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Révolution Bolivarienne N° 8 - Février 2005.


Bulletin d’informations sur l’Amérique latine, N°8, Février 2005

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Pour bien juger des révolutions et des révolutionnaires, il faut les observer de très près et les juger de très loin. (Simon Bolivar).


SOMMAIRE


DOCTRINE MONROE vs REVOLUTION BOLIVARIENNE

. Chronique d’un enlèvement annoncé, par Pascual Serrano, Rebelion 12-01-2005.

. Lettre ouverte au Président de la République Bolivarienne du Venezuela, par des intellectuels du monde, ALIA (Agencia Latinoamericana de Informacion y Analisis 2-Venezuela), 05-01-2005.

. ALVARO URIBE : un danger public pour l’Amérique latine, par Heinz Dieterich Steffen, Rebelion janvier 2005.

. URIBE CHOISIT LA GUERRE, par Heinz Dieterich Steffen, Rebelion janvier 2005.

. COLOMBIE-VENEZUELA. Jusqu’où ira la crise diplomatique ? par Philippe Randrianatimanana, Courrier International 26-01-2005.


BOLIVIE

. Situation en BOLIVIE : coup d’Etat ?

. Le conflit avec Aguas de Illimani (sources : Agencia Walsh, Indymedia Argentina), janvier 2005. . Bolivie : Quispe menace de constituer une nation indigène (Indymedia Paris), janvier 2005.


CUBA

. Bilan de rêves et résurrection à La Havane, Celia Hart, Rebelion, 24-12-2004.


PEROU

UN NOUVEAU CHAVEZ ?

. Les faits

. Entretien avec Antauro Humala, Resumen Latinoamericano, mars 2004.

. Réflexions sur l’ "ethnocacérisme". Entretien de Modesto Emilio Guerrero avec Ricardo Napuri, Aporrea 09-01-2005.


VENEZUELA

. Je suis simplement un révolutionnaire, par Hugo Chavez Frias, d’après le livre "Chavez nuestro" de Rosa Miriam Elizalde et Luis Baez. Source : Juventud Rebelde (Cuba), janvier 2005.

. Venezuela : la révolution baîllonnée, Ernesto Cardenal, Rebelion 10-01-2005.

. John Lennon est chaviste, Yvan Vilchez, Aporrea 29-12-2004.


POESIE

. Ernesto Cardenal


COLOMBIE ET VENEZUELA - Une même lutte, Une même espérance, Deux drapeaux, Un seul peuple
Tous contre le piège de Bush.



DOCTRINE MONROE vs REVOLUTION BOLIVARIENNE


Chronique d’un enlèvement annoncé

Pascual Serrano-Rebelion 12-01-2005


Les gouvernements du Venezuela et de Colombie sont embarqués dans une discussion autour des circonstances de l’arrestation, le 13 décembre dernier, du membre de la Commission Internationale des Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC), Rodrigo Granda, alias Ricardo Gonzalez.

Selon le gouvernement colombien, le membre des FARC a été arrêté en territoire colombien et selon le vénézuélien Granda a été enlevé à Caracas, ce qui constitue une violation de la souveraineté de ce pays et de la législation internationale, et ce que certains considèrent comme une renaissance de l’Opération Condor mise en oeuvre par les dictatures du Cône Sud dans les années 1970.

Nous avons cherché à analyser les faits connus en marge des sympathies ou antipathies pour l’un ou l’autre de ces gouvernements et des positionnements préalables à l’égard du groupe insurgé colombien.

Les déclarations de plus haut rang de ces 2 gouvernements sont d’une part celle du président vénézuélien Hugo Chavez affirmant le 10 janvier que Granda "a été, sans aucun doute, enlevé ici à Caracas et de là transporté par voie terrestre jusqu’à Cucuta" et d’autre part celle du ministre de la Défense colombien Jorge Alberto Uribe affirmant que "la police colombienne, en ce qui concerne l’affaire Granda, n’a violé ni la souveraineté ni le territoire vénézuélien. Cela est très clair et ratifié par moi".

Ce même ministre a aussi déclaré textuellement à l’agence BBC le 7 janvier que "l’enquête de notre Police Nationale indique que l’arrestation a été réalisée exclusivement par nos effectifs et en territoire colombien [...]". "Pour nous l’enquête réalisée est très claire dès le premier jour et notre police mérite un total crédit. Cette arrestation a été effectuée en territoire colombien, dans la ville de Cucuta", a t-il rappelé.

Arrêtons nous sur l’information disponible. Les versions officielles provenant de Colombie pour ce qui est du moment précis de l’arrestation sont les suivantes :

-15 décembre : le général Jorge Daniel Castro, commandant de la Police Nationale, annonce l’arrestation de Granda par ses hommes dans une rue de Cucuta la veille. Il a été arrêté peu après son entrée depuis le territoire vénézuélien dans cette ville, capitale du Nord-Est, Département du Nord de Santander, a t-il affirmé. L’annonce a surpris beaucoup de journalistes en Colombie, car un jour plus tôt plusieurs sources officielles faisaient état d’une "très importante" arrestation d’un guérillero des FARC au Venezuela. Sur le propre site web de l’armée colombienne figurait même un télétype signé par Caracol Noticias et l’AFP affirmant que l’arrestation s’était produite le 13 décembre.

-16 décembre : des sources de la police de Cucuta assurent que l’arrestation du membre des FARC s’est faite dans un hôtel de la ville.

-17 décembre : devant la contradiction entre ces deux versions, soulignée par les médias, la police de Cucuta indique que l’arrestation a été effectuée dans une rue, mais au moment où il allait entrer dans un hôtel.

-6 janvier : le commandant de la police du Nord de Santander, le colonel José Humberto Henao Castaño, déclare à la télévision Caracol Noticias que l’arrestation a eu lieu à La Prada, une municipalité de Cucuta.

Il y a par conséquent de la part de la police colombienne 3 versions différentes de l’arrestation, située sur 2 jours distincts. Le quotidien El Tiempo a sollicité le film du moment de l’arrestation, pratique routinière en ce type d’opération. On lui a répondu qu’il n’y en avait pas. Ce même quotidien, le plus fort tirage de la presse colombienne et de ligne officialiste, si officialiste qu’un de ses propriétaires est le vice-président du gouvernement colombien, a affirmé que "les contradictions de la police croissent avec les allégations émanant de hautes sources du gouvernement colombien, qui après la capture ont reconnu à un petit groupe de personnes, en privé, que l’arrestation s’était produite en réalité au Venezuela".

De son côté, début janvier, l’hebdomadaire colombien Cambio a ressorti les propos du président colombien Alvaro Uribe à Hugo Chavez lors de leur première rencontre en novembre 2002 : "Si quelqu’un de votre gouvernement se met à protéger un guérillero colombien au Venezuela, soyez assurés que nous nous en mèlerons et sortirons le terroriste".

Pour sa part, quelles preuves a le gouvernement vénézuélien que l’arrestation et l’enlèvement ont eu lieu à Caracas ? Les premières déclarations en ce sens viennent du directeur du périodique Voz et membre de la Commission des Notables médiatrice des conversations entre le gouvernement colombien et les FARC, Carlos Lozana, et de celles de Rodrigo Granda lui-même. Elles indiquent que l’arrestation s’est produite le lundi 13 en pleine journée, à la porte d’une cafétéria du centre de Caracas, alors que le leader des FARC était en réunion avec un journaliste.

Le nom du journaliste a été connu peu de jours après. Il s’agit du Colombien Omar Roberto Rodriguez, collaborateur du Monde Diplomatique, qui a accordé des entretiens à de nombreux médias, où il a donné son témoignage détaillé. Il a indiqué ne pas avoir vu comment le membre des FARC a été enlevé, mais a bien confirmé qu’ils se trouvaient ensemble dans une cafétéria de Caracas quelque minutes avant sa disparition le 13 décembre, au jour et à l’heure que la police et le gouvernement colombien ont indiqué comme étant ceux de l’arrestation. A 15h55, ils étaient tous deux réunis dans la cafétéria proche du métro Bellas Artes à Caracas, lorsque Granda a reçu un appel sur son portable, a quitté la table, est sorti à l’extérieur et a disparu. Sur la table il a laissé son stylo à bille, un paquet de Marlboro et son briquet. Trois jours après, le journaliste voit comment la police colombienne annonce l’arrestation à Cucuta, en Colombie. Les images montrent Granda avec les vêtements qu’il portait le jour de l’entretien. Le journaliste colombien prend alors contact avec le gouvernement vénézuélien et l’informe de ce qui s’est passé.

Si Omar Roberto affirme ne pas avoir vu comment Granda a été enlevé, Abel Gonzalez, un vendeur de fruits qui se trouvait dans la zone des faits lui a vu : "Deux hommes entrèrent dans le café, et sortirent soudain avec un autre monsieur (on suppose qu’il s’agit de Granda) tenu par les bras, et marchant sans lutte ni violence, mais il le tenaient bien fermement. Ensuite ils le montèrent dans une camionnette verte avec des bandes grises et partirent vite", a déclaré le vendeur à la presse. Une version qui coïncide avec celle de José Pinilla, le garçon de la cafétéria, qui a indiqué à la revue colombienne Semana : "Je me rappelle seulement avoir vu une agitation aux portes du bistrot, parce qu’ils mettaient de force un monsieur dans une voiture. Je ne me souviens de rien d’autre".

D’autre part, selon l’information que possède le gouvernement vénézuélien, l’enregistrement des appels sur le téléphone mobile de Granda démontre que son arrestation s’est produite à Caracas et qu’il a été ensuite transporté en Colombie. Le ministre de l’Intérieur vénézuélien Jesse Chacon a précisé le 11 janvier : "Le suivi du téléphone cellulaire de Rodrigo Granda permet de voir qu’il était actif le 14 décembre à 10h20 du matin sur la route de Santa Ana del Tachira, c’est-à -dire près de la frontière du Venezuela et de la Colombie, et près de la localité colombienne de Cucuta, lieu où, selon la police colombienne, il a été appréhendé le jour antérieur à 6h du soir".

Le ministre colombien n’a cessé d’indiquer que l’arrestation s’est faite en Colombie et que la souveraineté du Venezuela n’a pas été violée et il a affirmé que la voie légale du recours à INTERPOL était en cours, afin de demander la collaboration de la police d’autres pays pour l’arrestation des personnes poursuivies par la justice colombienne.

Il y a là une autre irrégularité de la part du gouvernement colombien. Il n’y avait, à la date de l’arrestation de Granda, aucun mandat ni aucune demande à INTERPOL le concernant. Le chef de l’Etat vénézuélien a révélé qu’ "Interpol a fait rentrer Rodrigo Granda dans le système international le dimanche 9 janvier", 25 jours après son arrestation.

Des dizaines de personnes peuvent attester de la présence de Granda au Venezuela les premiers jours de décembre. Présence qui, avec des papiers en règle ou non, ne met pas en cause les autorités vénézuéliennes, car il n’y avait aucun mandat d’arrestation contre le Colombien alors. Je l’ai moi-même interviewé le 5 décembre à Caracas, peut-être le dernier entretien publié avant son arrestation. Dans ces jours-là , le journaliste Hernando Calvo Ospina et d’autres amis colombiens me confirment l’existence d’un commando colombien qui cherche à enlever Rodrigo Granda.

Telle est donc la chronique d’un enlèvement annoncé. A chacun de juger lequel de ces gouvernements ment et lequel dit la vérité.

Traduction Max Keler

Note RB :

-Le dernier entretien (le 5 décembre 2004) de Pascual Serrano avec Rodrigo Granda alias Ricardo Rodriguez a été publié sur le site espagnol Rebelion le 13 décembre dernier.

-Rebelion a diffusé le 26 janvier 2005 un article d’Omar Roberto Rodriguez concernant sa rencontre du 13 décembre avec le dirigeant des FARC (voir aussi le site colombien www.desdeabajo.info auquel collabore le journaliste colombien).

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Lettre ouverte au Président de la République Bolivarienne du Venezuela, Hugo Chávez Frà­as

5 janvier 2005

Lire ici : www.legrandsoir.info/article.php3?id_article=1993

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Alvaro Uribe Vélez : un danger public pour l’Amérique latine

Par Heinz Dieterich Steffan (publié par Rebelión)


1. Le communiqué du 14 janvier 2005 du gouvernement colombien sur l’enlèvement de Rodrigo Granda à Caracas démontre que le président à lvaro Uribe Vélez est devenu la principale menace pour la paix et la coexistence pacifique en Amérique latine.

2. De façon arrogante et en opposition à la vérité, Uribe Vélez non seulement nie avoir violé la loi internationale et la souveraineté du Venezuela, mais il invoque de façon démagogique l’autorité des Nations Unies pour justifier l’opération de terrorisme d’Etat, financée, organisée et exécutée à partir du siège de son gouvernement, le Palais de Nariño.

3. Il s’arroge le droit de séquestrer des personnes dans n’importe quel endroit du monde, protégé par un soi-disant mandat des Nations Unies -« Les Nations Unies interdisent aux pays membres d’héberger des terroristes de façon passive ou active »- qui n’existe que dans la logique biscornue de ses conseillers et de ses parrains de Maison Blanche.

