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Coopération chinoise et impérialisme étatsunien

Il faut remonter loin dans le temps pour trouver un président des États-Unis qui ne s’intéresse absolument pas au continent africain. Malheureusement pour les Africains, Obama n’est pas de cet avis et l’Empire cherche aujourd’hui à contrebalancer la présence chinoise par tous les moyens. Et ils le font à leur manière : en militarisant le continent et en intervenant dans les affaires internes de ces pays… pour défendre leurs propres intérêts. Mais la politique qui est en train d’être déclinée fait émerger des doutes jusqu’à l’intérieur même du département d’État américain. Pourtant, des forces spéciales occupent désormais le rôle que tenait jusqu’à présent la CIA (Central Intelligence Agency) en Afrique ; et comme cette dernière, elles entraînent les armées locales à contrôler et à éliminer les terroristes supposés, avec des effectifs nombreux et des ressources qui le sont tout autant.

« La lutte contre le terrorisme ». Une phrase dont on nous rebat les oreilles pour justifier n’importe quel tour de cochon et qui sera reprise à l’envi par les media occidentaux… La réalité est malheureusement plus prosaïque : les Chinois, et non cette espèce de feuille de vigne que représente le terrorisme islamo-africain, sont en réalité le véritable ennemi que combattent les États-Unis au sud du Sahara dans une guerre qui n’est pas déclarée mais qui apparaît désormais évidente.

Les Chinois ne sont évidemment pas le père Noël, mais ils ont une approche profondément différente de celle, brutale, qu’a eue l’Occident depuis des siècles sur le continent africain. En effet, les Occidentaux, déjà coupables de la peu reluisante traite des esclaves, ont construit et construisent bien peu pour le continent noir ; en revanche, ils continuent de rafler les immenses ressources qui s’y trouvent, décrétant de facto la mort de millions d’êtres humains.

En outre, les Chinois n’utilisent pas comme les États-Unis ces pays pour y implanter des bases militaires à partir desquelles ils bombardent d’autres pays africains (cf. la Somalie) ou pour agresser les pays moyen-orientaux comme le font les valets de la démocratie étatsunienne.

Ainsi Ouagadougou, capitale du Burkina Faso dont l’actuel président Blaise Compaoré déposa puis assassina en 1987 Thomas Sankara, faisant ainsi régresser de quelques dizaines d’années son propre peuple en annihilant toutes les conquêtes de la révolution sankariste, est devenue la clé de voûte de l’espionnage des États-Unis en Afrique. Dans le cadre d’une action de surveillance répondant au nom de code de creek sand, des fonctionnaires et des entrepreneurs étatsuniens ont conclu avec les autorités locales la construction d’une base aérienne de dimensions modestes dans la zone militaire de l’aéroport international. à partir de là , d’ « inoffensifs » avions espions partent en direction du Mali, de la Mauritanie et du Sahara à la recherche des combattants d’Al-Qaïda au Maghreb islamique spécialisés dans l’enlèvement d’otages occidentaux. Même si la dangerosité de ces groupes, qui opèrent exclusivement à un niveau local et dont les revendications ne peuvent représenter un réel danger pour les États-Unis, reste à prouver... Mais le « terrorisme international » est devenu le terme magique qui permet de cacher les véritables intentions de l’Oncle Sam en Afrique, à savoir l’accaparement des ressources et le contrôle militaire du territoire.

Mais ce qui est en train de se passer au Burkina Faso n’est pas un cas isolé. Le Pentagone étudie également l’ouverture d’une base au sud-Soudan, pays né récemment de la partition du Soudan et qui assurait avant celle-ci 85 % de la production des 470.000 barils quotidiens de l’ensemble du pays. Le pur fruit du hasard…

En Afrique de l’est, les bases sont déployées en Éthiopie, à Djibouti, au Kenya et aux Seychelles. De là partent pour le Pakistan et le Yémen les drones Predator et Reaper. Une douzaine au moins de bases aériennes ont ainsi été crées depuis 2007, et les opérations n’ont cessé de s’intensifier au cours des derniers mois. Les forces spéciales américaines sont d’évidence en train d’acquérir un rôle croissant au sein de l’administration Obama en agissant au vu et au su de tout le monde… et pas seulement en zone de guerre.

