Brexit, médias et magouilles à venir

Depuis la victoire du Brexit, je constate, dans les médias, une volonté systématique de dévaloriser, de déconsidérer, de ridiculiser le vote des Britanniques en faveur de la sortie de leur pays de l’U.E. et d’essayer de tourner, par tous les stratagèmes, la volonté populaire et ce afin de garder le Royaume-Uni dans l’U.E.

1. L’évocation de la "gueule de bois" (L’Express, Le Huffington Post), comme si les Britanniques avaient voté sous l’emprise d’une soûlerie nationale, et qu’ils se rendaient compte, à l’instar de quelqu’un qui est dessoûlé, que, durant cette période d’ébriété, ils ont commis quelque chose d’irrémédiable, comme de pousser leur enfant par la fenêtre ou de violer une femme. Il y a quelque chose de profondément méprisant à assimiler les partisans du Brexit à des alcooliques, à des ivrognes, incapables de se contrôler et qui font n’importe quoi...

 1.1. Une variante de cet état d’esprit est, comme je l’ai entendu au journal de France 2 de 13 h de ce jour (lundi), rapportant le propos d’un ministre de David Cameron favorable au Brexit, est de dire que les partisans du Brexit "n’ont pas de plan B". Ou même, carrément, qu’ils n’ont pas de plan tout court. Autrement dit, les partisans du Brexit sont des gens qui ne se gouvernent que par instinct, par antipathie, et qui sont incapables de mesurer les conséquences de leurs actes.

2. L’évocation des "jeunes" qui ont voté Brexit, comme le fait Marie Drucker, de France 2, à une jeune femme de 25 ans (qui parle excellemment le français) et qui lui demande : "Comment peut-on avoir 25 ans, avoir vécu en Europe, et rejeter l’Europe ?". Question qui recèle deux présupposés non avoués (ou non avouables) :

 A. Quand on est jeune (c’est-à-dire, implicitement, pour la modernité, le progrès, l’intelligence, le dynamisme, les idées nouvelles), on ne peut être que pour l’Europe. Sous-entendu : ceux qui sont contre l’Europe sont donc réputés vieux, routiniers, peureux, inintelligents, peu instruits, peu cultivés, conservateurs, ploucs...

 B. Quand on voit tout ce qu’a apporté l’Europe aux Européens, et notamment aux jeunes, ce serait de la dernière ingratitude de la rejeter.

2.1. A côté de ce ressort (qui dit : "les partisans du Brexit sont des gens sans cervelle"), un autre ressort est utilisé : celui de la peur. Ainsi, à 13 h, sur France 2, un micro-trottoir était-il fait sur les salariés (petits, moyens ou grands) de la City, grande place financière, qui s’inquiétaient de perdre leur emploi, ou de voir leur banque d’affaire (HSBC par exemple), délocaliser ses bureaux à Francfort, à Bruxelles, à Luxembourg ou à Paris. Comme si ceux qui travaillent à la City étaient représentatifs des salariés britanniques. Comme si les partisans du Brexit n’avaient pas, eux aussi, des motivations honorables, et, surtout, des motivations "positives"...

3. L’évocation des 3,8 millions de signatures en faveur d’une pétition pour un nouveau référendum – espéré, cette fois-ci en faveur de l’Europe. Cette demande d’un nouveau référendum rappelle fâcheusement les précédents des Irlandais et des Danois, qui avaient initialement voté non à l’adhésion européenne, et qu’on a fait revoter jusqu’à ce que leur vote soit oui. Auquel cas, leur décision a été réputée irrévocable.

4. Enfin, on commence à voir poindre les divers stratagèmes par lesquels les milieux pro-européens, les gouvernements, les institutions de Bruxelles vont essayer d’ignorer, de tourner ou de rendre ineffective la décision démocratique des Britanniques :

- D’abord la date de la démission de David Cameron... annoncée en septembre ! C’est-à-dire dans un délai de trois mois, suffisant pour "savonner la planche" à tout successeur qui serait partisan du Brexit (comme Boris Johnson) et compliquer la tâche de séparation. [Alors que, je le rappelle, le référendum sur la réforme du Sénat et de la régionalisation, qu’avait lancé le général De Gaulle, et auquel les Français répondirent non le 27 avril 1969, entraîna la démission de ce même général De Gaulle le 28 avril 1969, soit exactement 24 heures plus tard ! On ne saurait mieux dire que David Cameron joue la montre, ou que, vis-à-vis de ses compatriotes, il témoigne de la plus mauvaise volonté... ou de la plus grande mauvaise foi !].