4. Le Tribunal de Nuremberg a introduit dans le droit international la disposition juridique de la responsabilité criminelle des auteurs intellectuels des politiques de terrorisme d’Etat. Selon cette législation, Uribe Vélez est légalement responsable non seulement des enlèvements de Rodrigo Granda à Caracas et de Simón Trinidad à Quito, mais également des nombreux crimes de lèse-humanité commis pendant son mandat à l’intérieur de la République de Colombie.

5. En agissant en dehors de la loi comme il l’a fait et en essayant d’établir sa conduite délictueuse comme norme de droit international, Uribe Vélez effectue une ténébreuse tentative de remplacer l’Etat de droit en Amérique latine par l’Etat d’exception du totalitarisme bourgeois, c’est-à -dire l’Etat gangster oligarchique-impérial.

6. La réponse du gouvernement de Hugo Chávez a été conforme au droit, à la différence du gouvernement de Lucio Gutiérrez en Equateur, qui avait agi comme complice matériel et intellectuel d’Uribe Vélez lors de l’enlèvement de Simón Trinidad.

7. La volonté d’Uribe Vélez, aidé par Gutiérrez, de détruire le système d’Etat de droit latino-américain et de le remplacer par un système d’Etats gangsters -comme cela s’est produit pendant les années 1960 et 1970 dans le Cône Sud et durant les années 1980 en Amérique Centrale- transforme le crime d’Uribe Vélez, au départ problème binational, en une affaire d’un intérêt public pour tout l’hémisphère, étant donné qu’elle met en danger la sécurité, le bien-être et la paix des Etats et des peuples de la région.

8. Pour les mêmes raisons il est vital que les autres Etats latino-américains condamnent sans équivoque la politique d’ingérence extra-territoriale d’Uribe Vélez, en traçant une claire démarcation entre les Etats de droit de la Grande Patrie latino-américaine et les Etats terroristes, afin d’isoler ces derniers.

9. De la même façon, il est impératif que le Forum Social Mondial de Porto Alegre (FSM) condamne, sans ambages et de façon concrète, les principales menaces pour la paix et la coexistence pacifique dans la région latino-américaine, le gouvernement d’Uribe Vélez et ses parrains monroeistes à Washington.

10. Les derniers articles du Washington Post et du Washington Times n’ont pas caché que l’enlèvement de Granda marque le début d’une nouvelle offensive destructrice de Bush contre la Révolution vénézuélienne. Hugo Chávez et la Révolution Bolivarienne sont le centre de gravité de l’intégration latino-américaine qui mettra inévitablement fin à la Doctrine Monroe. La destruction de Chávez est nécessaire pour sauver le monroeisme et son « arrière-cour », laquelle est devenue vitale pour l’impérialisme des Etats-Unis dans sa concurrence à mort avec l’impérialisme de l’Union Européenne et avec la Chine. A cette fin les forces de Bush se sont regroupées, après leurs défaites au referendum et aux élections locales, après la VIème Conférence des Ministres de la Défense de Quito et après les avancées vertigineuses dans l’intégration politico-économique de la Grande Patrie cette dernière année, pour lancer une offensive définitive et prolongée, guerre d’usure contre la Révolution vénézuélienne.

11. Un article de Nicholas Kralev dans le Washington Times, le 14 janvier 2005, révèle les détails de l’agression planifiée. Un groupe de travail impliquant divers secteurs de l’Etat (Interagency Task Force) a élaboré un programme de manipulation médiatique et de pression politique dans les pays latino-américains et européens afin d’isoler Hugo Chávez sur le plan international. Les thèmes de la campagne de mensonges sont : le manque de liberté de presse, l’expropriation des propriétés privées, majorité chaviste à la Cour Suprême, soutien à des « groupes radicaux comme les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC) », « subversion des gouvernements démocratiquement élus », manque de soutien au combat « contre le terrorisme et le narcotrafic », « militarisation de la société vénézuélienne » et l’achat de 100 000 fusils AK-47 à la Russie, laquelle subit des pressions du Département d’Etat [des Etats-Unis] pour annuler la vente. Selon le Washington Times, l’opération se concentrera sur les milieux politiques et médiatiques, et non sur les secteurs économiques. Il faut par contre mentionner la troisième dimension du projet subversif : la dimension paramilitaire qui, sans aucun doute, s’accroîtra contre la République Bolivarienne du Venezuela, non seulement pour des raisons politiques, mais également pour des raisons économiques. Les dernières mesures du gouvernement bolivarien ont touché quelques intérêts économiques des paramilitaires ; par exemple, la confiscation hier d’un million de litres de gasoil et d’essence à la frontière avec la Colombie. La contrebande de ces richesses énergétiques se trouve depuis longtemps aux mains des paramilitaires, comme dans le nord de l’Etat de Zulia [au Venezuela], qui ont, grâce à leurs énormes profits, construit de larges réseaux de corruption qui les protègent des institutions sécuritaires vénézuéliennes proches de la frontière.

12. La nouvelle agression de Washington, initiée par le pion Uribe Vélez, peut être défaite parce que le processus bolivarien n’a jamais été aussi fort depuis l’an 2000. La clef de la victoire réside dans l’unité entre les Etats progressistes, les mouvements populaires et les intellectuels critiques. Si nous parvenons à cette unité, la défaite de Monroe sera rapide et inévitable. Ne perdons pas cette occasion historique.

(version française diffusée par TIO-Sur de Bolivar).

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Uribe choisit la guerre

Heinz Dieterich/ Source : www.rebelion.org

Adresse de l’article en espagnol : http://www.rebelion.org/noticia.php?id=419 le 23 janvier 2005


1. Le gouvernement vénézuélien a géré l’enlèvement de Rodrigo Granda en considérant que le président à lvaro Uribe Vélez n’était pas impliqué dans le crime. Des raisons d’Etat et de haute diplomatie favorisaient cette position. Cependant, les déclarations récentes du gouvernement colombien et de ses mentors politiques à Washington montrent clairement que cette hypothèse est caduque. Une hypothèse qui expliquerait mieux le plan du président colombien et qui serait conforme aux informations dont nous disposons aujourd’hui est la suivante.

2. L’enlèvement n’a pas été un événement fortuit ou un acte commis par des fonctionnaires de second ordre, ou bien un acte de pure corruption, mais il s’agit d’une opération de Washington exécutée par Uribe avec un objectif tactique et un objectif stratégique : 1. l’objectif tactique consiste à créer les conditions de la rupture des relations diplomatiques avec le Venezuela ; 2. l’objectif stratégique c’est l’isolement et la destruction de la Révolution bolivarienne en utilisant l’Organisation des Etats Américains (OEA). Le plan comporte quatre étapes.

3. La logistique de l’enlèvement révèle qu’il s’agit d’une opération planifiée et Rodrigo Granda était suivi depuis longtemps pour en faciliter l’exécution. Ainsi, la détention aurait pu être réalisée en Colombie même et ou Forum Social Mondial (FSM) de Porto Alegre, auquel le dirigeant colombien aurait certainement assisté. Cependant, Washington a décidé de la réaliser à Caracas, dans le contexte de deux événements internationaux, afin de l’utiliser comme détonateur d’une chaîne de réactions destinée à détruire le projet bolivarien.

4. Pour parvenir à cet objectif tactique, Washington et son employé colombien sont en train d’organiser -à partir du crime initial- une campagne de mensonges médiatiques de dimension mondiale, mensonges qui vont de l’absence de liberté de presse et de respect de la propriété privée, jusqu’au soutien à des « groupes terroristes » comme les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC), la « subversion des gouvernements démocratiquement élus », le combat insuffisant contre « le terrorisme et le narcotrafic » et l’« alliance militaire et stratégique » avec la Russie. Actuellement le mensonge principal c’est, quand s’exprime la Ministre des affaires étrangères colombienne Carolina Barco, que le gouvernement de Hugo Chávez « protège » des chefs guérilleros des FARC sur le sol vénézuélien, permettant aux FARC « de monter des campements à la frontière » et de faire des opérations militaires « à partir du territoire vénézuélien ». Le dispositif de Propaganda File [Dossier Propagande], de Washington, qui se charge de diffuser les mensonges de la nouvelle campagne, travaille à marche forcée, mettant en action ses caisses de résonances : au Venezuela et en Colombie les partis et médias de l’oligarchie et à l’extérieur les Mickey Mouse Media (MMM) des Etats-Unis, à la tête desquels se trouvent la CNN et le Washington Post, méticuleusement orchestrés par la menaçante Condoleezza Rice au Sénat américain -où elle a répété les idioties idéologiques de Woodrow Wilson d’il y a quatre-vingt-dix ans pour justifier l’agression impérialiste d’aujourd’hui-, l’ambassadeur de Washington à Bogotá et un groupes de Rambos de la « contra » et des escuálidos à Miami. Dans l’une de ces opérations planifiées pour le futur, appelée « Opération Colibrà­ » circuleraient des vidéos trafiqués, des transcriptions de supposées conversations téléphoniques du président Chávez avec Fidel Castro et avec les FARC, l’arrestation de supposés terroristes islamiques « soute nus » par Hugo Chávez et resurgiraient les terribles machinations de l’article de US News and World Report « La terreur près de chez vous » (« Terror Close to Home »), écrit par la chef de la section Amérique latine, Linda Robinson, et commenté dans mon article sur www.rebelion.org le 2 novembre 2003.

5. L’avantage propagandistique actuel de l’enlèvement, basé sur la tentative de confondre les agressés avec les agresseurs, est le prélude à un conflit armé limité qu’Uribe lancera sur la frontière, afin de créer le prétexte international pour placer ses forces armées en état d’« alerte rouge » et pour rompre les relations diplomatiques avec Caracas.

6. Le choix doit être fait entre plusieurs scénarios. Il y en quatre qui sont les plus probables : a) que des unités paramilitaires ou des forces spéciales de l’armée colombienne se déguisent en guérilleros des FARC et attaquent des cibles à l’intérieur du Venezuela pour « venger » l’enlèvement de Rodrigo Granda, provoquant une réaction militaire locale vénézuélienne ; b) que des forces paramilitaires, ou régulières déguisées en paramilitaires, réalisent cette opération pour détruire les supposées « bases » des FARC au Venezuela ; c) l’enlèvement de personnalités au Venezuela ; ou d) une combinaison des ces scénarios. Un cinquième scénario possible c’est une variante de l’incident du Caldas en 1987, lorsqu’un navire de guerre colombien était entré dans les eaux territoriales vénézuéliennes, durant le différend concernant la délimitation des eaux marines et sous-marines du Golfe du Venezuela, démonstration la souveraineté colombienne sur ces eaux.

7. Le danger de guerre entre la Colombie et le Venezuela donnerait des motifs pour convoquer une session d’urgence de l’OEA, dans laquelle on essaiera d’isoler le Venezuela, afin de lui appliquer la Charte Démocratique Interaméricaine (CDI) et autres arsenaux légalistes et interventionnistes de l’OEA, ainsi que des sanctions économiques. C’est le véritable plan d’Uribe-Bush, dont la première étape était l’enlèvement de Rodrigo Granda.

8. Les dates discutées par les organisateurs colombiens et américains de la conspiration pour exécuter la provocation tournent autour du 28 janvier et de la semaine du 1er au 5 février. Les actions externes seraient accompagnées d’une mobilisation du « front intérieur » de la contre-révolution, par la mobilisation de groupes de personnes de l’économie informelle qui réclament des terrains, du travail et des logements, et dont les demandes n’ont pas été satisfaites par les pouvoirs locaux et les ministères.

9. Le soutien interventionniste ouvert de l’ambassadeur américain en Colombie, William Wood, ex-assistant spécial du Bureau des Affaires politico-militaires du Département d’Etat ; l’affirmation de la ministre des affaires étrangères colombienne selon laquelle Uribe n’est pas inquiet d’une aggravation de la tension avec le Venezuela et le brusque rejet par Uribe de la médiation offerte par le président brésilien Lula da Silva, ce qui apporte des éléments supplémentaires confirmant l’hypothèse.

10. Uribe n’a pas le moindre intérêt de régler le problème de l’enlèvement conformément à la loi par la voie institutionnelle bilatérale, parce que tout règlement de ce type le ferai entrer en conflit avec ses maîtres de Washington. Autant par conviction qu’en raison de sa dépendance extrême, il essaiera d’exacerber le problème jusqu’à parvenir au point d’inflexion, ainsi que l’a fait Bush avec le mensonge des Armes de Destruction Massive de l’Irak au Conseil de Sécurité de l’ONU.

11. Pour Uribe il n’est pas important que le plan en exécution fasse couler le sang et violente la démocratie latinoaméricaine et son Etat de droit, parce que c’est une personne sans éthique entouré de hauts fonctionnaires de probité douteuse. Identifié en 1991 par la Defense Intelligence Agency (l’intelligence militaire des Etats-Unis) comme un ami personnel du capo du nacotrafic le plus puissant alors, Pablo Escobar, et lié au Cartel de Medellà­n, son bras droit est le ministre de la défense, ex-vice-président du Conseil des Entreprises d’Amérique Latine (CEAL), coresponsable des multiples crimes de lèse-humanité commis par ses Forces armées, en Colombie, et qui a eu une relation intime avec une trafiquante d’héroïne emprisonnée. Le commandant de la Police Nationale, le général Jorge Garcà­a a menti à plusieurs reprises dans l’affaire Granda.

