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Bling-bling. Pourquoi Sarkozy se guignolise-t’il ?

"Lorsque je suis allé chez mon kiné pour me faire masser, il m’a dit que j’avais les muscles bien détendu. Et il m’a expliqué pourquoi : c’est l’effet de ne plus avoir le stress de celui du dessous. Quand on a quelqu’un au dessus de soi, c’est stressant, ça tend les muscles. Mais il m’a dit que maintenant que je n’ai plus personne au dessus de moi je suis tout à fait détendu et je peux donc continuer à être présent partout." (paroles historiques de Nicolas Sarkozy à la garden party élyséenne du 23 janvier, rapportées par le Canard Enchaîné du 30 janvier 2008).

La stature intellectuelle des représentants politiques de la bourgeoisie n’est plus ce qu’elle était. Il est loin le temps des Gladstone, des Disraeli, des Gambetta ! ... De puissantes personnalités, on en trouve encore là où la lutte pour monter aux sommets est une lutte pour la vie entre requins et peut mettre en jeu l’appel à des clientèles, voire à des bases sociales, de millions de femmes et d’hommes : ainsi, la stature des dirigeants chinois ou indiens, comme ce "clan Bhutto" -mafia de propriétaires fonciers, pourtant- mis récemment à nouveau sous les projecteurs par l’assassinat de Benazir Bhutto, est infiniment supérieure à celle des dirigeants occidentaux d’aujourd’hui. Grands requins, petits crocodiles : mais ces derniers ne s’en sont même pas aperçus et ils continuent à faire leur cirque sous l’oeil agacé et méprisant de leurs homologues bridés ou basanés. C’est ainsi que Sarkozy est allé faire le pitre en Inde : ainsi les choses ont-elles été perçues là -bas, ainsi en a t’il donc été réellement.

La réputation de médiocre jean-foutre de l’hyperprésident de la V°République, en matière diplomatique, exprime psychologiquement cette réalité : la France alignée sur Bush est en elle-même une pitrerie, qui pourrait s’avérer sanglante. Elle fait écho à l’image qui s’est imposée en France même, malgré des médias qui devancent les désirs du pouvoir, durant ces deux derniers mois de décembre 2007 et de janvier 2008. Sociologues, commentateurs de tout poil et même psychanalystes ont de quoi dire : le président dont les tressautements de jarrets et les mouvements de mentons symbolisent la volonté de restaurer la V° République dans toute sa plénitude bonapartiste, de mater la force de travail des salariés français, de terrasser la "glandouille" dans les cités (dixit son toutou Amara), de relancer la "construction européenne", d’expulser par dizaines de milliers les travailleurs sans-papiers, est devenu par le miracle ou la malédiction apparents de quelques sondages défavorables (pensez-vous : le voila en dessous de son premier ministre inexistant Fillon !) le président ridicule, le président "bling-bling".

"Bling-bling" : cette expression qui s’est imposée mystérieusement illustre ce que nous disons depuis des mois, avec âpreté : que ce président et sa camarilla veulent être les étendards du capital boursier, de l’argent facile, de la vulgarité exposée, du clinquant bruyant. Lors de son élection, le 6 mai dernier, il y a infiniment longtemps (6 mois ! ) l’on a senti vibrer une base sociale, une clientèle possible, de fringants friqués à des ouvriers trompés qui "se lèvent tôt" et n’aiment pas les étrangers et les intellos, en passant par les petits patrons, les cadres commerciaux dont les idées croient justifier le fait qu’ils bossent sans limites horaires, et les petits nouveaux riches qui trimballent les gosses en 4x4 tous les matins à l’école. Fascisme "soft", berlusconisme à la française, on a senti tout ça et certains d’ailleurs ne se sont pas fait faute d’embrayer illico pour proclamer que les Françaises-et-les-Français avaient eu ce qu’ils méritent, que ces salauds d’ouvriers avaient voté Sarko aprés avoir voté Le Pen, et autres fadaises éculées disculpant les dirigeants de la gauche, de l’extrême-gauche et des syndicats de leurs responsabilités ... Et voila, semble-t’il, que six mois aprés, tout cela est résorbé dans une syllabe dédoublée : bling-bling !

