqué le syndicalisme enseignant confédéré, confédéré pour être véritablement indépendant et libre.
Comme il le disait au moment d’une forte polémique, l’intérêt global de la classe ouvrière ne saurait se confondre avec « l’intérêt général » si cher aux tenants de l’État qui entendent brader les intérêts particuliers des salariés sur l’autel des intérêts généraux de la société qui sont ceux de la classe dominante. L’intérêt global de la classe ouvrière est de se constituer « en soi et pour soi ». Elle n’a nul besoin de s’allier avec la classe dominante et oppressive pour dégager ses intérêts généraux de l’ensemble des salariés, au contraire, c’est en s’opposant à cette classe exploiteuse qu’elle peut être source de progrès pour les salariés dans leur ensemble.
Et c’est ce « au contraire » du syndicalisme autonome et catégoriel qui a aussi besoin de s’élever plus haut pour exister et se situer dans un ensemble. Mais cet ensemble n’est pas celui de la classe ouvrière, c’est celui de la société. C’est donc logiquement que le syndicalisme autonome et catégoriel trouve sa suite logique dans le corporatisme qui le subordonne à l’intérêt général de l’État par sa soumission à celui-ci, il en devient un « corps intermédiaire et un subsidiaire ». (Extraits de la Préface de Gabriel Gaudy et de Christian Eyschen de l’ouvrage sur Paul Ruff)
► Le 21 janvier 2025, la Libre Pensée publiait un communiqué étayé sur le discours de politique générale de François Bayrou, nommé Premier Ministre par Emmanuel Macron. Nous en republions le début, tant il est d’actualité aujourd’hui :
Discours de politique générale de François Bayrou : derrière l’enfumage, le danger corporatiste se précise
C’est quasiment une homélie inspirée par l’Église catholique, y compris dans les mots même, comme « conclave ». C’est même à la limite de la caricature. Bayrou-de-secours commence par battre sa coulpe dans la plus grande tradition du dolorisme : « Sur ces bancs, même parmi ceux qui sont violemment hostiles à ce que nous pensons, pas un ne trouve notre position enviable. 84 % des Français, paraît-il, jugent que le gouvernement ne passera pas l’année. Et il m’arrive même de me demander où les 16 % restants trouvent la source de leur optimisme. »
Après la flagellation, l’Union sacrée au nom de tous les Français, car « Quand tout va bien, on s’endort sur ses lauriers. Quand tout va mal, on est contraint au courage. Il y a un deuxième atout décisif. C’est le besoin, l’exigence, l’injonction que le pays nous assigne : retrouver la stabilité ! Tout le pays, tous les Français en ont besoin. Ils comprennent bien que nous ne sommes pas d’accord sur tout. Mais ils nous enjoignent, je le crois, de joindre nos forces pour forcer les issues. »
C’est le discours classique : tout le monde est responsable, tout le monde est coupable : « Les sujets d’inquiétude sont innombrables. Il en est un, toutefois, qui émerge avec une force criante : le surendettement de notre pays. Quelles incertitudes et difficultés cette situation suscite. Depuis la guerre, la France n’a jamais dans son histoire été aussi endettée qu’elle l’est aujourd’hui. » C‘est donc la faute des Français et des gouvernements qui ont « voulu les aider » dans leurs misères diverses. Et sans le dire, tout en le disant quand même un peu, c’est la reprise de la litote macroniste : « le budget social coute un pognon de dingues ».
Qui est visé, sinon les travailleurs, les chômeurs, les pauvres et les immigrés qui « coutent tant et rapportent si peu. ». Sous le misérabilisme condescendant, on retrouve le terreau et le fumier de l’extrême-droite. Le passage honteux sur les dangers de l’immigration n’est qu’un appel au secours à l’extrême-droite et à la chouannerie de Retailleau et de Villiers. L’annonce de la remise en cause du droit du sol à Mayotte va dans le même sens, surtout mis en œuvre par Manuel Valls qu’aucune ignominie raciste et xénophobe n’arrête.
