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Entretien du Président syrien avec le quotidien suédois Expressen (2ème partie)

Le Président syrien, Bachar al-Assad, a accordé une entrevue télévisée au quotidien suédois Expressen. Une première partie a été publiée en anglais et en arabe par l’Agence syrienne Sana ce 17 avril, le tout n’ayant été publié que le lendemain.

Voici la traduction de la deuxième partie à partir de la version anglaise originale.


2ème PARTIE

L’Occident doit cesser de couvrir le terrorisme en Syrie

Question 31 : Monsieur le Président, la Suède vient de se brouiller avec l’Arabie saoudite. Quel est votre analyse de la crise diplomatique entre ces deux pays ?

Le Président Al-Assad : À chaque fois que vous avez à discuter des relations entre deux pays, vous devez commencer par vous demander quels sont leurs points communs et quelles sont les valeurs qu’ils partagent. Dans le cas de l’Arabie saoudite et de la Suède, je demanderais simplement : « Partagent-ils des valeurs communes en matière de système politique, de démocratie, de systèmes électoraux, de droits humains ou de droits des femmes qui n’ont même pas celui de conduire une voiture ? Ou encore, est-ce que les décapitations sur les places publiques et les flagellations pour simple délit d’opinion, sur Twitter ou tout autre réseau social, sont des valeurs partagées entre ces deux pays ? ». Tant que les Saoudiens resteront tels qu’ils sont et que vous vous en tiendrez à vos valeurs, nous nous attendons à ce type de brouille avec eux. Le seul moyen de l’éviter est de les aduler ou de leur vendre les valeurs qui font votre fierté contre leurs pétrodollars.

Question 32 : Vous n’êtes pas surpris ?

Le Président Al-Assad : Non, pas du tout. Pour être franc, nous avons été plutôt agréablement surpris, car nous sommes habitués à ce que les fonctionnaires européens, qui parlent de démocratie en Syrie, glorifient et comptent les Saoudiens ainsi que leur état médiéval parmi leurs meilleurs amis. C’est un des exemples de leurs doubles standards. D’où notre agréable surprise face au standard unique adopté par la Suède.

Question 33 : Vous voulez dire que la Syrie et la Suède, par exemple, partagent davantage de valeurs que l’Arabie saoudite et la Suède ?

Le Président Al-Assad : Je ne veux pas exagérer et prétendre que notre système politique est au même niveau que la Suède, car nous avons notre propre société et nos propres circonstances. Mais le moins que je puisse dire est que la Syrie est sur le chemin de la démocratie. Vous ne pouvez donc pas comparer la Syrie à l’Arabie saoudite. Nous avons un Parlement depuis huit décennies avec des parlementaires femmes depuis sa création ; les femmes ayant acquis le droit de vote depuis le début du siècle dernier. Quant à la démocratie, elle ne se prescrit pas et ne se résume pas à des lois et des décrets. C’est un long processus naturel, social et législatif, à la fois. Nous allions dans cette direction, alors que les Saoudiens n’ont jamais bougé et ignorent tout de ce vocabulaire. Ils n’ont jamais essayé de le comprendre et le refusent par principe. Voilà ce que je peux dire à ce sujet.

Question 34 : Vous venez de dire une chose très importante. La Syrie était sur le chemin de la démocratie. L’Occident n’aurait donc pas compris cela avant la guerre ?

Le Président Al-Assad : Beaucoup l’avaient compris. Mais le fait est qu’au début de la crise ils ont été influencés par la propagande qatarie ainsi que par la propagande et les services de renseignement saoudiens. Donc, certains le savaient et d’autres l’ignoraient. Et ceux qui savaient qu’avant la crise nous allions dans cette direction ont été trompés par ce que leur racontaient ces deux pays. Le problème avec les Occidentaux est qu’ils regardent la démocratie comme un objectif. Ce n’est pas un objectif. C’est un processus. L’objectif est la prospérité. La démocratie est un outil pour atteindre cette prospérité, outil que nous utilisons pour avancer dans ce sens. Par conséquent, il faut du temps, et c’est normal.

Question 35 : Et c’est toujours le cas ?

