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Classes moyennes, société de consommation, et décadence occidentale. Avec la participation involontaire d’Emmanuel Todd et Michel Clouscard

Avertissement : Michel Clouscard et Emmanuel Todd ne se sont certainement jamais rencontrés au café ni dans leurs œuvres. Il s’agit donc d’une première (risquée, mais qu’on me pardonnera sans problème vu mon amateurisme en la matière) à laquelle vous allez assister.

Petite intro scolaire.

« Travaille, consomme et ferme ta gueule », slogan phare mis à la mode par Extinction Rébellion et repris sans coup férir à chaque manif, tant le sens paraît évident.

Pourtant...évident ? Pas si évident que ça. En manif, il sonne bien, mais aujourd’hui c’est relâche jusqu’à la prochaine (samedi suivant !) : profitons-en, réfléchissons.

Qu’entendons-nous exactement par là et à qui s’adresse-t-on ? Car nous sommes, vérité de La Palisse, à la fois travailleur et consommateur : n’ayant guère le choix, le simple fait de l’ouvrir (sa gueule) nous dédouanerait-il du système ? Faut-il plutôt y voir un reproche aux travailleurs-consommateurs attablés aux terrasses de café de ne pas se joindre à nous ? A moins d’y voir la dénonciation d’une société qui ne laisse d’autres alternatives que l’aliénation au travail et le défoulement dans la consommation. Mais n’entend-il pas aussi viser ceux qui ont l’accès facile aux marchandises superflues, la classe moyenne... ce serait l’inégalité de répartition des richesses, excluant une bonne partie de la population, et l’égoïsme de classe que nous dénoncerions par là.
Et puis, au bout du bout, l’association « travailleur-consommateur » est-elle si pertinente que ça ? Dans nos sociétés occidentales, osons la caricature, ceux qui consomment les marchandises ne sont pas ceux qui les produisent : c’est sur d’autres continents qu’il faut aller les chercher.

Ainsi la « société de consommation » pointe-t-elle son nez, avec la classe moyenne dans les parages.

La classe moyenne, nous y venons.

Pour le marxiste-léniniste (version « dogmatique »), la classe moyenne est le ventre mou de la société. Sans repère propre, elle oscille entre deux pôles extrêmes : la classe dominante et le prolétariat. Elle oscille, oui, mais penchera toujours du côté du plus fort : soit vers la classe ouvrière organisée et armée d’un programme fédérateur (le socialisme), soit vers les dominants prêts à l’acheter (ils en ont les moyens) , et déterminés à tirer sur les gueux récalcitrants.

Et si la classe ouvrière venait à manquer de force pour des raisons structurelles et non plus seulement par simple faiblesse organisationnelle, ou des deux simultanément, le schéma « léniniste » est sans appel : victoire du capitalisme en rase campagne !

Ainsi s’explique que tout un courant de l’extrême gauche française voit dans la seule disparition du Parti Communiste (dont la « nouvelle » Direction « droitière » est responsable) la raison principale de l’affaiblissement ouvrier, et donc de l’urgence de sa reconstruction.

Ce que notre militant « dogmatique » ne voit pas, c’est que la classe ouvrière n’est pas seule touchée. C’est ce que montre Todd dans son livre Les luttes de classe en France au XXIème siècle (Le Seuil- 2020-) : ce ne sont pas tellement les inégalités qui explosent, c’est toute la société qui s’affaisse, tous les pans qui la composent chutent dans les mêmes proportions, et l’oligarchie dirigeante cherche son salut ailleurs. Sauf que les asiles sûrs se raréfient : l’UE, peu fiable, les EU peut-être ?

Là se situe le nœud de la crise.

Pour Todd (je me réfère au livre La défaite de l’occident, Gallimard, 2023), la classe moyenne est une question de niveau de vie social. Se situant entre les deux extrêmes, elle assure le liant d’une société. Par définition cultivée, elle est apte à amadouer le haut et à représenter le bas. Elle assure en fait la stabilité de toute démocratie libérale. Qu’il advienne qu’elle soit attaquée, et l’édifice branle sur sa base. C’est exactement ce qui arrive aujourd’hui.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, écrit-il, « le monde développé reprenait son souffle. C’est l’époque où fleurit un conformisme familial maximal, constituant le substrat du baby-boom. Cette reprise de la fécondité s’appuyait sur une répartition particulièrement nette des rôles masculins et féminins. » (1)

C’est l’époque du Plan Marshall, d’une élévation spectaculaire du niveau de vie en Europe, en France notamment, d’une classe ouvrière dont les couches supérieures accèdent au statut de classe moyenne, en fait à la classe moyenne inférieure. A tel point, dit Todd, que certains rêvent d’une classe ouvrière fusionnant avec les élites intellectuelles, formant une classe dirigeante conscientisée.

Michel Clouscard (Le capitalisme de la séduction, Delga -1981) y voit les prémisses de la société de consommation (consommation mondaine).

Clouscard balaye d’emblée un malentendu. La société de consommation, pur produit du néocapitalisme, n’est pas dans la mise à disposition du peuple, aussi abondante soit-elle, d’une production marchande, techniquement évoluée voire sophistiquée, résultant du progrès et de la recherche de pointe. C’est là une production, par sa valeur d’usage, qui contribue (ou devrait contribuer) à l’émancipation de l’humanité, de la femme en particulier.

Non : la nouveauté consistera dans le projet dément que se fixe le néocapitalisme sous l’impulsion de l’impérialisme étasunien, appuyé au départ par le Plan Marshall : façonner l’homme, son corps et ses désirs, non plus seulement pour l’exploitation de sa force de travail, le plier au mode de production capitaliste, mais pour qu’il puisse se fondre entièrement dans la marchandise mise sur le marché. S’y reconnaître corps et âme.

Ou plutôt, dans la marchandise réduite du coup à une fonction idéologique, à l’état de signe (de marqueur social, comme l’on marque le bétail).

Ce miracle a pu se matérialiser grâce à l’armée des EU : ainsi, explique-t-il, dès la Libération, les surplus militaires EU encombrant les dépôts ont fait fureur. Pas chers, des vêtements usuels , les fameux blue-jeans par exemple, au départ pantalons de travail à usage ouvrier, vont devenir mode. Un signe distinctif de la modernité, être dans le coup, dans le vent.