Sous l’évocation des Giles-Jaunes et l’immense peur que cela a suscité pour la Macronie, la seule solution du pouvoir est d‘en appeler au mouvement syndical pour qu’il lui serve de béquille : « J’ai confiance dans les partenaires sociaux. Je crois qu’ils ont entre les mains une part décisive de l’avenir national. C’est aussi cela la nouvelle méthode démocratique. En finir avec les injonctions du haut vers le bas. Redonner place à la vie démocratique : avec les citoyens, les élus, tous les corps intermédiaires qui constituent la Nation française. » C’est impliquer les syndicats dans la dégradation de la France si la situation ne s’améliore pas et s’ils refusent de faire corps avec ce nouveau gouvernement.
La doctrine sociale corporatiste de l’Église au secours de la Macronie agonisante
Les corps intermédiaires sont tout droit sortis de la doctrine sociale de l’Église qui a aussi inventé le principe de subsidiarité. C’est ce que revendiquait Pie XI dans son encyclique Quadragesimo Anno, définissant le principe de subsidiarité : “ Que l’autorité publique abandonne donc aux groupements de rang inférieur le soin des affaires de moindre importance où se disperserait à l’excès son effort ; elle pourra, dès lors, assurer plus librement, plus puissamment, plus efficacement les fonctions qui n’appartiennent qu’à elle parce qu’elle seule peut les remplir : diriger, surveiller, stimuler, contenir, selon que le comportement, les circonstances ou la nécessité l’exige”.
Le modèle parfait a été incarné par la France d’Ancien-Régime. L’État était replié sur ses fonctions régaliennes (armée, police, justice, diplomatie) et toutes les autres fonctions étaient dévolues à des corps intermédiaires de plus bas niveau : les fermiers généraux pour la collecte de l’impôt, l’Église et les ordres religieux pour un semblant d’éducation, de soins et de charité. C’était la stricte application avant l’heure du principe de subsidiarité défini par l’Église catholique et appliqué par l’Union européenne. Les trois États (la noblesse, le clergé et le tiers-état), c’était aussi les trois étages : l’Etat, les provinces et les corps intermédiaires.
La Révolution Française, en 1789, a brisé l’Ancien-Régime et le principe de subsidiarité, qui n’existait pas encore formellement, mais qui était déjà pratiqué. Elle a institué une société dans laquelle on a toujours confié, pour assurer l’égalité des citoyens devant la loi, à des organismes de rangs supérieurs les missions d’une société moderne et démocratique.
Ce qui caractérise la Révolution Française, la République, c’est que, pour assurer l’Égalité des citoyens devant la loi, on a créé la notion de service public. Ce qui caractérise l’Ancien-Régime et le principe de subsidiarité, c’est que pour briser l’égalité des citoyens devant la loi, pour donner et confier à des organismes de rangs inférieurs, on privatise et on détruit les services publics.
La Doctrine sociale de l’Église, ce sont cinq principes intangibles :
- Premier principe : à l’heure des révolutions, seule l’Église peut agir efficacement contre.
- Deuxième principe : la propriété privée des moyens de production et l’inégalité sociale sont d’ordre naturel et de droit divin.
- Troisième principe : pas de salaire trop élevé, interdiction du droit de grève et pas trop d’impôts sur le capital.
- Quatrième principe : promouvoir l’alliance du travail et du capital, par la notion de communautés d’intérêts.
- Cinquième principe : se doter d’instrument de conquête de la classe ouvrière ou par l’instauration de corps intermédiaires, quand les outils manquent.
► Revendiquer aujourd’hui d’être reconnu comme un corps intermédiaire, c’est participer d’un projet totalitaire, qui remet en cause l’authentique démocratie qui a besoin de représentants libres, mais pas de domestiques et de subsidiaires pour mettre en place un plan d’austérité qui va frapper la population comme jamais.
Chacun devra choisir son camp : celui de la démocratie et de la liberté, ou celui de l’oppression sociale et de la servitude. La Libre Pensée sera aux côtés de toutes celles et de tous ceux qui diront non à un tel projet réactionnaire, antisocial et liberticide, car il faudra au pouvoir réprimer comme jamais pour faire taire les opposants et pour appliquer sa politique contre le peuple.
Plus que jamais, la nécessité d’une assemblée constituante élue, libre et souveraine pour rendre la parole au peuple qui doit être seul à décider de son avenir.
La Fédération nationale de la Libre Pensée