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Cuba : Sur la route du Malecón


La Havane, 16 février 2007.


« Pierre, un français rentrant de Cuba m’a envoyé un texte. Puisque tu vas là -bas, peux-tu en vérifier la véracité ? » me dit un ami. Soit ! On va en lire ici quelques extraits, précédés de « Touriste », suivis de mes réponses : « R ».


Touriste : A La Havane, nous étions logés dans une casa particular (sans licence d’ailleurs) a proximité de l’ambassade américaine et des "drapeaux noirs".On dit qu’ils servent a masquer les messages diffusés sur des écrans géants depuis l’ambassade. Toutes les routes permettant de passer en voiture pour lire ces messages sont barrées, et un grand nombre de policiers patrouille devant l’ambassade pour empêcher les cubains/touristes de s’en approcher. Ils nous ont forcés à circuler.

R. Cher Pierre, j’écris ces lignes de La Havane, logé dans une casa particular (déclarée au fisc) dont le balcon du 9 ème étage donne sur ce qu’on va appeler, pour faire court, « l’ambassade américaine » (c’est la Section des Intérêts Nord-Américains : SINA), laquelle est un grand bâtiment parallélépipédique. La façade, dont un étage supérieur est occupé par des messages lumineux défilants est perpendiculaire au Malecón (le boulevard qui longe la mer). Ces messages (politiques) ( N.d.l.r et hostiles au gouvernement cubain) ne sont guère visibles du tronçon du Malecón condamné par des barrières de travaux, mais bien du Malecón ouvert à la circulation dans le sens Vedado/Miramar et par une partie de La Havane. Je les vois très bien de mon immeuble. Quant aux drapeaux noirs, dire qu’ils cachent les immenses messages est aussi juste que de prétendre que dix chiures de mouches dans le coin de l’écran d’une télé censurent les émissions. Ils sont une réplique politique aux messages lumineux et symbolisent des victimes cubaines du terrorisme états-unien.


Ambassade US à La Havane. On aperçoit des drapeaux noirs à sa droite. Au fond, la mer.



Le deuxième jour de mon arrivée, pour aller à Miramar, j’ai pris un taxi qui a pesté contre les barrières obligeant à faire un détour. J’ai constaté QU’AUCUNE DES AUTRES ROUTES autour de l’ambassade n’était barrée. Le lendemain, j’ai décidé d’aller voir, à pied, s’il y avait ou pas des travaux. Surprise ! Le tronçon du Malecón était rouvert à la circulation. J’ai pu constater de mes yeux que la voie avait été goudronnée de frais. C"est bête, hein ?
Tout autour des grilles de l’ambassade, des policiers en faction (et non patrouillant), un tous les 20 ou 30 mètres.

De l’autre côté du Malecón, côté mer, en face de la façade la plus étroite et aveugle de l’ambassade, a été apposé un grand panneau figurant une affiche de cinéma annonçant la sortie d’un film : « Proximamente en las cortes norteamericanos » On y voit Bush avec des dents de vampire et ce titre : « EL ASASINO ». Le L est représenté par un pistolet, canon dressé. En dessous, le nom des acteurs : « Con Posada Cariles y George Bush » (Cariles est le terroriste réfugié aux USA qui fit exploser en vol un avion de ligne cubain). C’est de ce panneau-là qu’ont été privés des Habaneros avec les travaux.

Quand j’ai sorti mon appareil photo, un policier m’a fait signe de la main que je ne pouvais pas. Par signes (plusieurs voies de circulation nous séparant), je lui ai indiqué que je ne voulais pas photographier l’ambassade, mais le panneau. Il m’a donné son accord d’un hochement de tête.

Puis, j’ai fait tout le tour de l’ambassade, mais sans essayer de la longer côtés grilles (et encore moins de les escalader : c’est mon côté un peu couard). Toujours des policiers en faction. Je crois savoir que l’ambassade américaine à Paris et tous les bâtiments officiels « sensibles » sont aussi gardés. Ceux qui ne veulent pas voir à tout prix un Etat policier à Cuba, comprendront que les Cubains ne peuvent se permettre la moindre provocation contre ce bâtiment-là . Lequel, lui, provoque La Havane. ET J’AJOUTE QUE JE NE CONDAMNERAIS PAS CUBA SI ELLE PRETEXTAIT FAUSSEMENT DES TRAVAUX POUR RENDRE INOPERANTE UNE PROPAGANDE AGRESSIVE ET HOSTILE QU’ON NE TROUVE SOUS CETTE FORME DANS AUCUNE AUTRE AMBASSADE AU MONDE. EN PRINCIPE, CE SONT DES LIEUX DE DI-PLO-MA-TIE.


