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Au moment de l’anniversaire de la guerre de Gaza, nous nous souvenons des soldats qui ont détruit des familles palestiniennes (Haaretz)

Le général Yoav Galant, accusé de s’être approprié illégalement des terrains. Crédits photo : AP/Ariel Schalit

Le nom de Yoav Galant est le nom le plus souvent associé au troisième anniversaire de l’opération Cast Lead, mais il convient de se souvenir aussi des autres, des soldats anonymes inspirés par l’esprit de ces sommités militaires.

En ce troisième anniversaire du massacre de Cast Lead, il faut se rappeler les soldats anonymes qui ont tiré sur une voiture rouge dans laquelle un père de famille, Mohammed Shurrab, et ses deux fils revenaient de leurs champs. Il n’est pas juste que l’officier qui occupait alors le poste de Commandant de l’armée de terre du sud israélienne, le major général Yoav Galant, soit le seul dont le nom soit mentionné à l’occasion de cet anniversaire. En fait, la liste de tous les combattants qui devraient être mentionnés est longue.

Il ne faut pas oublier le pilote qui a lâché la bombe qui a tué Mahmoud al-Ghoul, élève au collège, et son oncle Akram, avocat, dans leur maison au nord de Gaza. Il ne faut pas oublier les soldats qui ont analysé les photos prises par les drones et qui ont décidé que les bouteilles chalumeau oxy acetilene pour la soudure que transportait Ahmad Samur, dans sa camionnette étaient des roquettes Grad, une décision qui a été suivie d’une ordre de bombarder le véhicule faisant ainsi 8 morts dont 4 mineurs.

Il faut se souvenir des soldats qui ont fait de la maison de la famille Abu Eida une base d’où tirer alentour, en entassant dans uns seule pièce un vieil invalide, une femme aveugle et deux vieilles femmes. On se rappellera que ces soldats ont empêché ces 4 personnes d’aller aux toilettes pendant 9 jours. On n’oubliera pas non plus les soldats qui ont regroupé les membres de la famille Samouni dans une maison et qui se sont éloignés de 80 mètres quand elle a été bombardée avec tous ses habitants à l’intérieur sur les ordres du commandant de brigade Ilan Malka - une personne qui mérite aussi qu’on se souvienne d’elle.

La liste n’en finit pas et nous nous excusons auprès de ceux que nous n’avons pas pu nommer à cause du manque de place. Mais en cette occasion nous devons une mention spéciale aux soldats qui occupaient un certain poste à l’est de Khan Yunis.

Le samedi 17 janvier 2009 à 8H46 (la veille de la fin de l’attaque) j’ai reçu la lettre suivante des Etats-Unis dans ma boite mail : "Mon père et deux de mes frères ont été attaqués hier [vendredi 16 janvier] en rentrant en voiture de leurs champs. Un de mes frères |[Kassab, 27 ans] est mort mais mon père [Mohammed Shurrab, 64 ans] et mon autre frère [Ibrahim, 17 ans] sont blessés et se trouvent dans un endroit contrôlé par l’armée israélienne. Ils ont été attaqués entre 13H et 13H30, heure locale, pendant le cessez le feu et les services de secours ne peuvent pas aller les chercher."

L’armée israélienne n’a pas permis à l’ambulance d’entrer dans cet endroit ; celui qui avait écrit la lettre, Amer Shurrab, pensait que sous la pression des médias, l’armée laisserait passer l’ambulance. "Nous sommes au désespoir, et nous frappons à toutes les portes pour qu’on nous aide à les sauver. Si vous connaissez un soldat de l’armée de terre qui pourrait nous aider en appelant un commandant local, nous vous serions infiniment reconnaissants, " écrivait-il.

Shurrab ne savait pas que pendant qu’il rédigeait son appel au secours à quelqu’un qu’il ne connaissait pas, son second frère était déjà mort après avoir perdu tout son sang dans les bras de son père durant 10 heures. Ce frère anxieux ne savait pas non plus que depuis 6 H du matin ce même samedi, Tom, un militant de l’ONG, les Physiciens pour les Droits Humains, était en contact avec moi.

Dans ce cas précis, un homme est mort en direct : jusqu’à ce que la batterie de son portable soit épuisée, Shurrab a téléphoné à sa famille à Gaza et aux Etats-Unis et il a appelé aussi le Croissant Rouge et la Croix Rouge, Tom de PDH et des journalistes locaux.

