Avec l’arrivée de l’un de ses principaux chefs de file, Thierry Mariani (photo) aux commandes du secrétariat aux Transports, le Collectif de la Droite Populaire a marqué, sinon les esprits, du moins des points au sein du parti majoritaire. Progressivement, l’aile droite de l’UMP s’impose parmi les diverses composantes de la majorité présidentielle. Et pousse à se pencher de plus près sur l’écriture d’un nouveau chapitre des « liaisons dangereuses » que partagent la droite parlementaire d’avec le Front national.
A l’Elysée, la présence de penseurs classés à l’extrême droite de l’échiquier partisan est un secret de Polichinelle.
A l’image de Maxime Tandonnet ou encore Patrick Buisson, qui, alors dirigeant de Minute, déclare que « Le Pen, le RPR et le PR, c’est la droite […] souvent, c’est une feuille de papier à cigarettes qui sépare les électeurs des uns ou des autres » ; nombre d’intellectuels d’une droite orthodoxe fourmillent dans les rangs des conseillers du président.
Dans un même ordre d’idée, les gouvernements successifs de François Fillon comptent régulièrement en leur sein des Novelli, Juppé ou Devedjian qui, de par le passé, ont gravité autour de cercles ou d’organisations de droite extrême, tels le club de l’Horloge ou encore Occident.
Un tel décor planté, la structuration formelle en un collectif d’une aile très à droite de l’UMP a été accueillie sans réelle surprise dans l’opinion. Fort du soutien déclaré de 35 députés, le Collectif de la Droite Populaire, à ne pas confondre avec la Nouvelle Droite Populaire, parti politique français d’extrême droite proche du MNR et du Parti de la France de Carl Lang, est né le 14 juillet dernier de la volonté d’un retour aux fondamentaux de droite : Travail, Famille, Nation, Immigration et Sécurité en constituent les principaux mots d’ordre. Avec un leitmotiv traditionnellement propre au vocable d’extrême droite : briser les tabous du « politiquement correct ». Et la conviction que toutes les promesses de 2007 n’ont pas été tenues. « Les paroles ont séduit, les actes n’ont pas suivi. ».
A l’instar de ses figures de proue telles Lionnel Luca (Alpes-Maritimes) ou Christian Vanneste (Nord), une majorité des membres du Collectif se distinguent par le fait que ceux-ci soient élus sur des terres où le FN enregistre des scores en nette progression.
Réunis par leur réprobation de l’ouverture à gauche décidée en début de mandat présidentiel et leur ferme intention d’incarner une « droite de conviction », ses membres entendent bien monter au créneau sur le terrain de la sécurité ou de l’immigration et ainsi damer le pion au Front national afin de désamorcer la bombe électorale que compose l’électorat frontiste.
Car, nombreux à droite sont ceux qui gardent en mémoire la claque des régionales, au premier rang desquels Thierry Mariani, leader malheureux de la liste UMP présentée en mars dernier en Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Ce flirt engagé par l’aile droite de l’UMP avec le Front national dans le but avoué d’endiguer sa progression ne laisse pour autant pas de rendre perplexe. D’autant qu’à propos de Marine Le Pen, Mariani confesse publiquement que « de plus en plus de sympathisants [lui] font remarquer qu’elle n’est ni raciste ni antisémite, qu’elle n’a jamais été condamnée, qu’elle exprime tout haut ce que les deux tiers de nos adhérents pensent tout bas et, surtout, qu’elle dit ce que disait le RPR il y a quinze ans ! » Ambiance.
« La droite populaire a son utilité : les Luca, Ciotti ou Mariani parlent un langage que comprend notre électorat populaire », estime pour sa part le député Damien Meslot, secrétaire national chargé des fédérations de l’actuelle majorité, cité par l’Express.
Quitte à imprudemment exclure l’hypothèse que ce braconnage de l’UMP en terre extrême puisse connaître un dénouement tout autre, à savoir celui du chasseur chassé ?
La Droite Populaire comme laboratoire d’idées, clé en devenir d’un incertain rapprochement UMP-FN
UMP-FN, ou le fossé des idées. Longtemps a perduré l’idée d’un fossé séparant le RPR-UMP d’avec la droite nationale : sur l’immigration, l’Europe, la mondialisation…, autant de pommes de discorde qui font dire à Marine Le Pen que « l’UMP et le PS ont beaucoup plus de points communs [que n’en ont] l’UMP et le FN ».
