Affamer les pauvres. L’éthanol et le prix de la tortilla mexicaine.








CommonDreams.org, 16 mai 2007.


Le chaos provoqué par ce qu’on appelle l’ordre international est bien néfaste pour ceux qui se trouvent dans les niveaux inférieurs de la structure. Les tortillas [crêpes de maïs mexicaines] sont maintenant l’enjeu d’un conflit. Dans plusieurs régions du Mexique le prix des tortillas a augmenté de plus de 50%. En janvier, dans la ville de Mexico, des dizaines de milliers de travailleurs et de paysans ont manifesté sur le Zócalo, place centrale de la ville, pour protester contre le prix trop élevé des tortillas.

En réponse le gouvernement du président Calderón est parvenu à un accord avec les producteurs et les détaillants pour fixer une limite aux prix de la tortilla et de la farine de maïs, très probablement une solution temporaire.

La hausse des prix menace le principal produit alimentaire des Mexicains pauvres. C’est l’un des résultats de ce qu’on pourrait appeler l’effet éthanol, conséquence de l’acharnement des Etats-Unis à vouloir produire de l’éthanol à partir du maïs - substitut énergétique du pétrole, dont les principales réserves se trouvent bien sûr dans les régions du monde où l’ordre international est le plus menacé.

Ainsi l’effet éthanol aux Etats-Unis a fait monter les prix d’une bonne quantité de produits alimentaires, comme les céréales et la volaille. Il n’existe pas de relation directe entre l’instabilité au Moyen-orient et le coût de l’alimentation aux Etats-Unis, bien entendu. Mais comme toujours dans le commerce international les puissants font incliner la balance. Depuis bien longtemps l’un des objectifs de la politique extérieure des Etats-Unis a toujours été de créer un ordre global dans lequel les entreprises états-uniennes disposent d’un libre accès aux marchés, aux ressources et aux opportunités d’investissement. C’est ce qui est communément appelé le « libre échange », dénomination qui ne résiste pas au premier examen sommaire.

Cela n’est en rien différent de ce que la Grande-Bretagne, antécesseur dans la domination mondiale, avait imaginé durant la deuxième moitié du XIXème siècle quand elle adopta le libre échange, non sans avoir auparavant atteint une puissance industrielle bien supérieure à tous ses rivaux potentiels grâce à 150 ans d’interventionnisme étatique.

Les Etats-Unis ont dans une grande mesure suivi le même modèle. Généralement les grandes puissances désirent un certain niveau de libre échange lorsqu’elles considèrent que cela favorise les intérêts économiques qu’elles protègent. Cela a toujours été, et cela reste, l’un des caractères principaux de l’ordre international.

Le boom de l’éthanol relève de la même logique. Comme le signalent C. Ford Runge et Benjamin Senauer, spécialistes de l’économie agricole, dans le dernier numéro de Foreign Affairs, « l’industrie du biocombustible n’est pas activée par les forces du marché mais elle est depuis longtemps dominée par les intérêts de quelques entreprises », notamment par Archer Daniels Midland, le plus grand producteur d’éthanol.

La production d’éthanol se maintient grâce aux subventions de l’Etat et grâce aux tarifs douaniers forts élevés qui empêchent l’entrée de l’éthanol brésilien issu de la canne à sucre, nettement meilleur marché et de meilleure qualité. En mars lors d’un voyage du Président Bush en Amérique latine, la seule chose à laquelle il soit parvenu c’est à un accord avec le Brésil pour une production conjointe d’éthanol.

Mais Bush, tout en répétant la rhétorique du libre échange pour autrui soulignait que les hauts tarifs douaniers qui protègent les producteurs états-uniens seraient maintenus, ainsi que bien entendu tous les dispositifs d’aides gouvernementales pour cette branche.

Malgré les énormes subventions apportées à l’agriculture [états-unienne], financées par les contribuables, les prix du maïs et des tortillas ont augmenté très vite. L’un des facteurs c’est que les industriels commencent à utiliser les variétés de maïs mexicain qui sont meilleur marché. Cela fait monter les prix. Le Traité de libre commerce (TLC) de 1994 peut jouer un rôle de plus en plus important. Les déséquilibres initiaux du TLC ont eu pour conséquence d’inonder le Mexique de produits de l’agro-industrie subventionnée - contraignant bien des producteurs mexicains à abandonner leur terre.

