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Troisième Forum National pour construire la résistance et défendre nos Territoires

Capulalpam : la Babel des luttes territoriales (CIP Americas)

Pendant deux jours, Capulálpam de la Sierra Juárez s’est transformée en une Babel moderne des luttes territoriales.

Le 20 et 21 mai, la ville hébergeait le Troisième Forum National pour construire la résistance et défendre nos Territoires, avec la participation de représentants de communautés indigènes qui parlaient des langues différentes : mixe, zapotèque, mixtèque, chatino, cuicatèque, huichol (wixarika) en plus de celle des invités étrangers.

Selon les organisateurs, la rencontre avait pour but de "faire une analyse critique du modèle de développement actuel et d’établir une liste de revendications qui permette aux villageois de s’unir pour la défense de leurs terres". En plus des villageois, il y avait des communautés et des organisations venues de différentes parties de l’état de Oaxaca et du pays qui ont toutes pour principale mission la protection des terres contre les projets et les politiques qui menacent les ressources naturelles.

La diversité ne se reflétait pas seulement dans les langues différentes qui se mélangeaient pendant le forum. Les organisations sociales présentes se différenciaient aussi sur le plan idéologique : il y avait des sympathisants du Zapatisme et de "l’Autre Campagne", des chrétiens engagés dans les luttes populaires, des militants communistes, des militants d’ONG, des membre de l’assemblée populaire du peuple de Oaxaca (APPO), des anarchistes et des scientifiques. Ces divergences auraient peut-être, à un autre moment, empêché le bon déroulement des débats. Mais cette fois-ci la langue et les affiliations politiques n’ont pas nui au dialogue et on est parvenu à un consensus. Le principe de base était d’écouter.

Rurik Hernández, un membre du Front de lutte contre la mine San javier, a décrit la situation de sa communauté : "Une entreprise minière est arrivée sur le mont San Pedro à San Luis Potosà­ et ils se sont mis à diviser la communauté en offrant de l’argent et des maisons. Les propriétaires de l’entreprise savent très bien que si une ville est construite sur des ressources naturelles, il faut la déplacer. Ils s’emparent des minéraux et nous laissent la mort".

Les autorités de Santiago Lachiguiri qui luttent pour recouvrir les droits sur leurs terres menacés par les soi-disant "politiciens verts" du gouvernement fédéral, ont pris le micro pour affirmer "nous ne les laisserons pas violer nos droits ni nos lois communales."

Une femme, qui représentait la Coordination pour la défense des ressources naturelle de Tlacolula a accusé la "SEMARNATet CONAGUA d’avoir accordé des permis à un promoteur pour détourner l’eau des puits vers plus de 5 000 maisons". Cette décision irresponsable a eu pour conséquence, selon elle, de priver d’eau la population de la vallée de Tlacolula.

Nadia Chávez, une jeune Bolivarienne qualifie les gouvernements antérieurs à Evo Morales de "traîtres à la patrie" et s’est déclarée solidaire de la lutte de Oaxaca.

La participation des jeunes a été remarquée ; beaucoup d’entre eux étaient des étudiants en science de l’environnement de l’université de la Sierra Juárez. Les jeunes s’inquiètent de ce qui se passe dans les villages. Andrés, un étudiant de l’université a déclaré : "Nous ne pouvons pas accepter les normes mondiales de développement, nos communautés ont une approche collective qui a pour objectif principal le bien-être de tous."

Le rêve de Marakame et les mines du Mexique

On raconte qu’un Marakame -c’est le nom qu’on donnait aux prêtres Wixárikas- a fait un rêve prémonitoire très impressionnant. Le Marakame a rêvé qu’on lui arrachait les viscères. Pour les peuples de la région de San Luis Potosà­, le rêve se rapporte aux travaux d’extraction minière qui ont commencé dans la région.

"La terre souffre parce qu’on lui arrache les entrailles, comme dans le rêve du chamán."

Voilà les histoires que se sont racontées les participants autour des fourneaux où on préparait à manger pour plus de 300 personnes.

Ce n’est pas par hasard que cet événement a eu lieu à Capulálpam, car on a découvert dans les médias que le gouvernement fédéral avait accordé à l’entreprise minière canadienne Continuum Resources, qui ensuite l’a cédé à Sundance, un permis d’extraction de l’or et de l’argent sur une surface d’environ 50 000 hectares dans ce territoire zapotèque. Mais grâce à la réaction rapide et organisée de la communauté "nous avons obtenu il y a quatre ans la fermeture temporaire des travaux par le bureau du procureur fédéral de protection de l’environnement (PROFEPA)" a expliqué Francisco Garcà­a López, un citoyen de Capulálpam.

