De l’abandon au mépris ou comment le PS a tourné le dos à la classe ouvrière

Est-ce vraiment malin, en 2013, alors que la révolution est accomplie et Hollande à l’Élysée, de mettre le mot ouvrier sur un livre ?

Bertrand Rothé est un type insupportable, non seulement il fait du vélo mais enseigne aussi l’allemand à sa fille et l’économie à la jeunesse des banlieues. Ajouter que cet asocial a choisi de quitter un boulot en béton chez Bouygues, pour jouer l’anachorète au sein de l’impécunieuse Éducation Nationale, achève le personnage, comme on le fait d’un cheval chez Spanghero. Au lieu de titrer son livre De l’abandon au mépris. Comment le PS a tourné le dos à la classe ouvrière, il aurait été bien plus simple de coller Journal d’un fou sur la couverture.

Diagnostiquons en choeur. Est-ce vraiment malin, en 2013, alors que la révolution est accomplie et que Hollande est à l’Élysée, de mettre le mot ouvrier sur un livre ? Alors que, comme Alain Colas de la surface de l’Océan, les ouvriers ont disparu des circonvolutions intracrâniennes de tout journaliste, écrivain, chanteur, danseur, joueur de triangle, fil-de-fériste et homme dit politique. S’il en restait quelques uns, les mots ont tué la chose et le balayeur, perdant sa cote d’ouvrier est devenu technicien de surface. Rideau.

Enlevez cette image d’ouvrier de devant les yeux, alors que l’on n’en trouve même plus dans les tribunes wahhabites du Paris-Saint-Germain. Si vous n’êtes pas convaincus, regardez la télé et vous y verrez les vrais citoyens. Que font-ils tous les Français ? Et bien du ski. Pour y donner votre point de vue quotidiennement, vous savez que la télé est l’exact reflet de la Nation, son miroir. Et, là -dedans, pas un seul ouvrier, ce qui est la preuve qu’il n’y a plus de prolos. Ou alors qu’ils sont à Davos et à Saint Moritz. Sûrement ça. Donc ce Rothé est assez bête pour faire un bouquin - qui ne soit pas une fiction - sur des gens qui n’existent pas. Ce n’est pas l’économie qu’il devrait enseigner, Rothé, mais l’archéologie, le Tigre et l’Euphrate, le Sumer. Et dire qu’un éditeur a été assez généreux, ou aveugle, pour imprimer cette histoire des absents…

On voit bien qu’Olivier Bétourné, le patron du Seuil, est un type mal élevé. Par exemple en acceptant de crédibiliser cette rumeur : Mitterrand aurait trahi la classe ouvrière qui l’avait élu. Que Mitterrand ait pu tromper quelqu’un, sa femme elle-même n’osait y croire. Si l’on poursuit ainsi dans la diffamation, on va finir par dire que Mitterrand était guillotineur en Algérie ! Mais Rothé est formel avec le formol (celui où l’on a étouffé les prolos) ses sources, ses dates et ses chiffres. Finalement ce type ne pense pas au doigt mouillé, alors je vais envoyer son bouquin à Fourest. L’entêté argumente et vous laisse mécontent : non les ouvriers ne sont pas morts, même si le PS les a enterrés vivants. Va falloir se faire une raison et supporter qu’avec leur mauvais goût prolétarien ils continuent de nous imposer Gombrowicz au Festival d’Avignon plutôt que Jan Fabre. Merde alors.

Révélation : et bien oui, au tournant de la « rigueur », avec Fabius au volant de la 2 CV, Tonton a largué les ouvriers qui, pourtant, en Mai 81 avaient préféré sa beauté de collaborateur de Vichy à celle de Marchais, simple travailleur volontaire dans l’Allemagne de Hitler. Bien fait pour les ouvriers. Ces moelles épinières avaient choisi de voter pour l’employé d’un maître de la Cagoule plutôt que pour un camarade. Et bien oui, la « désindustrialisation » de la France n’a pas pour seuls fossoyeurs Chirac, le roi fainéant, et Sarko, le petit frère des riches. Dieu, dit aussi Tonton, a, bien plus tôt, allumé l’essuie-glace à effacer les usines. Il a été le Victor Schoelcher du travail à la chaîne.