- Puis les diverses précisions sur le fait que la sortie de l’Union demandera au minimum deux ans – et pourra traîner jusqu’à dix ans, ainsi que les déclarations de la chancelière Merkel disant "que rien n’était pressé" (autrement dit que les institutions européennes, comme l’Allemagne, vont multiplier tant les obstacles juridiques – et on peut faire confiance aux bureaucrates de Bruxelles pour les trouver) – que les obstacles pratiques (changement de normes techniques, paiement d’énormes indemnités) – pour empêcher effectivement les Britanniques de concrétiser leur décision.

- Enfin l’évocation des parlementaires britanniques qui, conservateurs et travaillistes confondus, étaient tous pour le "Remain" (autrement dit le "Rester" dans l’Europe), c’est-à-dire qui professent une opinion diamétralement opposée à celle de la majorité de leurs compatriotes, et dont on sent qu’ils vont freiner des quatre fers la sortie du Royaume-Uni de l’Union. [La situation est d’ailleurs identique à celle de la France, où les parlementaires étaient tous favorables au Oui au TCE, et l’ont montré ultérieurement, en votant à la majorité le traité de Lisbonne en février 2008, en violation de la décision exprimée majoritairement par leurs concitoyens le 29 mai 2005].

- Au cours du pouvoir personnel de Louis-Napoléon Bonaparte (devenu, plus tard, Napoléon III), à savoir entre le coup d’État du 2 décembre 1851 et le renversement de l’empire, le 4 septembre 1870, le chef de l’État – président puis empereur – organisa trois plébiscites, en 1851, 1852 et 1870, tous largement remportés, quoique de façon moins forte pour le dernier, notamment, grâce aux voix des communes rurales. Et Honoré Daumier a admirablement décrit l’esprit des gouvernants (et des possédants) par un dessin paru dans Le Charivari du 30 avril 1870, où l’on voit deux ouvriers qui s’adressent à un bourgeois en lui demandant : "M’sieur l’Maire, quoi donc que c’est qu’un bibiscite ?". Et le maire (costume, gilet et haut de forme) de répondre : "C’est un mot latin qui veut dire oui"...

- Autrement dit, on n’écoute la réponse du peuple que pour autant qu’elle corresponde à celle de ses maîtres : la situation a-t-elle changé beaucoup changé entre 1870 et 2016 ?

COMMENTAIRES  

28/06/2016 06:40 par Georges

Voilà 1/2 siècle que les rosbifs nous pourrissaient la vie avec leur pingrerie, leurs caprices, leurs conceptions antisociales rétrogrades, leur bellicisme crétin & criminel, bon débarras !

28/06/2016 08:28 par babelouest

Pauvres Anglais ! ((tiens, pour une fois je les plains)

Ils n’ont pas, comme les Français, eu "la chance" de répondre non au TCE. Même si ensuite un COUP D’ÉTAT leur a imposé le traité de Lisbonne, les Français en toute légitimité peuvent virer les politicards actuels et les banquiers qui les financent, puis sortir IMMÉDIATEMENT, sans attendre la moindre permission, au nom du Principe de Nécessité, et selon les articles 61 et 62 de la Convention de Vienne (1969). Rejetant comme un a priori le traité de Lisbonne, ils n’ont pas à faire appel à l’article 50 du TUE qui en est un constituant.

Sortir officiellement, bloquer les flux financiers, ceux qui les provoquent éventuellement, déclarer la patrie en danger, tout cela peut se mettre en place en quelques heures. 48 heures plus tard les derniers "diplomates" US ont quitté leur bunker, tous déclarés persona non grata. En même temps une simple lettre adressée boulevard Léopold III à Haren annonce la sortie pure et simple de l’OTAN.

Dans les jours qui suivent, les grandes entreprises sont saisies et mises à la disposition du Peuple. Y compris éventuellement les filiales de grandes entreprises étrangères. L’interdiction des OGM et des défoliants est prononcée. Des personnalités sous le coup d’accusations de meurtre par refus de précaution (vu, la FNSEA ?) sont arrêtées.