Le Président Al-Assad : Avec cette crise, la priorité du peuple syrien est de survivre parce que c’est leur existence qui est menacée. Le terrorisme est une menace existentielle. Les gens pensent d’abord à leur sécurité et à celle de leur pays. Comment pourriez-vous promouvoir la démocratie sans qu’ils restent en vie ? Vous avez d’abord besoin d’assurer leur sécurité, ensuite vous pourrez parler de démocratie. Vous ne pouvez pas inverser l’ordre des choses.

Question 36 : Que conseillerez-vous à la Suède en ce qui concerne cette brouille avec l’Arabie saoudite ?

Le Président Al-Assad : Nous aimerions que tous les pays du monde s’accrochent à leurs valeurs comme la Suède, surtout en Occident, où nous sommes habitués aux deux poids deux mesures. Nous aimerions que la Suède persiste dans cette voie, car c’est dans ces valeurs que résident vos intérêts de citoyen suédois, comme c’est dans nos propres valeurs de pays en développement que résident les nôtres. Il en est de même pour nous tous, alors que les doubles standards ne garantissent pas nos intérêts et qu’il faudra en payer le prix. C’est mon seul conseil. Nous voulons qu’ils s’en tiennent à leurs valeurs.

Question 37 : Revenons à l’Arabie Saoudite qui a récemment tenté une politique de censure sur les médias locaux et la télévision d’État au Liban, de même que sur les chaînes de télévisions syriennes. Serait-elle devenue une puissance clé dans le monde d’aujourd’hui ? En Suède, au Liban, en Syrie, partout ?

Le Président Al-Assad : Dire d’un pays qu’il est une puissance clé implique que vous vous intéressiez à sa position géopolitique, à son histoire et à son degré d’indépendance ; s’il n’est pas indépendant, il ne peut être une puissance clé. En quatrième lieu, vous devez vous intéresser à son héritage. Qu’en est-il de son Histoire et de ce qu’il laisse en héritage ? Revenons quelques décennies en arrière : soutien du terrorisme en Afghanistan à l’origine de problèmes dont nous payons encore aujourd’hui le prix en Afghanistan, mais aussi au Pakistan et dans le monde entier ; l’Algérie dans les années quatre-vingt-dix ; et maintenant la Syrie et la Libye. Toujours la même idéologie. C’est cela leur héritage : décapitation, obscurantisme et ainsi de suite. C’est le seul héritage qu’ils aient offert, avec récemment leur agression contre le Yémen, tuant de pauvres gens, détruisant les infrastructures, les usines alimentaires et les aéroports. Le Yémen est un pays très pauvre. Qu’est-ce que vous gagnez en vous attaquant aux biens publics ? Ces biens n’appartiennent pas aux Houthis ou à tout autre. Ce sont des biens du peuple. Qu’attendez-vous d’un pays qui a un tel héritage ? Je ne dirais pas d’un pays qui déstabilise sa région qu’il est une puissance clé. N’importe quel terroriste peut en faire autant, n’importe où. Nous ne pouvons pas qualifier des terroristes, qu’ils s’agissent d’individus, d’organisations ou d’États, de puissance clé. Je ne qualifierai pas l’Arabie saoudite de puissance clé.

Question 38 : Selon les déclarations de votre gouvernement, l’Arabie saoudite soutenait et soutient toujours les terroristes en Syrie. Maintenant, elle est officiellement en guerre au Yémen. Comment voyez-vous cette situation ?

Le Président Al-Assad : Je viens juste d’aborder ce sujet. Lorsque vous attaquez illégalement un pays et que n’avez pas de mandat du Conseil de sécurité parce qu’il n’y a aucune menace contre la sécurité mondiale ou régionale, il s’agit d’une agression, sans plus. C’est ainsi que nous voyons cette situation. Une agression qui va créer, sans aucune raison et entre deux peuples qui vivent côte à côte, une animosité durable qui engendrera plus d’instabilité dans tous les pays de la région. Tous en paieront les frais, d’autant plus que tous les plans politiques de l’Arabie saoudite se fondent sur un discours de division dans un contexte sectaire. C’est leur seul discours, notamment depuis les années quatre-vingt du siècle dernier, alors qu’il est très dangereux pour notre région de susciter, de promouvoir et d’attiser n’importe quel type de sectarisme.