Vous avez bien compris, bien que détestant ce Rothé, au motif qu’il ressuscite des fantômes invendables dans notre monde médiatique, il faut admettre qu’après Newton cet attardé a raison.

Une autre chose navrante, chez notre professeur qui sème des mines, et pas seulement celles de ses crayons. Il nous démontre que ces ouvriers que les journaux disaient perdus, et qui auraient pris pension chez la Le Pen, est une vérité fausse. Disons un mensonge. Car le cadre, le paysan, les patrons de PME et les employés votent plus pour la Marine marchande que les ouvriers. Ces demeurés préférent le vote à gauche, quand le geste ne leur froisse pas trop l’épaule, ou la pèche à la ligne si la douleur est insupportable. Non seulement les ouvriers sentent mauvais mais, en plus, ils ont le culot de contredire Buisson et Pujadas. Ce qui est une vraie offense.

Si vous croisez Rothé, vous le reconnaitrez au litre de rouge qu’il porte dans sa musette, lancez lui des pierres. L’économiste a dit la vérité, il doit être exécuté.

De l’abandon au mépris. Comment le PS a tourné le dos à la classe ouvrière. Bertrand Rothé. Le Seuil. 19, 50 euros

COMMENTAIRES  

27/02/2013 07:54 par calamejulia

Deux récidivistes : B. Rothé et Editions Le Seuil !
L’un ne mâche pas ses mots et l’autre ne craint pas les mots.
(Et maintenant avec la Maintenon -le pays dans l’état où sarkoTchev l’a laissé-
à l’Elysée cela pourrait-il s’améliorer ?).
J’ai failli écrire la Madelon !

27/02/2013 11:46 par Safiya

Est-ce vraiment malin, en 2013, alors que la révolution est accomplie et que Hollande est à l’Elysée, de mettre le mot ouvrier sur un livre ?... Merci donc à lui qui rend, par là , justice à une classe à qui on n’a pas seulement tourné le dos mais que l’on a sciemment "démantelée", dénigrée et réduit sa puissance de lutte à zéro.

Je me suis rendu compte à la lecture du texte que ma mémoire m’a quelque peu trahi : dans un autre com. plus haut, j’ai écrit 1982-La-Victoire-De-LA-Gauche, c’était, bien sûr, 1981 ! M’Enfin...

27/02/2013 13:36 par pascal beaugeard

@Safiya

réduit sa puissance de lutte à zéro.

ne nous enterrons pas trop vite...

28/02/2013 06:48 par babelouest

Ouvrier, quel beau métier ! Pas le plus facile, j’en conviens, mais bien plus essentiel, par exemple, que cette "profession" de chirurgien dont chacun espère bien ne jamais en avoir besoin ! (ou alors, il faut être vraiment maso)

J’ai été "ouvrier de banque", paradoxalement. Levé à 4h, comme beaucoup de mes semblables. Cela a un avantage : c’est un boulot dont on est fier, même s’il est parfaitement effacé.

Il existe un témoignage du boulot d’ouvrier : comme par hasard, ce film est aujourd’hui introuvable. Comme d’autres, trop "sociaux" à l’exemple du parodique "Moi y’en a vouloir des sous" de Jean Yanne, ou dans un autre registre, du polémique "État de siège", de Costa-Gavras. Au moins, lui est accessible grâce au Net intégralement.

Pour conclure, paraphrasons les dernières paroles de Bécaud dans "L’Indien" : "Ils sont chez nous, mes frères ! Ils sont chez moi, mes frères ! Ouvre les yeux mon gars !"

(Commentaires désactivés)