Pour mémoire, le Front national, partisan d’une immigration zéro, se plaît à rappeler les propos tenus par Eric Besson, alors ministre de l’Immigration, euphémisant l’austérité des politiques migratoires menées en ces termes : « la France est la première terre d’asile en Europe est la deuxième dans le monde derrière les Etats-Unis ».
De plus, le FN a à maintes reprises fustigé la « trahison » de la parole du peuple français exprimée par le référendum négatif de 2005 après l’adoption du traité de Lisbonne, porté à bras-le-corps par la Majorité.
De même, la décision du chef de l’Etat de réintégrer la France au sein du commandement intégré de l’OTAN a été décriée dans les sphères frontistes comme un coup porté à l’indépendance de la nation.
Néanmoins, et malgré autant d’exemples récents de divergences profondes, des passerelles existent et se développent par le biais de nombre d’orientations défendues par la « droite de conviction ».
Ce fossé des idées séparant habituellement la droite parlementaire du Front tend à perdre de sa consistance dès lors qu’une connivence intellectuelle d’avec les thèses frontistes progresse pernicieusement.
Ainsi, tout comme le FN, la Droite Populaire entend redonner son primat à la Nation. D’ailleurs, dans sa charte fondatrice, la notion de nation est la première à être évoquée. Le collectif déclare croire « en la Nation, seul cercle d’appartenance à la fois à l’échelle de l’homme et à l’échelle du monde, [promue] comme élément fondamental de notre identité ».
« Nous avons notre pays à fleur de peau », s’en explique Lionnel Luca. A ses côtés, et également membre-signataire du collectif, le député-maire des 6ème et 8ème arrondissements de Marseille Dominique Tian, qui désire remettre « le respect de la Nation et de l’État au centre des débats », ainsi que le rapporte La Provence.
De même, la charte rajoute-t-elle à ses ambitions celle d’une « régulation de la mondialisation » au sein de laquelle oeuvrera une « France indépendante, maîtresse de ses décisions, puissance d’équilibre aux yeux du monde ».
Ensemble d’éléments constitutifs d’un discours qui aurait très bien pu être celui tenu par nombre de dirigeants du Front national.
Au regard de cette collusion thématique, est-il pour autant légitime de conclure par : « droite nationale et droite populaire - bonnet brun et brun bonnet » ?
Réfuter avec énergie cette appréciation serait fallacieux. L’affirmer catégoriquement serait hasardeux.
Car ce serait faire l’impasse sur le fait que les membres dudit collectif compose un puzzle de sensibilités. Ainsi, en pleine polémique après le discours sécuritaire prononcé en début d’été par le chef de l’Etat à Grenoble, certaines voix discordantes se sont élevées au sein même de la Droite Populaire, aile pourtant la plus à droite de l’UMP. A l’exemple de Bernard Debré, député de Paris, qui, quoique signataire de la Charte du collectif, a appelé dans une tribune publiée en août dernier par le quotidien Le Monde, à ne pas commettre de « raccourcis », d’amalgame entre immigration et délinquance, mais également à ce que le concept de déchéance de nationalité soit manié avec précaution.
Quant à Christian Vanneste, s’étant déclaré publiquement partisan d’une alliance électorale conditionnelle d’avec le Front national, ce dernier a été lâché par quelques-uns des principaux hérauts de cette droite se voulant pourtant décomplexée. Par le biais d’un communiqué cosigné notamment par les députés Lionnel Luca et Jean-Paul Garraud, le Collectif annonce ainsi se désolidariser des propos tenus par le député du Nord.
Du côté des instances de l’UMP, il est prévu qu’un bureau politique se réunisse pour discuter du cas du parlementaire ayant transgressé l’omertà , et prononcer d’éventuelles sanctions à son encontre. Pur hasard, Rama Yade, qui s’est récemment prononcée à ce propos en faveur de l’exclusion de l’élu, est depuis peu sous le feu d’une controverse nourrie par un certain… Christian Vanneste et son collègue député des Yvelines, Jacques Myard, lui aussi membre d’un certain… collectif de la Droite Populaire.
Pour l’heure, Marine Le Pen, qui dit constater une « lépénisation des esprits » à l’UMP, ne semble pas estimer électoralement opportun de saisir la main tendue par Christian Vanneste.
La réciproque lui est rendue par une grande majorité des membres du Collectif, lesquels s’interdisent de penser -publiquement- à franchir le Rubicon. Pour le moment tout au moins.
Samuel VASQUEZ