L’approche du continent africain par les Chinois s’inscrit de toute évidence en faux par rapport à ces pratiques belliqueuses. Ce n’est pas un hasard si nombre de traités d’amitié et d’accords commerciaux lient déjà Pékin avec différents pays subsahariens. Bien sûr, une kyrielle de journalistes occidentaux mettent l’accent sur le caractère peu démocratique de certains pays africains qui commercent avec la Chine, mais la mauvaise foi de la plupart d’entre eux est d’autant plus grotesque qu’ils ignorent systématiquement ce que font les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne ou tout autre pays de l’Union européenne dans cette même Afrique ou au Moyen-Orient… où le critère de choix des pays partenaires n’est pas la démocratie mais plutôt la fidélité aux intérêts stratégiques étatsuniens.

Aux critiques susmentionnées, l’une des réponses donnée par les Chinois est le droit à l’autodétermination des peuples ainsi que celui de choisir librement leur gouvernement et la voie de leur développement, et ce sans aucune ingérence de puissances extérieures. Des principes qui apparaissent difficilement réfutables… Mais, au-delà de ceux-ci, le point à prendre réellement en compte est de savoir si l’intervention chinoise est bien acceptée des populations africaines. Une question peu anodine tant les interventions occidentales en Afrique, mais aussi au Moyen-Orient et pendant de longues décennies en Amérique latine, ont été fortement contestées par les populations mais largement applaudies par les gouvernements corrompus. Et force est de constater que l’intervention chinoise, sur laquelle il est très facile de se documenter, est bien considérée par les peuples africains qui, malgré quelques défiances naturelles dues à des us et coutumes radicalement différents, voient d’un bon oeil se construire des routes, des aéroports, des écoles, etc. Parallèlement, les Chinois fournissent les structures fondamentales nécessaires aux pays africains pour pouvoir affiner leurs ressources naturelles et ne plus être de simples exportateurs de richesses en échange de quelques miettes lâchées par l’Occident.

La Chine, je le répète, n’est pas le père Noël mais un pays qui ne traite pas avec les autres sur le mode impérialiste ou néo-colonialiste. Preuve est que les Chinois maîtrisent encore aujourd’hui l’art antique du commerce dont ils ont été les maîtres incontestés pendant des millénaires. Ils ont besoin de ressources et de matières premières pour soutenir le développement exponentiel de leur pays (et assurer une augmentation du niveau de vie de leurs compatriotes), mais ils le font dans le respect des peuples et avec une approche qui va bien au-delà de la simple relation commerciale. Mais la chose la plus importante à souligner est qu’ils ne pillent pas les ressources africaines comme les puissances occidentales le font depuis des siècles. C’est en fait la différence fondamentale qui sépare les Chinois des Occidentaux.

Capitaine Martin

Résistance http://www.resistance-politique.fr/article-cooperation-chinoise-et-imperialisme-etatsunien-107511712.html

COMMENTAIRES  

29/06/2012 17:51 par CD

La Chine est désormais bien implanté sur le continent africain et ailleurs mais ce n’est pas de l’impérialisme ! Voilà qui mérite qlqs développements. Par certains côtés on peut admettre qu’elle s’y prend différemment que les USA. C’est certain. De là à dire qu’elle n’est pas impérialiste, c’est y aller un peut fort. Il faudrait montrer que, par exemple, elle pratique une coopération inégalitaire mais à sa défaveur . Christian DELARUE

29/06/2012 20:08 par Geb.

elle pratique une coopération inégalitaire mais à sa défaveur

Ca existe çà  ???

Dans un Monde capitalo impérialiste ???

Même Cuba avec ses Médecins on ne peut pas dire qu’il pratique une "coopération inégalitaire mais en sa défaveur". Ses médecins c’est aussi son arme de survie.

La vraie "coopération" c’est l’enrichissement mutuel par l’échange. Culturel mais aussi matériel.

Je n’ai jamais connu quelqu’un qui échange avec un autre durablement en n’en tirant aucun bénéfice. Au moins moral pour lui-même.

Et je pense que l’"échange" même dans un Monde communiste idéalisé, ça dit bien ce que ça veut dire : "Je te donnes quelque chose et tu me rends autre chose en échange".

A parité de valeur.

Reste évidemment à définir la "valeur" ; mais ça ça reste du sentiment subjectif des deux parties.

Pour le reste, même la "charité" à la porte des églises il y a un espoir de retour pour celui qui donne. Ici ou dans l’au-delà .

Geb.

29/06/2012 21:01 par legrandsoir

Même Cuba avec ses Médecins on ne peut pas dire qu’il pratique une "coopération inégalitaire mais en sa défaveur". Ses médecins c’est aussi son arme de survie.

Ca dépend des cas. Avec le Venezuela qui a de l’argent, oui, dans le cas de Haiti, non.