Question 39 : Que pensez-vous de l’avenir de l’Arabie saoudite, maintenant, qu’elle est donc officiellement impliquée dans cette guerre au Yémen ?

Le Président Al-Assad : En bref, cet avenir n’est pas seulement lié à cette seule guerre contre le Yémen, mais à l’ensemble des comportements de l’Arabe saoudite depuis des décennies. Quand vous adoptez la vengeance haineuse et que vous nourrissez l’extrémisme ainsi que le terrorisme, nuisibles partout dans le monde, vous ne pouvez que vous détruire.

Question 40 : Ces comportements vont détruire l’Arabie Saoudite ?

Le Président Al-Assad : Oui, terrorisme, extrémisme, haine et comportement vindicatif la détruiront.

Question 41 : Et le pays sera divisé ?

Le Président Al-Assad : Personne ne le sait, mais ces comportements les détruiront. Comment ? Les scénarios sont nombreux. Je ne peux prédire, mais le résultat de tout cela est qu’ils finiront par se détruire.

Question 42 : Monsieur le Président, la guerre en Syrie est entrée dans sa cinquième année. Nous avons parlé de Idleb, de la zone frontalière entre la Jordanie et la Syrie. Quelle est la surface demeurant sous votre contrôle ? Certains parlent de 10 % du territoire.

Le Président Al-Assad : Ce pourcentage n’est pas réaliste. Si tel était le cas, vous ne seriez pas à Damas avec moi, mais avec l’un des leaders de l’opposition qui dirigerait le pays. Encore une fois, ces chiffres ne sont pas significatifs qu’il s’agisse de 50%, 60% ou 70%. Ce n’est pas une guerre conventionnelle entre deux armées régulières, l’une ayant fait incursion dans le territoire de l’autre. C’est une guerre non conventionnelle où les terroristes peuvent combler le vide là où l’Armée et les Forces de sécurité ne sont pas sur place. Comme vous le savez, l’Armée ne peut se déployer partout et dans chaque région du pays. Par conséquent, les terroristes peuvent exister partout où l’Armée est absente. Ceci dit, presque à chaque fois que l’Armée a lancé une bataille pour reconquérir un territoire, elle a gagné. Il n’empêche que, là aussi, les terroristes pourraient s’être rendus ailleurs dans le pays. Voilà à quel type de guerre nous avons affaire. Elle a commencé par une propagande médiatique extérieure, très vite suivie d’attaques terroristes, son seul objectif étant de gagner les cœurs et les esprits pour se débarrasser du gouvernement, de l’État et du Président. C’est là qu’ils ont échoué. Je pense que s’ils ont échoué jusqu’ici, c’est parce que le peuple syrien l’a bien compris, une majorité soutenant le gouvernement contre ces interventions étrangères. C’est de ce type de contrôle dont vous pourriez parler.

Question 43 : L’Armée irakienne s’est effondrée quand l’EIIL a lancé son attaque contre Mossoul l’été dernier. Vous savez que l’Armée syrienne est plus solide. Pour ne prendre qu’un exemple, pourquoi n’avez-vous pas repris la ville de Raqqa à l’EIIL ? Pourquoi vous contentez-vous d’attaques aériennes ?

Le Président Al-Assad : Parce que quand vous faites face à une guerre aussi vicieuse, menée sur votre territoire par l’intermédiaire de terroristes recrutés dans une centaine de pays, alors que vous n’êtes qu’un petit pays aux moyens limités, vous devez dresser une liste de priorités fondée sur des critères militaires. Sinon, vous vous disperseriez sans gagner aucune bataille. Vous fixez vos priorités dans le but ultime de regagner tout le territoire syrien, que ce soit une grande ville ou un petit village, une zone peuplée ou inhabitée. Et la ville de Raqqa est une ville que nous voulons regagner.

Question 44 : Permettez-moi de passer à un autre sujet. Comment décririez-vous la relation entre la Syrie et l’Iran aujourd’hui ?

Le Président Al-Assad : La même relation que nous aurions pu décrire quand la Syrie a soutenu la révolution islamique en Iran en 1979, il y a 35 ans, alors que de nombreux pays, principalement en Occident et parmi les Pays du Golfe, ont pris position contre ; puis, plus tard, quand nous l’avons soutenu alors que Saddam Hussein l’avait attaqué. Aujourd’hui, l’Iran soutient la Syrie. C’est donc une alliance mutuelle. C’est ainsi que je décrirais cette relation.