Clouscard paraît donc considérer que ce « capitalisme de la séduction » s’impose dès les premières années 50. On verra qu’il analyse ce néocapitalisme (qu’il assimile encore en 1981 – date de parution de son livre – au « capitalisme monopoliste d’État » alors que se répandent les recherches sur le néo libéralisme, notamment l’effacement du rôle des États dans la mondialisation), comme un terrible facteur de décomposition sociale.

Mais ce basculement social tel que le décrit Clouscard, ne triomphera qu’avec celui du néolibéralisme, bien plus tard. Datons-le de la fin des années 70 avec l’arrivée de Jimmy Carter et de Thatcher, mai 68 ayant peut-être ouvert la voie pour la France. L’élection de Mitterrand en 1981 (et son tournant vers la rigueur de 1983) permettra son envol.

Entre temps, ce sont les classes moyennes comprenant de forts contingents ouvriers qui montent en puissance et constituent le socle de ce qu’on appellera l’État Providence. Le succès gaulliste n’a pas d’autres sources. Et explique aussi les premières fractures d’importance au sein du Parti Communiste Français (scission au sein de l’UEC , Union des étudiants communistes), coincé entre la fidélité à la dictature du prolétariat et l’appel à la collaboration de classe lancé par la classe moyenne. Tiraillements (ou contradictions ) portés par l’évolution des rapports est-ouest oscillant de la guerre froide à la « coexistence pacifique », alors que ses liens avec le Kremlin restent étroits : tournée triomphale en France du premier secrétaire URSS Nikita Khrouchtchev – 1960 – reçu en grande pompe par De Gaulle... et construction du mur de Berlin en 1961 !

Si l’on ne peut calquer mécaniquement les analyses de Clouscard pour caractériser cette période des 30 glorieuses, il n’en reste pas moins qu’elle ne fut pas neutre pour ce fut du comportement psychosocial des classes.

L’embourgeoisement de la classe ouvrière a été une réalité : elle ne signifie pas pour autant qu’elle ait succombé aux sirènes de la consommation mondaine (Clouscard serait le premier à le reconnaître).
Todd dans Les luttes de classe en France présente deux versions qui ont partagé les experts.

La version optimiste : « Le développement de l’éducation secondaire et surtout supérieure dans un contexte d’enrichissement généralisé, a mené les individus à une culture post matérialiste d’épanouissement du moi. Émancipation des femmes, tolérance sexuelle, mariage pour tous, ouverture au monde extérieur et rejet des frontières : il n’est pas trop difficile de résumer l’état d’esprit dominant qui a succédé aux vieilleries que furent l’Église, le gaullisme, le PCF et la SFIO ». (2)
Sauf que, comme le soulignera Clouscard, c’est bien une SFIO reconvertie qui portera sur les fonds baptismaux la société consumériste !

La version pessimiste : L’enrichissement a poussé les contemporains a ne s’intéresser qu’à leur propre développement personnel. C’est la culture du narcissisme. Les élites perdent le sens du labeur, des hautes valeurs morales (sagesse, probité, justice...). Elles succombent à ce que des chercheurs américains appelleront « common decency » – indécence commune – alors que les couches sociales inférieures, par réaction, chercheront à s’en protéger.

Todd dégage une analyse médiane, qui me semble reprendre celle de Freud dans Malaise de la civilisation.
Les contraintes imposées par toute société provoquent un violent conflit intérieur qui ne peut être maîtrisé que par une conscience morale répressive. Un surmoi qui interdit. Provoquant névroses et psychoses. Je ne m’aventurerai pas plus loin !

Par contre, l’élévation du niveau de vie a produit « une personnalité de base dont le moi est certes libéré de beaucoup d’interdits , mais qui doit faire face à cette dure réalité que, même quand rien n’est interdit, tout n’est pas possible (...) Confronté à ces insuffisances , l’individu libéré aura tendance à sombrer dans un état de fatigue dépressive ».(3)
Bref, de la névrose collective nous passons à la dépression généralisée.

Où cela nous mène t-il ? A la conclusion suivante :

« (...) nous sommes entrés dans une phase où les gens se sont tellement habitués au taux de chômage, à la stagnation ou à la baisse des revenus qu’ils n’ont plus d’espoir que cela change. (...) Le chômage est désormais partie intégrante de nos traditions.(...) Les gens savent ce qu’ils sont, qu’ils n’iront nulle part, qu’ils n’ont pas de raison particulière de regretter de ne pas avoir une autre vie. » (4) 

Or, cette adaptation, disons, psychocollective à forte tendance capitularde, accompagne une phase avancée de décomposition sociale. Todd dresse un tableau saisissant de l’évolution des catégories socio-professionnelle entre 1990 et 2018 (5) :

Catégories socio professionnelles (en % de la popu active)
Agriculteurs exploitants : 4,5 (1990) ; 2,0 (2007) ; 1,5 (2018) ; evo : -3,0
Artisans, commerçants, chefs d’entreprises : 7,9 (1990) ; 6,6 (2007) ; 6,5 (2018) ; evo : -1,4
Cadres et professions intellectuelles sup. : 11,7 (1990) ; 13,1 (2007) ; 18,4 (2018) ; evo ; +6,7
Professions intermédiaires :20,0 (1990) ; 23,1 (2007) ; 25,7 (2018) ; evo : + 5,7
Employés :26,5 (1990) ; 28,9 (2007) ; 27,2 (2018) ; evo : -+0,7
ouvriers : 29,4 (1990) ; 25,6 (2007) ;20,4 (2018) ; evo : -9,0

En termes du nombre d’emplois industriels, ils concernaient en 1990, 20,25 % de la population active et seulement 13,6 % en 2016. Nous parlons bien ici de destruction du potentiel de création des richesses.

C’est ici que nous rejoignons Clouscard.

Le néocapitalisme (nous dirions néolibéralisme) qui se met en place s’accommode fort bien de cette désindustrialisation des pays dits avancés. Pour se développer ailleurs, à l’ombre des délocalisations. Et encourager très logiquement une société de consommation (le veau d’or-marchandise) qu’autorise une classe moyenne solvable... même si elle l’est de moins en moins.