12. Le conflit entre Uribe-Bush et les forces démocratiques d’Amérique est d’une importance transcendantale pour le futur de la région, parce qu’il s’agit du choc antagonique entre la Doctrine Monroe et le droit à l’autodétermination des peuples latino-américains, humiliés deux siècles durant par les Etats-Unis. En se plaçant du côté de l’interventionnisme nord-américain et de la stratégie d’installation en Amérique latine d’un régime d’Etats gangsters, Uribe s’est converti, sans aucun doute, en ennemi public numéro un des peuples, de la démocratie et de l’intégration bolivarienne de Grande Patrie latino-américaine.

13. Sa manoeuvre est cependant risquée et elle peut se convertir en défaite politique décisive pour lui et son projet néocolonial et terroriste, le Plan Colombie, si les forces démocratiques de la région, aussi bien les Etats, les partis et la société civile, savent lui faire payer le coût politique de son crime d’Etat. Vaincre Uribe ne signifie pas seulement rendre la paix dans l’espace andin, renforcer les Etats démocratiques et favoriser les conditions de l’intégration du Bloc Régional de Pouvoir Latino-américain, mais également, cela signifie ouvrir les portes à une solution négociée en Colombie même. Le rôle du Brésil, de l’Argentine et de l’Uruguay, dans cette conjoncture, est fondamental. Si le Brésil, l’Argentine et l’Uruguay défendent les principes et le système de l’Etat de droit latino-américain, ainsi que les souverainetés nationales, et si l’Etat vénézuélien continue d’agir avec maturité, Bush et Uribe n’atteindront pas leur objectif. Face à cette situation, il n’y a pas de place pour des erreurs qui pourraient fragiliser l’union des forces démocratiques antiterroristes du Continent.

Traduction de M. Poggi Numancia sur Cuba Solidarity Project (CSP) du 26-01-2005.

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COLOMBIE - VENEZUELA - Jusqu’où ira la crise diplomatique ?

Courrier international - 26 janv. 2005

Philippe Randrianarimanana


Caracas et Bogotá sont empêtrés dans une des plus graves crises diplomatiques ayant jamais opposé ces deux pays andins. La presse hispanique présente l’ensemble du dossier.

Entre Caracas et Bogotá, rien ne va plus. L’objet de la discorde porte sur l’arrestation, le 13 décembre dernier à Caracas, d’un représentant de la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie, les FARC, Rodrigo Granda. "Les deux pays se trouvent en confrontation depuis que le gouvernement colombien a admis avoir payé des militaires vénézuéliens pour qu’ils capturent le chef des rebelles marxistes et le lui remettent après avoir franchi la frontière", rappelle El Paà­s, de Madrid. Se plaignant d’une violation flagrante de la souveraineté territoriale du Venezuela, le président Hugo Chávez a demandé à son homologue colombien de reconnaître qu’il a commis une erreur et de lui faire des excuses.

Mais Bogotá nie l’accusation et s’est interrogé en retour sur la liberté de mouvement accordé à l’"ambassadeur" des FARC au Venezuela. Les FARC sont considérées comme une organisation terroriste par Bogotá et les Etats-Unis, leur grand allié.

Aussi Hugo Chávez ne décolère-t-il pas. Il a rappelé son ambassadeur de Bogotá et a menacé de geler les relations diplomatiques avec la Colombie et les relations commerciales bilatérales. Pour la revue colombienne Cambio, "l’ultimatum de Chávez à Uribe afin que ce dernier lui présente des excuses a accru la tension entre les deux gouvernements au point que plusieurs présidents de la région, comme le Péruvien Alejandro Toledo, le Chilien Ricardo Lagos, le Brésilien Luiz Inácio da Silva et le Mexicain Vicente Fox ont proposé leurs services pour éviter que le différend entre la Colombie et le Venezuela s’aggrave".

Le quotidien espagnol El Paà­s rappelle que "la méfiance entre les deux pays est ancienne et s’est accentuée quand Hugo Chávez et les FARC se sont entendus, du moins sur le papier, pour manifester leur attachement respectif aux idéaux bolivariens".

Si les deux parties campent sur leurs positions, la crise a pris une autre dimension depuis que Hugo Chávez a accusé les Etats-Unis, le 23 janvier, d’être impliqués dans l’affaire Granda. Le président vénézuélien, populiste de gauche, est un critique radical de l’administration Bush. Washington a non seulement démenti en bloc toute implication, mais a répliqué en demandant à Caracas d’agir avec vigueur contre les terroristes. Tout en adoptant la position de Bogotá, Washington estime que "les autorités vénézuéliennes veulent détourner l’attention sur la tolérance qu’elles accordent aux groupes terroristes qui agissent depuis leur territoire en toute impunité", explique El Universal, de Caracas.

"Le Venezuela n’a pas à rendre de comptes aux Etats-Unis", a répondu le vice-président vénézuélien José Vicente Rangel, cité par El Universal. Et Rangel d’ajouter : "Le gouvernement vénézuélien répondra à la demande d’explication du gouvernement colombien en temps voulu et sans pressions." La grave crise qui oppose Caracas et Bogotá pourrait cependant trouver une solution diplomatique avec la rencontre des deux chefs de la diplomatie à l’occasion de la réunion du Conseil andin des ministres des Affaires étrangères à Lima, au Pérou, aujourd’hui mercredi 26 janvier, signale El Tiempo, journal colombien.

Reste que la violence des propos et des attitudes a obligé chacune des parties à se préparer à la guerre, affirme l’hebdomadaire colombien Cromos. "’Un jour, il faudra que l’on jette au feu tous les plans de guerre ébauchés entre la Colombie et le Venezuela", avait proposé Hugo Chávez à Alvaro Uribe le 14 juillet dernier. Six mois plus tard, l’ambiance est à la confrontation. La capture de Rodrigo Granda s’est transformée en incident diplomatique qui a poussé les forces militaires des deux pays à actualiser leurs ’hypothèses de guerre’ et qui pourrait à tout moment basculer dans un conflit réel."

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BOLIVIE


Situation en Bolivie : Coup d’Etat ?

25/01/2005


Au moment où le climat politique se tend à chaque instant, le président Carlos Mesa - qui a assumé la présidence après la chute de Gonzalo Sánchez de Losada alors qu’il était son vice- se trouve de plus en plus isolé. En 72 heures, les habitants de El Alto sont parvenus à révoquer la concession de l’entreprise Aguas del Illimani (Lyonnaise des Eaux). Dans le même temps dans tout le pays, il y a un rejet généralisé de la hausse du prix des carburants ; qui est utilisée par le secteur entrepreneur de Santa Cruz qui revendique le séparatisme de la riche région orientale du reste de la Bolivie.


LE CONFLIT AVEC AGUAS DE ILLIMANI

Les acteurs principaux de la dite "guerre de l’eau" furent les habitants de El Alto et l’entreprise francaise Suez-Lyonnaise des Eaux, installée en Bolivie depuis 1997 et actionnaire majoritaire de Aguas de Illimani (qui est aussi fortement contesté en Argentine (Aguas Argentinas, 40% du capital) pour son absence d’investissement et un service détérioré.

De son côté, El Alto est une ville de 750.000 habitants, dans leur majorité, familles ouvrières, paysannes et secteurs très pauvres ; située sur les hauteurs de La Paz et qui est le passage obligé des exportations de marchandises vers les ports du Chilie et du Pérou.

Le conflit avec Aguas de Illimani s’est dévellopé parce que les habitants de El Alto considèrent que l’entreprise n’a pas respecté son contrat de concession, en plus de pratiquer des tarifs élevés pour le service d’eau potable et des égoux. Le refus s’est traduit en un soulèvement à El Alto mené par la Fédération des Assemblées de quartiers (FEJUVE) qui a commencé le 10 janvier par des grèves et des coupûres de routes, et qui a menacé de s’étendre à La Paz. Dans le même temps est apparu l’autre visage de la société bolivienne, celui des entrepreneurs qui se sont associés aux multinationales au niveau du pillage du pays et qui, au dernier moment, cherchent à se sauver. Samuel Doria Medina, associé minoritaire de Aguas del Illimani, a exprimé que le contrat avec la transnational "a été un investissement mal concu qui ne s’est pas bien dévellopé en raison de l’excès de néolibéralisme en vigueur dans le pays". Toute une définition dans un pays où le capitalisme, sans euphémismes, maintient dans la pauvreté la plus extrème la majorité de la population.

Du 10 au 12 janvier, les alteños ont coupé les accès à La Paz, isolant la capitale du reste du pays, et ont impulsé une grève illimitée ; dans le même temps le refus s’est étendu à d’autres villes. Finalement, le gouvernement de Mesa a décidé de révoquer le contrat de la multinationale.

Une fois réalisé le transfert de l’administration du service de l’eau potable de Aguas de Illimani au Service Autonome Municipal d’Eau Potable et des Egoux (Samapa), en avril, une entreprise qui sera une association civile sans but lucratif prendra en charge l’administration à El Alto et La Paz. La nouvelle institution aura un caractère éminament social parce que son objectif ne sera pas le profit mais l’élargissement du réseau d’eau potable et du résau d’égoux des deux villes. Dans le même temps, les diverses organisations sociales de El Alto réfléchissent à comment garantir que ni les Municipalités ni les directions politiques convertissent la nouvelle institution en butin politique.

HAUSSE DES CARBURANTS

Le 30 décembre, Carlos Mesa a décrété une0 hausse générale du prix des carburants avec l’objectif de palier le déficit fiscal de Bolivie. De cette manière, le diesel a augmenté de 23 % et l’essence de 10 %. Face au refus massif de cette mesure parmi tous les secteurs sociaux du pays, le président a ordonné le 19 janvier une baisse de 6 % du’prix des combustibles lourds. Cette opération, en plus de la révocation du contrat de Aguas de Illimani, est parvenue à diminuer la contestation dans l’occident bolivien, fondamentalement dans les villes de El Alto et de La Paz. Mais dans l’orient du pays, et principalement dans la riche province de Santa Cruz, le refus de l’augmentation du prix des carburants continue, mais leadéré par les secteurs patronaux et l’oligarchie locale qui réclament l’autonomie de Santa Cruz et dans certains cas s’expriment en faveur de l’indépendance par rapport au reste du pays. La posture autonomiste s’était déjà exprimé à l’occasion du réf érendum sur les hydrocarbures. Les secteurs patronaux de Santa Cruz et de Cochabamba demandaient purement et simplement la liberté absolue pour exporter le gaz qu’ils0 produisent.

Le 21 janvier s’est réalisé une manifestation anti-gouvernementale au début de laquelle les0 étudiants de la Fédération Universitaire locale (FUC) ont occupé l’édifice de la Préfecture (autorité représentant l’Etat dans la province). Le porte-parole du Comité Civique de Santa Cruz, Daniel Castro, a dit que la protestation serait pacifique et que pour éviter des confrontations a négocié avec le commandant de la police locale le retrait des forces de sécurité. Malgré tout, dans la Préfecture, la police a réprimé les manifestants, sans faire preuve de beaucoup d’entrain. Il n’y a eu qu’une arrestation et quelques blessés légers. Au sujet de cette occupation, Daniel Castro a exprimé "Nous ne nous en lavons pas les mains car ce siont nous qui avons convoqué0 le peuple à se manifester". Après la manifestation, il est clair que l’objectif central du mouvement qui a démarré par une protestation contre la hausse du prix des carburants est la demande 0d’autonomie pour la province de Sanat Cruz. Le président du Comité, Rubén Costas, a annoncé la décision de convoquer pour le 28 janvier une assemblée citoyenne, à laquelle0 sera soumis le projet de constituer un gouvernement provisoire autonome de Santa Cruz.

Dans ce climat, le gouvernement central, qui a pratiquement perdu le contrôle de la zone, a seulement rendu public un communiqué dans lequel il propose un dialogue en vue de résoudre tous les thème proposés par le Comité Civique, "dans le cadre indispensable de l’unité nationale et de l’ordre légal en vigueur", tout en soulignant le caractère pacifique de la manifestation du 21 janvier. La faiblesse du gouvernement a été0 compensée par le soutien recu de la part des maires des dix plus importantes villes de Bolivie. Dans le même temps, plusieurs secteurs sociaux0 et politiques se sont exprimés contre l’autonomie de Santa Cruz et pour que le président termine son mandat (jusqu’en 2007). Un d’entre eux, la FeJuVe de El Alto, à travers de son dirigeant Abel Mamani, a annoncé que El Alto s’organisera pour défendre l’institutionalité démocratique et l’accomplissement des accords conclus avec le gouvernement. De son côté, le Mouvement Sans Terres (MST) de Bolivie a remit à plus tard l’occupation de terres pour 0ne pas déstabiliser encore plus le régime. Tandis que dix organisations indigènes et paysannes de Santa Cruz ont dénoncé le 22 janvier que, derrière les protestations qui ont dérivé vers un projet de gouvernement autonome, se dissimule un coup d’Etat. Dans un document qu’elles ont diffusé, elles signalent "Nous mobiliseront toutes nos forces pour affronter et mettre en échec le complot de coup d’Etat et anti-démocratique" et elles affirment que les groupes patronaux qui contrôlent le Comité Civique représentent des intérêts de propriétaires terriens, de traficants de terres et de transnationales pétrolières. Finalement, elles lancent un appel à la "la centrale ouvrière régionale, aux assemblées de quartiers et aux dirigeants civiques honnêtes et patriotes, 0entre autres secteurs, à maintenir la lutte contre les hausses du prix des carburants, que la direction du Comité a relégué au second plan en faveur de l’autonomie". Elles terminent en appelant à défendre la démocratie et "démasquer les déstabilisateurs, les partisans de coup d’Etat et les séparatistes des groupes fascistes de Santa Cruz".

