Les lecteurs de la sûreté seront déçus en réalisant qu’il ne s’agira pas ici de promouvoir M. Rouillan et ses camarades mais bien de revenir sur un texte écrit par Voltairine de Cleyre en 1912 et pourtant d’une actualité en fusion !
Une conférence qui étudie la légitimité d’un type d’action politique qui renaît chaque fois que sont menacées « les forces de la vie ». Contrant ceux qui tirent argument de la violence pour discréditer tout mouvement social, Voltairine puise dans l’histoire contestataire, souligne l’inventivité des formes d’action directe et soutient la nécessité d’agir quand les droits les plus élémentaires sont bafoués. (1)
Nous voilà presque cent ans plus tard et Naomi (2) a beau nous avoir prévenus, la stratégie du choc en action ça tétanise, ça désoriente et ça démotive ! Et c’est bien là son but.
Abasourdis nous voyons une nouvelle guerre de circonstance balayer les catastrophes en cours des unes. Il est clair que le nucléaire ne fait pas partie des thèmes de campagne de Sarkozy et ses amis, tout autant qu’une intervention militaire ne sera jamais humanitaire !
L’offensive est globale, sans répit sur tous les fronts, des infirmières et professeurs ils font des fonctionnaires névrosés, des employés ils font des ouvriers et des travailleurs des précaires, des deux des chômeurs en sursis, quant aux chômeurs…
Des insurrections ils font un spectacle à leur avantage et des catastrophes naturelles, des affaires en flux tendu !
Or s’ils peuvent se permettre tout cela et bien pire c’est uniquement parce que nous le tolérons. Nous ne l’acceptons pas et le dénonçons certes mais il est temps de constater que cela ne suffit pas et n’a jamais suffit.
Nous sommes en état de légitime défense et comme nous pouvons aussi le constater en subissant ces assauts, la meilleure défense reste l’attaque. En stratégie militaire ou politique comme sur le tatami celui qui est offensif oblige l’adversaire à se concentrer sur la défense, celui qui pare ou subit n’a pas même le temps d’envisager une riposte. Nous le savons tous mais il est des évidences qu’il est bon de se le rappeler maintenant que nous sommes dans les cordes.
Ce ne sont pas les grévistes qui nous prennent en otages, c’est - entre autres - le lobby nucléaire.
Le problème majeur de beaucoup d’entre nous est d’avoir voulu oublier que les avancées, les "acquis" sociaux dont nous bénéficions, furent en fait des conquêtes. Que les quelques règles minimes et insuffisantes que les peuples avaient pu imposer aux puissants le furent par un rapport de force et d’inimaginables sacrifices, des mots qui cadrent mal avec le confort qu’ils nous ont provisoirement accordés.
Non, les nantis ne se sont pas réveillés un beau jour travaillés par le remords et décidé spontanément de sortir les enfants des usines et des mines, d’accorder l’éducation, la santé, le droit de vote, la journée des huit heures. Pas plus qu’ils ne renonceront spontanément à leurs guerres impériales ou au nucléaire. Exit les bisounours win-win politiquement correctes et leur positivisme hystérique.
Chacune de ces conquêtes furent et seront arrachées d’âpres luttes -des classes- et de la seule et unique manière à notre disposition hier comme aujourd’hui : l’action, l’action directe et non-violente(3). S’indigner, tisser ou se réapproprier les réseaux, s’unir car le camp adverse l’est, oui mais surtout agir afin de construire un nouveau rapport de force ! Concrètement et non virtuellement.
Voltairine l’avait bien compris et magistralement expliqué. Cette charmante libertaire offre un manifeste antidote à la résignation, une lecture qui rend à cette association de termes souvent dévoyée ou calomniée, toute son actualité et sa pertinence.
Extrait :
"Qu’est-ce que l’action directe ?
En réalité, ceux qui la dénoncent avec autant de vigueur et de démesure découvriront, s’ils réfléchissent un peu, qu’ils ont eux-mêmes, à plusieurs reprises, pratiqué l’action directe, et qu’ils le feront encore.
Toute personne qui a pensé, ne serait-ce qu’une fois dans sa vie, avoir le droit de protester, et a pris son courage à deux mains pour le faire ; toute personne qui a revendiqué un droit, seule ou avec d’autres, a pratiqué l’action directe. (…)
Toute personne qui a eu un projet, et l’a effectivement mené à bien, ou qui a exposé son plan devant d’autres et a emporté leur adhésion pour qu’ils agissent tous ensemble, sans demander poliment aux autorités compétentes de le concrétiser à leur place, toute personne qui a agi ainsi a pratiqué l’action directe. Toutes les expériences qui font appel à la coopération relèvent essentiellement de l’action directe.
Toute personne qui a dû, une fois dans sa vie, régler un litige avec quelqu’un et est allé droit vers la ou les personne(s) concernée(s) pour le régler, en agissant de façon pacifique ou par d’autres moyens, a pratiqué l’action directe. Les grèves et les campagnes de boycott en offrent un bon exemple …"
Voltairine de Cleyre "De l’Action Directe" 1912.
Ce texte -"De l’Action Directe" suivit d’un autre de la même Voltairine -"Où nous en sommes"- est joliment réédité par "le passager clandestin" et tout aussi brillamment introduit par Normand Baillargeon. Il est aussi disponible en ligne sur activista.be ou encore en format pdf grâce à infokiosques.net.
Le livre est disponible -dans un format très en poche- dans divers supermarchés de la culture.
Bonne lecture et action !
Activista
"De l’Action Directe" texte complet en ligne - HTML.
"De l’Action Directe" texte complet - format PDF / (grâce à infokiosques)
(1) L’éditeur de la réédition :
le passager clandestin
(2) Naomi Klein : "La Stratégie du Choc".
(3) L’Histoire ancienne ou récente démontre que l’action directe des citoyens et des peuples est non-violente. C’est la violence de la répression qui provoque parfois le recours -désespéré vu la disproportion des moyens- à une autodéfense légitime.
A ce sujet les dix de Tarnac soulignaient récemment et judicieusement que l’ : "On s’émerveille de ces "révolutions" (en méditerrané) pour mieux esquiver les évidences qu’elles nous jettent au visage pour mieux dissoudre le trouble qu’elles suscitent en nous.
Faut-il qu’elles soient précieuses, les illusions qu’il s’agit d’ainsi préserver, pour que l’on se répande partout en pareilles apologies de l’insurrection, pour que l’on décerne la palme de la non-violence à un mouvement qui a brûlé 60 % des commissariats égyptiens.
Quelle heureuse surprise de soudain découvrir que les principales chaînes d’information sont entre les mains des amis du peuple !"
(Extrait de "Paris-Texas : une proposition politique")