Touriste : Les explications des chauffeurs de taxis étaient toutes différentes : rénovation de la route, danger dû aux vagues de l’océan, sécurité de l’ambassade. Un seul nous a explique (à demis mots) que le "Mitterrand cubain" ne voulait pas que les messages de l’ambassade soient lus. En fait, les cubains ne parlent jamais spontanément de Fidel Castro.

R. Et c’est le quatrième, cher Pierre, que vous avez « spontanément » cru, celui qui accusait. Il eut fallu, cher monsieur, aller y voir à pied. La route était barrée aux automobilistes, pas aux piétons, si ?

Dire que les Cubains ne parlent jamais de Castro est faux. J’en discute avec eux.
Le 8 février, lors de la soirée inaugurale de la gigantesque foire du livre, quand Abel Prieto, le jeune (et chevelu) ministre de la Culture a évoqué dans son discours « nuestro querido Fidel », des applaudissements ont jailli de la foule, si longs qu’il a dû renoncer à plusieurs reprises à reprendre sa phrase. Et il n’y avait pas de policier dans le dos de chacun des invités. Mieux, quand, trouvant que cinq mètres de distance c’était trop pour réussir une bonne photo de Raúl Castro, j’ai voulu aller jusqu’à lui, un agent de sécurité en polo, armé d’un redoutable badge en carton épinglé sur sa poitrine, m’a gentiment dit de ne plus approcher. J’en déduis que l’économie est en telle faillite qu’ils ne peuvent même pas se payer des uniformes bleus, des matraques, des rangers, des chiens dressés et des vigiles aux mâchoires carrées et aux chevalières de même forme. J’en ris encore : la sécurité du dirigeant N° 1 est assurée par des mous du biceps, incapables de me jeter à terre et de me menotter dans le dos après avoir piétiné mon appareil numérique et en me savatant le pif au passage.


Touriste : Les Cubains veulent-ils tuer Fidel Castro ? Aucun n’osera vous l’avouer en face !

R. J’ai un trou : c’est dans quel pays, déjà , que les citoyens rencontrant un touriste osent « lui avouer en face » qu’ils veulent tuer leur chef d’Etat ?


Touriste : De toute façon, ils savent que la mort de Castro risque de ne rien changer à leurs problèmes.

R. La mort de Bush, peut-être ?


Touriste : Les Cubains ont peur de parler de politique, même dans l’intimité d’un taxi.

R. Dans l’intimité d’un taxi cubain, j’ai parlé de politique et j’ai été scié par la connaissance du chauffeur sur les choses du monde. Idem à la terrasse d’un restaurant, dans une bibliothèque publique, etc. Par contre, lisant Libération dans l’avion, j’ai vu une longue enquête sur la peur des Français à se situer politiquement devant leurs collègues de travail. Mais, dès qu’ils voient un touriste curieux, les Français brandissent leur carte de l’UMP ou du PS et adorent raconter au premier venu ce qu’ils font derrière ce paravent ridicule appelé isoloir, pas vrai ?


Touriste : La Cuba révolutionnaire est très "pesima" comme ils le disent eux même.

R. Moi, j’ai rencontré des Cubains qui, en réponse à la question (dont ils doivent avoir marre) : « Et après Castro, que va-t-il advenir ? » disent : « Nada, il y a Raúl et tous les autres ».
Et puis, cher touriste, évitez de vous contredire. Tantôt ils ne veulent pas parler politique, tantôt ils en parlent pour critiquer (« pesima » : très mauvaise). Aller à Cuba et ne pas rencontrer un Cubain en accord avec son gouvernement, c’est un exploit dont je vous félicite, tout en rechignant à vous délivrer le diplôme de politologue.


Touriste : Les policiers sont bien payés car très peu de Cubains veulent jouer le rôle du méchant flic....

R. Je n’ai pas encore réussi à voir les policiers cubains en situation de méchants. Je les vois polis et respectueux de leurs compatriotes. On devrait envoyer les nôtres en stage ici. Voir dans un attroupement, une vieille dame poser la main sur l’épaule du policier et lui demander : « Dis-moi, petit frère (hermanito), qu’est-ce qui se passe ? », c’est pas très parisien. Dommage !


Touriste : A La Havane, les policiers sont faciles à acheter.

R. Les chauffeurs de taxis qui m’invitaient à mettre ma ceinture et qui vérifiaient que je l’avais bien fait à l’approche des carrefours où se trouvaient des policiers m’ont paru semblables aux nôtres : évitons un PV.


Touriste : A Santa-Clara, les Cubains qui fréquentent des étrangers risquent jusqu’à trois ans de prison.