SANCHEZ DE LOZADA SERAIT A SANTA CRUZ (Note RB : cette présence a été confirmée par d’autres sources tel le quotidien mexicain La Jornada du 29/01/2005).

Divers secteurs ont signalé que l’ex président déposé Gonzalo Sánchez de Lozada et son ex ministre de la Défense seraient à Santa Cruz, agissant en faveur des secteurs patronaux, qui ont perdu leurs prébenbes 0politiques ou qui ont été privés de leurs postes en octobre 2003.

Evo Morales, dirigeant du Mouvement vers le Socialisme (MAS), a accusé le Comité Civique de Santa Cruz de recevoir le soutien du Mouvement National Révolutionnaire (MNR), parti de Lozada. La situation politique bolivienne est complexe parce que dans le même temps où Carlos Mesa continuait à être fidèle aux recettes du FMI, d’autres secteurs, autant de droite que lui, cherchent à le déstabiliser au bénéfice de leurs intérêts sectoriels.

Au milieu de ces luttes de pouvoir se trouve le peuple bolivien, les exploités et les opprimés, qui représentent la majorité de la population. Et c’est lui, qui a expulsé Sanchez de Lozada et la transnationale Suez, qui sera chargé de stopper l’extrème droite qui souhaite conserver son pouvoir économique.

Sources : Agencia Walsh, Indymedia Argentina

Fab 25-01-05

http://paris.indymedia.org/article.php3?id_article=31563&id_mot=11

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QUISPE MENACE DE FORMER UNE NATION INDIGENE


"Nous serions obligés à nous auto-déterminer comme nation indigène originaire, je crois que nous allons avoir trois présidents de la dite Bolivie", a t’il ajouté.

"Nous les aymaras, toujours vivants et luttant pour nos revendications, nous pouvons le faire mieux que les messieurs qui sont au Palais de Gouvernement. Les indigènes n’avons jamais gouverné, nous ne sommes jamais passé par le Palais de Gouvernement, ainsi qu’à partir de maintenant nous allons devoir nous auto-gouverner, nous donner un gouvernement avec un modèle propre, ceci est ce que nous prétendons faire comme indigènes originaires", a affirmé Felipe Quispe.

Cependant il a précisé qu’une nation aymara indépendante se formera seulement si Santa Cruz, la province économiquement la plus puissante du pays, obtient une autonomie politique par rapport à La Paz. Quispe, un historien et ex guérillero, a proposé à plusieurs opportunités la formation d’une nation aymará avec la Bolivie, le sud est du Pérou, le nord du Chili et une partie de l’Argentine.

Le dirigeant est en grève de la faim à La Paz pour protester contre la décision du gouvernement d’augmenter le prix des carburants, tandis que les indigènes et les cultivateurs de coca bloquent les routes. Il a annoncé qu’à partir de lundi commenceront des mobilisations dans l’altiplano contre le régime de Carlos Mesa, qualifié d’"incapable" de résoudre les problèmes principaux du pays. "Ce gouvernement de Mesa ne sert à rien, il ne dialogue pas, nous avons attendu 14 mois pour dialoguer et parvenir à un accord sur les 72 points que nous avions proposés et il n’a reçu personne, ni nous ni d’autres secteurs", a t’il dit.

http://paris.indymedia.org/article.php3?id_article=31560

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CUBA


Bilan de rêves et résurrection à la Havane

Celia Hart, Rebelion, 24-12-2004


Pour Cuba l’année 1994 n’a pas été heureuse. La catastrophe du stalinisme menaçait l’existence de la révolution cubaine (1). Une fois de plus nous avons résisté, en répartissant entre tous les habitants le peu de produits que nous parvenions à acquérir. L’exil le plus traître du monde ne reculait devant aucune provocation, vociférant par de lâches hurlements que le retour dans l’île se traduirait par des massacres inscrits dans des centaines de lois écrites dans le pire anglais.

Sous le mot d’ordre "le socialisme ou la mort" nous défendions le projet inédit, envers et contre tout, d’une révolution socialiste sous le nez de l’impérialisme. Cette consigne nourrissait notre sottise, qui comme l’a dit justement ces années-là Silvio Rodriguez, était "la sottise d’assumer l’ennemi, la sottise de vivre à tout prix".

Nous nous étions habitués aux continuelles coupures, aux restrictions alimentaires, au cauchemar de la névrite épidémique. Malgré cette situation calamiteuse, nous restâmes le pays le plus juste du monde, avec des indicateurs de santé et d’éducation enviés par les nations développées.

L’impérialisme et ses laquais de Floride évidemment s’acharnaient, et, se basant sur un calcul arithmétique stupide, pronostiquèrent la fin de la révolution. Ils portèrent atteinte sérieusement à notre sécurité nationale avec l’effrayante crise des balseros (exode de milliers de Cubains sur des embarcations de fortune, ndt). Ils acceptaient tout Cubain qui parvenait à atteindre les côtes nord-américaines de manière illégale. De telle sorte que cet été-là a été l’un des moments les plus désolants de ladite période spéciale. Nous avons vu beaucoup de nos compatriotes croire qu’ils trouveraient le bonheur dans les bras du monstre impérialiste. Nombre d’entre eux finirent noyés ou dans les mandibules des requins qui infestent le Détroit de Floride.

Et pire encore : c’est alors qu’a été prise la dramatique mesure de dépénalisation du dollar. Mon peuple a connu cette injustice économique subtile et médullaire qui caractérise l’injustice mondiale. Avoir ou ne pas avoir. Posséder ou ne pas posséder. La propriété privée, avec ses étranges ressorts, s’est emparée des espoirs familiaux, promptement on a vu triompher les plus habiles à manier l’argent, alors que médecins et enseignants étaient pauvres. Si la révolution cubaine a été forte quelquefois, si elle a exhibé sa majorité d’âge et si elle a gagné le titre de doyenne des révolutions, c’est pour avoir su pleurer en silence de ces mesures, pour avoir su les expliquer au peuple, et avoir engendré de manière immédiate les antidotes spéciaux pour la morsure de ce vieux serpent.

Pour la première fois, le coût de l’éclairage des villes cubaines a été payé par l’inégalité, par l’établissement dans l’île d’éléments de ce système honni qui mutile les espérances et dont nous avions cru être définitivement débarrassés : le capitalisme.

La grandeur de Fidel au cours de ces années dépassa largement tout autre épisode antérieur et fut récompensée.

Quelque chose advint cette année-là juste avant Noël. Comme si la providence accordait une petite chance à cette révolution socialiste qui est sans doute maintenant la plus durable de l’histoire : Fidel Castro accueillit avec les honneurs d’un chef d’Etat un jeune militaire venu de Caracas, qui avait été emprisonné pour avoir été le protagoniste d’une rébellion contre une démocratie établie (Hugo Chavez a été détenu du 4 février 1992 au 26 mars 1994, ndt). Ni plus ni moins que la démocratie de Carlos Andrés Perez. Hugo Chavez, alors lieutenant-colonel, chef d’un bataillon de parachutistes, avait décidé de fonder le Mouvement Bolivarien Révolutionnaire 200 et d’utiliser la force armée pour libérer le peuple de Bolivar de cette farce corrompue. C’est cette même démocratie que voulaient imposer les impérialistes dans mon pays à cette époque, encouragés par la chute du mur de Berlin.

Une véritable révolution comme la révolution cubaine se conçoit précisément avec ces liens. Là où elle semble prendre fin c’est... là où elle commence. Et ma révolution se perpétua dans le rappel de ces faits peu propagés du 4 février 1992. Au Venezuela s’est répété la Moncada seulement un an après l’anniversaire du bicentenaire de la naissance de Simon Bolivar (exactement 211 ans après, ndt). La réponse au problème de la révolution cubaine nous a été mystérieusement délivrée au cours de ce Noël sans lumière de 1994. Oui, nous avions vu juste ! Non, Fidel ne se trompait pas en étant l’unique homme dans le monde qui décida non sans risque de s’engager avec ce soldat qui avait eu comme lui recours à la voie armée pour trouver la justice, et qui comme lui 50 ans plus tôt avait échoué dans sa tentative ; qui comme lui devint quelques années plus tard le président d’une vraie révolution.

Fidel et le meilleur de la jeunesse cubaine sauvèrent José Marti en 1953, l’année même de son centenaire, en assaillant avec de vieux fusils de chasse la seconde caserne de la tyrannie de Batista. Chavez et les meilleurs officiers du Venezuela sauvèrent Bolivar un peu après son bicentenaire.

Chavez était ce jeune soldat qui d’une colline près de Caracas, grâce à un vieux poste de radio, avait écouté le Commandant Fidel en 1973 dire que si des armes avaient été données aux ouvriers et aux paysans du Chili la révolution que prétendait faire Salvador Allende l’aurait emporté.

Beaucoup ne comprirent pas que Fidel reçoive Chavez en décembre sur la passerelle de l’avion. Hugo Chavez n’était pour beaucoup guère plus qu’un ex-prisonnier. Mais avec Fidel les choses se passent différemment. Il nous dépasse irrémissiblement. Cela parce que la synapse de ses neurones est plus rapide que la lumière et nous soumet à l’effet de la relativité du temps. Il a su déceler chez cet homme ce que nous n’étions pas capables de voir et qui aujourd’hui nous laisse tous bouche-bée : un président qui contraste avec le grand nombre de gringalets qui peuplent de part et et d’autres le spectre politique de notre malheureuse planète.

Il a suffi à Fidel de parcourir sa trajectoire, il lui a suffi d’écouter sa conférence dans le grand amphithéâtre de l’Université de la Havane pour savoir qu’à nouveau allaient être labourés les sillons de Bolivar, que nous revenions à Notre Amérique de José Marti en pensant à sa seconde et vraie indépendance et que le Che était de retour pour compter en cadence : "Deux, trois... beaucoup de Viêt- nam".

Et Chavez est revenu pour célébrer le dixième anniversaire de sa réception par Fidel en personne, quant au milieu des souffrances de l’été et des débuts de la circulation du dollar, nous ne savions pas ce que faisait notre Commandant en recevant un soldat qui avait fait un coup militaire. Nous ne savions pas. Fidel savait. Il savait que les contradictions dont souffrait notre peuple en raison des mesures prises du fait des vicissitudes du monde dans la décade 1990 seraient amplement récompensées par cette heureuse résurrection de Bolivar.

Aujourd’hui, après mille missions ici et là , le président Chavez nous est très familier. Il nous a rendu visite plus de dix fois. Mais cette fois c’était différent. C’était une visite officielle. Ces deux hommes avaient en vue quelque chose de grand.

Le Président de la République Bolivarienne du Venezuela descendit, vêtu d’une chemise turquoise et d’un tricot intérieur noir. Cet homme ne s’habitue pas à la présence de Fidel. Il descendit en courant la passerelle de l’avion avec un sourire splendide et ouvrit les bras comme pour se crucifier dans ce corps vert qui avec une certaine difficulté encore l’attendait sur la piste. Ils se firent l’accolade. Qui a l’habitude de voir le visage de Fidel filmé par les caméras, comme c’est le cas du peuple de Cuba, se rend compte que la présence du Commandant Chavez le remplit d’une joie irrépressible. Il y avait longtemps qu’on n’avait pas vu Fidel rire de la sorte.

Et ce fut le 14 décembre, au théâtre Karl Marx, une véritable résurrection. Face à Chavez, Fidel adopta une contenance peu habituelle... Le regard fier et le sourire joyeux semblaient dire : "Caramba, ici marche la relève". Il est symptomatique que la relève du communiste qui est parvenu à vivre le plus longtemps est un étranger. Cela mérite une analyse. Ce qu’on appelle relève est toujours national. Le cas extrême est celui des monarchies héréditaires, comme si le sang assurait la continuité. Les grands caudillos, les grands personnages et les grands chefs de guerre cherchent quant à eux la continuité chez leurs compatriotes. Il est naturel qu’il en soit ainsi. Mais un des grands apports de la théorie socialiste est de considérer que l’avenir d’une révolution socialiste ne s’arrête pas aux frontières nationales. Qui ne voit aujourd’hui que Chavez est le meilleur disciple, non seulement de Bolivar et Marti mais aussi de Fidel. Bien entendu, la liaison est for te aussi avec celui qui a constitué l’apogée du communisme latino-américain : le Che Guevara.

Le moment que nous vivons nous offre un nouveau départ. L’histoire de Cuba vient à nouveau s’entrelacer à celle du monde. Il y a eu Maximo Gomez (ce héros de l’indépendance de Cuba était dominicain, ndt), il y a eu le Che. A présent, à un moment crucial de la vie de Fidel et de ma révolution, a surgi un Vénézuélien. La révolution cubaine est merveilleusement condamnée à être internationale... Et Dieu a voulu que cette rencontre miraculeuse se tienne au théâtre Karl Marx où fusionnèrent les jeunesses vénézuéliennes et cubaines aux cris de Vive Chavez ! Vive Fidel !, en composant les notes invisibles du premier chant de l’unité continentale. Cette même unité que réclamait un grand Allemand dans son Manifeste. L’unité des seuls à pouvoir s’unir. Ceux qui n’ont rien à perdre si ce n’est leurs chaînes.