Capulálpam est typique de ce qui se passe dans tout le Mexique. Selon Hernández, membre du Front d’opposition contre la mine San Javier : "On est en train de vendre le pays, mais plus en tant que pays maquilador*, mais désormais en tant que pays qui a des minéraux et ils prétendent que Oaxaca est un centre important d’exploitation minérale au niveau national.... L’industrie pétrochimique n’est plus la priorité et c’est pourquoi le Secrétaire de l’économie et celui de l’énergie crient aux quatre vents : "Venez, venez investir au Mexique, nous avons des minéraux au Mexique !"

Les participants se sont livrés à une critique sévère du gouverneur de l’état, Gabino Cue, qui est entré en fonction le premier décembre 2010, après 80 années de pouvoir du Parti Révolutionnaire Institutionnel. Jaime Jiménez, qui habite dans la région côtière de Paso de la Reina et qui est conseiller de l’organisation Peuples Unis pour défendre le Rà­o Verde (COPUDEVER) a déclaré : "Ce sont toujours les mêmes insanités, il n’y a que l’habit qui change ! ... Gabino Cué connaît pourtant bien nos problèmes, il s’est engagé à nous aider ; nous avons soutenu l’alliance d’opposition et maintenant il ne se passe rien, il nous a oubliés, le gouvernement est muet."

Le second jour du Forum, le Secrétaire des affaires indigènes, Adelfo Regino, Montes, est arrivé, attiré par une problématique qu’il connaît bien pour avoir été membre du mouvement pour les droits des indigènes de l’état. Il s’est installé dans le public comme un participant ordinaire, ce qui a fait dure aux participants du forum : "Il y eut un temps où les fonctionnaires du gouvernement étaient reçus avec honneur et installés à une table spéciale ; peut-être est-ce la promesse d’une nouvelle époque et de nouvelles relations entre le gouvernement et les peuples indigènes ?"

La protection du territoire sacré de Capulálpam

Le sommet du forum a été la nomination officielle par les autorités municipales de Capulálpam de leur site sacré la "Y" -qu’on appelle aussi Los Sabinos- comme "territoire historique communal pour la sauvegarde des nappes aquifères." Le décret municipal signifie que, au moins au niveau municipal, ce territoire sera protégé et on peut considérer cela comme un premier pas pour défendre l’autonomie territoriale. Les autorités ont précisé dans le décret que "C’est un lieu où se maintient vivante notre mémoire ancestrale de peuple zapotèque et où les générations successives vivent ensemble en bonne harmonie ave l’eau, les montagnes et la nature."

Cette nomination fut précédée d’une procession religieuse qui est partie de l’église de San Mateo en direction de Los Sabinos. La cérémonie religieuse était organisée par les habitants de la municipalité voisine de Santa Catarina Lachatao. Les femmes et les hommes vêtus de leurs vêtements traditionnels portaient un étendard de la vierge en plus de trois croix, des fleurs, des bougies et de la musique et ils ont gravi la longue pente qui mène au site sacré. Salvador Aquino a expliqué qu’il s’agissait d’un rituel traditionnel pour demander la pluie.

La cérémonie a eu lieu au pied d’une source et à l’ombre d’un arbre gigantesque. Après le rituel pendant lequel un groupe de femmes a prié et offert de la nourriture à la terre mère, le président de la municipalité, Néstor Baltasar Hernández, a ouvert formellement la réunion du conseil municipal et a ordonné la lecture de l’acte : "Nous déclarons à toutes les communautés de la Sierra Juárez, à la société en général et au gouvernement de l’état et au gouvernement fédéral en particulier, que le patrimoine de Capulálpam, ne sera jamais soumis à aucune sorte d’exploitation." Il dévoila la plaque commémoratrice et ensuite tout le monde fut invité à la fête communautaire pour partager le mezcal et les tortillas.

Capulálpam est devenue la capitale de la résistance. C’est là que s’est constitué un peuple il y a 800 ans ; aujourd’hui les mêmes peuples indigènes confirment que ce territoire leur appartient et qu’il n’a jamais cessé de leur appartenir. Ce sont les indigènes qui ont créé cet endroit sur cette terre et ils n’y renonceront jamais.

Miguel à ngel Vásquez de la Rosa

Miguel à ngel Vásquez de la Rosa travaille dans les services pour une éducation alternative de Oaxaca (A.C. EDUCA). Il collabore au programme des Amériques (www.cipamericas.org/es).

Pour consulter l’original : http://www.cipamericas.org/es/archives/4690

Traduction : Dominique Muselet pour LGS

Note :

Maquiladoria : Une maquiladora, ou son abréviation maquila, est l’équivalent latino-américain des zones de traitement pour l’exportation (export processing zone, EPZ, en anglais). Ce terme désigne une usine qui bénéficie d’une exonération des droits de douane pour pouvoir produire à un moindre coût des marchandises assemblées, transformées, réparées ou élaborées à partir de composants importés ; la majeure partie de ces marchandises est ensuite exportée (sauf dans le cas des maquiladoras por capacidad ociosa, orientées vers la production nationale). Wikipedia

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