R. Trois ans ? Je croyais que c’était 30 (incompressibles) et pendaison en public si récidive.


Touriste : En tout cas, ils auront beaucoup plus de mal dans les démarches administratives.

R. L’Etat se venge par des mesquineries. Quand je pense au nombre de Cubains à qui mon inconscience va nuire ! Blague à part, la pratique du harcèlement des touristes est effectivement combattue. Et c’est bien.


Touriste : C’est ce que je reproche le plus au régime cubain :

R. Pourquoi écrire « régime cubain » ? Qui écrit « régime français, états-unien... » ?


Touriste : Il empêche les citoyens d’avoir des contacts avec l’extérieur ou de voyager, Internet est très surveillé.

R. Aller griller des devises à l’étranger quand le pays en manque est en effet un luxe dont sont privés trop de Cubains. Ce n’est pas un choix politique, mais une nécessité économique. Les dizaines de millions de latino-américains qui vivent en bidonvilles sont eux aussi privés d’aller voyager à l’étranger (et de quelques broutilles en plus). Un peu comme nos jeunes de banlieue dont 40 % sont chômeurs et qui sont privés de visiter Cuba, voire la France.
Sortir du pays ? Il y a plus de médecins cubains en mission à l’étranger que de médecins de tous les autres pays réunis. Pareil pour les enseignants et autres corporations (entraîneurs sportifs, etc.).
Les contacts ? Cuba reçoit 2 millions de touristes qui vont et logent où ils veulent (vous l’avez fait, en fraudant).
Quant à Internet, il est surveillé partout dans le monde. Par les Ricains. Vous l’ignoriez ? Pour Cuba, c’est un peu différent puisque c’est le seul pays au monde à qui la connexion par câble est interdite. Par les Ricains. Du coup, Internet est hors de prix et les usages professionnels sont priorisés (réseaux de médecins, chercheurs, enseignement...). Mais je vous concède que dans la lutte médiatique à mort que les USA doivent d’abord gagner pour assouvir leur rêve ancestral - s’emparer de l’île- Internet souffre de restrictions gouvernementales qui n’auront plus lieu d’être quand la menace qui pèse sur l’île sera levée. Mais à ce jour et sur ce point, les USA sont deux fois coupables et quiconque le passe sous silence l’est aussi.


Conclusion : Pierre, vous êtes partis à Cuba en y emportant votre vision de ce pays. En cherchant à la vérifier, vous nous racontez Haïti et Saint-Domingue. Nombre de vos affirmations sont des interprétations et quelques-unes sont fausses. J’en témoigne d’ici.
En tout cas, merci de me conforter dans ce constat : les amis de Cuba n’ont besoin que des arguments de la vérité pour justifier leur soutien à ce peuple et à ses dirigeants.

Maxime Vivas



Pourquoi les arrestations à Cuba ? par Wayne Smith, ancien responsable la section des intérêts US à la Havane.

Fidel Castro malade, Miss Monde acnéique, presse métastasée, par Maxime Vivas.






COMMENTAIRES  

17/02/2007 07:00 par Fabrice P.

Bonjour,

belle démonstration de tout ce qui se dit et n’importe quoi sur Cuba !

Le peuple cubain a le droit de vivre en paix, agressé politiquement et économiquement depuis tant d’années par les Américains !

J’ai été à Cuba en 1991 & 1992, j’y ai vu un peuple debout et fière de leur révolution...

A bon entendeur,

salut !

17/02/2007 22:00 par Txakal de Iparralde

Bonjour.
J’y ai été en 94 (au plus noir de l’histoire de la Révolution), en 98 et en 2003... Cuba me manque, le Peuple cubain me manque, parce qu’il est digne, debout, et il sait pourquoi il lutte... Les Cubains sont des êtres humains, à la différence de beaucoup d’entre nous, gens des pays développés, qui ne sommes plus que des "consommateurs" repus et revenus de tout, sauf de richesses plus ou moins réelles !
Cuba n’est plus seul... Venezuela, Bolivia, Ecuador... l’épidémie s’étend, l’Humain regagne du terrain... gardons espoir !
Cuba revolucionaria for ever ! Gora Cuba eta iraultza !

17/02/2007 20:53 par Pierre

Bonjour bonjours,

« Pierre, un français rentrant de Cuba m’a envoyé un texte. Puisque tu vas là -bas, peux-tu en vérifier la véracité ? » me dit un ami. Soit ! On va en lire ici quelques extraits, précédés de « Touriste », suivis de mes réponses : « R ».

En fait, Pierre, c’est moi. Je ne suis l’ami de personne (...). En réalité, j’ai donné mon avis sur Cuba en
réponse à un article de "Cuba Solidarity Project". Et cet article, et surtout ma réponse ont été repris ici.

