auteur Samir AMIN

Les nouveaux défis de l’Amérique latine

Samir AMIN

Le continent américain a été la première région intégrée dans le capitalisme mondial naissant [1]. C’est également la première à avoir été façonnée comme périphérie des centres européens atlantiques en constitution. Ce façonnement a été d’une brutalité sans pareille.

Les Anglais ont ici (comme en Australie et en Nouvelle-Zélande) tout simplement procédé au génocide complet des Indiens, les Espagnols à leur réduction à un statut proche de l’esclavage. En dépit des effets démographiques catastrophiques de ces politiques, la présence indienne n’a pas été effacée. Les Portugais et les Français ont complété l’œuvre de façonnement du continent par la traite des esclaves. L’exploitation de cette première périphérie du capitalisme historique était fondée sur la construction d’un système de production pour l’exportation de produits agricoles (sucre, coton) et de produits miniers. L’indépendance, conquise par les classes dirigeantes locales blanches, n’a rien changé à cette vocation. L’Amérique latine, avec encore aujourd’hui seulement 8,4 % de la population mondiale, comme l’Afrique, constituent les deux régions du monde où se conjuguent un faible peuplement relatif (par comparaison avec l’Asie de l’Est, du Sud et du Sud-Est) et une richesse fabuleuse (…)
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Les élections européennes de Mai 2014. Nouvelles étape dans l’implosion du projet européen

Samir AMIN
1.La construction européenne a été conçue et mise en œuvre dès l’origine pour garantir la pérennité d’un régime de libéralisme économique absolu. Le traité de Maastricht (1992) renforce encore ce choix fondamental, et interdit toute autre perspective alternative. Comme le disait Giscard d’Estaing : « le socialisme est désormais illégal ». Cette construction était donc par nature anti-démocratique et annihile le pouvoir des Parlements nationaux élus, dont les décisions éventuelles doivent rester conformes aux directives du pouvoir supranational défini par la pseudo-constitution européenne. Le « déficit de démocratie » des institutions de Bruxelles, à travers lesquelles opère la dictature néo-libérale, a été et demeure consciemment voulu. Les initiateurs du projet européen, Jean Monet et autres, n’aimaient pas la démocratie électorale et se donnaient l’objectif d’en réduire le « danger », celui d’engager une nation hors des sentiers tracés par la dictature de la propriété et du (…)

Samir Amin : « La chute de Morsi doit être considérée comme une victoire du peuple »

Samir AMIN

Économiste franco-égyptien et président du Forum mondial des alternatives, Samir Amin livre son analyse des derniers événements politiques survenus dans le pays.

Les militaires viennent d’écarter le président islamiste Mohamed Morsi. Cela vous surprend-il ? Samir Amin. La chute de Morsi et du régime des Frères musulmans était tout à fait prévisible. Depuis des mois, tous les Égyptiens disaient qu’il fallait refaire un 25 janvier, date du début de la révolution égyptienne de 2011, pour nous débarrasser de la clique des Frères musulmans au pouvoir qui continuaient la même politique que celle de Moubarak, mais en plus violent, de mépris jusqu’à l’extrême de la démocratie. Une campagne de signatures a été organisée par un mouvement de jeunes pour demander le départ de Morsi. Elle a réuni 22 millions de signatures. Lorsque le nombre de signatures a dépassé les 10 millions, aucun média occidental ne l’a signalé. Si on en avait collecté la moitié dans un État comme le Venezuela, que n’aurait-on pas entendu ! Cette campagne annonçait la manifestation du 30 juin. Celle-ci a réuni dans toute l’Égypte, selon la police, 16 millions de participants. (…)
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L’Islam politique est-il soluble dans la démocratie ?

Samir AMIN

Texte de Samir Amin diffusé par le M’PEP avec l’autorisation de l’auteur. Économiste franco-égyptien, Samir Amin est directeur du Forum du Tiers-Monde.

Résumé

Samir Amin veut mettre les points sur les « i » à propos des partis politiques qui se revendiquent de l’islam. Il ne veut pas discuter de la possibilité éventuelle d’un « islam politique moderne » et encore moins de religion. Ce qui intéresse Samir Amin est une analyse de classe : quelles sont les politiques économiques et sociales menées par ces partis se réclamant de la religion, comment font-ils vivre la démocratie là où ils ont le pouvoir, à qui sert leur politique ?

Pour lui, ces partis sont prétendument islamistes et donnent chacun leur interprétation de la religion, ils sont en fait réactionnaires et anti-démocratiques. Pour eux, l'Islam (ou Dieu) règlera tous les problèmes, tandis que pour les néolibéraux « le marché règlera correctement tous les problèmes ». Où est la différence ? Pour Samir Amin, « ces régimes enferment les sociétés qui sont leurs victimes dans l'impuissance totale face aux défis du monde contemporain. Ils acceptent la soumission à toutes les exigences du libéralisme économique mondialisé. » M'PEP. Texte complet Ce bref commentaire, qui vient en complément d'écrits plus étoffés de l'auteur, ne se veut ni provocateur, ni polémique. Je veux seulement mettre les points sur les i. Je rappelle donc, dans une forme brève, ce que j'ai écrit et répété : je n'y discute pas « d'un Islam politique moderne possible qui serait démocratique », mais des partis qui existent sur le terrain et se revendiquent de l'Islam. Je ne discute (…)
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Mali : Analyse de Samir AMIN

Samir AMIN
Je suis de ceux qui condamnent par principe toute intervention militaire des puissances occidentales dans les pays du Sud, ces interventions étant par nature soumises aux exigences du déploiement du contrôle de la Planète par le capital des monopoles dominant le système. L'intervention française au Mali est-elle l'exception à la règle ? Oui et non. C'est la raison pour laquelle j'appelle à la soutenir, sans néanmoins penser le moins du monde qu'elle apportera la réponse qu'il faut à la dégradation continue des conditions politiques, sociales et économiques non seulement du Mali mais de l'ensemble des pays de la région, laquelle est elle-même le produit des politiques de déploiement du capitalisme des monopoles de la triade impérialiste (États Unis, Europe, Japon), toujours en oeuvre, comme elle est à l'origine de l'implantation de l'Islam politique dans la région. I. L'Islam politique réactionnaire, ennemi des peuples concernés et allié majeur des stratégies de la triade (…)