Le premier soucis du système sera de déconnecter la marchandise de tout lien avec le travail concret qui l’a créé : le lui faire oublier. Le produit doit se présenter d’emblée comme une machine mécanisée à laquelle le consommateur se soumet : tout en lui donnant l’illusion que le fait d’actionner des boutons fait de la machine son œuvre. Toute la pub est basée là dessus : une voiture qui vous ressemble, un parfum qui révèle votre féminité ou virilité. C’est le produit qui vous humanise.

Et ceci, tout le long de notre vie : le capitalisme vous prend par la main et ne vous lâche plus.
Ainsi dès la naissance, le bébé doit subir ses premiers conditionnements : il s’agira d’entourer l’enfant de gadgets-machines à commandes adaptées pour lui, tel le mobile musical au dessus du berceau, les parents s’extasiant selon la maîtrise de l’engin automatisé par leur progéniture. Le papa bricoleur qui sculptait un jouet devant son gosse, ou l’enfant se fabriquant un chariot à roulette ou un moulin à eau que la rigole de la rue anime, ce doit être fini ! L’imagination enfantine doit se borner aux rayons des magasins Disney.

Et plus tard, ce sera la trottinette passée de mode chez l’enfant mais récupérée pour les adultes, très vite électrifiée, machinisée.

Surtout, surtout ! On peut gaspiller. C’est du jetable. La reconnaissance du travailleur (chinois ?) sans lequel l’objet n’existerait pas, est jetée avec !

Le gaspillage est une autre donnée de ce capitalisme de consommation, étape nécessaire de la dissociation travail-marchandise. C’est pourquoi le néo capitalisme se devra de combattre les vieilles idéologies des anciennes générations encore attachées aux valeurs de travail et d’économie domestique.

En fait, ce capitalisme ne fait qu’exprimer l’antagonisme originel capital-travail : sauf que maintenant, il va chercher à régler ce conflit en pulvérisant le second terme !

Clouscard donne l’exemple de la moto, que je poursuis en mode cinématographique. La moto, c’est un moyen de transport utile pour l’usager (lors d’encombrements routiers) ou simplement source de plaisir. Le motard entretient son engin, connaît sa mécanique, n’hésite pas à la démonter, et reconnaît ce faisant le travail accompli dans sa fabrication.

Comparons avec la Harley Davidson du film Easy Rider. Motos customisées à mort, tape à l’œil, à gabarit encombrant, siège bizarroïde. Le motard portera d’abord son attention sur l’enveloppe extérieure (drapeau étasunien de mise). Ainsi pourra-t-il se différencier du motard moyen, de s’identifier à la « grande » tribu Harley. Au point, que lors de rencontres entre eux, on y organise des concours de jets de moteurs japonais !

On a quitté le domaine de la valeur d’usage de l’engin pour rejoindre le consommateur mondain, celui de la société de consommation. L’exemple ici est caricatural, mais comprenons bien que le souci du neo capitalisme sera de présenter toute sa production en mettant en avant sa forte valeur ajoutée idéologique et effacer sa part humaine, le travail. Les temples de la consommation mondaine comme centre d’évasion pour tous.

Enveloppant l’individu dans l’idéologie consommatrice, il ne reste au système qu’à absorber les classes sociales elles même. Non pour les unifier, mais pour les atomiser, les fractionner. On retrouve là les analyses de Todd sur l’anomie qui frappe les sociétés occidentales.

L’individu s’identifiera à un groupe aussi informel soit-il (les gothiques, la banlieue, les punks et leurs dérivés : tatouages envahissants et piercing), et chaque groupe doit pouvoir se reconnaître, se particulariser dans la profusion de choix offerts, générant un mode de vie, des mœurs qui lui sont propres. (6)

L’arme idéologique suprême est le respect de la liberté individuelle : mais il est entendu que cette liberté est d’abord le libre accès aux nouvelles valeurs mises sur le marché. Ce sont elles qui libèrent.
Nous avons à faire à une société permissive, ludique, où rien, absolument rien n’est tabou, si ce n’est la remise en cause de la société capitaliste ! Rappelons nous Todd et l’origine de l’atmosphère dépressive ambiante : « faire face à cette dure réalité que, même quand rien n’est interdit, tout n’est pas possible ».

Bien sûr, tous les groupes ne sont pas équivalents. Les plus riches doivent donner le « la ». C’est de bonne guerre. Ainsi la mode de saison servira d’exemple avec ses défilés sélects. Mais le système visera à travers elle les couches inférieures, le prêt à porter. Détruisant la production de l’année précédente. Quitte à revenir l’année suivante.

Mais rebelote dans les domaines culturels (la fameuse rentrée littéraire).

En fait, la société de consommation s’adaptera à tous les niveaux, tous les goûts, tous les désirs (la pornographie en est partie prenante). Des beaux quartiers à la banlieue : les vêtements (quasiment des uniformes, avec griffes commerciales bien voyantes) comme la culture (industrie du rap) y sont autant de marqueurs sociaux, d’identification de groupe.

Tout sera objet de récupération. Que l’avortement et la pilule soient enfin légalisés, que les lois anti-homosexualité soient abolies, droits progressistes s’il en est, et l’idéologie du désir viendra tout de suite derrière. Le sexe érigé en liberté (révolution sexuelle mai 68). Puis la femme contre l’homme. Puis la mise en cause du sexe comme dernière étape.

Tout, sauf la mécanique essentielle du capitalisme : l’extorsion de la plus value de la force de travail. Prolongée en exploitation de type colonial dans les pays dits « d’outre-mer » (ailleurs, quelque part, qu’on n’est même plus fichus de situer sur une carte !), sur laquelle vivent, en parasite, nos économies occidentales.

La contestation du système, anticipée voire impulsée par lui-même, sera aussi occasion de nouveaux débouchés. L’enjeu est d’importance : c’est ici le territoire de la jeunesse.