Vous pouvez retrouver cet article à cette adresse, et donc mon commentaire qui va avec. Je vous invite
FORTEMENT à aller le lire.
http://vdedaj.club.fr/spip/article.php3?id_article=611

MERCI de vouloir replacer l’article dans son contexte, et de ne pas sélectionner que les quelques extraits qu’il vous arrange de contester.

Voici donc ma réponse.

Maxime : "Ces messages (politiques) ( N.d.l.r et hostiles au gouvernement cubain) ne sont guère
visibles du tronçon du Malecón".
Pierre : Pourriez vous nous indiquer de quel genre de
messages il s’agit ? lors de mon séjour, ces messages étaient du genre "Cuba est avant dernière au
classements mondial des pays pour la liberté de la presse."
Alors la "PROPAGANDE AGRESSIVE ET HOSTILE", elle provient de Reporters Sans Frontières, et se base surtout sur le nombre de journalistes emprisonnés dans ce pays. Même si la position de RSF vis à vis de Cuba est très critiquée, il s’agit de faits, ni plus ni moins.

Maxime : "Et c’est le quatrième, cher Pierre, que vous avez « spontanément » cru, celui qui accusait. Il eut fallu, cher monsieur, aller y voir à pied. La route était barrée aux automobilistes, pas aux piétons, si ?"
Pierre : Qu’il est facile de me faire dire le contraire de ce que je dis si vous ne citez pas mon texte :-)
Je suis donc bien allé à pied, et la route est bien barrée (par des policiers) aux piétons, c’est à dire qu’il ne m’a pas été possible de m’approcher.
Pourquoi suis plutôt amené à croire le dernier ? mais parce que je ne vois pas de raisons de vouloir cacher de tels messages. Et les autres ambassades ne bénéficient pas de tels niveaux de protection.

Maxime : "Dire que les Cubains ne parlent jamais de Castro est faux. J’en discute avec eux."
Pierre : Je rectifie donc : les cubains adorent dire du bien de Castro, SURTOUT s’ils sont en public, mais coupent court à la conversation si vous chercher à engager un débat plus poussé.
Mon opinion est que, parlant espagnol, je pourrais obtenir d’eux quelques confidences (sans
ambiguïté) qu’ils pourraient avoir à regretter par la suite. Et oui, c’est eux qui ne me faisaient pas
confiance.

Maxime : "J’ai un trou : c’est dans quel pays, déjà , que les citoyens rencontrant un touriste osent « lui
avouer en face » qu’ils veulent tuer leur chef d’Etat ?"
Pierre : C’est d’ailleurs exactement ce que je dis. Allez plutôt relire mon commentaire et ne me faites
pas porter des propos qui ne sont pas les miens.

Maxime : "La mort de Bush, peut-être ? "
Pierre : En tout cas, vous semblez plus la souhaiter que je ne souhaite celle du dirigeant Cubain !

Maxime : "Dans l’intimité d’un taxi cubain, j’ai parlé de politique et j’ai été scié par la connaissance du chauffeur sur les choses du monde."
Pierre : Au lieu de leur parler de la politique dans le monde, parlez leur donc de la politique à Cuba, vous verrez la différence !

Maxime : "Moi, j’ai rencontré des Cubains qui, en réponse à la question (dont ils doivent avoir marre) : « Et après Castro, que va-t-il advenir ? » disent : « Nada, il y a Raúl et tous les autres »."
Pierre : Mais ça ne veut pas dire qu’ils ne voient pas pour autant la situation actuelle comme "pesima" !

Maxime : "Et puis, cher touriste, évitez de vous contredire. Tantôt ils ne veulent pas parler
politique, tantôt ils en parlent pour critiquer (« pesima » : très mauvaise)."
Pierre : C’est à dire que j’ai eu la chance de tisser des liens étroits avec certains d’entre eux, avec qui
j’ai gardé le contact. Ce genre de confidence ne s’obtient que très difficilement, car il faut laisser
à la personne le temps de vous faire confiance.

Maxime : "Aller à Cuba et ne pas rencontrer un Cubain en accord avec son gouvernement, c’est un exploit dont je vous félicite, tout en rechignant à vous délivrer le diplôme de politologue."
Pierre : Ne vous en faites pas, chaque endroit touristique (ou lié au tourisme comme les stations de
bus) possède ses fans, inconditionnels défenseurs du régime cubain, toujours près à discuter avec vous et vous expliquer leur point de vue ! Mais ces gens là sont repérables très facilement.
Mais je vous retourne le compliment : voyager à Cuba, loin des sentiers touristiques, parler espagnol et sympathiser avec des Cubains sans rencontrer le moindre détracteur du régime me semble tout autant un exploit ! Je suppose que quelques uns de vos « amis » se sont occupé de vous faire visiter Cuba sous un angle très subjectif, et se sont assuré que vous ne rencontriez que des Cubains "biens comme il faut".

