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26 septembre 2025

Portrait d’un sioniste

Viktor DEDAJ

Un sioniste qui argumente est comme une vedette qui n’aurait affronté toute sa vie que des concurrents complaisants qui le laissaient gagner devant un public qui applaudissait à tous ses "exploits". Il avait fini par se convaincre qu’il était doué, éloquent, qu’il avait un vrai argumentaire, qu’il avait de la tchatche. Il avait fini par se convaincre que les "ooh" et les "aah" poussés par les adultes lorsqu’il braillait "m’man, ’garde-moi" étaient mérités.

Mal élevé, intellectuellement limité, inculte, braillard et avec la maturité d’un gamin de 12 ans (et encore), il ne sait plus s’exprimer qu’en recyclant les rengaines de sa jeunesse sans comprendre pourquoi la magie ne prend plus. Le cerveau atrophié par manque d’exercice, il ne comprend pas ce qu’il lui arrive et se réfugie là où il peut : dans le déni.

En permanence ivre de lui-même, il fait comme tous les alcooliques honteux. "J’ai rien bu", dit-il en titubant. "Encore une, c’est la dernière" promet-il. "Pourquoi m’obliges-tu à te faire du mal ?" demande-t-il en examinant la touffe de cheveux dans sa main.

Il se contredit d’un jour à l’autre, empêtré qu’il est dans ses propres mensonges.

Car le sioniste est au fond un incompris. Tout est contre lui. Le public - qui le déteste. Le jury - qui est acheté. L’ambiance - qui est lourde. Mais la salle se vide, lentement mais sûrement. Seul son oncle d’Amérique et quelques cousins européens à la consanguinité douteuse le soutiennent, le cajolent et l’encouragent. Ils forment son fan-club, sa garde-rapprochée, les gardiens de sa galaxie. Probablement parce que, quelque part, ils se reconnaissent en lui.

Alors il s’empare encore une fois du micro qu’on lui tend. Il se prend pour Freddy Mercury mais chante comme Claude François. Et le voilà qui se lance dans ce qu’il croit être une version a cappella de Bohemian Rapsody mais on entend juste un téléphone qui pleure. Au premier rang, les groupies hurlent de joie. Il n’y a pas de deuxième rang. Ni de troisième, d’ailleurs.

De retour dans sa loge, il vide une bouteille (la dernière, promis) qu’il jette ensuite contre le miroir. Avachi sur le canapé, il sombre dans une torpeur. Et la dernière chose qu’il entend est "Mais oui, mon chéri, vas-y, je t’écoute".

Viktor Dedaj
auteur de portraits crachés