Chavez a déclaré à La Havane que si Bolivar avait vécu autant que Fidel il serait devenu socialiste. Cela peut paraître excessif. Le sens est en tous cas clair : Bolivar aurait tout fait pour l’Amérique quelle que soit l’époque. Il faudrait étudier avec beaucoup d’attention et de passion les points de friction circonstanciels de tous ces hommes. Bolivar n’est peut-être pas parvenu à comprendre le rôle des différentes classes sociales sur le terrain économique. Mais il était plongé dans d’autres missions. Pour sa part Marx ne percevait pas le rôle ultime de la subjectivité et de l’héroïsme essentiel dans ces nouvelles contrées. Le marxiste José Carlos Mariategui soulignait à juste titre que le socialisme sur notre continent était une création héroïque. Marx, logiquement, ne comprit pas pourquoi Charles Diana, le directeur du New York Daily Tribune, qui l’avait invité à écrire sur des sujets historiques, militaires, et autres ainsi que des biographies pour la N ew American Cyclopedia, lui réclamait les sources de sa critique féroce de Bolivar. A ce sujet il confia à son ami intime Friedrich Engels (Lettre du 14-02-1858) : "Dana me fait des reproches en raison d’un article plus long sur Bolivar, parce qu’il serait écrit sur un ton partisan et exige mes sources. Je peux, bien entendu, les lui remettre, bien que sa réclamation soit étonnante. Pour ce qui est du style partisan, je me suis sans doute écarté du ton encyclopédique. Cela aurait été dépasser les bornes de vouloir présenter comme Napoléon I la canaille la plus lâche, brutale et misérable. Bolivar est un véritable Soulouque"(empereur d’Haïti en 1850).

Marx n’a pas compris la force du facteur subjectif qui compose nécessairement l’histoire de cette rive de l’Atlantique. L’histoire de nos peuples s’est constituée en moins de trois siècles. L’Amérique s’est faite par accélérations, en concentrant des lustres en mois. Elle est un creuset de cultures, de coutumes et de rêves venus des autres continents. Il est certain que Karl Marx qui, comme l’écrivait José Marti, "n’était pas seulement l’agitateur titanesque des colères des travailleurs européens, mais aussi le voyant pénétrant des racines de la misère humaine", fit au caudillo militaire les mêmes critiques, justifiées, que celle qu’il fit aux caudillos européens. Peut-être n’est-il pas parvenu à sentir, plus qu’à connaître, la légende de l’histoire américaine. En Amérique on a lutté contre l’esclavagisme sur les bases jacobines de la révolution française. Alors que l’Europe cherchait à fixer ses frontières, les meilleurs des fils de l’Amérique luttaient pour leur dissolution. Sans cette charge de subjectivité, sans création héroïque, il n’y aurait jamais en Amérique de révolution socialiste.

Dans tout ce qui s’est passé en Amérique il est un fait : le prolétariat venu d’Europe n’a pas provoqué la révolution dans le creuset nord-américain. Les Etats-Unis sont passés en très peu de temps du statut de colonie à celui de puissance impériale. Marti a compris mieux que quiconque l’impérialisme.

Cette configuration américaine n’enlève rien à la pertinence des découvertes de Karl Marx. Partout la lutte de classes est le moteur de l’histoire. Seulement le découvreur du procès de l’exploitation n’est pas arrivé à identifier le langage d’épopée dans lequel s’expriment les conflits.

Marti disait : "Karl Marx est mort. Pour avoir été dans le camp des pauvres, il mérite d’être honoré (...). Karl Marx a cherché les moyens de fonder le monde sur de nouvelles bases, et il a réveillé les endormis, leur apprenant les moyens de mettre à terre les piliers brisés. Mais il était dans l’urgence et en partie dans l’ombre, sans voir que ne naissent viables ni du sein de l’histoire ni du sein de la femme au foyer les enfants dont la gestation n’a été ni naturelle ni laborieuse".

Les erreurs des grands penseurs sont aussi source de connaissance. José Marti se considérait comme le fils de Bolivar. Il a été sans aucun doute son fils aîné, et n’a pas craint de signaler ses fautes. Plus encore, il les expliquaient aux enfants américains dans "La Edad de Oro" (2 ) :

"Bolivar n’a pas défendu avec la même flamme le droit des hommes à se gouverner eux-mêmes que le droit de l’Amérique à être libre".

"Les hommes ne peuvent pas être plus parfaits que le Soleil. Le Soleil brûle de la même lumière que celle qui chauffe. Le Soleil a des taches. Les ingrats ne parlent que des taches. Ceux qui sont reconnaissants parlent de la lumière".

Et c’est bien à cela que nous devons nous remettre. Si vraiment nous avons envie de comprendre, nous verrons que Karl Marx avait aussi le droit de ne pas comprendre d’autres réalités, même avec les instruments qu’il avait découvert.

A la Havane Chavez a sorti un grand livre de Bolivar et nous a lu de surprenantes idées révolutionnaires du Libertador. Chavez a soutenu récemment que Bolivar a été le premier anti-impérialiste. C’est peut-être beaucoup dire, mais en tous cas il a été le premier à remarquer "que les Etats-Unis d’Amérique étaient appelés par la Providence à combler nos peuples de misère au nom de la Liberté". Et c’est peu dire qu’ils ont répondu à cet appel !

Sachez que je considère le marxisme comme une science, la meilleure science de la pratique révolutionnaire. Encore faut-il l’appliquer de manière correcte à chaque système analysé, et Karl Marx lui-même a pu se tromper dans l’usage de ses outils.

Et il n’y a pas que moi qui pense cela. Ernesto Che Guevara a été à mon avis le communiste le plus accompli de l’histoire. Ses trois lettres couvraient les drapeaux rouges des années 60. Cette figure sublime, parcourant l’Amérique, a vu dans le marxisme authentique l’unique alternative à ses souffrances. Sans hésiter il a engagé sa vie aux côtés de Fidel et sans quitter son uniforme de guérillero il a apporté de véritables contributions à ces théories venues d’Europe. Il a étudié le marxisme comme aucun autre Cubain et admirait ses penseurs plus que personne.

Dans l’impressionnant travail "Notas para el estudio de la ideologia de la Revolucion cubana" (3), il écrivait :

On peut évidemment formuler certaines objections au Marx penseur, chercheur des doctrines sociales et du système capitaliste dans lequel il vivait. Pour ce qui nous concerne, nous les Latino-Américains pouvons par exemple ne pas être d’accord avec son interprétation de Bolivar ou avec l’analyse qu’Engels et lui firent des Mexicains, tenant pour acquises certaines théories des races ou des nationalités inadmissibles aujourd’hui.

Mais les grands découvreurs de vérités lumineuses sont vivants en dépit de leurs petites erreurs, lesquelles nous démontrent en définitive qu’ils sont des êtres humains, à savoir qu’ils peuvent commettre des erreurs, en même temps que nous sommes pleinement conscients de la hauteur atteinte par ces géants de la pensée. C’est pour cela que nous reconnaissons les vérités essentielles du marxisme comme incorporées au trésor culturel et scientifique des peuples et que nous les prenons naturellement comme quelque chose qui n’est plus discutable".

Je transcris ce passage dans son intégralité tout à fait à dessein. Vous ne pourrez pas trouver ce commentaire dans les oeuvres disponibles sur le réseau parce que l’édition cubaine des oeuvres du Che qui a servi de référence a été semble t-il celle des Sciences Sociales éditée pour la première fois en 1972. Et dans cette édition, qui a été sans aucun doute la base des versions digitalisées, ce commentaire ne figure pas.

Je n’arrive pas à croire qu’un révolutionnaire, cubain ou non, ose censurer le Che. Je tremble en pensant que dans les livres que m’a laissés ma mère il n’y avait pas l’édition qu’avait réalisé, pour notre bonheur à tous, le camarade Orlando Borrego, où se trouvaient ces paragraphes qui de manière impardonnable ont été retirés de l’édition citée, à moins qu’il ne s’agisse que d’une erreur typographique.

Censurer le Che c’est censurer l’idée même de révolution, et si c’est une erreur elle est réellement déplorable. Je retire immédiatement cette édition des oeuvres du Che de ma bibliothèque personnelle, la considérant comme une insulte ou pour le moins une grande irresponsabilité à l’égard de tous les révolutionnaires du monde. Si ce n’est pas une erreur, alors il n’y a pas d’excuses : il y en a encore qui me disent de ne pas me réjouir de la chute du mur de Berlin. Je préfère ne pas imaginer quelles autres censures nous aurions toléré si ce "socialisme" s’était prolongé.

Tournons la page. Malgré les agressions impérialistes et le sordide stalinisme qui nous ont harcelés sans pitié, la révolution cubaine a triomphé. Et elle a triomphé parce qu’elle a compris parfaitement les idées du socialisme, pour n’avoir pas opposé José Marti et Simon Bolivar à Karl Marx et Vladimir Illich Lénine. Tous ont leur place et se soutiennent mutuellement. Nous avons eu aussi la chance d’avoir comme protagonistes de notre révolution deux des meilleurs communistes du monde. Cette révolution qui trouve dans la révolution bolivarienne une continuité étonnante.

Et c’est ainsi que les deux mandataires signèrent l’accord conjoint pour constituer l’ALBA comme réponse à cette néo-colonisation alambiquée qu’est la Zone de Libre Echange des Amériques (ZLEA). L’Alternative Bolivarienne pour les Amériques (ALBA) commence par traiter ce que la ZLEA néglige. Cette élucubration est morte selon Chavez, bien que son fantôme continue à nous harceler.

Les présidents Hugo Chavez et Fidel Castro ont déclaré :

"Nous affirmons que le principe clef qui doit guider l’ALBA est la solidarité la plus large entre les peuples latino-américains et caribéens, fondée sur la pensée de Bolà­var, de Martà­, de Sucre, d’O’Higgins, de San Martà­n, d’Hidalgo, de Pétion, de Morazán, de Sandino et de tant d’autres hommes illustres, sans nationalisme égoïste ni politique nationale restrictive qui ferait obstacle à l’objectif de bâtir en Amérique latine la patrie grande dont rêvèrent les héros de nos luttes de libération.

A cet égard, nous sommes pleinement d’accord que l’ALBA ne pourra se concrétiser à partir de critères mercantilistes et d’intérêts égoïstes de gains commerciaux ou d’avantage national au préjudice d’autres peuples. Seule une vaste vision latino-américaniste, qui reconnaît que nos peuples ne sauraient se développer et être vraiment indépendants d’une façon dispersée, pourra leur permettre de concrétiser l’idée de Bolà­var : « Voir se former en Amérique la plus grande nation du monde, non tant par son étendue et sa richesse que par sa liberté et sa gloire », ce que Martà­ appelait « Notre Amérique » pour la différencier de l’autre Amérique, expansionniste et aux visées impériales.

Nous affirmons de même que l’ALBA vise à transformer les sociétés latino-américaines, autrement dit à les rendre plus justes, plus cultivées, plus participatives et plus solidaires, et qu’elle est donc conçue comme un phénomène intégral qui permette d’éliminer les inégalités sociales, améliore la qualité de la vie et garantisse une participation réelle des peuples à la mise en place de leurs destinées." Déclaration commune de la Havane du 14-12-2004 (4).

Ce sont là les premières pierres de l’édification d’un peuple nouveau. L’ALBA est non seulement diamétralement opposée à la ZLEA mais elle est différente aussi de l’Union Européenne dont l’intégration repose sur des intérêts exclusivemnt économiques, alors que l’ALBA commence l’intégration par l’histoire, par les peuples, et considère l’intégration économique comme le moyen et non la fin. Mais elle ne diffère pas que de l’UE. Elle n’a rien à voir non plus avec le défunt COMECOM que nous formions avec le "camp socialiste". Dans l’ALBA s’intègrent des peuples semblables, des peuples dont les frontières s’embrassent, des peuples qui sont issus des mêmes métropoles coloniales, qui ont souffert du même empire, qui ont la même origine de classe et ont le même coeur. Ce sera une intégration de type nouveau. Dans son exposé présenté au colloque "L’Utopie dont nous avons besoin", qui s’est tenu à La Havane récemment, Zbigniew Kowalewski a indiqué, au sujet de la fragm entation étatique du sous-continent :

"Dans un territoire continu où la langue étatique est la même ou semblable, à l’époque classique de la formation des États nationaux s’est formé non un seul État mais une vingtaine. L’anomalie est indiscutable et son échelle énorme. Elle matérialise la condition de l’Amérique Latine en tant que périphérie dépendante, exploitée et sous-développée du systè0me capitaliste mondial. Rien de plus naturel qu’en Amérique Latine resurgisse périodiquement l’idée que la patrie c’est l’Amérique, comme cela arrive aussi dans le monde arabe, où existe quelque chose comme le nationalisme pan-arabe" (5).