Question 45 : Certains critiques disent que vous avez vendu votre pays à l’Iran, et que vous ne pourriez pas survivre sans l’aide de l’Iran et du Hezbollah. Est-ce vrai ?

Le Président Al-Assad : Si j’étais parti de ce principe et si j’avais été prêt à vendre mon pays, je l’aurais vendu aux États-Unis, ou peut-être à Israël, ou peut-être encore à l’Arabie Saoudite ; car depuis l’indépendance de la Syrie [17 avril 1946, NdT] nombreux sont les pays qui aimeraient contrôler la Syrie pour des raisons géopolitiques. Autrement dit, si je voulais vendre mon pays, je le vendrais en premier aux États-Unis. Donc, et c’est le premier point, puisque j’ai refusé de le vendre à qui que ce soit, je ne voudrais pas le vendre à l’Iran. Le deuxième point est que l’Iran n’a jamais essayé de contrôler mon pays. Jamais. Sans oublier que, par nature, le peuple syrien ne l’acceptera pas. Par conséquent, que l’Iran soutienne la Syrie ne signifie pas qu’il la contrôle ou qu’il tente d’imposer ses quatre volontés au gouvernement syrien. Quant à dire que nous ne pourrions pas survivre sans l’Iran et le Hezbollah, la question est hypothétique, pour la bonne raison qu’un petit soutien dans une grande guerre peut vous mener à de grands résultats. Que ce soutien ait été petit ou grand, le résultat est là, et nous ne pouvons pas nier qu’il a été vital pour nous. Qu’en serait-il si nous n’en n’avions pas bénéficié ? Les choses auraient été probablement plus difficiles, ce qui ne veut pas dire que nous n’aurions pas pu survivre.

Question 46 : Quelle influence l’Iran a-t-il en Syrie ?

Le Président Al-Assad : Cela dépend comment nous comprenons ce terme, une influence pouvant être positive ou négative. Ainsi, si nous nous intéressions à la France et à l’Allemagne, il est clair que l’une est une puissance politique et que l’autre est une puissance économique. L’Iran est un pays important pour notre région. C’est un grand pays. C’est en tout cas, un pays développé par rapport à d’autres. Je considère que son influence est positive, parce qu’il cherche plus de stabilité pour ses propres intérêts. Tout pays a des intérêts. Donc si l’Iran est influent, son influence est positive.

Question 47 : Je comprends que l’Iran est un pays important pour la Syrie, mais avez-vous besoin de l’aide du Hezbollah ?

Le Président Al-Assad : Encore une fois, un petit soutien dans une grande guerre peut vous mener à de grands résultats. Par ailleurs, le Hezbollah a une bonne expérience en matière de guerre non conventionnelle ; ce dont nous pouvons avoir besoin. Cependant, son aide est avant tout qualitative. Par conséquent, vous ne devez pas le comparer à l’Armée syrienne. Ses effectifs sont moindres en effet, mais son expérience pourrait avoir un grand impact.

Question 48 : Désormais, on sait bien que le Hezbollah est présent en Syrie. Quel contrôle avez-vous sur ses combattants ?

Le Président Al-Assad : Tous les combattants de toutes les factions qui se battent aux côtés de l’Armée, certaines n’en faisant pas partie mais la soutiennent, travaillent sous sa direction. Ils n’ont pas leur propre bataille ou leur propre front. Nous n’avons donc aucun problème.

Question 49 : Khaled Mechaal [dirigeant politique du Hamas, NdT] a vécu entre 11 et 12 années en Syrie. Aujourd’hui, il se retrouve au Qatar. Où en est cette relation aujourd’hui ?

Le Président Al-Assad : Nous n’avons aucune relation et à aucun niveau. Les événements récents au camp de Yarmouk ont prouvé qu’une partie des cadres du Hamas, qui est essentiellement une organisation des Frères musulmans, soutient Al-Nosra à l’intérieur du camp.

Question 50 : Ils soutiennent une organisation terroriste ?

