Cher Jean-Luc Mélenchon,
Depuis plusieurs années, le Pôle de Renaissance communiste en France (PRCF) n’a cessé de vous écrire pour procéder à un échange politique sur la gravité de la situation politique, sociale et internationale à laquelle sont confrontés les travailleurs et les citoyens de France. Vous-même avez contacté le PRCF fin mai 2021 pour une réunion, que vous avez finalement décidé d’annuler la veille du rendez-vous fixé, sans aucune explication véritable, ni aucune nouvelle depuis malgré nos relances. Certainement la décision était-elle déjà prise d’opter pour une « Union populaire » en adéquation avec le « big bang de la gauche radicale » réclamé par Clémentine Autain au lendemain du score très décevant obtenu lors des élections européennes de mai 2019.
Incontestablement, la stratégie électorale que vous avez choisie a porté certains fruits car elle vous a permis d’amplifier votre score de 2017 et de frôler la qualification pour le second tour de l’élection présidentielle, tout en réduisant à peau de chagrin les autres candidatures de « gauche », déjouant ainsi toutes les prévisions sondagières. De ce point de vue, le PRCF ne peut que saluer votre performance arithmétique vous plaçant désormais en position hégémonique au sein du « Bloc populaire » que vous souhaitez incarner.
Cependant, et paradoxalement, cette réussite ne saurait masquer des contradictions autrement plus fortes qu’en 2017. A l’époque, le PRCF prit ses responsabilités en appelant à appuyer votre candidature, fût-ce de manière critique, sur la base de la dialectique « l’UE, on la change ou on la quitte ! » que vous défendiez. Ce choix fut politiquement porteur puisqu’il suscita un véritable vote d’adhésion – que les seules promesses (bienvenues) de hausse du SMIC ou de rétablissement de la retraite à 60 ans ne sauraient assouvir –, qui ne nécessitait pas alors d’appeler à un « vote utile ». Le score que vous venez de réaliser ne saurait d’ailleurs masquer le fait que, répondant à votre appel pour un « vote utile », un certain nombre d’électeurs ayant choisi votre candidature l’ont fait « faute de mieux » bien plus que par adhésion au programme que vous portiez.
Car si vous n’avez cessé effectivement de porter le programme « L’Avenir en commun » pendant la campagne, il est difficile de nier que l’adhésion à celui-ci a été moindre qu’en 2017, notamment parmi les ouvriers et les employés qui ont encore privilégié l’abstention et, malheureusement, le mensonger antipopulaire et xénophobe « Rassemblement national ». Et notre devoir de militants communistes est de vous rappeler que nous avons multiplié les mises en garde depuis des années face à l’abandon progressif de ce qui constituait votre force en 2017, celle d’une véritable alternative patriotique et populaire pour broyer les tenants de l’ordre euro-atlantique que sont Macron, les faux « LR », le RN qui ne souhaite pas sortie de l’UE du Capital, mais également EELV et le PS qui n’ont cessé de vous attaquer durant la campagne présidentielle, au même titre d’ailleurs que le candidat PCF Fabien Roussel.
En particulier, l’appel de Clémentine Autain à un « big bang de la gauche radicale » constitue un reniement par rapport à la ligne de 2017, en promouvant un énième rassemblement d’« insoumis, communistes, anticapitalistes, socialistes et écologistes décidés à rompre avec le néolibéralisme ». Autrement dit autant de forces malheureusement euro-compatibles et eurobéates dont le positionnement va totalement à l’encontre et des intérêts et du positionnement politique de la grande majorité des travailleurs (à commencer par la classe ouvrière et un nombre croissant de Gilets jaunes).
Or, fort de votre score électoral à l’élection présidentielle, que proposez-vous pour les législatives ? Un rapprochement avec le PCF, le NPA et EELV, qui n’ont pourtant cessé de vous pilonner depuis des années – alors que le PRCF, lui, vous soutenait (quand cela était justifié) face aux différentes agressions dont vous et les Insoumis étiez la cible de la part de l’oligarchie au pouvoir. Pis : voilà que vous êtes prêt à accepter la main tendue par le quasi défunt « Parti socialiste », s’il le faut en « déconstruisant là où il y a un désaccord » ! Et voilà que des porte-paroles de l’« Union populaire » que vous avez constituée dans le cadre de la présidentielle (Adrien Quatennens, Manuel Bompard) expliquent qu’« il n’y a pas d’opposition de principe » à un dialogue avec le PS, que vous vous apprêtez à rencontrer !