Et quelle est la seule forme que nous connaissions qui permette à nos sociétés d’accomplir ces miracles ? Le socialisme. Et même en changeant le nom, il n’y a que ce système social qui parviendra à effacer les frontières. Et pour cela nous aurons besoin de nos pères fondateurs, sans lesquels il est impossible de rêver à une Amérique unie et juste. Nous devons faire aussi appel aux fondateurs de la seule théorie scientifique nous permettant d’aspirer au salut humain. Simon Bolivar et Karl Marx, en dépit de désaccords, se donneront la main et ensemble nous aiderons dans ce processus de fondation. Nous ne pouvons nous passer ni de l’un ni de l’autre. Ce ne sera pas difficile, nous avons avec nous le meilleur des interprètes, le meilleur des Latino-Américains et le meilleur des communistes : Che Guevara.

L’enseignement du Che, qui mêle de manière unique le mythe américain et la science du socialisme, nous appuiera dans ce combat que, comme le dit le commandant Chavez, nous devons commencer à faire réalité.

En 1959, dans le cadre d’une discussion complexe au sein du jeune Cabinet de Fidel Castro, Armando Hart, qui était ministre de l’Education, souligna :

"Pour comprendre Fidel, il est nécessaire d’avoir bien à l’esprit qu’il est en train d’engager la révolution socialiste à partir de l’histoire de Cuba, de l’Amérique latine et de la pensée anti-impérialiste de José Marti".

Pareille orientation pouvait sembler alors hardie. Mais Armando Hart avait raison. Fidel n’a pas fait n’importe quelle révolution socialiste : il a engagé la seule viable, celle qui intégrait la tradition martinienne, sans laquelle il est absolument impossible de réussir une entreprise sociale à Cuba. Et réciproquement : si elle n’était pas socialiste, une révolution ne pourrait aboutir sur le seul fondement de José Marti.

En paraphrasant Armando Hart, j’affirme que pour comprendre Chavez, il est nécessaire d’avoir à l’esprit qu’il est en train d’engager une révolution socialiste à partir de l’histoire de la Grande Colombie et de la pensée intégratrice de Simon Bolivar, et vice-versa !

Chavez, pour réussir, ne pourra se passer de Bolivar, il devra avancer de manière irréversible sur le chemin d’une révolution socialiste et de surcroît s’il s’engage définitivement dans cette voie, il devra procéder pour sa réalisation pratique à une analyse actualisée de l’échec du socialisme réel... Il ne sera pas possible cette fois d’y échapper.

Cette obstination est sans doute celle de la classe la plus révolutionnaire, qui n’est pas l’extrapolation bon marché du prolétariat européen issu du XIXe siècle. Le prolétariat du XXIe siècle en Amérique latine correspond à ce tableau que peignait Fidel Castro dans son cri à la Seconde Déclaration de la Havane (4 février 1962) :

"On n’a pas ou si peu compté sur cette humanité travailleuse, sur ces exploités infrahumains, paupérisés, conduits par les méthodes du fouet et du contremaître. Depuis l’aube de l’indépendance leurs destinées ont été les mêmes : indiens, gauchos, métis, zambos (métis de Blancs et d’Indiens, ndt), quarterons (métis de Mûlatres et de Blancs, ndt), blancs sans bien ni rente, toutes ces masses humaines qui se sont formées sous la bannière de la patrie dont elles n’ont jamais profité, qui sont tombées par millions, ont été dépéçées, ont gagné l’indépendance des métropoles pour le profit de la bourgeoisie, ont été bannies des répartitions, ont continué à occuper le dernier échelon des bénéfices sociaux, à mourir de faim, de maladies curables, d’abandon, car pour elles ne sont jamais venus les biens salvateurs : le simple pain, le lit d’un hôpital, le médecin qui sauve, la main qui aide".

"Parce que cette grande humanité a dit : Basta ! et s’est mise à marcher. Et sa marche de géants ne s’arrêtera plus jusqu’à la conquête de la véritable indépendance, pour laquelle beaucoup déjà sont morts sans aboutir. Désormais, dans tous les cas, ceux qui meurent mourront comme ceux de Cuba, de la Playa Giron, ils mourront pour l’unique, la vraie et l’irrévocable indépendance".

Cette indépendance, l’unique et la véritable, c’est le socialisme. Le seul drapeau qui lui convient est celui de l’unité. Ce n’est pas un hasard si ce sont Chavez et Fidel qui proposent l’unité de Notre Amérique. Ils sont les seuls présidents à vocation socialiste. S’il est une couleur qui ne devra pas être absente de notre nouveau drapeau, c’est bien le rouge.

Non seulement nous unirons les Américains, mais avec l’Amérique le monde s’unit.

Traduction du castillan (Cuba) par Gérard Jugant.


(1) Lire le chapitre "Cuba affamée et étranglée" du récent livre de Danielle Bleitrach, Viktor Dedaj et J.F. Bonaldi, "Cuba est une île", Editions Le Temps des Cerises, 2004.

(2) La Edad de Oro était une revue mensuelle publiée à New York par José Marti et destinée aux enfants (de juillet à octobre 1889 quatre numéros sont parus).

(3) Publié initialement dans l’hedomadaire cubain Revista Verde Olivo, 8 octobre 1960.

(4) Il est rappelé dans la déclaration commune que le président Chavez est à l’origine de la proposition de l’ALBA (au 3e Sommet de l’Association des Etats des Caraïbes, dans l’île de Margarita, en décembre 2001).

(5) L’exposé de Zbginiew Kowalewski, présenté par l’auteur au colloque de La Havane du 10 septembre 2004 a été traduit et publié en français dans le numéro d’Inprecor de décembre 2004.

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PEROU


UN NOUVEAU CHAVEZ ?


Nous présentons ci-après :

1. Un résumé des faits qui se sont déroulés dans la ville andine d’Andahuaylas (Pérou) entre le 1er et le 4 janvier 2005 (AFP du 5).

2. Qui est Antauro Humala ? Cet article réalisé par la revue Resumen Latinoamericano en mars 2004 interroge le chef rebelle.

3. Un entretien de Modesto Ernesto Guerrero avec le vieux militant péruvien Ricardo Napuri, assurément un des révolutionnaires les plus qualifiés d’Amérique latine (cf. entretien avec Napuri sur la Révolution Bolivarienne : "Chavez a une responsabilité historique" (RB n° 3, août 2004) en ligne sur le site du magazine alternatif Le Grand Soir.


1-La prise d’otages au Pérou a pris fin

AFP 5 janvier 2005


Lima-Une cinquantaine de rebelles péruviens ultranationalistes, qui occupaient depuis samedi un commissariat du sud-est du Pérou, retenant 17 policiers et soldats en otage, se sont rendus hier midi aux forces armées, a annoncé le président péruvien Alejandro Toledo.

« Le processus de remise des armes est en train de se faire », a indiqué M. Toledo dans une brève déclaration à la presse.

Les rebelles, des réservistes de l’armée membres du mouvement Etnocacerista qui avaient pris le commissariat d’Andahuaylas à 400 km au sud-est de Lima, exigeaient notamment la démission du chef de l’État.

Quatre policiers ainsi qu’un réserviste rebelle avaient été tués samedi dans une fusillade avec les militaires. Quatorze personnes avaient été blessées.

Les 17 otages, 10 policiers capturés à l’intérieur du bâtiment et sept soldats interceptés par les rebelles lundi, sont sortis sains et saufs du commissariat, a indiqué la télévision officielle TNP.

Dans la nuit de lundi à hier, le chef des rebelles, le commandant en retraite Antauro Humala, 41 ans, avait été arrêté en même temps qu’une centaine de ses partisans alors qu’il négociait avec les militaires la reddition du groupe rebelle qu’il dirigeait, composé de 150 réservistes de l’armée.

Hier matin, l’un des leaders des 50 derniers rebelles restés dans le commissariat avait posé comme condition à une reddition la venue de représentants de la Croix-Rouge internationale. Des représentants de cette organisation sont arrivés sur place quelques minutes après la sortie des rebelles, sans armes et en uniforme militaire, entre deux rangées de soldats, selon la télévision.

Le gouvernement péruvien avait décrété dimanche l’état d’urgence dans la province d’Apurimac (sud-est) où se trouve Andahuaylas (30 000 habitants), puis le couvre-feu dans cette petite ville pour la nuit de lundi à mardi.

Les autorités craignaient des débordements au sein de la population d’Andahuaylas, où quelques centaines d’habitants, des jeunes en majorité, ont fraternisé avec les rebelles ultranationalistes


2. QUI EST ANTAURO HUMALA ?

Par Carlos Aznarez, Resumen Latinoamericano, mars 2004.

Entretien avec le leader de la rébellion indigène péruvienne.


Quelque chose de nouveau agite le Pérou.

D’une part, il y a la réapparition de la rébellion paysanne avec la gigantesque marche sur Lima de milliers de cocaleros exigeant du gouvernement d’Alejandro Toledo qu’il renonce à son projet d’éradication des cultures de coca, d’autre part la croissance de plus en plus manifeste du Mouvement Nationaliste Péruvien (MNP) avec le charisme de son leader, le Commandant (de réserve) Antauro Humala. Qui est cet homme qui gagne des adhésions dans les secteurs les plus pauvres en zone urbaine et reçoit aussi l’appui des franges majoritaires de l’indigénisme péruvien ? Rien moins que ce militaire qui avec son frère, le Lieutenant-colonel Ollanta Humala, s’était soulevé en octobre 2000 contre Alberto Fujimori dont le pouvoir agonisait dans un scandale de corruption.

Les frères Humala parcourent alors les montagnes du sud du pays, appelant à la rébellion les villages et parviennent à rassembler autour d’eux quelque 600 réservistes. Après plusieurs jours de résistance ils sont arrêtés, mais après la chute de Fujimori, le président par intérim Valentin Paniagua les réintègrent. Ollanta reste dans l’armée et est aujourd’hui attaché militaire à l’ambassade péruvienne à Paris, alors qu’Antauro choisit de se consacrer pleinement à la chose politique, son langage franc et agressif "comme parle notre peuple", faisant de nombreux adeptes. Ami des indigènes équatoriens de la CONAIE, d’Evo Morales et de Felipe Quispe en Bolivie, mais aussi se considérant "comme un frère d’Hugo Chavez" et un admirateur de "la lutte nationaliste de la Révolution Cubaine", Humala construit une organisation qui se déclare anti-impérialiste, ethnocacériste (voir ci-après), ennemie jurée de l’oligarchie péruvienne et de l’actuel président Alejandro Toledo .

Les militants du MNP parcourent les quartiers ouvriers les plus frappés par la faim et font un travail d’alphabétisation et de "conscientisation politique sur les maux dont souffre l’Amérique latine". Les réservistes de Humala, avec leurs uniformes militaires de travail (comme quand ils suivirent leur chef dans le "soulèvement héroïque"), contrairement aux généraux de Toledo, sont reçus par les gens chaleureusement et ovationnés. C’est là précisément, parmi ces gens "frappés par le libéralisme", selon Humala, qu’est "en train de croître la nouvelle Révolution qui renversera les vieilles et caduques structures du Pérou".

Ses ennemis, surtout par les campagnes médiatiques qu’ils véhiculent, accusent l’ex-commandant de "ne pas respecter les règles du jeu minimales pour une cohabitation pacifique". Pourtant, explique Humala, "ce ne sont pas les gens qui nous voient ainsi, mais les politiciens avec les journalistes à leur solde. Il s’agit d’une minorité d’extra-terrestres installés au Congrès et dans beaucoup de ministères, qui font bien d’être inquiets. Je les méprise comme 90% de la population.

Humala n’aime pas qu’on lui parle de "démocratie" car pour lui ce qu’on connaît au Pérou sous ce nom est une véritable "timocratie", un gouvernement de filous, ou en tous cas une démocratie prostituée. "Dans mon pays il faut changer totalement la politique économique et bien entendu ce n’est pas Toledo qui peut le faire parce que son gouvernement est inféodé aux intérêts étrangers, aux exigences du FMI et au néolibéralisme", affirme le leader nationaliste.

Au sujet des élections de 2006 (que Toledo envisagerait d’avancer, selon certaines rumeurs) le chef nationaliste pense que changer le calendrier ne changerait rien. "Si elles sont avancées, on retrouvera de toute façon les mêmes de toujours sur les bancs du Congrès. Ce serait changer les morves par des baves", estime t-il. Pour son Mouvement, l’issue est dans une Assemblée Constituante où seraient représentées toutes les forces vives : réservistes, cocaleros, SUTEP, retraités, construction civile, associations de licenciés, fédérations rurales, syndicats ouvriers. Quelque chose comme les Etats Généraux de la France révolutionnaire, avec vote par tête seulement.

L’intention des Humala de résoudre "la crise de la corruption et de la livraison du patrimoine national" par la voie expéditive ("s’il faut fusiller quelques généraux, il n’y a pas à hésiter") fait frémir leurs opposants. "Il semble bien qu’ils n’aient pas lu la Constitution en vigueur ni les précédentes. Toutes sanctionnent de la peine de mort ceux qui commettent des infractions graves contre le pays. C’est aussi ce que stipulent les codes militaires de toutes les armées du monde. Ici simplement on prostitue les termes : démocratie équivaut à élections, alphabétisation à "castellanisation", religion à catholicisme, et peine de mort à assassinat.