Le Quai d’Orsay se met en contact immédiat avec les BRICS et d’autres pays, pour des accords bilatéraux, en coordination avec les ministères de l’Agriculture, de l’Industrie..... car bien entendu aussitôt et en urgence des personnalités ont remplacé toutes celles qui détenaient les portefeuilles précédemment.

Un mois plus tard, la France a un tout autre aspect, les cercles qui préparaient des idées pour une nouvelle Constitution envoient des délégués pour en assurer la synthèse, l’équilibrage, avec le concours de quelques juristes pour en vérifier la forme. Quelques mois plus tard les Citoyens sont appelés à entériner le texte, auquel ils auront eu loisir d’avoir accès (avec remarques éventuelles) avant sa forme définitive.

Toutes les lois récentes sur le travail, sur les retraites, sont abrogées, ainsi que d’autres issues des instructions de Bruxelles depuis le 29 mai 2005. Les syndicats sont invités à quitter la CES, et à provoquer des congrès exceptionnels en vue de nouvelles têtes de préférence issues directement de la base. Le SMIC est dans un premier temps majoré de 20%. Les banques accordent aux PME des facilités de trésorerie sans contrepartie. (bien sûr, ce ne sont plus des euros, mais une nouvelle monnaie NON CONVERTIBLE) D’ailleurs les banques d’affaires sont dissoutes, les banques de dépôt deviennent les simples succursales de la BdF, AU SERVICE des clients, et non d’obscurs actionnaires.

Voilà quelques-unes des mesures qu’on peut prendre très vite. Bien entendu, chaque personne qui le souhaite, et qui a un projet intéressant, peut monter son entreprise pour remplacer les apports extérieurs UTILES qui pouvaient provenir des pays anglo-saxons - ceux-ci ne manqueront probablement pas de frapper notre pays d’embargo !

30/06/2016 14:01 par BQ

Oui babelouest, entièrement d’accord...sauf que le jour d’après on essaye de vous assassiner, de vous envahir, de saboter, de fomenter des renversements via des "printemps" ou "révolutions" de couleur. Donc il faut bien préparer ses plans dans le domaine des partenaires européens et internationaux, de la Défense, de l’armée et de la police, de contre-intelligence et des renseignements. Des thèmes fondamentaux qui doivent recevoir une analyse indépendante et progressiste qui manquent tellement à la politique française (désolé mais a t-on jamais écouté Pierre Laurent, Arnaud Montebourg, Olivier Besancenot ou Clémentine Autain les évoquer concrètement ou faire des analyses géopolitiques profondes ?). Le seul qui a bien réfléchi à cela et qui sait à quoi s’en tenir en France, force est de le constater, c’est Jean Luc Mélenchon.

Parce que par exemple, fustiger sans cesse la Russie, la Chine, l’Iran et d’autres gouvernements plus ou moins non alignés et souhaiter refuser tout commerce avec eux, c’est sans nul doute courageux et très intéressant mais au moment de gouverner, il faudra obligatoirement prendre en compte les forces géopolitiques en présence et faire en sorte de maintenir un rythme productif malgré les incommensurables turbulences que tout modèle alternatif occasionnera.

30/06/2016 15:41 par babelouest

Aurais-je mal lu ? Il semble que vous reprenez, BQ, pour illustrer mes propos, le contrepied de ce que j’ai avancé. Des "nouveaux" en politique ne pourront manquer de reprendre la politique française d’autrefois, proche de la Russie, de la Chine... et de considérer enfin objectivement "l’Occident" comme l’Ennemi dont il faut se défendre.

Quant aux Laurent, Besancenot, Autain et autres, je ne les vois pas adéquats pour ces politiques-là, précisément. Et à propos des "révolutions de couleur", il faudra les contrer dès le départ en muselant les médias, y compris "privés". Cela grincera, mais c’est essentiel, et c’est le genre de courage qui aura manqué à Dilma et Nicolas.

01/07/2016 12:02 par BQ

Tout à fait ! J’essayais juste d’en déduire logiquement, selon moi, ce que voulait dire vos commentaires - auxquels j’adhère entièrement- en ce qui concerne les actuelles stratégies et alternatives politiques qui se présentent à nous. En vous lisant, cela m’a fait penser à l’anticipation politique de l’altergouvernement, proposée par Mermet & co, une sorte de "Et si c’était concret...".
Ah et très bon article de P.Arnaud comme d’habitude, bien précis et concret !

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