L’économiste mexicain Carlos Salas après une analyse détaillée des données a signalé que, après une augmentation constante jusqu’en 1993, l’emploi dans l’agriculture a commencé à baisser avec l’entrée en vigueur du TLC, notamment parmi les producteurs de maïs - conséquence du TLC selon les conclusions de Carlos Salas et d’autres. Un sixième de la force de travail mexicaine dans l’agriculture a disparu depuis le début du TLC, et ce n’est pas fini. Cela fait baisser les salaires dans d’autres secteurs de l’économie et cela fait augmenter l’immigration vers les Etats-Unis. Ce n’est certainement pas tout à fait par hasard si le Président William Clinton a militarisé la frontière mexicaine -auparavant assez ouverte-, en 1994, juste au moment de l’entrée en vigueur du TLC.

Le Mexique auparavant autosuffisant sur le plan alimentaire est devenu dépendant des Etats-Unis du fait de la politique de « libre échange ». Le prix du maïs augmentant aux Etats-Unis, sous la pression des grandes entreprises et de par l’interventionnisme de l’Etat, on peut anticiper que les prix continueront d’augmenter de façon drastique au Mexique. De plus en plus les biocombustibles sont susceptibles d’« affamer les pauvres » dans le monde, disent Runge et Senauer, dans la mesure où les produits sont transformés en éthanol pour les privilégiés - le manioc en Afrique sub-saharienne pour prendre un autre exemple préoccupant.

De la même façon, dans le sud-est asiatique, les forêts tropicales sont taillées et brûlées pour produire de l’huile de palme destinée aux biocombustibles. Et aux Etats-Unis l’environnement est menacé par l’utilisation de grandes quantités d’intrants dans la production de maïs pour d’éthanol.

Le prix élevé de la tortilla, comme les autres soubresauts de « l’ordre international », montre le lien qui existe entre les événements du Moyen-orient au Midwest [« Moyen Occident », région centrale des Etats-Unis] et la nécessité d’établir des relations commerciales basées sur des accords vraiment démocratiques entre les personnes, et non sur des intérêts dont l’objectif principal ce sont les bénéfices des grandes entreprises subventionnées et protégées par l’Etat qu’elles dominent complètement, sans la moindre considération pour le coût humain.

Noam Chomsky


- Titre original : « Starving The Poor »

- Source originale (anglais) :
www.commondreams.org

- Version espagnole :
www.aporrea.org

- Traduction : Numancia Martà­nez Poggi



[Avram Noam Chomsky (7 décembre 1928), linguiste américain, est professeur au Massachussets Institute of Technology (MIT), l’un des principaux centres de recherches aux Etats-Unis. Ils est l’un des principaux critiques de la politique et des médias de son pays et a écrit plus de 60 livres, parmis lesquels 23 sur la politique des Etats-Unis.]




Mexique : maïs et infamies, par Silvia Ribeiro.


Dr. Miguel Angel Altieri : "Les biocombustibles sont un mode d’impérialisme biologique", par Roberto Aguirre.

Amérique latine : le mouvement en faveur des biocombustibles est en marche, par André Maltais.






- Dessin : Allan Mcdonald www.allanmcdonald.com

COMMENTAIRES  

31/05/2007 10:28 par vladimir

La precarité alimentaire arme de domination ?

"l’effet éthanol aux Etats-Unis a fait monter les prix d’une bonne quantité de produits alimentaires, comme les céréales et la volaille.

Malgré les énormes subventions apportées à l’agriculture [états-unienne], financées par les contribuables, les prix du maïs et des tortillas ont augmenté très vite. L’un des facteurs c’est que les industriels commencent à utiliser les variétés de maïs mexicain qui sont meilleur marché. Cela fait monter les prix,mais pas forcement chez les producteurs mexicains,dont le revenu baisse.

Le Mexique auparavant autosuffisant sur le plan alimentaire est devenu dépendant des Etats-Unis du fait de la politique de «  libre échange ». Le prix du maïs augmentant aux Etats-Unis, sous la pression des grandes entreprises et de par l’interventionnisme de l’Etat, on peut anticiper que les prix continueront d’augmenter de façon drastique au Mexique.