Les frontières sont verticales

Le Mouvement Nationaliste Péruvien envisage de manière polémique certains aspects-clés concernant la souveraineté et certaines faiblesses des pays du continent face aux puissances coloniales. C’est ainsi qu’Humala défend dans ses réunions publiques et reprend dans notre entretien, un concept particulier sur les frontières, dont "il aime beaucoup parler aux militaires".

Là -dessus, l’ex-Commandant nationaliste dit : "Selon le critère importé de la doctrine de l’Ecole des Amériques, les frontières sont simplement horizontales. Et cela est une erreur, puisque les frontières, à notre avis, sont verticales, puisque l’espace aérien par où passent les lignes aériennes étrangères ou les ondes qui nous permettent de voir la télévision, est aussi territoire péruvien. Tout cela circule par le territoire de la patrie et il y a quelque paradoxe à ce que les grands entrepreneurs privés qui manipulent l’information utilisent ce territoire national de manière injuste et en violant nos droits. Le sol est également une partie importante de la Nation, l’agriculture ne peut pas en des mains étrangères, l’or, l’argent, le zinc, sont à nous. La mer fait aussi partie de la patrie et nous ne pouvons pas la privatiser en permettant à des bateaux étrangers d’embarquer toutes nos richesses.

C’est pourquoi il faut partir de cette vision pour définir le nouveau rôle des Forces Armées du continent. Nous ne devons pas oublier, et je le dis toujours à mes compatriotes au Pérou, que nous devons partir du fait, et en cela j’exclue évidemment aujourd’hui Cuba et le Venezuela, que nous continuons à être une colonie.

Je vais encore être plus polémique : dans les cas péruviens, boliviens et équatoriens, qui sont des peuples ethniquement frères, la geste de l’émancipation de 1821, qui proclama l’indépendance de ces pays, était un acte de libération oui, mais pour les secteurs créoles et minoritaires. Les "cholos" (indiens) des trois pays ont continué à être dépendants des castes blanches et ceux d’origine africaine d’être des esclaves. C’était une indépendance virtuelle, un séparatisme créole des Espagnols, mais pour nous, ceux qui sont à côté des peuples originaires, la colonie a changé de maître. La relation de soumission autrefois à Madrid est aujourd’hui à Washington".

"C’est contre toute cette hypocrisie que nous nous sommes levés au Pérou", dit-il en ajoutant dans la foulée en guise de conclusion : "Une personne agonise en quelques heures ou quelques jours ; un gouvernement en quelques semaines ou mois (Fujimori sur presque une année) ; et une République agonise sur des années ou des décennies. Les processus historiques sont ainsi. Toledo est déjà un cadavre ; le Gouvernement agonise ; mais la petite République Créole fait encore des soubresauts, aussi blessée qu’elle soit. Ce n’est pas pour rien qu’elle ne porte pas sur le dos, comme des banderilles, 14 constitutions à l’odeur de gaz lacrymogène".

L’ethno-cacérisme de Humala

Comme l’a expliqué Antauro Humala lors du soulèvement historique qu’il conduisit contre Fujimori et Vladimir Montesinos, son mouvement nationaliste se réclame de la doctrine ethno-cacériste. Ethno vient d’ethnie, pour prendre en compte qu’au Pérou, mais c’est aussi le cas en Bolivie et en Equateur, la population indigène est majoritaire. D’où la relation étroite d’Humala avec des mouvements comme celui que dirige Felipe Quispe dans la population aymara sur le territoire bolivien qu’ils ne reconnaissent pas en tant que tel.

Dans le cas du Pérou, la tradition culturelle pèse beaucoup pour les ethno-cacéristes et ils font passer dans la lutte les revendications indigènes par-dessus même la lutte de classes.

Andrés Avelino Caceres était un Maréchal qui comme tant d’autres chefs du continent a pris la tête d’une armée d’indigènes et de guérilleros pour lutter contre les oligarques de l’intérieur et les conspirateurs qui venaient de l’extérieur. En 1879, il était à la tête de son armée contre le Chili, qui voulait installer un protectorat sur le sol péruvien. La particularité de ce chef militaire, qui par la suite devint Président, était que toutes ses règles de formation et de discipline s’inspiraient de la culture des chefs incas, de même que les ordres de commandement étaient donnés en quechua, rejetant clairement toute "infiltration du langage centro-européen", qui prédominait dans les armées de cette époque.

Humala reprends ces principes et se pose avec ses adeptes contre toute ingérence occidentale, revendiquant une sorte de socialisme indigène qui coïncide bien avec le mouvement de rébellion bolivarienne qui se répand dans le continent, tout en se distanciant de certains concepts invoqués par un secteur de la gauche continentale pour ignorer le poids des peuples originaires dans les affaires nationales.

Traduction Max Keler

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3. Réflexions sur l’ "ethnocacérisme", ses rapports au chavisme et à la dynamique politique latino-américaine.

L’"ETHNOCACERISME" ET LA REVOLUTION LATINO-AMERICAINE

par Modesto Emilio Guerrero, Aporrea, 9 janvier 2005


L’entretien qui suit avec le vieux socialiste péruvien Ricardo Napuri porte sur l’insurrection du "Mouvement Ethnocacériste" au Pérou, les caractéristiques du phénomène, ses éléments de différenciation avec le chavisme et sa situation dans la dynamique politique latino-américaine.


Guerrero. Je connais le Commandant Antauro Humala et les affinités idéologiques de son mouvement. Ils se firent connaître dans les années les plus tortueuses de la répression contre le Sentier Lumineux. N’a t-on pas dit qu’ils avaient massacré beaucoup de militants du Sentier ? Mais ce n’est là qu’un aspect du phénomène. En même temps, ils expriment une partie des contradictions profondes de la société péruvienne, dominée par l’oppression, l’exploitation économique et la discriminaton terribles dont souffrent les "cholos" (indiens) et leurs descendants. On ne peut pas les définir de manière simple, ils sont une contradiction agissante, c’est pourquoi ils captent aujourd’hui la sympathie d’un secteur de la gauche, mais le danger est de se laisser guider par un aspect sans prendre en considération les autres qui le définisse. Ce mouvement est une réponse à ces mêmes angoisses qui ont généré d’autres irruptions ces dernières années.

Napuri. Oui, vu sous cet angle, ils sont une expression, une réaction, comme le furent les zapatistes, Chavez en 1992, la CONAIE en Equateur, les piqueteros en Argentine. Ces expressions sont distinctes, parfois très dissemblables, sur le terrain de la résistance à l’oppression impériale et à la brutale misère que vivent nos peuples. Tu observeras qu’Humala s’appuie sur les conscrits, qui sont le secteur le plus opprimé au sein de l’armée et que les choses vont très mal au Pérou.

Le mouvement Ethnocacériste s’appuie sur ce secteur militaire, mais n’a ni ne prétend avoir une base sociale d’appui. En ce sens c’est l’opposé du chavisme, qui se construit avec le mouvement de masses, s’appuyant sur sa mobilisation. Le nationalisme des Humala est beaucoup plus relatif que celui de Chavez et que celui d’autres leaders nationalistes du passé. Il revendique un peuple-Nation, ce qui n’est pas mauvais en soi, si ce n’est qu’aujourd’hui on ne peut aboutir en retournant à la cité inca du XIVe siècle.

Quand Chavez invoque Bolivar c’est aussi idéologique, mais observe la différence, il le fait pour restituer le meilleur de sa geste révolutionnaire, notamment dans la lutte pour l’unité latino-américaine face à toute domination impériale. En ce sens, c’est progressiste. Il en est de même quand il va chercher un décret du Libertador de 1816 en appui à un article de la Constitution de 1999 pour imposer la propriété nationale des ressources du sous-sol, dans le cas vénézuélien le pétrole. Ce nationalisme-là diffère de celui des ethnocacéristes. Humala est l’expression d’une corporation fermée, d’une caste, et à l’intérieur de celle-ci d’un secteur maltraité, les conscrits. Tout le reste est idéologique.

Guerrero. Tu fais allusion aux proclamations indigénistes et anti-yankees.

Napuri. On ne peut pas nier que c’est sympathique de revendiquer pour l’indigène face aux yankees ou à Toledo, que c’est sympathique de condamner Toledo et sa corruption. Mais si ce qu’on entend reconstruire repose sur le modèle du Tihuantisuyo, c’est une impasse. C’est romantique, utopique ; ça peut séduire beaucoup de monde, mais ne peut servir à résoudre la crise sociale péruvienne actuelle.

Toledo n’a pas pu la résoudre et il est de descendance indigène. L’énorme corruption du gouvernement de Toledo n’est rien d’autre qu’un des effets du système d’exploitation imposé au Pérou. Les corrompus dans mon pays sont à l’intérieur du gouvernement, mais aussi de l’armée, et surtout dans les entreprises nationales et transnationales, celles qui payent et corrompent les marchés, le commerce, la banque et la production. Les 4% de croissance moyenne du Pérou des dernières années comportent un haut contenu de corruption. Nous vivons cela dans toute l’Amérique latine. Toledo n’y échappe pas, mais le mouvement ethnocacériste n’y échapperait pas non plus s’il gouvernait. Ce n’est pas un hasard si les frères Humala ont passé des accords électoraux avec Toledo après s’être rebellés contre Fujimori dont ils avaient fait partie de l’appareil ultra-répressif.

Guerrero. Il se disent indigénistes.

Napuri. Oui, c’est bien ainsi qu’ils se définissent politiquement. Premièrement, ils se réclament de la société dominante de la fin de l’empire inca, avant la conquête des Espagnols, c’est le modèle de société qu’ils proposent, c’est pourquoi ils parlent des droits de la majorité indigène. L’autre volet de leur définition politique invoque le nom de l’Amiral Andrés Avelino Caceres, qui a combattu dans la Guerre du Pacifique contre l’armée chilienne, alors qu’il n’y a jamais eu au Pérou de courant politique important se réclamant de cet Amiral. En ce sens, c’est une nouveauté.

Guerrero. L’indigénisme, Mariategui l’a formulé il y a 70 ans.

Napuri. Bien sûr, mais avec une petite différence, à savoir que Mariategui n’a jamais été ethniciste, il n’a jamais exclu d’autres ethnies. Selon lui, la réponse au problème passait d’abord par la solution à l’exploitation de classe et à la domination impérialiste. Le traditionnel "problème indigène péruvien" se résoudrait pour Mariategui dans ce cadre politique avec un programme et un mouvement permettant la satisfaction de tous les droits indigènes compris dans un projet de révolution intégrale de la société, parce que sinon, toute la vieille pourriture de l’oppression ethnique reviendrait sous les pires formes, comme revient le racisme de tous les côtés.

Si Humala gouvernait ce n’est pas la majorité indigène du Pérou qui gouvernerait parce que l’ethnocacérisme ne s’appuie pas sur des organisations du mouvement des masses.

Le dilemme de la démocratie moderne est de savoir si elle se construit ou non avec les organisations du peuple travailleur, des majorités exploitées. C’est le débat actuel dans le Venezuela de Chavez, si j’ai bien compris. Le mouvement ethnocacériste ne propose rien qui laisse à penser qu’il s’appuierait, au pouvoir, sur des organisations démocratiques. De fait, c’est ainsi que sont les choses depuis la libération de l’empire espagnol. Pratiquement tous les gouvernements ont fait de la démagogie en parlant des droits du "cholo" lors des campagnes électorales. Le dernier et le plus flagrant exemple est constitué par l’actuel président Toledo. Il s’est servi de sa qualité de descendant des incas pour gagner les élections, tout comme le président Gutierrez en Equateur, où il y a aussi de grands secteurs indigènes mis à l’écart. On voit les résultats du gouvernement Toledo. L’irruption des frères Humala au nom des indigènes est contre un représentan t ethnique. L’explication est simple, ni Toledo ni Humala ne régleront les problèmes sociaux des descendants des incas, ni des autres travailleurs péruviens, parce qu’ils ne veulent pas rompre les liens impérialistes qui maintiennent la société péruvienne plongée dans la misère et la décomposition. La haine contre Toledo pour son pro-impérialisme est un fait social qui doit être canalisé dans un programme de transformation révolutionnaire et non à partir de mouvements auto-illuminés.

Guerrero. L’ethnocacérisme comporte beaucoup d’illuminisme rédempteur, comme ce fut le cas du Sentier Lumineux, toutes différences mises à part.

Napuri. C’est quelque chose comme ça. Le Sentier revendiquait aussi les droits indigènes, mais ayant surgi du Parti communiste et devenu maoïste, il s’appuyait sur un secteur très arriéré et pauvre de la paysannerie. Son illuminisme venait des invocations semi-religieuses de ses leaders et des méthodes d’action utilisées dans les luttes, ils ne faisaient pas la différence entre ennemis de classe et adversaires politiques, ils éliminaient tout le monde comme si tout était égal. J’ai moi-même été condamné par le Sentier pour ne pas partager leurs idées et méthodes. Ils se sentaient illuminés.

L’ "illuminisme" des Humala est pire, ils ne surgissent pas d’un courant du mouvement ouvrier ou paysan, ni d’ailleurs de quelque mouvement indigéniste de masse, comme ont surgi Evo Morales en Bolivie, le zapatisme au Mexique ou la CONAIE en Equateur. Ils dérivent de leur leader, des conscrits qui les appuient et des profondes angoisses du Pérou. Là est leur caractère profondément contradictoire.