Maxime : "Les policiers sont bien payés car très peu de Cubains veulent jouer le rôle du méchant flic...."
Pierre : Merci de mettre la phrase complète, ça a beaucoup plus de sens ainsi :
"Cuba est un pays ou les policiers sont payes plus cher que les médecins. Pourquoi ? car très peu de
cubain veulent jouer le rôle du méchant flic qui va devoir empêcher son pauvre voisin de s’adonner a son « trafic » pour faire vivre sa famille."

Maxime : Vous me citez : "A La Havane, les policiers sont faciles à acheter."
Pierre : Merci de mettre la phrase complète, vous m’attribuez ce que des cubains ont dit (moi je
n’essaie pas d’acheter les policiers !).
"La Havane est une ville ou les gens sont décidement plus cool, car "les policiers sont plus facile a
acheter" comme on nous l’a dit, mais ce n’est plus pareil en province."

Maxime : "Trois ans ? Je croyais que c’était 30 (incompressibles) et pendaison en public si récidive."
Pierre : Ca a l’air de drôlement vous amuser, mais ce n’est pas le cas des Cubains.

Maxime : "Blague à part, la pratique du harcèlement des touristes est effectivement combattue. Et c’est bien."
Pierre : Je suis d’accord avec vous, dans une certaine mesure c’est bien. Mais c’est instrumentalisé pour
élargir le fossé qui existe entre les cubains et le reste du monde.

Maxime : "Pourquoi écrire « régime cubain » ? Qui écrit « régime français, états-unien... » ?"
Pierre : Pour ne pas mettre le peuple cubain et ses dirigeants dans le même sac. Un peuple n’est pas
toujours responsable de ce que font ses dirigeants.

Maxime : "Sortir du pays ? Il y a plus de médecins cubains en mission à l’étranger que de médecins de
tous les autres pays réunis. Pareil pour les enseignants et autres corporations (entraîneurs
sportifs, etc.)."
Pierre : C’est vrai. Mais ce n’est pas du tourisme.

Maxime : "Les contacts ? Cuba reçoit 2 millions de touristes qui vont et logent où ils veulent (vous
l’avez fait, en fraudant)."
Pierre : J’ai fraudé, mais bien malgré moi. Le prix était le même pour moi de toute façon, seule la
logeuse a fait des bénéfices, et je ne lui en veux pas vraiment. Je m’en suis rendu compte le lendemain en cherchant la plaque qui désigne une casa particular agréée.
Dire qu’on peut aller et loger ou on veut, c’est montrer de manière flagrante que vous n’avez pas
beaucoup voyager sur cette île, en tout cas en « autonome ».

Maxime : "Quant à Internet, il est surveillé partout dans le monde. Par les Ricains. Vous l’ignoriez ?"
Pierre : Croyez moi, je suis bien au courant de ça. C’est inacceptable, sauf que je peux écrire ce que bon me semble dans mes mails sans être inquiété par la NSA. Comme je l’ai dit, je corresponds régulièrement avec un cubain, et (on s’était entendu sur place) je dois faire extrêmement attention à ce que je raconte dans mes mails, pour ne pas lui créer d’ennuis. Attention en particulier aux mots pouvant être sélectionnés par l’échelon cubain.

Maxime : "Pierre, vous êtes partis à Cuba en y emportant votre vision de ce pays. En cherchant à la
vérifier, vous nous racontez Haïti et Saint-Domingue. Nombre de vos affirmations sont des interprétations et quelques-unes sont fausses. J’en témoigne d’ici."
Pierre : Et vous savez le pire ? j’étais TRES "anti impérialisme américain" (je le suis TOUJOURS), et
j’étais pro-cuba avant d’y aller. C’était pour moi un peu comme un vieux rêve d’aller sur cette île.
Autrement dit, j’étais conditionné à l’avance pour aimer Cuba. Mais ça n’a pas été suffisant, être honnête avec soi-même vous force à voir les choses en face, même des choses qui ne vous font pas plaisir à voir.

Maxime : "En tout cas, merci de me conforter dans ce constat : les amis de Cuba n’ont besoin que des
arguments de la vérité pour justifier leur soutien à ce peuple et à ses dirigeants."
Pierre : J’en conclus que vous ne faites pas partie des amis de Cuba alors. Sinon, pourquoi avoir
volontairement détourné mes propos ? C’est sûr, c’est plus facile d’argumenter de la sorte.

