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Après DSK, une victime : la démocratie française

Depuis le 14 mai 2011, le favori des sondages pour l’élection présidentielle était pour la majorité des français et pour la direction du P.S, un présumé innocent. Un sentiment tellement partagée que 57% des français imaginent l’ancien directeur du FMI, Dominique Strauss Khan victime d’un complot.

Les banques américaines ?... Les Russes ?... Pourquoi pas Al Qaeda, puisque la présumée victime est musulmane ?

Pour le bourgeois de Marianne, monsieur « je sais tout », l’immigrée africaine du Bronx n’était qu’un jouet dans « un troussage de domestique. Tout au plus. »

Que de commentaires sur vie privée-vie publique n’a t-on pas entendus tout en omettant de souligner que le présumé innocent n’a pas hésité de mettre en scène le repassage à la vapeur d’eau chaude ou la grillade d un tournedos pendant que la femme remuait délicatement la salade.

Que de dénonciations de la justice américaine sous entendant par là même que seule la justice française est digne du nom justice. Quant aux féministes, leurs premiers silences a tranché étrangement avec le bruit qu’elles font quand passe une femme voilée qui elle est, quoi qu’elle dise, opprimée par l’homme musulman. Et leurs réactions tardives ont donné encore plus de poids à la pertinence des propos de Clémentine Autain qui, elle, sait d’où elle parle.

C’est à plein régime que le réflexe de classe et de caste a joué, reléguant ainsi Nafissatou Diallo à sa seule place sociale : une femme de ménage, immigrée africaine du Bronx. Jack Lang a raison de le signifier par un cinglant « il n’ y a pas mort d’homme ». « Circulez ! Il n’ y a rien qui puisse indigner » aurait du ajouter l’éternel ministre de la culture. Ceci d’autant plus que « DSK n’est pas un justiciable comme les autres » lui répond en échos BHL. Au regard des millions de dollars dépensés pour échapper à la prison Rikers Island on ne peut qu’acquiescer à la remarque du philosophe hexagonal.

Pourtant, en théorie, il n’ y a de présumée innocent que parce qu’il y a au préalable une plainte et donc une victime présumée. Le rôle de la justice est de trancher sur la culpabilité ou nom de l’accusé. Et donc jusqu’à preuve du contraire, la sagesse conseille une compassion pour la victime en attendant les preuves qui infirment ou confirment l’objet de la plainte ou à défaut de sagesse, un minimum de décence commanderait de la retenue afin de ne pas mettre en doute les dires de la plaignante. Jusqu’à preuve du contraire. Ce ne fut pas le cas concernant l’affaire du Sofitel.

Faisant fi du témoignage médiatique de l’écrivain Tristane Banon, confirmant que « le seul vrai problème de Strauss-Kahn est son rapport aux femmes. Trop pressant, il frôle souvent le harcèlement. Un travers connu des médias, mais dont personne ne parle (on est en France). » (18 octobre 2008, Jean Quatremer), 57% de français doutent de la véracité des faits rapportés par l’immigrée du Bronx. A non pas douter, une majorité d’entre eux n’appartient pas à la classe sociale des soutiens - intellectuels, …, politiques- du présumé innocent. Cela n’a rien d’étrange que ces derniers le soutiennent. C’est ce que naguère, on nommait la solidarité de classe mais encore faut-il en avoir conscience. Ce n’est pas le cas de cette majorité dont la conscience de classe a déserté le champ idéologique, politique et culturel depuis longtemps. La désertion est telle que les salariés dépriment et que certains se suicident. Imaginons un instant que les femmes victimes de « ce rapport trop pressant » le furent du fait du concierge du siège Solférino, gageons qu’il y aurait eu plainte auprès des patrons du P.S et licenciement de l’accusé sans autre forme de procès. C’est ce qui permet d’affirmer que l’absence de plaintes est un effet du rapport dominant-dominé. Sans oublier, bien sûr, l’opportunisme comme celui de la mère... de T. Banon ou celui de F. Amara qui aurait pu crier, à cette occasion, « Ni pute ni soumise ! »

« Perversion ? »

Le journal "Libération" rapporte que lors de la rencontre le 28 avril à Paris, à la question des journalistes sur les handicaps d’une éventuelle candidature en 2012, Dominique Strauss-Khan avait alors répondu : "le fric, les femmes et ma judéité".