Le Président Al-Assad : Oui, une partie d’entre eux collabore avec Al-Nosra. C’est pourquoi leurs dirigeants appellent, depuis le Qatar, les organisations palestiniennes séculaires à venir en Syrie, pour secourir leurs factions présentes dans le camp de Yarmouk, aux côtés d’Al-Nosra, contre l’attaque de Daech.

Question 51 : Donc le Hamas en Syrie, c’est désormais de l’histoire ancienne ?

Le Président Al-Assad : Oui. Je pense que désormais le peuple syrien ne leur fera plus confiance.

Question 52 : Monsieur le Président, passons aux États-Unis et à Aïn al-Arab. Les États-Unis attaquent l’EIIL par les airs. En fait, ils vous soutiennent. Comment décririez-vous cette coopération militaire avec un pays censé être votre ennemi ?

Le Président Al-Assad : Mon ennemi, c’est d’abord les terroristes. Ensuite, il n’y a pas de coopération entre la Syrie et l’Armée américaine.

Question 53 : Même indirectement ?

Le Président Al-Assad : Aucune coopération, même si parfois nous menons des raids aériens dans une même zone et sur un même endroit.

Question 54 : Pas même une coordination ?

Le Président Al-Assad : Non, pas de coordination. Mais revenons sur votre hypothèse consistant à dire qu’ils nous soutiennent. Disons qu’ils le font théoriquement et sur papier, mais certainement pas dans la réalité. Si vous voulez une comparaison, sachez que cette alliance de 60 pays, dont certaines grandes puissances, mènent plus ou moins dix attaques par jour, alors qu’un petit pays comme la Syrie peut, certains jours, en mener plus d’une centaine. Donc, dix fois plus.

Question 55 : Des attaques dans une même zone et sur un même endroit ?

Le Président Al-Assad : Disons que c’est généralement le cas. D’où la question que nous nous posons : sont-ils sérieux dans leur guerre contre le terrorisme ?

Question 56 : Sont-ils sérieux ?

Le Président Al-Assad : C’est parce qu’ils ne sont pas sérieux qu’ils ne peuvent pas nous aider. C’est une simple conclusion. S’ils étaient sérieux, nous aurions peut-être discuté ensemble de la meilleure façon d’agir, ne serait-ce que pour un modeste résultat. Il leur a fallu quatre mois pour libérer une petite ville, que vous nommez Kobané dans vos médias, quand dans des conditions similaires notre Armée y est arrivée en deux à trois semaines. Ou alors, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans leur plan. En réalité, non seulement ils ne nous aident pas, mais l’expansion non-stop de l’EIIL et d’Al-Nosra touche désormais différents pays. Par conséquent, si vous insistez sur leur coopération et leurs succès, dites-moi où les trouver. Jusqu’ci, nous n’avons rien vu.

Question 57 : Mais ils n’ont pas la permission de survoler la Syrie.

Le Président Al-Assad : Non, c’est illégal. Nous avons dit publiquement que c’était illégal et qu’ils le font sans autorisation [*].

Question 58 : Monsieur le Président, comment voyez-vous l’avenir de la Syrie ?

Le Président Al-Assad : Malgré toute la douleur, la destruction et le carnage, à quelque chose malheur est bon. Cette crise fera que tout Syrien réfléchira à tous les points faibles de notre société. Par exemple, beaucoup n’ont pas vu la ligne fine qui sépare le fanatisme de l’extrémisme, et l’extrémisme du terrorisme. Je pense, que cela poussera toute la société vers plus de modération, bien que je parle d’une société modérée qui, comme toute société, n’est pas exempte de quelques recoins de fanatisme et d’extrémisme. Cela poussera notre société, mosaïque de toutes les couleurs syriennes, à chérir la modération et l’intégration que nous avons connues tout au long de notre histoire ; ce qui à mon avis aidera à sa reconstruction. La reconstruction du pays n’est pas le problème, c’est toujours possible. Le principal défi est de trouver comment traiter les fêlures psychologiques et morales de la prochaine génération qui aura vécu toutes ces atrocités. Mais je ne suis pas pessimiste, à condition que nous nous débarrassions des terroristes.

Question 59 : Vous parlez de la reconstruction du pays. Qui va payer pour cela ?