En conclusions :
Que les choses soient bien claires, sur tout ce qu’on entend dire sur Cuba, ils y a des choses vraies et
d’autres moins vraies.
Par exemple, le rôle des Etats-Unis est extrêmement critiquable, et leur attitude n’est pas justifiable,
c’est incontestable. Je pense à l’embargo (ou blocus), la tentative d’invasion (baie des cochons), l’emprisonnement des 5 cubains qui avaient infiltré la "mafia" de Miami, et les attentats terroristes qu’elle revendique, ses tentatives d’assassinat, sa politique d’immigration envers cuba, les restrictions aux américains d’origines cubains pour voyager ou échanger des devises avec leurs famille, et les représailles envers les compagnies étrangères qui travaillent avec cuba. Bref la liste est longue, mais ne suffit pas à laver les dirigeants cubains.
D’autres me paraissent déjà plus acceptables, je pense à ce qui touche à la communication, comme l’affichage sur l’ambassade américaine, le financement de radio ou télévision diffusées depuis la Floride, qui servent surtout à donner une seconde interprétation. Disposer de plusieurs points de vue ne peut pas faire de mal.

Ce sont les choses qui me faisaient être nettement en faveur de Cuba sur cette question. A cela s’ajoutaient les "réussites Cubaines" (santé et éducation, même si j’ai aussi apris à nuancer la porté de ces réussite). Mais il fallait que je me fasse une idée sur ce qu’est Cuba, "de l’intérieur" tellement on entend dire de choses contradictoires sur cette île en parcourant le web ou les médias. D’où ce voyage, meilleur façon de ne pas dépendre des autres pour avoir une opinion.
J’étais venu chercher l’exemple qu’une "seconde voie", qui ne soit pas celle du libéralisme à l’américaine pouvait réussir. Mais finalement, c’est la déception. J’y ai surtout trouvé un état qui ne laisse que peut de place pour la liberté d’opinion et d’expression. Et que voulez vous que je vous dise ? Que puis-je y faire ? Je suis le premier à avoir été déçu, mais c’est n’est pas au profit d’une vision pro étasunienne loin de là (oui c’est possible). Maintenant, mon regard se porte sur l’amérique du Sud, et son récent "virage à gauche", mais là encore, je n’aurai pas d’opinion tranchée avoir vu par moi même sa réussite.

Un conseil, vous êtes partis à Cuba en y emportant votre vision de ce pays, alors retournez y (encore et encore, car tous vos précédents voyages n’ont visiblement pas été suffisant), mais évitez les circuits touristiques, où vous attendent de toute façon tous ces « amis » qui s’assureront que vous repartez avec une vision « correcte » de Cuba, et alors soyez objectifs !

Et à tout les autres, je donne ce même conseil, si vous vous intéressé à « la question cubaine » ce débat ne sera rien qu’un débat de plus avec des pour et des contre. Rien de vaut le déplacement dans l’île pour se faire une idée, surtout si vous parlez espagnol, même à peine. De toute façon, les cubains parlant anglais sont plutôt à éviter car (en général) liés au tourisme. Fuyez Valadero, ne vous attardez pas dans la Havane et autres lieux trop touristiques, bref, allez à la rencontre de Cuba et des Cubains, vous vous forgerez votre propre avis, bien mieux qu’en lisant tout les débats existants sur le net.

Cordialement
Pierre

27/02/2007 18:45 par risi

Je reviens de cuba (février 2007. Avant de partir, j’ai lu dans un journal français que varadero était "interdit aux cubains". Je suis allé à Varadero et sur la plage publique, j’étais le étanger. Le restant des baigneurs était cubain ou cubaine.
Que les équipements des plages des hôtels touristiques soient réservées aux clients, c’est quant même normal. En france, c’est pareil. Arrêtez donc de raconter n’importe quoi sur Cuba sans y être allé.

03/03/2007 20:58 par Anonyme

"Que les équipements des plages des hôtels touristiques soient réservées aux clients, c’est quant même normal." Si on parle des équippement oui, mais pas des plages, je ne crois pas que ce soit autorisés en France d’ailleurs.

Il me semble qu’il y a deux "vraies" plages accessibles aux cubains, les deux qui sont accessibles depuis la ville.

Mais toutes les belles plages, là où se trouvent les hotels, sont interdites aux Cubains. C’est aussi à ça que sert le bracelet (qu’on ne peut enlever sans briser) que tout les touristent portent... faut être myope pour ne pas voir la surveillance omniprésente sur les plages.

Et tout les cubains ne peuvent pas aller sur Valadero. Je suppose que vous avez remarqué la "douane" à l’entrée de la presqu’île...