De la même façon, dans le sud-est asiatique, les forêts tropicales sont taillées et brûlées pour produire de l’huile de palme destinée aux biocombustibles. Et aux Etats-Unis l’environnement est menacé par l’utilisation de grandes quantités d’intrants dans la production de maïs pour d’éthanol.

Le prix élevé de la tortilla, comme les autres soubresauts de «  l’ordre international », montre le lien qui existe entre les événements du Moyen-orient au Midwest [«  Moyen Occident », région centrale des Etats-Unis]"

Surtout quand on sait que l’usage intensif des plants OGM accelere la desertification aussi bien aux USA qu’en Indonesie,Chine,Egypte etc., reduisant les productions alors que la secheresse en Australie entraine une baisse de pres de 50% des recoltes.

L’Europe resistant encore a la generalisation OGM,
est le dernier espace ou la production agricole semble assurer durablement l’autosuffisance.
Mais pour combien de temps ?
Les dernieres initiatives de la Commission Europeenne :

"L’agriculture bio, ce ne sont pas seulement quelques baba-cools soixante-huitards qui élèvent des chèvres dans un coin perdu du Périgord. Ce sont également de grands groupes agro-alimentaires, soit spécialisés, soit généralistes tels que Danone.

Et l’une des préoccupations de ces groupes, c’est d’avoir le label bio, mais sans se faire suer à faire du bio : c’est lourd, c’est contraignant, le rendement n’est pas terrible, ... Mais il y a de plus en plus de primes.

D’où, fort logiquement, des actions de lobbying auprès des autorités européennes et plus particulièrement de la Commission Européenne.

Celle-ci vient donc de pondre une directive qui autorise jusqu’à 0,9% d’organismes OGM dans l’alimentation bio et qui autorise l’usage des pesticides chimiques si l’agriculteur n’arrive pas à se fournir en produits naturels.

Problème pour la Commission, c’est que les députés du Parlement Européen vient de refuser ces dispositions : zéro pesticide et pas plus de 0,1% d’OGM dans la bouffe bio (limite technique de détection). Ils demandent également la codécision sur la réglementation des produits biologiques, ce que leur refuse la Commission Européenne et le Conseil Européen. Ils ont également demandé que les Etats puissent avoir des normes plus élevées que les normes minimales européennes : là aussi, grincement de dents à la Commission. Bref, c’est un beau blocage, mais avec un avantage à la Commission qui a des possibilités de passage en force.

Ca ne vous choque pas que le Parlement Européen, composé d’élus au suffrage universel direct soit obligé de négocier avec des fonctionnaires non élus ? Elle est où la démocratie là dedans ?

http://vinaigre.canalblog.com/

Sauvons la bio : manifestation le 11 Juin à Bruxelles !à 12h au Rond Point Schuman,
face au Conseil de l’Union européenne :

ce Conseil se réunira à Bruxelles les 11 et 12 juin prochain. Malgré la mobilisation de nombre d’associations, il n’est à ce jour pas question encore de crier victoire. Les parlementaires européens se sont exprimés. Il est impératif de faire entendre notre voix de citoyen, que nous soyons consommateurs ou agriculteurs, bio invétéré ou simplement soucieux de la qualité de notre alimentation et de notre environnement.

Si ce règlement est voté ce mois, il entrerait en application après 2009. Il ne sera alors plus possible de faire marche arrière.

Nature & Progrès (Belgique, France, Espagne & Portugal)
avec le soutien
de Friends of Earth International,
et de l’UNAB

http://www.altermonde-levillage.com/spip.php?article10449

Il semblerait donc que la precarité alimentaire soit en train de devenir une arme de domination a l’encontre de toute l’humanité ? Et que la penurie organisée va entrainer une inflation generalisée de
tous les produits alimentaires meme en Europe.

Pour le developpement des circuits courts a base de
production bio,une possibilité est de freiner l’urbanisation en gelant les terres agricoles a proximité des agglomerations.Vaste chantier qui ne figure dans aucun programme ?

01/06/2007 00:05 par Actustragicus

Plutôt que de parler de "biocombustibles", terme qui sent bon la propagande publicitaire, ne pourrait-on parler de "combustibles végétaux" - en opposition aux combustibles fossiles ?