Le Président Al-Assad : Le pays lui-même pour commencer. Dès que les premiers projets démarreront, la roue de l’économie avancera générant des ressources financières pour elle-même. Ensuite, les investissements de pays qui ont soutenu la Syrie, comme la Russie, la Chine, l’Iran, et bien d’autres. Et enfin les investisseurs de tous les pays qui n’ont pas participé à l’effusion du sang syrien.

Question 60 : Ces quatre dernières années, j’ai voyagé de Daraa à Lattaquié et partout dans le pays. Il me semble que la reconstruction du pays est une mission impossible. Est-ce le cas ?

Le Président Al-Assad : Non, ce n’est pas une mission impossible, car nombre de pays ont été détruits lors de diverses crises, comme les guerres, les séismes, etc… Non, la reconstruction des infrastructures et des bâtiments n’est pas un défi difficile à relever. Le défi le plus important est de reconstruire l’humain.

Question 61 : C’est justement le sujet dont je voudrais vous parler. J’ai visité beaucoup de familles syriennes. J’en suis arrivé à penser que chaque foyer syrien a été affecté par cette guerre. Les enfants, les hommes, les femmes, les personnes âgées, ont tous besoin de se reconstruire. Que pouvez-vous faire ? Que peut faire le monde pour les aider ?

Le Président Al-Assad : Nous n’avons pas à attendre la fin de la guerre pour les aider. Nous avons déjà commencé à le faire par des subventions, des dons, des crédits et d’autres services destinés à ces familles dépossédées dans des circonstances diverses et multiples. Mais le plus important est l’aide morale et comment la société et le gouvernement adoptent et soutiennent ces familles qui ont perdu des êtres chers accidentellement ou au combat dans les rangs de l’Armée, de la Police et des Comités de défense. Je pense que c’est ce que la société syrienne a donné et que c’est pour cela nous avons pu résister pendant ces quatre dernières années, alors que nous sommes entrés dans la cinquième, comme vous l’avez rappelé.

Question 62 : Vous parlez de la société syrienne. À quel point est-elle divisée aujourd’hui ?

Le Président Al-Assad : Si la société était divisée, le pays aurait été automatiquement divisé. Ce ne sont pas les frontières qui peuvent le diviser. Seule la société le peut, au cas où des lignes de séparation claires apparaitraient entre les gens de différentes ethnies et confessions. Aujourd’hui, si vous observez la population des zones sécurisées où se sont réfugiés de très nombreux déplacés, vous verriez que des gens appartenant à tout le spectre de la diversité syrienne vivent ensemble, côte à côte. Si la société était divisée, ce ne serait pas le cas.

Question 63 : Donc, le pays n’est pas divisé ?

Le Président Al-Assad : Non, le pays n’est pas divisé et les médias occidentaux parlent à tort de guerre civile. Il n’y a pas de guerre civile en Syrie. La guerre civile se traduit par des lignes de démarcation claires et nettes entre les différentes ethnies, confessions, religions ou autres groupes d’une même société. C’est une guerre entre la société syrienne et les terroristes. Telle est la réalité de cette guerre. Vous pouvez vérifier par vous-mêmes qu’absolument toutes les composantes du peuple syrien vivent ensemble, sans aucune exception. En général, je n’aime pas user du terme « absolument », mais dans ce cas c’est l’absolue vérité. Je dirais même que cette cohésion est plus forte qu’avant la guerre car, comme je vous l’ai dit précédemment, les Syriens en ont tiré les nombreuses leçons. Ils sont plus proches les uns des autres.

Question 64 : Monsieur le Président, je pense que peu de gens souhaiteraient être à votre place. C’est une très grande responsabilité envers la Syrie vu ce qui s’y passe aujourd’hui. Avez-vous jamais souhaité être resté à Londres à exercer votre métier de praticien ophtalmologue ?

Le Président Al-Assad : Je suis devenu ophtalmologue parce que j’aimais ce métier et ce secteur professionnel. Je n’ai exercé que dans le secteur public et j’avais prévu d’y rester. Finalement, je n’ai fait que passer d’un secteur public à un autre plus large ; lequel, comme vous le savez, consiste aussi à aider les gens. Il n’y a donc pas une grande différence, puisqu’il s’agit du même principe appliqué par des méthodes différentes. Ai-je jamais souhaité être resté à Londres à exercer la médecine, après trois ans de pratique en Syrie ? Je ne regarde pas en arrière. Ce qui compte le plus pour moi est d’aider le peuple syrien.