Il s’agit de la détourner, comme il a été dit plus haut, des anciennes générations. Sans se priver de récupérer certaines reliques (le rétro, c’est classe) : les vinyles par exemple, marché juteux en pleine expansion (opposé au passionné collectionnant les vieux disques). Mais pour le reste, il suffira de parfaire son modelage dans les boites, à coups de rythmes assourdissants, de violentes lumières stroboscopiques, de danses tenant plus de la machine désarticulée ou des cadences infernales que de plaisir partagé. Machinisation des corps prêts à l’emploi.

Rien d’étonnant que cette société s’offre le Che ou une débauche de slogans rebelles sur ses tee-shirts. Preuve de la permissivité sociale : jouissance sans entraves et incivilités individuelles conviennent très bien.

Et pour donner un semblant de cohésion au tout (tenir coûte que coûte dans cette Babylone), une immense pharmacopée et drogues diverses, sans parler de l’alcoolisme, sont déversés dans les populations, au profit d’oligarchies criminelles internationales et de la bigpharma étasunienne. Au profit du capitalisme plus simplement.

Redonnons la parole à Todd.

La décadence occidentale, la désintégration de l’État-nation (7) sont le fruit de la disparition de toute croyance collective autour de laquelle se soude une communauté. La religion jusqu’ici jouait ce rôle. Son passage à l’état zéro laisse orphelin tout un peuple : aucune idéologie de substitution, y compris l’idéal communiste, n’a pu sérieusement la remplacer.

Encore moins l’Union Européenne officialisée en 1992 regroupant des pays qui ne sont déjà plus des Etats-nation, forcés d’adopter quand même une monnaie unique reposant sur du sable : une banque centrale indépendante sans budget européen, mais censée homogénéiser des économies disparates.

Ce que raconte Clouscard ce sont les efforts du néocapitalisme dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale, pour profiter du chamboulement ambiant pour imposer son nouveau modèle.

Mais ce système, on l’a vu, ne s’inscrit pas dans une volonté unificatrice, de recomposition d’un peuple, mais bien au contraire de décomposition, de désagrégation sociale. De décervelage de masse.
Mieux : en sa finalité, cette société de consommation mondaine se dissout dans la globalisation, la mondialisation des seuls rapports d’échange où l’Etat-nation n’a plus que faire, n’existe plus.

Todd parle de règne du nihilisme. Au sens littéral du terme : une société qui en vient jusqu’à nier la réalité. Pour en reconstruire une autre, y croire et vouloir l’imposer au monde. Y compris par la guerre. Phénoménal que l’Occident puisse se penser encore aujourd’hui, en toute sincérité, et agir, contre la simple réalité objective, comme étant le centre du monde !

J’ai vécu dans une époque terrifiée par la bombe atomique : notre entourage en parlait, le cinéma l’illustrait, des partis politiques mobilisaient. Aujourd’hui où la guerre nucléaire n’a jamais été si proche, l’indifférence généralisée est de mise.

Notes :

(1) : La défaite de l’occident – page 217

(2)- Les luttes de classes en France au XXIe siècle -page 129

(3)- ibid. page 135

(4)- ibid. page 147

(5)- ibid. page 53

(6)- Todd dit la même chose sous un autre angle : « si un groupe d’individus n‘est plus soudé par une croyance de portée nationale ou universelle, s’il est anomique au sens d’atomisé, ce que l’on observe c’est un mécanisme purement local de régulation des croyances et des actes. (...) Ces individus faibles sont mus par un mécanisme de régulation mimétique interne au groupe auquel ils appartiennent (...) » (La défaite de l’occident -page 296)

(7)- Si Todd parle d’Etat-nation zéro, il ne signifie pas la disparition de l’État en tant qu’institution. Mais cet État est aussi un État zéro, impuissant à agir, brassant du vent, mais avide de Pouvoir et d’argent, miné par la corruption. Il est le dernier refuge de l’oligarchie financière et d’une Haute Fonction Publique culturellement abêtie et déconnectée du réel. Son bunker est protégé d’une arrière cour médiatique et policière. Il se survit dans ses derniers rêves de campagnes militaires et de triomphes à la César. Macron, surgi du vide, en est un parfait exemple.

COMMENTAIRES  

06/10/2024 18:40 par françois gerard

la classe moyenne analysée par Clouscard est exactement celle de cet article, néanmoins, cette classe moyenne était le produit d’une phase historique, celle des 30 glorieuses (un peu plus) . Le capitalisme triomphant pouvait se permettre de lâcher un peu de la plus value tellement abondante ces 50 dernières années. Seulement voilà, le capitalisme analysé par Marx est toujours sujet à ce qu’on appelle la baisse tendancielle du taux de profit, et justement en ce moment, cette baisse tendancielle est à nouveau à l’oeuvre.( c’est la cause principale de ce qu’on appelle crise du capital) Et, ce qu’il a pu développer pendant 40 ou 50 ans, c’est à dire cette nouvelle petite bourgeoisie parasitaire et imbécile, hédoniste et égoïste commence elle aussi à ressentir la crise. Que va t’elle faire, accepter de s’allier au prolétariat, ou plutôt aller vers le fascisme pour conserver ses privilèges. Au fond, on en revient à un schéma classique et la catégorie libéral libertaire disparaitra dans les poubelles de l’histoire comme à disparu la petite bourgeoisie antérieure.

07/10/2024 07:51 par cunégonde godot

« Au terme d’une longue vie de réflexion, je suis arrivé à la conclusion que la destruction de la puissance américaine sera le début de la paix pour la planète »

M. Todd vient d’atterrir sur la face qu’il se cachait de la Lune.

La modernité c’est toujours et encore l’État-nation démocratique. Les Palestiniens, p.ex., lutteraint-ils pour autre chose ?...

