Bourrage de crâne contre le Venezuela : Chavez veut-il vraiment contrôler Twitter ?

La planète Internet est en émoi. Un article qui circule actuellement (http://www.boingboing.net/2010/02/04/venezuela-chavez-equ.html), et dont la teneur est reprise par de nombreux autres sites, donne le frisson : Chavez voudrait filtrer le net ! Comme il voudrait bâillonner les médias privés, c’est-à -dire 80 % des titres de presse et des stations de radio et de télévision qui le vilipendent quotidiennement. Voyons les choses de plus près.

Les groupes de l’opposition vénézuélienne sont actuellement déchaînés contre le président Chavez et réclament sa démission. Comme s’il n’avait pas été élu démocratiquement il y a un peu plus de deux ans, et avec un score supérieur à ceux obtenus par Barack Obama et Nicolas Sarkozy. Les appels à manifester ont été diffusés en grande partie via Twittter qui est inondé de messages de ces groupes de droite selon lesquels Hugo Chavez aurait dit : "Twitter est un instrument du terrorisme" .

Quiconque procèdera à une enquête minimale constatera que la source primaire de cette « information » est la version en espagnol du site ReadWriteWeb, propriété d’une entreprise nord-américaine. Dans le texte en question, on ne trouve cependant aucune référence au moment ou au lieu où le président vénézuélien aurait prononcé cette phrase. Personne ne s’est donné la peine d’en vérifier l’authenticité. Au contraire, le faux a rebondi d’un site sur l’autre et alimenté Twitter. Non seulement Chavez n’a rien dit de semblable, et encore moins demandé une loi pour contrôler Twitter, mais bien au contraire, il a encouragé ses partisans à en faire usage !

Qui a réellement affirmé que « Twitter est un instrument pour le crime ? ». C’est un tribunal de Pennsylvanie dans un procès intenté à un militant, Elliot Madison, accusé d’avoir utilisé son téléphone portable pour informer les manifestants du dispositif policier mis en place autour du Sommet du G-20 à Pittsburgh. Twitter s’est révélé être un bon outil de mobilisation en faveur de la démocratie, au Honduras, mais aussi contre elle, au Venezuela.

Dans ce pays, et depuis plusieurs années, le gouvernement a beaucoup investi dans l’accès des catégories populaires à l’outil Internet, en multipliant les "infos-centres communautaires". Il a imposé l’usage des logiciels libres dans toute l’administration publique. Un des "gourous" de la communauté du logiciel libre, Richard M. Stallmann, recommande d’ailleurs que l’on étudie les avancées du Venezuela dans ce domaine :
http://www.somoslibres.org/modules.php?name=News&file=article&sid=650

La dose quotidienne de faux contre Chavez et la Révolution bolivarienne a augmenté dans des proportions telles qu’il est impossible de les démentir tous. Si tant de sites dits "alternatifs" utilisent comme sources des médias liés à de grands intérêts commerciaux et politiques comme Semana en Colombie, Fox aux Etats-Unis, El Pais en Espagne, TF1 en France, comment le citoyen peut-il encore décemment s’informer ?

Pour éviter que des révolutions démocratiques soient la cible de cette désinformation bien huilée, qui prépare des coups d’État semblables à ceux qui renversèrent Allende ou Zelaya ; pour que les gouvernements progressistes d’Amérique latine ne soient pas en permanence mis au banc des accusés, il est plus que temps que les forces de gauche (notamment en France) inscrivent enfin dans leur programme, et de manière centrale, la démocratisation du système médiatique

Tout comme Hugo Chavez, la présidente argentine Cristina Fernandez, Rafael Correa et Evo Morales se sont fait traiter récemment de "liberticides" parce qu’ils tentaient de ménager quelques espaces démocratiques dans le monde capitaliste de la communication. Lorsqu’on évoque cette question en Europe, la gauche et la plupart des journalistes font des réponses évasives ou se taisent. Pourtant une démocratie authentique, et la survie d’une gauche et d’un journalisme dignes de ce nom, ne peuvent exister sans un pluralisme médiatique radio-TV-écrit. On pourrait imaginer un équilibre du type 40 % de médias associatifs, 40 % de médias publics participatifs, et 20% de médias commerciaux.

Des mensonges comme ceux concernant Twitter, à propos desquels les autorités vénézuéliennes sont en permanence sommées de s "« expliquer », sédimentent jour après jour les prétextes que cherche la droite pour renverser des gouvernements progressistes. En Amérique latine, sa base sociale est faible, mais les grands médias nationaux et internationaux la confortent dans ses velléités d’anéantir des expériences qui échappent à l’ordre néolibéral.

La véritable question, en forme de rideau de fumée, n’est pas de savoir si Chavez veut « filtrer le net ». Elle est de savoir quand la gauche aura enfin le courage de s’attaquer à la dictature médiatique.

Thierry Deronne, Caracas,
pour Mémoire des Luttes (France).

COMMENTAIRES  

11/02/2010 15:19 par oscar fortin

A l’occasion de l’ouverture de la session de l’Assemblée générale des Nations Unies, en septembre dernier, Larry King, l’animateur vedette de CNN, a reçu Chavez à sa populaire émission d’Affaires publiques. A ce moment, je l’avais écouté en direct et j’avais été impression par sa performance et le contenu de ses réponses.

J’ai pensé que pour ceux et celles qui n’ont de Chavez que l’opinion de ce que nos médias en disent, cet interview leur permettra de découvrir en direct l’homme, sa pensée et les motifs qui l’animent dans ses relations avec les autres. L’entrevue est sous-titrée en français. Pour les rares fois que nous pouvons le voir en direct et l’entendre lui-même sur les questions que nous nous posons, le visionnement en vaut la peine.

12/02/2010 05:05 par Don Quilla-Huasi

Hélas Cher ami,
Ici en Équateur les médias de communication sont aussi navrants, et je ne parlerai même pas du "Comment est traité l’information sur le Vénézuela" C’est tout à fait scandaleux.
Les Jités font dans les faits divers et le principal TELEAMAZONAS géré par le propriétaire du BANCO del PICHINCHA (1er ou 2eme banque du pays) entres autres sociétés en sa possession.
L’information est nul d’accès pour les familles modestes où dans le plus courrant des cas, la télé et le simple canal d’info...
Les journaux c’est pas ça non plus par ailleurs...

Dur, Dur que d’être RéVOLutionnaire face au Dogmatisme du Libéralisme économique et Capitalisme soft de nos faux-amis sociaux-Démocrates.

VIVE LA RÉVOLUTION Libertaire.

12/02/2010 08:00 par maxime vivas

C’est un fait que le démontage des mensonges, des manipulations de nos médias sur ce qui se passe en Amérique latine serait un travail de Sisyphe.

Par suite, le temps manquerait pour énoncer des vérités, montrer ce qui se construit là -bas de positif, comparer avec nos reculs et notre léthargie.

Le mieux est de toujours considérer avec suspicion toute information de nos médias sur ces pays-là . Parfois, il suffit de laisser le temps les obliger à se démentir eux-mêmes.

Exemple : en mai 2007, l’ensemble de la presse couinait sur la « fermeture » de RCTV. En 2010, elle reconnaît que RCTV émet et que la mesure était limitée à son émission par voie herztienne. Ce que nous étions seuls à dire, sur le Net, avec malgré tout quelques rares journaux qui n’appartiennent pas à des oligarques. Certes, nos médias ne vont pas jusqu’à dire : « On avait menti » (ils ne le diront jamais) ou « On s’était trompés », mais on est là pour le rappeler au lecteur.

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