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Côte d’Ivoire : l’ivoirité, Un concept philosophique ?

Quand des intellectuels à peau noire et coeur blanc décident d’exclure du pays de leurs maîtres et financiers une partie des populations, ils s’installent au coin du feu et pondent avec confiance de nouveaux concepts philosophiques aux relents toutefois assez fascistes. Le grand soir invite les lecteurs à s’interesser à ces discours où peut être se dessinent quelques lignes des fractures qui divisent la côte d’Ivoire aujourd’hui...

La question de l’identité ivoirienne et du rapport entre « autochtones » et allochtones » n’est pas nouvelle. C’est même l’une des constantes du débat politique depuis les années 30, où la société civile s’est structurée sur le registre de l’autochtonie, avec la création notamment de l’Association de Défense des Intérêts des autochtones de Côte d’ivoire(ADIACI). La Côte d’ivoire a connu, périodiquement des poussées xénophobes visant notamment les communautés d’employés dahoméens ou togolais puis voltaïque. Mais jamais la question de la nationalité ivoirienne n’avait pris une telle ampleur.

Cet enjeu, qui s’est politisé et radicalisé avec l’affaire « Ouattara » n’a pas disparu avec le coup d’état de décembre 99. La responsabilité politique de cette mobilisation identitaire incombe en large partie au régime Bedié même si le recours à un tel registre n’a totalement pas disparu avec l’arrivée des sociaux-démocrates au pouvoir. De 95 à 99 ; en effet, quelques idéologues du PDCI se sont à conceptualiser une vision restrictive et ethnonationaliste de la citoyenneté « sous le blanc manteau de l’ivoirité » selon la propre formule de Bedié.

Regroupés au sein de la « Cellule Universitaire de Recherche et de Diffusion des Idées et actions Politiques du président Henri K. B :la CURDIPHE », ces intellectuels ont publié en 96 un ouvrage-manifeste intitulé l’ivoirité, ou l’esprit du nouveau contrat social du président Henri K. Bedié.

En voici un large extrait : [1]

Préface et Avant-propos

"Contrairement à certaines opinions, la notion d’ivoirité n’est ni le fruit d’un
sectarisme étroit, ni l’expression d’une quelconque xénophobie ; elle est la
synthèse parfaite de notre histoire, l’affirmation d’une manière d’être
originale, bref, un concept fédérateur de nos différences." (SALIOU
TOURE, ministre de l’enseignement sup.).

"L’ivoirité est ce lien essentiel qui se tisse au fil du temps entre notre
pays et la manière dont chacun y vit et travaille, mais aussi un message de
fraternité et de progrès pour réussir une intégration régionale économique
profondément humaine."(Bénoit SACANOUD, président de la Curdiphe).

De l’IVOIRITE

"Plusieurs faits, souligne toutefois le professeur J-N. LOUKOU, ex-directeur
de cabinet du président BEDIE, peuvent justifier l’inquiétude des Ivoiriens.
C’est d’abord l’importance numérique des étrangers en Cote d’Ivoire....liée
à un fort taux d’immigration et à une forte natalité. Les étrangers occupent
une place prépondérante parfois hégémonique dans l’économie ivoirienne.
Cette présence étrangère menace donc de rompre l’équilibre socio-économique
du pays. En deuxième lieu, l’angoisse du comment peut-on être ivoirien,
renvoie à la quête d’une identité culturelle nationale. Enfin, le comment
peut-on être ivoirien traduit la revendication politique d’être chez soi.
L’ivoirité est , selon nous, une exigence de souveraineté , d’identité, de
créativité. Le peuple ivoirien doit d’abord affirmer sa souveraineté, son
autorité face aux menaces de dépossession et d’assujettissement : qu’il
s’agisse de l’immigration ou du pouvoir économique et politique."

"Pour construire un NOUS, renchérit NIAMKEY KOFFI, professeur de philosophie, il
faut le distinguer d’un EUX. Il faut parvenir à établir la discrimination
NOUS/EUX d’une manière qui soit compatible avec le pluralisme des
nationalités".

Le blanc manteau de l’ivoirité

"Rendre théoriquement compte de la catégorie unitaire des réalités
culturelles de la nation ivoirienne exige la délimitation territoriale de
son espace conceptuel. Le chef de l’état, son excellence Monsieur HENRI
Konan Bedié, délimite cet espace sous la figure affective d’une image
métaphorique :(avoir de notre pays l’image d’une nation qui ait réussi une
synthèse culturelle originale et féconde sous le blanc manteau de
l’ivoirité...) L’image est belle et riche ; elle mérite qu’on s’y arrête
quelques instants, écrit BENOIT SACANOUD.

"Le manteau est visible, le blanc ivoire est visible ; il n’y a donc aucune
difficulté à reconnaître l’Ivoirien s’il accepte de revêtir son blanc
manteau de l’ivoirité".

"Le concept d’ivoirité n’est-il pas menacé de perdre son éclat
blanc-ivoire en même temps que se spécifie ce qu’il doit effectivement
signifier ? Comme tout nouveau concept philosophique, le terme d’ivoirité a
ses ambiguïtés...l’ivoirité participe à sa duplicité constitutive : la
duplication rend possible la duplicité, de même que la falsification. Mais on
ne peut masquer indéfiniment le problème des faux billets en prétendant
qu’il n’en existe pas de vrais. La question reste alors de savoir:comment
distinguer le faux certificat de nationalité ivoirienne du vrai ? La fausse
carte d’identité ivoirienne de la vraie ? Bref, est-on jamais sûr de
l’objectivité des critères de conceptualisation de l’ivoirité ?