07/10/2024 10:59 par drweski

Cette réalité est bien réelle, mais elle doit être mise en relation avec le fait que, à l’époque de la mondialisation, le nombre d’ouvriers à l’échelle du monde est en augmentation constante, et donc que le rôle du prolétariat reste toujours celui évoqué et analysé par Marx et Engels, celui de renverser l’ordre capitaliste. Mais cela se passe à l’échelle du monde désormais, et prend la forme de l’affrontement impérialisme vs anti-impérialisme. Et c’est là le problème auxquels se heurtent les progressistes (les révolutionnaires ?) dans les pays dominateurs : le pillage et la surexploitation des ouvriers et paysans du "Sud global" permet de faire des profits dont on peur tirer quelques miettes pour "nourrir" les ouvriers, les manuels, les employés de et au service dans les pays impérialistes. Du coup, si dans le tiers monde, dans le tiers état du monde, le débat est de savoir s’il faut laisser la lutte de libération nationale aux mains d’une bourgeoisie nationale patriotique ou à celle de la classe ouvrière, dans notre "premier monde" (et en partie dans le second monde de la périphérie de l’impérialisme, Europe de l’Est et du Sud), y a-t-il la moindre possibilité de faire prendre conscience les travailleurs du fait que, sur le long terme ils ont plus intérêt à combattre le système qui, sur le court terme, les nourrit relativement "correctement" et leur apporte en plus et même surtout des "hochets identitaires" de toutes sortes selon la "tribu" à laquelle ils voudront appartenir et selon les objets qu’ils voudront consommer, corps humains compris ?

07/10/2024 11:37 par Vincent

Et demain, très vite, l’IA remplacera un nombre incalculable de "bullshit jobs", des comptables et autres juristes aux journalistes -surtout les plus médiocres et serviles tels les présentateurs de JT- en passant par les programmeurs en informatique, jusqu’aux réalisateurs et autres développeurs 3D... une masse considérable de travailleurs de la classe moyenne s’assimilant à des petits-bourgeois sera illico reléguée au rang d’"inutiles".
Les robots ont désormais des phalanges : Terminé les postes de travail pour les types comme moi, qui ne sont employés -au SMIC- que là où nous coûtons encore moins cher que la machine qui ferait le même boulot, parce que la tâche exige une motricité fine et/ ou une certaine autonomie qui cessera dès demain de coûter cher à développer.
Et demain encore, le Neuralink de Musk permettra aux tarés accros au fric et amoureux de leur Ego de devenir des surhommes, de s’augmenter artificiellement, de fusionner avec la machine. On ira jusqu’au stade où il sera possible aux ultrariches déjà inhumains de carrément télécharger leur cerveau dans la machine, en espérant trouver là l’éternité, même sans âme : Qu’est-ce que ça change quand on l’a déjà vendue au Diable ?

Parce que la dégénérescence de l’homme se situe là : Dans la peur de la mort qui n’est plus sublimée par aucune spiritualité, que le scientisme et le matérialisme ont détruite.
(Vous reprendrez bien une petite dose, pour peu que le prix de votre conformisme soit l’adhésion à un totalitarisme abject et inique, en plus de consentir -même malgré-vous- à être le cobaye d’une industrie mortifère mais tellement généreuse en dividendes, Mmmm ?!)

Mai 68 c’est à mes yeux ce moment charnière où en croyant s’émanciper de la Morale religieuse, on a détruit l’Éthique elle-même.
Vaste programme. On dit aussi "jeter le bébé avec l’eau du bain". Joli résultat.

Donc nous allons -littéralement à la vitesse de la lumière- vers un monde où la masse colossale des inutiles sera soit éliminée directement (par le moyen que vous préférez : Guerre mondiale, plandémie, etc.), soit conditionnée à un ultra régime totalitaire global aux mains des quelques tarés puissants qui s’octroieront jusqu’au droit de se prendre pour Dieu. Ou les deux. Alors est-ce que ça donne pas envie de faire des gosses, tout ça ?!

Le point commun entre politique et spiritualité, c’est que les deux conduisent à prendre conscience de sa responsabilité individuelle, envers le collectif pour l’une, et envers soi-même pour l’autre.
La religion (satanique) du fric a conduit à un monde où tout est confié à l’Ego, qui est le seul cinglé à se vouloir immortel et tout-puissant. C’est comme avoir laissé le mécanicien à la barre alors qu’il a ligoté le Capitaine dans la salle des machines : "En avant toute" même si "Iceberg droit devant" !
...

07/10/2024 20:08 par Anonyme

Comme le fait remarquer drweski, les profits du capitalisme reposent désormais essentiellement sur l’exploitation des richesses et des prolétaires du "Sud global". Profits qui permettent aux capitalistes de "l’occident global" de concéder à leurs peuples les quelques miettes qui suffiront à les faire rester dociles.
Emmanuel Todd va plus loin dans ce constat quand il affirme que les prolétaires d’hier (occidentaux), de plus en plus cantonnés dans des emplois peu générateurs de plus-value sont devenus les exploiteurs (des "sudistes") d’aujourd’hui et qu’en tant que tels, en toute logique, ils votent de plus en plus à droite par méfiance envers ces "classes dangereuses" (plus ou moins barbares comme on le leur fait croire) qui les font pourtant vivre !

Il ne faut toutefois pas toujours prendre au pied de la lettre les conclusions de Todd qui prévient souvent qu’il est en "mode séminaire" pour se mettre à réfléchir tout haut.

Avec l’IA, Vincent revient à un des gros points faibles de la théorie marxiste, le rôle du progrès technique dans la matérialisation du profit capitaliste. Les critiques de Marx avaient déjà remarqué que les capitalistes préféraient employer, dans la mesure du possible, des machines plutôt que des hommes.
Les fables sur la recherche du plein-emploi, ne serviraient-elles pas à dissimuler cette réalité : il y a de plus en plus de bouches inutiles à nourrir, et en premier lieu dans le meilleur des mondes euro américain ?
La solution finale à ce dilemme fait effectivement un peu froid dans le dos.
Un espoir : une économie de marché, sans consommateurs (quand les classes moyennes auront été clochardisées) ce n’est plus une économie de marché !!!

08/10/2024 10:39 par françois gerard

@ANONYME : Karl Marx a parfaitement analysé cette situation où l’on à l’impression que le capital produit comme par magie de la richesse. Il montre en effet que dans les grandes usines très mécanisées, il y a moins de prolétaires en proportion que dans les plus petites et que pourtant c’est ces grandes usines qui font le plus de profits. Comment expliquer cela, car dans la théorie marxiste, c’est uniquement le travail réel qui crée la plus value, donc, en toute logique, les capitalistes devraient plutôt embaucher des ouvriers au lieu de les remplacer par des machines, et pourtant c’est le contraire et ceci de plus en plus.Et bien, l’explication est que la plus value se crée dans la production dans les petites usines , mais elle se réalise et se transforme en profit par la vente sur le marché . ON appelle ça la péréquation des taux de profits. Ainsi, l’exploitation que les petits patrons arrivent à arracher à leurs ouvriers, et bien, ils n’en conservent qu’une petite part, car ils en sont dépossédés par les plus gros qui fabriquent moins cher ( productivité ) et donc peuvent vendre sur le marché leurs marchandisent plus chères que cela leur coute réellement ( on appelle ça un sur-profit ) Voila succintement le mécanisme en oeuvre.