29/06/2012 22:11 par latitude zero

La Chine fait du commerce mais pas de politique.( ou le moins possible !)
Son pragmatisme commercial peut aussi bien traiter avec une dictature qu’avec un pays progressiste.
Seul son approvisionnement compte
Par contre elle respecte les règles et pour l’instant je ne vois pas de coups tordus à lui attribuer, si ce n’est que quand elle traite avec une dictature elle sait pertinemment que son argent ne servira certainement pas à des réformes sociales !
Mais elle peut aussi construire des infrastructures qui serviront au peuple du pays concerné, comme un pont ou une route , qui lui servira aussi à acheminer son minerai au port le plus proche !!

Le problème est que ce pays est à l’échelle d’un continent , et qu’il aura tôt fait d’aspirer toutes les dernières ressources de la planète pour rejoindre le niveau de vie des occidentaux.

Et c’est là ou je crains le pire, surtout du coté de nos " amis" états-uniens qui paniquent et aussi sur le plan écologique.

30/06/2012 02:23 par Bonjour

J’aime beaucoup cet article pour sa vision géopolitique particulièrement originale.

Les Chinois apportent effectivement une certaine sagesse dans ce continent bouillonnant, par exemple, au Congo aujourd’hui.

On peut même regretter qu’ils n’aient pas été présents au Rwanda avant la guerre civile.

30/06/2012 09:37 par manant

Il convient de ne pas oublier "”ceci à l’intention de CD"” certains enseignements de l’histoire récente. Ce qui fait la force de l’impérialisme, c’est bien sa mainmise sur les richesses de l’Afrique, doublée d’une spéculation, dont il a le monopole depuis la City de Londres, sur les matières premières. C’est cela que les Chinois veulent contourner en traitant directement avec les pays concernés et en les respectant "” en ne les volant pas "”. Le deuxième point à ajouter consiste à rappeler que, d’un certain point de vue, même le développement capitaliste "”selon les lois du marché dictés par l’impérialisme étasunien "” s’est imposé à la Chine comme l’unique moyen pacifique de combattre le monde capitaliste, sur son terrain et avec ses armes.
Depuis son unification politique en 221 avant J.C, la Chine a souvent été plus une proie qu’un prédateur. Cela laisse des traces.

30/06/2012 10:16 par Luxum

La Chine a des ambitions régionales et non mondiales contrairement aux États-Unis. La Chine souhaite devenir le nouveau moteur de la mondialisation et le pilier de l’Asie. Ces méthodes en Afrique ne peuvent être assimilé à de l’impérialisme car le but ici n’est pas de conquérir mais de nouer des relations commerciales.
Toutefois, si la politique étrangère chinoise est plus "humaine" que celle des US, sa politique intérieur, elle, est bien pire. Les Chinois ont exacerbé les méthodes de manipulations mentales par les médias calqués sur celles des États-Unis. Le capitalisme y est encore plus féroce et le travail s’apparente à de l’esclavage.

30/06/2012 10:35 par legrandsoir

Que d’affirmations assénées avec aplomb. C’est bien connu, nous sommes super bien informés sur la Chine et nos médias font un travail remarquable sur ce sujet. N’est-ce pas ?

Allez, sans consulter Google : comment s’appelle le président de la Chine ?

Combien de lecteurs ont trouvé la bonne réponse ?

30/06/2012 19:33 par Yannik

30/06/2012 à 10:35, legrandsoir
Que d’affirmations assénées avec aplomb. C’est bien connu, nous sommes super bien informés sur la Chine et nos médias font un travail remarquable sur ce sujet. N’est-ce pas ?

Je n’ai pas la moindre idée de ce que peuvent dire vos médias à propos de la Chine, mais ce qu’en dit plus haut votre contradicteur me semble à mon sens plutôt pertinent et très certainement pas très éloigné de la réalité quelle qu’en soit la forme de l’énoncé.

30/06/2012 23:49 par latitude zero

Allez, sans consulter Google : comment s’appelle le président de la Chine ?

Combien de lecteurs ont trouvé la bonne réponse ?

Et combien seraient capables d’écrire son nom en Mandarin , hein !!!?

Voilà ce qui arrive quand on s’informe UNIQUEMENT sur nos médias mainstream

Bande d’ignares va !!!

01/07/2012 16:16 par les points sur les i

La Chine est un pays capitaliste, une puissance impérialiste, mais ses rapports avec le sud, ne serait-ce que pour combattre les vieux rivaux bien implantés, sont certainement moins sauvages et non racistes. Toutefois, ce serait naïf que de croire que c’est par charité que les chinois s’installent en Afrique. il faut éviter toute naïveté fanatique. C’est bon pour l’Afrique, la demande pour ses matières premières est diversifiée par la concurrence.

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