Il est vrai que la Cote d’Ivoire appartient à tous ceux qui y vivent...et
que, cependant, il est nécessaire d’apprendre à distinguer les Ivoiriens des
nons-Ivoiriens. Un homme est un homme. Oui, sans doute. Mais un
Centrafricain n’est pas un Ivoirien et vice-versa."

De ce point de vue, l’ivoirité apparaît comme un système dont la cohérence
même suppose la fermeture. Oui, fermeture...Fermeture et contrôle de nos
frontières : veiller à l’intégrité de son territoire n’est pas de la
xénophobie. L’identification de soi suppose naturellement la différenciation
de l’autre et la démarcation postule, qu’on le veuille ou non, la
discrimination. Il n’est pas possible d’être à la fois soi et l’autre".
"L’éléphant d’Afrique que la Cote d’Ivoire du président BEDIE ambitionne de
devenir exige sa préservation et sa protection."

Les Fondements socioculturels de l’ivoirité

"L’ivoirité, précise GEORGES NIANGORAN-BOUAH, ethnosociologue, c’est
l’ensemble des données sociohistoriques, géographiques et linguistiques qui
permettent de dire qu’un individu est citoyen de Cote d’Ivoire ou Ivoirien.
Ce terme peut aussi désigner des habitudes de vie, c’est- à -dire la manière
d’être et de se comporter des habitants de Cote d’Ivoire, et enfin, il peut
aussi s’agir d’un étranger qui possède les manières ivoiriennes par
cohabitation ou imitation. L’individu qui revendique son ivoirité est
supposé avoir pour pays la Cote d’Ivoire, né de parents ivoiriens
appartenant à l’une des ethnies autochtones de la Cote d’Ivoire.

Les critères d’appartenance à un pays

- 1° Etre originaire du même pays, poursuit Niangoran-Bouah, c’est-à -dire
descendre des mêmes ancêtres fondateurs des différentes provinces du pays.

- 2° Avoir comme langue, l’une des langues des cinq grands groupes
ethnolinguistiques existant. Ce sont :

Le TWI des Akan ; le MANDE-TAN des Malinké et Bambara ; le MANDEFOU des
Dan ; le SIENEFO ou SIENAFO des Gur(Sénoufo, Lobi, Dagri) ;le MAGWE des Krou.

- 3° Avoir les mêmes habitudes de vie(culturelle et civilisation).

- 4° Partager le même vécu socio-culturelle (avoir le même chef et être soumis
aux mêmes lois). Tous ceux qui remplissent ces critères sont des IVOIRIENS
DE SOUCHE."

Le pays, les autochtones

"Ce n’est pas être ségrégationniste que de vouloir mettre à nu ses vraies
racines. Compte tenu des documents en notre possession, nous pouvons
regrouper les ancêtres des Ivoiriens, ou Ivoiriens de souche, en deux
groupes. Ce sont :

A° Les Autochtones à origines mythiques.

Selon le tambour parleur, les mythes et légendes ont souvent une part de
vérité. A titre indicatif, nous ne mentionnons que quelques noms :

- 1° Les
Sub-terriens (ancêtres sortis de terre ou du trou)

-les Dio ou Diola de Touba (Mandé)
-les Broko de Bondoukou (Gur-Nafana)
-les Koulango de Doumassi(Gur-Nafana)

2° Les Extra-terrestres (ancêtres descendant ou venus du ciel)

- les Klanho de Facobly(Krou-Wè)
- les Abès de Katimanso d’Abengourou(Akan)
- les Assoko de Jacqueville(Akan)

B° Les Autochtones sans origine mythique.

-les No ou Nosso (Krou) ;les Wan (Dan) ; les Toura (Dan) ; les Gagou (Dan) ;les
Abèdjè (Akan) ;les Nkokodjè (Akan) ; les Agoua (Akan) ;les Abidji (Akan) ;les
Mbatra (Krou) ;les Koukolou ou Mamini (ancêtre des Dida-Krou) ;les Mamba ou
Wamba (Gur-Sénoufo).

D’après ce tableau, le 10 mars 1893, au moment où la Cote d’Ivoire
naissait, les ancêtres de tous les grands groupes ethniques étaient déjà en
place ; ils viennent de nulle part d’autre que du sol, de l’eau et de
l’espace aérien de leur pays d’aujourd’hui.

Les lecteurs du Grand Soir Info doivent savoir qu’à la suite de la
publication de ce rapport contesté, le quotidien ivoirien "le jour" avait
organisé dans ses colonnes un débat sur ce thème. Mais compte tenu des
pratiques du pouvoir en Afrique que personne n’ignore, ces discussions
n’ont pas franchi les seules portes de la rédaction dudit quotidien. Comme
le dirait l’autre, peut-être "des causeries du coin du feu" ? Le débat est
donc relancé.

[1Actes du forum Curdiphe du 20 au 23 mars 1996, publié sous la direction
de SALIOU TOURE,in Ethics, revue de la Curdiphe, presse universitaire
d’Abidjan, 96.


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