08/10/2024 10:57 par Anonyme

Clouscard, Todd, ne manquent que Debord et Orwell.
A propos d’Orwell, c’est lui qui a valorisé le concept de "common decency", que Michéa traduit par "la conscience que cela ne se fait pas", donc le contraire de "l’indécence commune" évoqué dans l’article. Cette conscience que "cela ne se fait pas", renvoie au sentiment de culpabilité que Freud a caractérisé comme angoisse de castration issue du complexe d’œdipe et de la structure névrotique de la personnalité "normale-saine". La société libérale-libertaire est narcissique, pré-oedipienne, niant l’angoisse de castration et le rapport à l’interdit inhérent à la "common decency". Une telle société narcissique est dépressive, donc anti-dépressive par le recours aux défenses maniaques : fuite en avant dans les mécanismes narcissiques de compensation (toujours plus de consommation : faites chauffer la carte bancaire !), mais aussi défenses projectives dans les rapports de persécution médiatisés socialement dans les conflits victimaires minoritaires : homophiles contre homophobes, femmes contre les hommes, racialisés contre racistes, etc...
Au total une telle société narcissique est une société perverse, minée par la dépression et la paranoïa. Elle est à l’image de la structure psychologique du capitalisme néolibéral.

08/10/2024 15:01 par Vincent

@ drweski, Anonyme

les profits du capitalisme reposent désormais essentiellement sur l’exploitation des richesses et des prolétaires du "Sud global". Profits qui permettent aux capitalistes de "l’occident global" de concéder à leurs peuples les quelques miettes qui suffiront à les faire rester dociles.
Emmanuel Todd va plus loin dans ce constat quand il affirme que les prolétaires d’hier (occidentaux), de plus en plus cantonnés dans des emplois peu générateurs de plus-value sont devenus les exploiteurs (des "sudistes")

Je ne suis pas d’accord :
Comment ne pas (oser) voir que ce schéma est déjà obsolète ? Les profits du capitalisme reposent désormais en grande partie sur le pillage des classes moyennes occidentales elles-mêmes, d’autant plus depuis que le pillage du "tiers monde" ou du "Sud" devient de plus en plus compliqué depuis que BRICS+ commence à constituer un très sérieux pôle d’émancipation de la domination impérialiste occidentale. (l’exemple de la France virée du Sahel et privée d’uranium est édifiant)
Comment expliquer autrement (qu’il s’agisse de pillage) la cession à vil prix au Privé des infrastructures publiques qu’on nous rackette pour leur utilisation (vous faites comme vous voulez, mais à titre personnel je boycotte strictement les autoroutes payantes depuis que Villepin les a cédées au Privé) ; comment expliquer que les français s’abaissent à payer leur électricité 4X trop cher sous prétexte que l’UE leur avait promis que "la concurrence est l’assurance pour le consommateur d’obtenir le meilleur prix", et qu’on laisse un fleuron comme EDF être détruite et pillée au profit d’entreprises pirates qui ne produisent rien ?! Les aéroports ? Les ports ? Le chemin de fer ? L’hôpital ?...
Comment et pourquoi ignorer que Hollande a voté dès son accession au pouvoir en 2012 la Directive BRRD qui stipule qu’au prochain krach bancaire ce sera cette fois "Bail IN" et que donc votre épargne sera saisie en dépit du fait que vous pensiez (grâce à la propagande qui en a instillé l’idée) qu’il existerait un soi-disant "mécanisme de protection" de l’épargne jusqu’à 100K€ ?!
Vous pensez sérieusement que des fonds comme Vanguard et Blackrock n’ont aucune velléité de saisir les milliers de milliards d’épargne des français ? Vous pensez que l’UE n’est pas justement l’outil de la mafia financière qui permet de fabriquer le Droit qui rendra ce pillage là légal ?!...
En effet, en matière de fabrication de la négation de la réalité, il y a eu du beau boulot de fait.

08/10/2024 15:57 par Assimbonanga

J’aimerais poser le fait que la classe ouvrière, elle torche le Q des vieux dans les EPHAD, notamment ORPEA.
Que la classe ouvrière, elle torche dans les crèches people and baby. Tout cela pour des clopinettes.
Et qu’Aurore Berger, pour le compte du régime Macron, a facilité la vie de ces grands groupes capitalistes destinés à exploiter la classe ouvrière et à essorer la clientèle dans le but de générer un maximum de rentabilité, profits, dividendes.
Je pense que là, nous sommes bien dans le social et pas dans le sociétal. Enfin !

08/10/2024 16:07 par Tardieu Jean-Claude

@Anonyme ?

- "Avec l’IA, Vincent revient à un des gros points faibles de la théorie marxiste, le rôle du progrès technique dans la matérialisation du profit capitaliste. Les critiques de Marx avaient déjà remarqué que les capitalistes préféraient employer, dans la mesure du possible, des machines plutôt que des hommes."

Non, sans blague, Marx était décidément un pauvre d’esprit !

Les capitalismes, parmi les moins éveillés d’entre eux, ont imaginé en désespoir de cause, qu’ils pourraient se passer des travailleurs qui produisent la plus-value, leur unique source de richesse, en vain évidemment, d’où le recours à la guerre en permanence qui permet de réaliser d’immense destruction de forces productives, infrastructures, etc. qu’il faudra reconstruire ou remplacer et ainsi de suite, elle n’a pas d’autres origines comme l’a rappelé à sa manière @françois gerard.