Nos analystes se doivent de donner des semblants d’analyse, qui ne sont d’ailleurs pas sans intérêt mais qui restent à la surface des choses. C’est ainsi qu’ils nous expliquent que la hausse de ses émoluments de président et l’exhibition de Carla Bruni ont fait beaucoup de mal à l’ "image du président" en heurtant son discours et ses promesses sur le "pouvoir d’achat", sans oublier le "travailler plus pour gagner plus" et l’éloge de "la France qui se lève tôt". Et tout cela est réellement important, car c’est bien le coeur du discours sarkozien qui se mord la queue en public. Dans la base sociale du sarkozysme, cette poussière de petites gens, de patrons, d’ouvriers et de faux riches, cela fait trés mal. Le pouvoir d’achat recule, et pendant ce temps la femme du président pose nue dans la presse espagnole : le clinquant de la clique régnante se transforme quelque part en humiliation, en ressentiment que le fun de regarder la femme du président à poil aggrave au bout du compte. C’est dans cette petite bourgeoisie que les réactions les plus violentes suscitées par le sentiment d’envie et d’humiliation peuvent sourdre. Même si au jour d’aujourd’hui ces réactions sont négatives pour Sarkozy et améliorent donc le rapport de force social global contre lui, elles n’iront dans le bon sens, le sens de la démocratie et de la civilisation, que si le salariat organisé est capable de donner une perspective. Les meilleurs alliés de Sarkozy sont donc dans l’opposition officielle de sa majesté, celle que cherche à nouveau, et c’est significatif, à représenter Miss Ségolène "bling-bling".

Mais ce qu’ignorent ces analyses, c’est l’essentiel. La majorité du salariat, en tant que classe organisée et recherchant une issue, reste une puissance sociale majeure. C’est elle qui a donné le ton en France depuis 15 ans par ses mobilisations de l’automne 1995, du printemps 2003 et du printemps 2006, mais comme elles n’ont pas débouché politiquement en renversant le pouvoir en place, elles n’ont fait que ralentir la destruction des acquis sociaux et des droits démocratiques que Sarkozy a pour mandat de mener à son terme rapidement.

Cette puissance sociale s’incarne particulièrement dans le fait que la jeunesse est trés majoritaitement anti-Sarkozy et irréconciliable, et que la seule chose qui lui manque pour entraîner tout le salariat contre le pouvoir, c’est l’unification -c’est donc une question politique, une question d’organisation politique : unification des étudiants et des lycééens qui ont combattu pendant tout un trimestre, des jeunes dits "des cités" ou "des quartiers", des élèves de lycées professionnels et agricoles qui ont commencé à entrer en mouvement en décembre contre la contre-réforme des Bacs pros.

L’élection de Sarkozy a été une défaite pour le salariat et la jeunesse, mais les législatives ont montré que malgré la propre inanité de la plupart des parlementaires de gauche élus, qui ne voulaient surtout pas battre Sarkozy, la volonté de résister et de contre-attaquer était intacte, parce que l’élection de Sarkozy a été construite non pas avant tout par ses propres forces, comme l’ont cru les pessimistes professionnels qui veulent désespérer du salariat, mais par l’incurie organisée de la gauche.

La mise en route de la contre-réforme des régimes spéciaux de retraite des cheminots, électriciens, gaziers, traminots ... a été encore une autre défaite, mais là encore permise par, et seulement par, la décision préalable des directions syndicales nationales de ne pas affronter Sarkozy.

Mais la force sociale reste intacte. La "droitisation" de la société n’a pas eu lieu et ne saurait donc servir d’alibi aux responsables et organisateurs des défaites à gauche car l’appui principal de Sarkozy c’est eux et pas ses propres forces.

D’ailleurs, aprés avoir gagné malgré les cheminots et grâce aux dirigeants syndicaux, Sarkozy a à ce moment là lancé l’image de Carla Bruni sur le marché de l’image, dans l’intention consciente de faire savoir au bon peuple que le petit chef bonapartiste en a toujours dans le pantalon. Opération sexualo-médiatico-politique grotesque, sans doute, mais ce n’est pas pour cela qu’elle s’est retournée en son contraire et est donc apparue comme grotesque, conduisant au fait "bling-bling". C’est que les rapports de force réels aprés la défaite de la grève des cheminots, qu’il serait irresponsable de nier, n’ont pour autant rien à voir avec ce qu’avait été le modèle : la défaite des mineurs britanniques devant Thatcher en 1984-1985, aprés laquelle Thatcher n’avait d’ailleurs aucun besoin de faire parler du contenu de son pantalon.

C’est donc cette puissance sociale qui ronge Sarkozy, et comme elle a été privée de débouché d’action depuis la fin de la grève des cheminots et du mouvement étudiant (la grève unitaire de la fonction publique du 24 janvier n’a à l’évidence pas joué ce rôle), elle a paradoxalement pris la forme souterraine d’une vague extrémement profonde qui sape les fondements du pouvoir. Thatcher non plus n’avait pas gagné tout de suite. L’impopularité absolue s’annonce. Mais l’affrontement principal est encore devant nous.

En attendant, aucune raison de se retenir : tapons sur le bling-bling, moquons l’hyperprésident, nous n’avons pas, nous, à nous préoccuper de la "dignité de la fonction présidentielle" puisque ce que nous voulons, c’est l’extinction de toute fonction présidentielle quelle qu’elle soit, et celle de la V° République la première. Donc, ne ménageons pas la bête, tapons dessus !

Vincent Présumey
www.le-militant.org




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