04/03/2007 18:22 par Anonyme

C’est bien d’être vigilant sur Cuba. C’est mieux de l’être sur son propre pays. La loi française interdit les plages privées. Va voir sur la Côte d’Azur et revient (entier) après t’être baigné "librement" de Nice à Marseille. Si l’exploit s’avère impossible, ne pas omettre d’écrire un article sur le "régime" français, "son dictateur vieillissant", "le lider maximo Chirac" et sur la "NomenKlatura" qui nargue Marius et Olive depuis ses hôtels luxueux et ses pages privées et gardées. Ne pas passer sous silence que la France, pays riche, n’a pas besoin de ces nababs pour survivre. Elle les accepte par mollesse, torpeur, lâcheté et étourderie : les yeux braqués sur Varadero, elle oublie Nice, Monte-Carlo, St-Trop...

* * *

Les belles plages devant les hôtels sont réservées aux touristes sans lesquelles il n’y aurait pas d’hôtels, et peut-être plus de Cuba. Il reste des milliers de plages superbes dans ce pays. Evidemment, on peut dire : Non, c’est celle-là que je veux ! A faire aussi sur la Côte d’Azur.

Il reste que le tourisme, qui a sauvé Cuba au moment où le monde entier la voyait tomber dans l’escarcelle US, produit des effets pervers (que le gouvernement cubain déplore). Quelqu’un veut leur proposer de fermer les frontières et les hôtels ? La justice, la liberté, la souverainté nationale vont y gagner ? Je pose les questions.

Maxime Vivas

03/03/2007 19:23 par Anonyme

Je rentre de Cuba et il est peut-être un peu tard pour répondre à Pierre.
Quelques mots cependant. Le risque pour un touriste, est double :

- comparer un petit pays pauvre, sans trop de ressources, menacé de mort, à la France, pays riche, doté de l’arme nucléaire et que nul ne menace.

- imputer à un système politique les défauts inhérents au niveau de développement du pays.

Dans une bibliothèque, à un mètre de la bibliothécaire et d’un homme qui est entré et s’est assis silencieusement près de nous, une jeune Cubaine m’a dit puis que pendre de son pays. Je lui ai fait remarquer qu’elle me parlait en fait, non pas du système socialiste cubain, mais du tiers monde. Elle m’a alors raconté comment il est interdit aux noirs de fréquenter la rue Obispo (passante et commerçante). J’ai foncé y voir : c’est faux. La jeune fille, érudite parfaitement trilingue, va épouser un étranger et partir en Europe où l’éducation reçue gratuitement de son pays la positionnera bien sur le marché de l’emploi. Elle a besoin de justifier sa fuite économique.

Beaucoup de Cubains qui approchent les touristes dans la rue sont des types dont la principale ressource est le touriste. Ils ne travaillent pas. En trois semaines, j’en ai repéré, chaque jour au mêmes endroits et inquiets de l’arrivée possible d’uniformes quand ils m’approchaient.
Parler avec ces marginaux et croire qu’on a parlé au peuple est une grossière erreur. Ceux qui ne truandent pas vous abordent sans peur. Mais après leur journée de boulot ou les jours de repos !

Dans les lieux publics, restaurants, terrasses, j’ai parlé de tout avec les Cubains. J’ai simplement eu la modestie de ne pas les prendre pour des sous-Français qui doivent vider leur coeur politique devant un étranger sous peine de me prouver qu’ils ont peur.

Vous n’imaginez pas, quand la garantie du respect et l’absence de tout comportement néo-colonialiste sont apportés, combien ceux qui ne magouillent pas peuvent se livrer à des analyses critiques, fortes, libres et intelligentes. Je vous signale aussi que, dans la presse cubaine, pourtant étriquée, j’ai vu des articles et dessins humoristiques d’une impertinence qui m’a surpris, tant je finissais moi aussi par croire, par moment, à lire notre presse, que tout était Pravda sous les tropiques.

Un dessin dans Rebelde : une femme enceinte demandant au médecin : « C’est pour quand ? » s’entend répondre : « ça, madame, c’est comme l’eau. On sait qu’elle arrivera, mais on ignore quel jour et à quelle heure. »

Problèmes d’alimentation, de logement, de transport ? Une réunion au sommet a lieu. Je lis dans Granma une introduction de Raul Castro qui dresse un bilan sévère et qui précise (je cite de mémoire) : « Je ne vous demande pas des explications, des justifications. Je les connais, ça a assez duré. Et je rappelle que l’an dernier, il n’y a eu ni cyclone, ni sécheresse. Je veux entendre des solutions datées ». On a vu pire comme langue de bois.