11/06/2007 03:29 par Peeka

On devrait parler pluôt d’"agrocarburants"

Voici à titre indicatif un petit article du "barbu de Cuba" qui développe bien la problématique :

"Convalescent, Fidel Castro n’en demeure pas moins un observateur attentif de la globalisation. Il dénonce ici la nouvelle politique énergétique étatsunienne : après avoir multiplié les guerres pour piller les champs pétroliers, Washington s’empare des terres fertiles du tiers-monde pour y faire produire des biocarburants. A moyen terme, trois milliards de personnes sont menacées de famine."

14/01/2008 08:15 par Anonyme

Téréos, de la folie des grandeurs à la folie tout court

L’histoire

En 2003, Téréos le deuxième groupe sucrier français fait racheter l’entreprise Beghin Say par ses adhérents pour « conserver leurs outils de travail » disait t’on alors. Les actions acheter 35 € sont redescendu à 20 €, leur cours habituel 2 mois plus tard avec une moins value de 42 %. Peut importe, puisque les agriculteurs avaient acheter non pas des actions mais des parts sociales dans une « coopérative », donc sans pouvoir les valoriser. La pompe à fric de l’UMP avaient parfaitement jouer son rôle.

Mais il est plus grave encore, ce lourd investissement n’a pas été affecter à l’entretien de ces outils. La sucrerie de Connantre (51) à coté de chez moi est dans un bien mauvais état faute de maintenance. La Drire a failli la fermer en 2006 à cause du manque d’entretien. Cette campagne, c’est 12 000 T/J qui était travailler au lieu des 40 000 T/J de capacité. C’était comme si vous remplaciez la charrue 6 fers de votre tracteur par une 2 fers.

Qu’a t’on fait de cet argent, voilà bien le noeud du soucis. Entre autre , cette « coopérative », mais peut’on encore parler de « coopérative » dans ce cas, a investi cette manne financière pour, entre autre, acheter et d’agrandir une sucrerie à Marromeu au Mozambique. Cet outil à vu ses capacités pour écraser de la canne à sucre multiplier par 2,5.

De plus, les terres qui permettent cet agrandissement ont connu une histoire dramatique.

L’Afrique est traversée de guerres civiles de façon chronique.

Sentant venir leur défaite, pour faire mourir les animaux des éleveurs noirs qui occupaient les champs autour de leur plantations, les colons ont disséminé dans les champs les spores de l’anthrax, la terrible maladie du charbon. Pour cela, ils ont fait appel au docteur Wouter Basson, ce cerveau du programme bactériologique et chimique (CBW) de l’ancien régime blanc de Pretoria, était plus connu sous le surnom de « Docteur de la mort », le Mengelé d’Afrique du Sud . En effet, certains hommes pensent qu’il y a trop d’habitants sur cette planète et qu’il serait souhaitable qu’il y est moins de noirs, de faire du tri par la couleur. C’est l’objet de 40 années de recherche de ce docteur. Les démons de la dernière guerre mondiale ne sont donc pas disparu.

C’est donc sur ces terre libérées que le groupe Téréos va cultiver la canne à sucre pour faire rouler nos voitures.

J’ai eu la chance de résister à la pression de la profession agricole, de ses conseillers et de ses banquiers qui voulait me faire rentrer dans cette coopérative. Je ne savais pas encore les saloperies qu’on allait faire de ce pactole. Je ne serais pas fier aujourd’hui d’être adhérent Téréos.

La politique

Comment le formidable développement qu’a connu l’agriculture européenne ces 60 dernières années, comment les moteurs qu’on été les engrais, la mécanisation, les progrès génétique mais surtout les travail des homme ont’ils abouti à ces alliance de honteuse.
Comment l’argent des betteraviers de France a t’il été ainsi investi à l’autre bout du monde dans de si fumeuse, de si délirant projets.
Comment la folie des grandeurs, la mégalomanie de nos responsables agricoles est-elle passée à de la folie tout court.

Si l’argent n’a pas d’odeur, ceux qui en font leur maître puent la mort.

Note : La mégalomanie consiste en la surestimation de ses capacités, elle se traduit par un désir immodéré de puissance et un amour exclusif de soi. Elle peut être le signe d’un manque affectif. En psychiatrie, la mégalomanie est classée dans la famille des psychoses délirantes chroniques. On la nomme couramment Folie des grandeurs.

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