Un tel rapprochement, qui s’est déjà produit dans les Hauts-de-France lors des régionales (pour un résultat très décevant), illustre le virage euro-compatible et de moins en moins « insoumis » à l’UE du Capital pour lequel vous optez. Car qui peut sincèrement croire qu’un rapprochement avec des forces européistes, atlantistes (EELV, le PS et même le NPA sont des boutefeux prêts à partir en croisade contre la Russie !), antijacobines et anticommunistes (faut-il rappeler que le PS et EELV ont, aux côtés des LR, du RN et de LREM, approuvé la honteuse résolution adoptée par le Parlement européen le 19 septembre 2019, assimilant le communisme au nazisme ?!), permettra l’application de votre programme en cas de miraculeuse victoire aux législatives ?! A moins que, dans la continuité de vos prises de position depuis près d’un an, vous renonciez définitivement au Frexit, à la République une et indivisible (comme pour la Corse, les élus de Bretagne prenant le même chemin, sans parler de la « Collectivité européenne d’Alsace »), à la réindustrialisation, à la rupture avec le FMI (au sein duquel vous souhaitez « porter des propositions de rupture avec le néolibéralisme » !), etc.
De fait, vous choisissez actuellement de ressusciter la défunte « gauche plurielle », celle qui battit des records de privatisation et qui fit croire qu’elle allait rompre avec la logique néolibérale du traité de Maastricht (que vous aviez approuvée en son temps avant d’amorcer un début d’autocritique salutaire) en signant les destructifs traités d’Amsterdam et de Nice ; on connaît le calamiteux résultat pour toutes les composantes de la « gauche plurielle » : le 21 avril 2002... Avec le risque de couper radicalement avec les classes populaires, les ouvriers en tête, et de replonger ce qu’il reste de la gauche dans le même chantage mortifère qu’en 2002, 2017 et 2022.
Vingt ans après, alors que l’extrême droite, en réalité antipatriotique et antipopulaire, xénophobe et fascisante, est aux portes du pouvoir en ayant profité des multiples trahisons des forces dites de « gauche » – ne parlons même pas du cataclysmique mandat du « capitaine de pédalo » Hollande que vous avez fort justement dénoncé – vous choisissez une voie dangereuse et faussement mobilisatrice pour des millions de travailleurs en refusant d’opter pour une logique de confrontation nette avec l’UE du Capital au profit d’une entente électorale avec des forces profondément discréditées, euro-compatible, voire alignées sur la dangereuse et belliciste Alliance atlantique (le PS et les Verts notamment). Cela n’est pas sans évoquer possiblement l’attitude du Grec Alexis Tsipras (que vous fustigiez à raison pour sa funeste évolution) capitulant devant la Troïka BCE-Commission européenne-FMI pour ne pas avoir osé ne serait-ce que menacer de quitter l’UE du Capital qui est irréformable et, par nature, hostile à tout programme alternatif au néolibéralisme, fût-il même keynésien. Ce que résuma François Mitterrand en mars 1983 : « Je suis partagé par deux ambitions : la construction européenne ou la justice sociale » ; il trancha dans un sens mortifère pour les travailleurs.
Redisons-le : la clarté des choix est d’autant plus indispensable aujourd’hui que l’UE et l’OTAN tendent à ne plus faire qu’un et que la seconde, de plus en plus asservie aux stratégies hégémoniques planétaires des États-Unis d’Amérique, pourrait à tout moment entraîner notre pays et toute l’Europe dans une confrontation éventuellement nucléaire, avec la Russie. Ce qui serait suicidaire de tous les points de vue, quoi que l’on pense par ailleurs des régimes en place à Kiev et à Moscou.
C’est pourquoi nous, PRCF, vous contactons de nouveau pour procéder à un échange politique urgent et vous faire connaître la seule alternative en mesure d’en finir avec l’extrême droite et l’ordre euro-atlantique, l’Alternative Rouge et Tricolore nécessitant de reconquérir pleinement et entièrement la souveraineté nationale et populaire. Et donc, pour cela, d’opter pour une confrontation radicale avec l’UE du Capital, et certainement pas de s’entendre avec des forces tout acquises à l’ordre géré par Francfort, Bruxelles, Berlin et Washington.
Le temps n’est plus aux demi-mesures face à un camp du Capital qui se radicalise et se fascise toujours plus : il est aux mesures de salut public pour les travailleurs, pour la paix, pour la France et pour la République une et indivisible, sous peine de dislocation définitive de notre pays dans « l’Empire européen » et de marche à une guerre exterminatrice avec la Russie et la Chine. Ce n’est qu’à ce prix, celui d’une discussion véritablement large n’écartant pas a priori du débat la question d’une sortie de la France de l’UE-OTAN, qu’il sera possible de reconstruire une France franchement insoumise.
Salutations citoyennes et communistes,
Pour le PRCF,
Léon Landini, président, ancien FTP-MOI,
Fadi Kassem, secrétaire national
Georges Gastaud, secrétaire national adjoint
Gilliatt de Staërck, responsable des Jeunes pour la Renaissance communiste en France (JRCF)