Traduction Max Keler

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VENEZUELA


JE SUIS SIMPLEMENT UN REVOLUTIONNAIRE

Par Hugo Chavez Frias, dans le quotidien cubain "Juventud Rebelde" du 2 janvier 2005

- Lire ici : www.legrandsoir.info/article.php3?id_article=2003

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VENEZUELA : LA REVOLUTION BAàŽLLONNEE

Dans l’article qui suit, dont le titre original est "Venezuela : la revolucion silenciada", Ernesto Cardenal témoigne de ce qu’il a vu au Venezuela lors de son dernier séjour, en décembre 2004, notamment dans les quartiers pauvres des collines qui surplombent Caracas. Un témoignage qui lui semble d’autant plus nécessaire que dans la quasi-totalité du monde les réalisations de la Révolution Bolivarienne sont passées sous silence. En effet, si la Révolution Cubaine est depuis toujours calomniée, de même que la Révolution Nicaraguayenne l’était, la méthode employée contre la Révolution Vénézuélienne est de la réduire au silence, en s’appuyant sur les 9 transnationales qui produisent 90% de l’information mondiale.

Par Ernesto Cardenal, Rebelion, 10-01-2005

- Lire ici : www.legrandsoir.info/article.php3?id_article=2040

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JOHN LENNON EST CHAVISTE

Ivan Vilchez, in Aporrea, 29-12-2004


John Winston Lennon est né à Liverpool le 9 octobre 1942, en pleine Guerre Mondiale, sous les bombardements nazis quotidiens. Ses parents, Fred et Julia Lennon se séparèrent assez vite et Lennon partit vivre chez sa tante Mary Smith "Mimi".

Rebelle permanent sans cause, il admirait la musique d’Elvis Presley, ce qui fit qu’il ne se sépara jamais du ROCK’N ROLL. Sa tante Mimi lui offrit une guitare d’occasion et il apprit à jouer seul. A partir des cours de banjo de sa mère, il fonda avec les amis de son école le groupe QUARRYMEN, que rejoignit rapidement Paul McCartney puis six mois plus tard un autre guitariste, George Harrison.

Aux Beaux Arts à Liverpool, John fit la connaissance de Stuart Sutcliffe qui devint un de ses meilleurs amis et intégra les QUARRYMEN comme joueur de basse. Avec Peter Best à la batterie et sous le grand nom de "SILVER BEATLES" ils allèrent jouer dans la banlieue rouge de Hambourg, en Allemagne. Ils en revinrent un an plus tard, devenus des musiciens professionnels, mais la mort peu de temps après de Sutcliffe affecta beaucoup Lennon qui avait déjà perdu à l’âge de 17 ans sa mère.

A Liverpool ils commencèrent à jouer à "La CAVERNE" et c’est là que naquit leur popularité, et qu’ils connurent Brian Epstein, un vendeur de disques qui devint le manager des Beatles. Refusés par la marque DECCA, en juin de l’année 1962 ils signèrent avec EMI. Leur producteur musical George Martin, pièce-clef dans le groupe, écarta Pete Best et fit entrer à sa place un batteur qu’ils avaient connu lors de leur séjour à Hambourg, le grand Ringo Starr.

Le 4 septembre, ils enregistrèrent leur première chanson, appelée LOVE ME DO, toutefois sans Ringo. En 1963, il se maria avec sa fiancée Cynthia et naquit de l’union leur fils Julian. Pendant ce temps la popularité des BEATLES ne cessait de croître avec une succession de titres numéro un au classement comme PLEASE, PLEASE ME ; en 1964, ils font la conquête du public nord-américain.

Au milieu des années 60 leur groupe est le plus célèbre du monde et les compositions Lennon-McCartney atteignent le plus haut niveau de virtuosité. Continuant d’accumuler les succès, la reine d’Angleterre Elisabeth II les décorent de l’Ordre de l’Empire Britannique en 1965 et Lennon provoque une polémique mondiale en affirmant que les BEATLES sont plus populaires que Dieu, propos dont il a dû s’excuser peu de temps après.

Cessant de se produire sur scène, où il était devenu pratiquement impossible d’écouter leur musique en raison des cris hystériques de leurs fans, les BEATLES abordent alors une étape plus mûre, partent méditer en Inde et rentrent dans le psychédélisme.

En 1967 sort le classique "SARGENT PEPPER’S LONELY CLUB BAND". La même année, le représentant du groupe, Brian Epstein, meurt d’une overdose. La vie de Lennon devient alors un tourbillon, il fait la connaissance de Yoko Ono, Cynthia demande le divorce pour adultère. Le 20 mars 1969 Lennon et Yoko se marient à Gibraltar et entreprennent leur fameuse série de protestations au lit, une de leurs multiples campagnes dont l’objectif était de promouvoir la paix du monde.

Ensemble ils réalisent l’album du MARIAGE avec certificat, photo en couleur et halètements compris, à la suite duquel Lennon renonce à être "SIR JOHN" en retournant la distinction octroyée quelques années plus tôt par la couronne.

Les relations entre les quatre BEATLES deviennent de plus en plus tendues au point qu’ils n’enregistrent plus ensemble, et que le 10 avril 1970 Paul McCartney annonce la séparation du groupe. Un peu après sort "ABBEY ROAD", enregistrement en direct du concert-surprise que les BEATLES avaient fait sur la terrasse des studios de Apple, leur marque phonographique.

Après la rupture des BEATLES, Lennon se consacre exclusivement à sa carrière de soliste, déjà lancée avec l’édition de l’album "COLD TURKEY" du PLASTIC ONO BAND, dans lequel il décrit ses tourments d’arrêter la cocaïne. Avec son épouse YOKO ils s’engagent plus dans les causes politiques radicales en faveur de la paix.

Après une brève séparation, le couple se réunit de nouveau en 1974, et va naître son second fils SEAN, pour lequel Lennon va prendre un congé de cinq ans afin de se consacrer à son éducation. En 1980 Lennon réintègre le front musical avec l’album "DOUBLE FANTASY" qui devient numéro un mondial.

Le 8 décembre 1980 un chasseur d’autographes du nom de Mark Chapman lui tire cinq balles à bout portant à l’entrée de l’immeuble Dakota, dans lequel vit toujours Yoko, ce qui le tua.

CHAPMAN PARLE

Mark Chapman, l’homme qui l’a assassiné, a indiqué au journal britannique Daily Express : "Je voulais être aimé", et qu’il croyait que Lennon lui aurait sûrement pardonné, car il était un libéral. Chapman déclara que depuis trois ans Lennon était devenu pour lui une photo de façade et qu’il l’avait abattu en réponse à une voix intérieure qui lui disait "Fais-le, fais-le, fais-le".

LENNON ET LE CHAVISME

Lennon a déclaré au magazine de droite The Economic qu’il est un activiste des Cercles Bolivariens d’Angleterre et un grand partisan des doctrines du chavisme pour le monde. John Lennon et Hugo Chavez se sont rencontrés dans une conférence des Nations Unies à New York sur la paix dans le monde et sont tombés d’accord sur les points suivants :

-Un monde unipolaire ne marche pas pour notre planète aujourd’hui.

-La faim est la véritable bombe atomique que nous devons régler.

-Les gouvernants de l’axe Etats-Unis d’Amérique-Angleterre provoquent une grave instabilité sociale au niveau mondial, lourde de conséquences.

-Il faut arrêter la guerre en Irak et la course aux armements, ainsi que le Plan Colombie.

-Ceux d’hier ne reviendront pas (au Venezuela, à Cuba...).

C’est une fiction, mais nous sommes persuadés que si Lennon était vivant, il crierait CHAVEZ NO SE VA.

Traduction du castillan par Max Keler

*** *** ***


POESIE


La poésie d’Ernesto Cardenal se caractérise par sa diversité. Diversité thématique : politique, histoire, amour. Il utilise des formes tour à tout brèves et longues, de facture classique ou populaire. Tenant d’une poésie simple et directe, sur le ton de la conversation, il n’hésite pas à incorporer à l’expression littéraire des éléments appartenant à d’autres arts ou techniques, comme le cinéma ou le journalisme.

Son style, qu’il a dénommé lui-même "extériorisme", a influencé les poètes postérieurs aux années 70. Prêtre, militant révolutionnaire, traducteur, il est l’auteur de dictionnaires anthologiques. Dans le premier volume de son autobiographie, "Vida perdida", paru en Espagne en 1999, il relate son expérience religieuse dans l’Ordre de la Trappe et ses rapports avec son maître Thomas Merton, lui aussi poète et moine.

PSAUME N°5 Entends mes paroles, ô Seigneur

Prête l’oreille à mes gémissements

Ecoute mes protestations

car tu n’es pas l’ami des dictateurs

ni un partisan de leur politique

leur propagande n’a nulle prise sur toi

tu ne fréquentes pas les gangsters

Il n’y a de sincérité ni dans leurs discours

ni dans leurs déclarations de presse

Ils parlent de paix dans les Conférences pour la paix

mais en secret ils préparent la guerre

Leurs radios menteuses rugissent toute la nuit

Leurs bureaux sont remplis de plans criminels

et de rapports sinistres

Mais tu me sauveras de leurs plans

Ils parlent par la bouche des mitrailleuses

Leurs langues luisent comme des baïonnettes...

Châtie-les ô Dieu

fais échec à leur politique

chamboule leurs mémorandums

entrave leurs programmes

A l’heure de la Sirène d’alarme

tu seras avec moi

tu seras mon refuge au jour de la bombe

Celui qui ne croit pas au mensonge de leurs annonces

commerciales

ni à leurs campagnes publicitaires ni à leurs campagnes

politiques

tu le bénis

tu l’entoures de ton amour

comme de tanks et de blindés

Ernesto Cardenal (Psaumes, 1964)

Traduction de Marilyne Armande Renard (Anthologie de la poésie nicaraguayenne du XXe siècle, Editions Patiño, Genève, 2001).


Livres d’Ernesto Cardenal traduits en français :


Vie perdue (L’Harmattan)

Voici la première partie des mémoires d’Ernesto Cardenal, un des grands poètes de notre époque, mystique et révolutionnaire, prêtre et ancien ministre du gouvernement sandiniste au Nicaragua. Pour lui "seule la poésie est susceptible d’exprimer la réalité latino-américaine, d’atteindre le peuple et d’être révolutionnaire...et peut servir à construire un pays". Ce premier tome suggère sa révélation mystique, et retrace le voyage qui l’a conduit à la Trappe, de Managua jusqu’aux Etats-Unis. Il y évoque aussi son enfance ainsi que la naissance de sa vocation de poète et d’artiste.

ISBN : 2-7475-6717-6 - septembre 2004 - 437 pages. Prix éditeur : 33 € Hommage aux Indiens d’Amérique (La Différence)

Oraison pour Marily Monroe (poésie, Le Temps des Cerises)

Psaumes (Le Cerf)

Anthologie poétique (Le Cerf)

Chrétiens du Nicaragua (Karthala)

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Ce qu’il n’a pas accompli ne l’est toujours pas aujourd’hui : Bolivar a encore beaucoup à faire en Amérique. (José Marti).

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Pour nous contacter : bolivarinfos@yahoo.fr.

- Notre initiative politique est celle d’individus, militantEs certes, mais n’est au service d’aucune organisation en particulier, et encore moins, cela va sans dire, de pouvoirs ou d’intérêts vénaux, médiocres ou à courte vue.

La référence explicite à Simon Bolivar et au mouvement bolivarien est fortement symbolique. Simon Bolivar, qui était un grand aristocrate, n’est en aucun cas pour nous un modèle ou une référence théorique. Il y avait néanmoins dans son projet d’unité des peuples, d’indépendance et de liberté quelque chose d’une parfaite actualité, au coeur des enjeux, singulièrement en Amérique latine.

Une fois par mois environ Révolution Bolivarienne présentera à une sélection d’articles de presse (la grande parfois mais surtout l’alternative, la militante, la rebelle), de contributions, d’analyses, d’événenements et d’initiatives. Une part plus ou moins conséquente de nos textes seront des traductions par nos soins (ou par des réseaux amis), le plus souvent de l’espagnol, mais aussi d’autres langues. Ces textes seront donc pour la plupart inédits en français. A ce sujet, si vous disposez d’un peu de temps et de la connaissance de langues étrangères, votre contribution sera particulièrement bienvenue ! De même qu’un récit de voyage. D’autre part, une tribune libre est à la disposition des lecteurs-trices.

Pour reprendre une image de l’antique mythologie, il nous semble que l’Amérique latine est un fil d’Ariane susceptible de nous aider à sortir de notre labyrinthe en nous émancipant de nos propres Minotaures.

* * *

Révolution Bolivarienne est envoyé directement à un réseau strictement privé. Les propos publiés dans nos bulletins n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Reproduction libre en mentionnant les sources.

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- Révolution Bolivarienne N° 1 - Juin 2004.

- Révolution Bolivarienne N° 2 - Juillet 2004.

- Révolution Bolivarienne N° 3 - Août 2004.

- Révolution Bolivarienne N° 4 - Septembre-Octobre 2004.

- Révolution Bolivarienne N° 5 - Novembre 2004.

- Révolution Bolivarienne N° 6 - Décembre 2004.

- Révolution Bolivarienne N°7- Janvier 2005.

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