Donc, Pierre, j’ai rencontré des Cubains critiques, dont certains dirigent l’Etat. Etonnant, non ? Mais dans mes récits de la réalité cubaine, j’essaie d’éviter les erreurs qui permettraient à l’Empire de progresser dans la bataille médiatique sans laquelle une attaque militaire est prématurée.

Je suis sûr que nous convergeons sur ce point.

Maxime.

21/02/2007 16:52 par Thierry BONHOMME

Je reviens moi aussi de Cuba (j’ai marché le long du Malecon) et je partage tout à fait l’opinion de Maxime : les policiers cubains m’ont moins fait peur que les nôtres (même si je ne parle pas espagnol)et les cubains m’ont parlé de leur organisation, il ne leur est nullement interdit de parler politique, voire de parler tout court !

27/02/2007 18:37 par risi

Je reviens de cuba et je parle courament l’espagnol. Je suis tout à fait d’accord avec vous.J’ai parlé avec qui j’ai voulu et de ce que j’ai voulu. Jamais personne ne m’a dit de me taire ou qu’il était interdit de parler à un étranger. Je suis allé à Santa Clara et suis resté 3 jours. J’ai parlé à tout le monde et dire que des cubains risquent 3 ans de prison s’ils parlent à un étranger est d’une imbécilité sérieuse.

03/03/2007 21:06 par Anonyme

"Les Cubains qui fréquentent des étrangers risquent jusqu’à trois ans de prison."

Attention à ce qu’on veut dire par "fréquenter", il ne s’agit pas forcément de simplement discuter, mais aussi le "plus si affinité".

04/03/2007 18:18 par Anonyme

Le mieux, puisque personne ne nie que Cuba est un Etat de Droit, est que ceux qui prétendent que la fréquentation des étrangers est punie de trois ans de prison nous sortent l’article de loi, pour voir. Ou un article approchant et interprétable.

Je mets sur la voie ceux qui veulent à tout prix charger Cuba : il existe des textes sur le parasitisme social. Ils concernent les magouilleurs dont j’ai parlé et qui gagnent plus dans la journée en "fréquentant" le touriste que leurs concitoyens qui triment dans les usines et dans les champs pendant un mois.

Fréquenter = entuber (et je suis poli).

Maxime vivas

19/03/2007 14:01 par christophe

bonjour,je suis tombé par hasard sur votre site et je compte poser quelques questions à monsieur vivas :"pourquoi le regime cubain n’accepte pas l’existence de partis politiques ?pourquoi des centaines de milliers de cubains ne sont pas libres de se deplacer a leur guise(medecins,enseignants......) ?pourquoi les medioas sont-ils controles(presse,radio,internet ,television ?pourquoi sur votre forum je ne trouve "aucune traces" de las damas de blanco,par exemple ?..........si mon message est censuré (cela ne changerai pas beaucoup de cuba) ayez au moins le courage de me repondre à mon adresse email.

19/03/2007 17:29 par Anonyme

Je devrais écrire un livre pour répondre point par point à tant de questions. Lisez donc « Les Etats-Unis de mal empire » par Danielle Bleitrach, Viktor Dedaj et moi, aux éditions Aden et/ou « Cuba est une île » de Danielle Bleitrach et Viktor Dedaj aux éditions Le Temps des Cerises. Relisez aussi sur ce site les nombreux articles qui vous répondent.

Je vous invite aussi à avoir de Cuba une vision contextualisée. C’est-à -dire que vous devez réfléchir aux éléments historiques et géopolitiques qui déterminent son type de fonctionnement. Voyez aussi le poids d’éléments extérieurs qui laissent peu de marge.

Un mot sur les Dames en blanc, sur lesquelles je ne sais plus si l’on a écrit ici.

Il s’agit d’une poignée d’épouses de mercenaires vendus (vendus, vous m’entendez : ils touchaient des dollars de l’ambassade US). Allez en parler aux véritables Dames en blancs d’Argentine à qui elles ont usurpé le nom et les méthodes. D’autres l’ont fait, à qui elles ont expliqué les différences.

Les Argentines défilent par dizaines pour qu’on leur dise si leurs époux, qui luttaient pour leur peuple, ont été jetés vivants à la mer depuis un avion, attachés à un rail, ou massacrés dans une caserne et enterrés dans une fosse commune.

Les pitres blanches cubaines défilent dans le mépris des passants pour des prisonniers qui, contre des dollars, travaillaient à aider l’ennemi qui veut s’emparer de leur pays.

Les Dames en blanc d’Argentine, les vraies, méprisent leurs imitatrices cubaines. Contactez-les, vous verrez.

Pour le reste, j’ai déjà répondu un peu partout. Renseignez-vous, lisez et dites votre désaccord après, si vous voulez. Je suis prêt à en discuter.

Maxime Vivas.

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