La rutilante Porsche a mis en scène le premier volet de ce triptyque : l’argent...Les offuscations et les appels à la prudence qui ont suivi la « Porsche » ne sont que la manifestation de l’hypocrisie régnante dans le milieu politique.

En effet, quoi de plus normal qu’un défenseur du capitalisme et de la liberté de s’enrichir sans limite expose l’argent de façon ostentatoire. Par contre, révoltante est l’énergie avec laquelle les différents directeurs appliquent la politique économique du F.M.I qui affament les peuples du Sud depuis longtemps et aujourd’hui appauvrit le peuple grec, espagnol et demain....

Ne parlons pas des millions d’euros qui vont financer sa résidence surveillée pendant qu’à quelques kilomètres de là , dans un immeuble sordide, vit avec sa fille la victime présumée. C’est pourquoi d’instinct ma solidarité va vers l’immigrée africaine du Bronx, sujet du deuxième volet du triptyque. C’est une simple solidarité de classe qui lui est acquise tant que la preuve de l’innocence de l’autre n’est pas faite.

Mais comment introduire le troisième volet, c’est à dire « sa judéité » ?

C’est le sénateur Jean-Pierre Chevènement qui s’est attelé à cette tâche. Qualifiant l’affaire DSK d’une nouvelle affaire Dreyfus, le Sénateur a tenté d’instrumentaliser la judéité de DSK. Il va de soi que, comme J.F Khan, J.Lang, BHL et tant d’autres, le souverainiste sénateur a raté une occasion de se taire.

Mais le présumé innocent, c’est à dire le présumé coupable, ne pensait sûrement pas que sa judéité allait être mise en scène de la sorte.

Il imaginait sûrement autre chose ! Par exemple, une dénonciation politique provenant des divers soutiens à la cause palestinienne. En effet, le rapport idéologique DSK-Israël à de quoi interpeler, à en juger par la teneur de son entretien avec Émile Malet en 1991. A la question « Juif en France ? », la réponse de DSK est sans ambiguïté.

En effet, ce dernier « considère que tout Juif de la diaspora, et donc c’est vrai en France, doit partout où il le peut apporter son aide à Israël. C’est pour ça d’ailleurs qu’il est important que les Juifs prennent des responsabilités politiques. Tout le monde ne pense pas la même chose dans la Communauté juive, mais je crois que c’est nécessaire. Car, on ne peut pas à la fois se plaindre qu’un pays comme la France, par exemple, ait dans le passé et peut-être encore aujourd’hui, une politique par trop pro-arabe et ne pas essayer de l’infléchir par des individus qui pensent différemment en leur permettant de prendre le plus grand nombre de responsabilités. En somme, dans mes fonctions et dans ma vie de tous les jours, au travers de l’ensemble de mes actions, j’essaie de faire en sorte que ma modeste pierre soit apportée à la construction de la terre d’Israël. (Passages N° 35 - Février/Mars 1991 )

Que Domique Strauss-Khan soit proche de la ligne politique du Parti Travailliste et du mouvement la « Paix Maintenant » ne peut faire illusion quand, on connait, par ailleurs, la politique de colonisation et de répression qu’a subie le peuple palestinien sous le règne des travaillistes israéliens. Donc une dénonciation d’un « sionisme DSK » n’aurait été nullement une hypothèse farfelue avec évidemment sa traduction hexagonale : antisémitisme.

A noter qu’une telle hypothèse n’est pas plus fantaisiste que celle émise par l’ancien directeur du FMI, lui même, quand il imaginait une machination l’accusant d’un viol d’une femme « dans un parking à qui on promettrait 500.000 ou un million d’euros pour inventer une telle histoire. » (Libération 28 avril 2011).

En résumé, les prises de positions qu’a entraîné l’affaire du Sofitel de New York ont permis de mesurer le fossé qui existe entre l’énonciation récurrente par l’élite sociale, intellectuelle et politique de l’hexagone des valeurs de justice et d’égalité et leurs effectives volontés de les appliquer quand cette même élite est impliquée d’une manière ou d’une autre.

C’est pour cela que, DSK « guilty or not guilty », l’évènement de la suite 2806 a provoqué un dommage collatéral dans la classe politique et par ricochet une victime, la démocratie française.

M. El Bachir

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