Pour rappel :

- « Il est évident au premier coup d’oeil que l’industrie mécanique, en s’incorporant la science et des forces naturelles augmente d’une manière merveilleuse la productivité du travail, on peut cependant demander si ce qui est gagné d’un côté n’est pas perdu de l’autre, si l’emploi de machines économise plus de travail que n’en coûtent leur construction et leur entretien. Comme tout autre élément du capital constant, la machine ne produit pas de valeur, mais transmet simplement la sienne à l’article qu’elle sert à fabriquer. C’est ainsi que sa propre valeur entre dans celle du produit. Au lieu de le rendre meilleur marché, elle l’enchérit en proportion de ce qu’elle vaut. » (Karl Marx, Le Capital - Livre premier, IV° section, XV, II)

- "il y a de plus en plus de bouches inutiles à nourrir"

On croit rêver, l’économie mondiale ne se réduit pas à l’Europe et aux États-Unis.

Ici, en Inde, il y a de plus en plus de "bouches inutiles" qui trouvent à se nourrir, chez nos voisins asiatiques aussi, incroyable n’est-ce pas ? Sans doute un miracle à attribuer au sacro-saint capitalisme  !

On se demande dans quel monde vivent certains, et le comble, c’est qu’on nous accuse d’être "dogmatiques" ou d’être restés bloqués au XIXe siècle. C’est l’hôpital qui se fout de la charité, aussi répandu que l’inversion accusatoire.

Sachant qu’on me contestera toute légitimité, inutile d’argumenter, je ne vais pas perdre mon temps. Les choses simples s’exprimant simplement, sachant qu’on n’accordera aucune attention à mon argumentation, autant donner la parole à Marx et Engels, on pourra les critiquer autant qu’on voudra sans qu’ils puissent répondre, ce n’est peut-être pas très charitable de ma part, peu importe, puisqu’ils n’auront pas à en souffrir, et moi non plus de fait  !

Le Capital - Livre premier

Le développement de la production capitaliste

VII° section : Accumulation du capital
Chapitre XXV : Loi générale de l’accumulation capitaliste
- III. - Production croissante d’une surpopulation relative ou d’une armée industrielle de réserve
- E. Passage de la manufacture moderne et du travail à domicile à la grande industrie.
- IX. - Législation de fabrique

https://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-I/kmcapI-25-3.htm

Même les auteurs de Wikipédia ne sont pas parvenus à contredire Marx

Armée de réserve de travailleurs
https://fr.wikipedia.org/wiki/Arm%C3%A9e_de_r%C3%A9serve_de_travailleurs

En plus rudimentaire ou "pour les nuls" :

Armée de réserve industrielle
https://wikirouge.net/Arm%C3%A9e_de_r%C3%A9serve_industrielle

08/10/2024 17:04 par Tardieu Jean-Claude

- "Pour le marxiste-léniniste (version « dogmatique »), la classe moyenne est le ventre mou de la société. Sans repère propre, elle oscille entre deux pôles extrêmes : la classe dominante et le prolétariat. Elle oscille, oui, mais penchera toujours du côté du plus fort : soit vers la classe ouvrière organisée et armée d’un programme fédérateur (le socialisme), soit vers les dominants prêts à l’acheter (ils en ont les moyens), et déterminés à tirer sur les gueux récalcitrants.

Et si la classe ouvrière venait à manquer de force pour des raisons structurelles et non plus seulement par simple faiblesse organisationnelle, ou des deux simultanément, le schéma « léniniste » est sans appel : victoire du capitalisme en rase campagne !

Ainsi s’explique que tout un courant de l’extrême gauche française voit dans la seule disparition du Parti Communiste (dont la « nouvelle » Direction « droitière » est responsable) la raison principale de l’affaiblissement ouvrier, et donc de l’urgence de sa reconstruction."

Il y en a manifestement qui n’ont rien retenu ou compris des enseignements du marxisme de la lutte de classe du passé jusqu’à nos jours.

Vous n’auriez pas dû vous arrêter en si bon chemin, je suis sympa, j’ai trouvé la suite et la conclusion de votre plaidoyer antisocialiste.

Jacques Bidet, professeur émérite de philosophie à l’Université Paris X-Nanterre, fondateur d’Actuel Marx, membre du Conseil scientifique d’Attac.

- "La conclusion à laquelle je parviens est que l’organisation commune à construire ne peut avoir ni la forme-parti, ni la forme-mouvement. Elle doit intégrer ces configurations dynamiques — et d’autres comme celle du « commun » ou celles de la révolte ponctuelle sur un enjeu local, ou de l’engagement pour une bonne cause singulière — dans une forme-association, croisant les traditions marxiste et anarchiste."

(Marx et l’immigration : mise au point - Entretien inédit pour le site de Ballast, 25 octobre 2018, par Julien Chanet)

https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-18-automne-2018/debats/article/marx-et-l-immigration-mise-au-point

Tiens un proudhonien qui fait de la résistance ! Bref, on se demande où est passée la lutte des classes !

Si je comprends bien, on nous explique que pour affronter une classe puissamment organisée et armée dans tous les sens du terme, consciente de ses intérêts, féroce, cruelle, barbare, on devrait se contenter d’une organisation à la petite semaine en somme. Autant dire que ceux qui tiennent ce genre de discours, n’envisagent pas sérieusement de l’affronter, encore moins de la vaincre, au moins leurs intentions sont claires.

Tout est bon pour s’en prendre au marxisme ou au socialisme. Dans quel but, sinon justifier l’ordre établi ou la survie du capitalisme avec lequel on est appelé à collaborer, puisque ses détracteurs n’ont rien trouvé de mieux à nous proposer, le tout enrober de telle manière qu’on ne puisse pas leur reprocher, tout du moins c’est ce qu’ils croient et ils se trompent.

Pour tenter de discréditer le marxisme et le socialisme, de les dénigrer ou ridiculiser, rien de plus facile, il suffit d’ignorer de quoi on parle, de leur faire dire n’importe quoi ou de recourir à des contrevérités, je veux dire par là, ignorer les faits évoqués dans les analyses ou démonstrations que les marxistes ont produites, pour ensuite affirmer que leurs conclusions étaient erronées ou ne méritent pas d’être retenues. Et pour donner plus de substance ou de crédit à leur interprétation falsifiée, leurs auteurs font appel à des idéologues du capitalisme, Todd par exemple, qui les mène où, nulle part, sinon à une confusion extrême qui conduit à la paralysie et à l’impuissance, à croire que ce serait le but recherché, inconsciemment ou non peu importe...