Question 65 : Qu’est-ce que vous manque le plus de votre séjour londonien ?

Le Président Al-Assad : Nous parlons d’un autre âge, j’étais jeune. Peut-être ai-je la nostalgie de ma jeunesse. Mais en réalité, quand vous allez vivre dans un autre pays pour perfectionner vos connaissances, vous chérissez cette relation qui vous offre le savoir nécessaire au développement de votre pays. C’est ce sentiment qui vous manque, maintenant que la France et la Grande Bretagne sont devenues un fer de lance contre la Syrie alors que vous pensiez qu’ils pouvaient aider les Syriens, non les tuer. C’est ce qui me manque.

Question 66 : Monsieur le Président, vous n’êtes pas seulement président et médecin. Vous êtes aussi un père. Comment expliquez-vous à vos enfants ce qui se passe en Syrie ?

Le Président Al-Assad : En toute transparence, parce qu’ils vivent dans cette société, fréquentent les élèves de leur école, regardent différentes chaînes, utilisent l’Internet qui leur montre certaines opinions et même des atrocités. Des valeurs qui ne sont plus aussi évidentes dans notre société, en raison des circonstances. Lorsqu’ils ont vu une tuerie, vous devez vous concentrer sur la bonne conduite et la bonne volonté. Lorsqu’ils ont vu des terroristes tuer des personnes parce qu’elles ne partagent pas leur idéologie, vous devez davantage vous concentrer sur la tolérance et l’acceptation de l’autre, abstraction faite de son idéologie ou de son affiliation. Ce sont là les points importants à aborder au sein de la famille.

Question 67 : Est-ce que les enfants posent des questions au sujet de la guerre ?

Le Président Al-Assad : Je pense que c’est un sujet de dialogue quotidien dans chaque foyer syrien. Désormais cela fait partie de notre vie. La crise est notre vie, la vie de nos enfants, de nos jeunes, de nos aînés, de nous tous.

Question 68 : Nous savons, Monsieur le Président, que vous avez perdu des amis et des proches au cours de cette guerre. Comment cela vous a-t-il affecté ?

Le Président Al-Assad : Comme n’importe qui au Moyen-Orient où les relations entre les membres de la famille et les amis sont très émotionnelles et très chaleureuses, de sorte que toute perte vous affecte profondément et vous plonge dans la tristesse. En même temps, et en fonction du poste que vous occupez, cela vous incite à réfléchir davantage aux moyens de protéger la vie de vos concitoyens et à agir efficacement pour les aider. Ceci, parce que des millions de Syriens souffrent des mêmes sentiments que moi. Voilà ce qui m’affecte tout en m’incitant à aider les Syriens.

Question 69 : À moins d’un miracle, que faut-il pour arrêter cette guerre ?

Le Président Al-Assad  : Arrêter l’ingérence extérieure. Comme je vous l’ai déjà dit, notre problème n’est pas très compliqué. La solution est claire, mais devient plus compliquée à cause des interventions étrangères. Arrêtez. Arrêtez le terrorisme et le flot de terroristes en provenance d’Arabie saoudite et du Qatar via la Turquie, avec la bénédiction et l’aide d’Erdogan. Arrêtez l’afflux d’armes et d’argent vers les terroristes. Arrêtez de les couvrir de votre parapluie occidental quel que soit l’adjectif dont vous les affublez, notamment celui de « modérés ». C’est alors que le problème syrien se résoudra en quelques mois. Cela ne prendra pas plus de temps.

Dr Bachar al-Assad

Président de la République arabe syrienne

17/04/2015

Sources : Sana / Expressen

http://sana.sy/en/?p=36449

http://www.expressen.se/nyheter/mote-med-al-assad/en/

Texte traduit par Mouna Alno-Nakhal

Note :

[*] Conversation avec le Président syrien Bachar al-Assad - 1ère partie : [Questions 50 à 58]

http://www.legrandsoir.info/conversation-avec-le-president-syrien-bachar-al-assad.html

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