Le cessez le feu humanitaire, comme l’a intitulé l’armée israélienne avait duré ce vendredi de 10H du matin à 14H. Le père qui conduisait la voiture et ses deux fils sont passés à un check point de l’armée et on les a laissés continuer leur route. Vers 13H ils sont arrivés au supermarché de Abu Zeidan dans le quartier de Al Fukhary dans la partie orientale de Khan Yunis que les habitants avaient fuie au début de l’attaque terrestre. La maison voisine, le plus grand bâtiment de la rue, avait été réquisitionnée par l’armée 2 semaines plus tôt. Des coups de feu ont été tirés de ce bâtiment sur la voiture de Shurrab. Blessé à la poitrine Kassab est sorti de la voiture, et s’est effondré, mort. Ibrahim a sauté hors de la voiture et a été blessé à la jambe par les tirs incessants.

Le père, blessé au bras a réussi à tirer son fils survivant à l’abri d’un mur proche. Il voyait un tank et des soldats qui allaient et venaient. Les soldats le voyaient aussi. A 11H du soir, 10 heures après la fusillade, toujours contre le mur, le père s’est rendu compte que son fils qui avait perdu beaucoup de sang devenait froid et qu’il avait du mal à respirer. Il a réussi à le transporter dans la voiture criblée de balles, en espérant qu’il aurait plus chaud. Mais une demi-heure après minuit, dans la nuit de vendredi à samedi, le fils a rendu l’âme dans les bras de son père.

Tout cela s’est produit à 50 ou 100 mètres des soldats. De temps en temps le père angoissé parlait au téléphone avec Tom, qui de son appartement de Tel Aviv, a joint toute la nuit ses efforts à ceux de la Croix Rouge pour tenter de convaincre l’armée de laisser une ambulance aller les chercher. L’hôpital européen de Gaza est à environ deux kilomètres, une ou deux minutes de voiture, de là où ils se trouvaient.

Vers 9H30 le samedi matin, Tom a été informé que l’armée avait donné l’autorisation à l’ambulance de passer à midi.

Au même moment, le porte parole de l’armée israélienne disait dans un communiqué que "En général, pendant le cessez le feu, l’armée israélienne n’ouvrait le feu que si des roquettes étaient tirées sur Israël ou si des soldats essuyaient des tirs. Nous somme incapables d’enquêter sur tous les incidents ni d’en connaître le déroulement précis, ni de vérifier ou réfuter toutes les informations qui nous parviennent. L’entrée de l’ambulance a été autorisée seulement après que nous ayons pu évaluer la situation sur le terrain et qu’il ait eté décidé que les conditions permettaient son passage. Les personnes blessées [!!] ont été évacuées par le ministère palestinien de la santé et conduites à l’hôpital de Rafah."

Je me souviendrai toujours de ces soldats anonymes qui ont décimé la famille Shurrab. Quand je suis allée sur les lieux le 24 janvier, j’ai découvert qu’ils n’avaient pas seulement laissé la maison de laquelle ils avaient tiré sur cette famille dans l’état de saleté et de destruction habituelle : ils avaient aussi laissé cette inscription, "Kahane* avait raison".

Amira Hass

Pour consulter l’original : http://www.haaretz.com/print-edition/features/on-anniversary-of-gaza-w...

Traduction : Dominique Muselet

Note :

* Meir David Kahane (né à Brooklyn, New York en 1932 - assassiné à Manhattan, New York en 1990) était un rabbin et un homme politique israélo-américain, prônant une ligne nationaliste favorable au Grand Israël et au transfert de tous les Palestiniens des territoires occupés, et incluant les Arabes vivant en Israël, hors de ce pays. Fondateur de la controversée ligue de défense juive (JDL) aux États-Unis puis de Kach, un parti politique israélien d’extrême-droite, il devint député à la Knesset lors des élections de 1984. Il est exclu du parlement après que Kach a été déclaré comme un parti raciste par le gouvernement israélien.

Kahane fut assassiné à Manhattan en 1990 par un groupe d’extrémistes islamistes liés à Al Zawahiri, au Cheikh Omar Abdel Rahman et à d’autres participants à l’assassinat du président égyptien Sadate en octobre 1981, après un discours dans lequel il appela tous les juifs américains à émigrer en Israël. Wikipédia.

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