De tout temps, il s’en est trouvé pour tenter de réfuter le marxisme sans jamais y parvenir, cependant, de nos jours, grâce aux mal nommés médias et réseaux sociaux, n’importe qui bénéficie d’une formidable tribune pour défendre les théories concoctées par les idéologues du capitalisme, tandis que ceux qui continuent de défendre loyalement le marxisme ou le socialisme scientifique, l’idéologie de la classe ouvrière, ne disposent que de leurs propres moyens pour diffuser leurs idées, qui de ce fait seront ignorées par le plus grand nombre ou tout simplement censurés, on les traitera de préférence avec mépris.

Il fut une époque, où lorsqu’on se posait une question, avant d’y apporter une réponse ou d’affirmer quoi que ce soit, on se donnait la peine de lire (et d’étudier) les ouvrages qui avaient été rédigés par ceux qui l’avait étudiée minutieusement durant de longues années, et quand on ne comprenait pas quelque chose, on les relisait et on y réfléchissait encore et encore, on se posait des questions, on en discutait avec d’autres personnes, cela pouvait prendre des mois ou des années durant lesquelles on se contentait de l’essentiel, de ce qui nous paraissait plausible ou sérieux, de ce qu’on avait compris, un socle de connaissances suffisamment solides, quant au reste, on prenait soin de ne formuler qu’un avis relatif ou mesuré en avouant modestement notre ignorance...

De nos jours, tout le monde se prononce sur tout, tout le monde sait tout ou à réponse à tout, bref, le transhumanisme est déjà en train de se réaliser, c’est merveilleux.

Plaignez-vous, indignez-vous, signez des pétitions en ligne, résistez assis devant votre écran, faites ce que vous voulez, mais surtout, évitez de vous organiser dans un parti du mouvement ouvrier, surtout ceux qui prônent la rupture avec le capitalisme, vous pourriez vous compromettre gravement ! Dormez tranquille, oubliez tous ceux qui souffrent injustement de la survie du capitalisme, tenez, les Palestiniens par exemple, vous vous faites du mal pour rien, vous valez mieux que cela, si, si, le monde est comme il est et il ne changera jamais, puisqu’on vous le dit, croyez-le, soumettez-vous, résignez-vous !

08/10/2024 19:02 par Palamède Singouin

@Tardieu Jean Claude

Marx n’est pas plus pauvre d’esprit qu’un Platon ou Aristote dans les écrits desquels on peut trouver de nos jours des affirmations qui font sourire. Je laisse à Keynes (qui passe de nos jours pour un quasi bolchevique) le droit de considérer Marx comme un charlatan qui n’entendait pas grand chose aux mécanismes de l’économie.

Je n’entrerais donc pas dans un débat de théorie économique pure.

Simplement, la théorie de la plus value de Marx, qui repose elle même sur celle de la valeur-travail élaborée par des économistes libéraux (Ricardo en particulier) a laissé perplexe nombre de ses commentateurs. Au point qu’il s’est efforcé de la préciser par une théorie du profit dans le livre 3 (inachevé) du Capital, pas plus crédible.

Ce qui ne veut pas dire que l’ensemble de l’œuvre de Marx doit être jetée à la poubelle. Ni qu’elle doit être récitée comme un catéchisme.

13/10/2024 11:26 par michel49

On ne peut eviter de remarquer le virage opéré par le capitalisme anglais au 19° siecle lorsqu’il a aboli l’esclavage pour la seule raison que la fourniture d’un logement et de nourriture pour l’esclave coutait plus cher que salaire minimum versé à un ouvrier chargé de se procurer lui-même les "ingredients" de sa subsistance.

13/10/2024 17:58 par marti michel

Réponse à Tardieu Jean-Claude, celle écrite du 8 octobre à 17h04.
Je laisse de côté toutes les critiques sur Todd qui n’est pas, de son propre aveu, marxiste. Ce qui n’est pas le cas de Clouscard : j’ai simplement trouvé intéressant de rapprocher les analyses de Todd avec celles de Clouscard qui mettent en perspective l’évolution des sociétés occidentales dans le cadre de ce « nouveau » capitalisme qui se met en place après la seconde guerre mondiale. Todd la décortiquant en tant que sociologue et historien, Clouscard entrant dans le mécanisme capitaliste mis en pratique par la social-démocratie acquise au libéralisme.
Je crois cependant qu’il y a un séreux malentendu dans la réponse de Tardieu Jean-Claude. C’est l’objet de ma mise au point.
En disant qu’une partie de l’extrême gauche française impute à la disparition du PCF la faiblesse politique actuelle de la classe ouvrière et du coup la nécessité de le reconstruire, j’y donne un sens précis : il s’agit bien pour ces organisations de constituer un nouveau parti à l’image du PCF de la belle époque, de le reconstituer, de retrouver ses racines originelles communistes. Ce que je comprends totalement. Même si je suis persuadé que ces organisations construisent en fait de nouveaux regroupements révolutionnaires qui n’ont et n’auront rien à voir avec le dogmatisme PCF du stalinisme triomphant. Du moins, je l’espère !
En aucune manière il ne s’agit de discréditer l’engagement militant, ce que semble me prêter Jean-Claude.
J’ai passé une bonne partie de ma jeunesse à militer dans l’extrême gauche trotskyste -LC, LCR-OCI_ (dont l’alignement atlantiste des dernières décennies me catastrophe !), et toute ma vie professionnelle en tant que cégétiste (garçon d’hôpital, fraiseur, puis cheminot) pour finir à la retraite Gilet Jaune , ce que je suis toujours. Tout ça pour dire que rester assis dans mon canapé, pas trop mon genre !
Et pour dire aussi qu’il m’a fallu pas mal de motivation pour lire Todd et Clouscard, souvent le dico à portée, car la philo, pas trop mon truc ! Mais, comme le disait mon grand père anarchiste ouvrier bouchonnier espagnol et autodidacte : l’ouvrier se doit d’être un intellectuel, et fier de l’être !
Je suis ses traces.

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