Harold Pinter, prix Nobel de littérature : un artiste courageux qui dit la vérité sur l’impérialisme américain.
Par Barry Grey, 9 décembre 2005.
Le dramaturge britannique, Harold Pinter, prix Nobel de littérature 2005, a prononcé mercredi à l’Académie suédoise un discours de remerciements passionné, véridique et courageux. Auteur de renom, qui a écrit des pièces aussi célèbres que The Homecoming (Le Retour) et The Caretaker (Le Gardien), Pinter n’a jamais cessé d’élever la voix avec fermeté contre la guerre en Iraq et contre les déprédations commises par l’impérialisme américain dans les Balkans, l’Amérique centrale et partout ailleurs auparavant.
Il profita de son discours de remerciements pour intensifier et développer sa lutte en faisant une critique virulente de l’ensemble de la politique étrangère américaine couvrant la période d’après-guerre et en accusant la Grande-Bretagne pour son rôle de « second couteau » et de complice de Washington. Ne mâchant pas ses mots, Pinter qualifia Bush et Blair de criminels de guerre ; il lança un appel passionné à la résistance politique de masse contre le militarisme et la guerre.
Agé de 75 ans, le dramaturge, scénariste, poète, acteur et militant anti-guerre fit sa déclaration dans un discours préenregistré en Grande-Bretagne et qui fut diffusé sur des écrans au public assemblé à Stockholm. Pinter, qui fut récemment soigné pour un cancer de l’oesophage, est encore de santé fragile. Sur les conseils de son médecin, il s’abstint de se rendre en Suède.
Il apparut sur l’enregistrement, assis sur une chaise roulante, un plaid sur les genoux. Sa voix était rauque mais, selon des commentaires, elle n’en était pas moins déterminée.
Le discours de Pinter, qui avait pour titre « Art, vérité et politique », avait une fraîcheur et un élan particuliers de par son honnêteté et sa franchise concernant l’impact catastrophique de la subversion, de la violence et de l’agression américaines partout dans le monde au cours de ces nombreuses décennies. Même certaines sections des médias de l’establishment, en Grande-Bretagne comme aux Etats-Unis, comme par exemple le Guardian et le New York Times qui ont participé pleinement à disséminer les mensonges et à couvrir les crimes liés à la politique étrangère américaine, durent reconnaître, dans une certaine mesure, l’impact puissant des paroles de Pinter.
Pinter commença une présentation de son oeuvre dramatique et de son approche à l’art par les observations suivantes :
« En 1958 j’ai écrit la chose suivante : « Il n’y a pas de distinctions tranchées entre ce qui est réel et ce qui est irréel, entre ce qui est vrai et ce qui est faux. Une chose n’est pas nécessairement vraie ou fausse ; elle peut être tout à la fois vraie et fausse. »
Je crois que ces affirmations ont toujours un sens et s’appliquent toujours à l’exploration de la réalité à travers l’art. Donc, en tant qu’auteur, j’y souscris encore, mais en tant que citoyen je ne peux pas. En tant que citoyen, je dois demander : Qu’est-ce qui est vrai ? Qu’est-ce qui est faux ? »
Pinter poursuivit en donnant un aperçu du processus complexe et insaisissable de création de ses pièces de théâtre, en expliquant clairement que son souci majeur était l’utilisation de la langue, de l’intrigue et des personnages dans le but de découvrir d’importantes vérités humaines et sociales.
Au sujet de la relation entre l’art, le langage et la vérité il dit : « Le langage, en art, demeure donc une affaire extrêmement ambiguë, des sables mouvants, un trampoline, une mare gelée qui pourrait bien céder sous vos pieds, à vous l’auteur, d’un instant à l’autre.
« Mais, comme je le disais, la quête de la vérité ne peut jamais s’arrêter. Elle ne saurait être ajournée, elle ne saurait être différée. Il faut l’affronter là , tout de suite. »
Ce thème de la responsabilité qui incombe à l’artiste de rechercher et de présenter la vérité fut la transition entre ses remarques sur l’art dramatique et ses remarques concernant l’histoire et la politique. Il dit : « Le langage politique, tel que l’emploient les hommes politiques, ne s’aventure jamais sur ce genre de terrain, puisque la majorité des hommes politiques, à en croire les éléments dont nous disposons, ne s’intéressent pas à la vérité mais au pouvoir et au maintien de ce pouvoir. Pour maintenir ce pouvoir il est essentiel que les gens demeurent dans l’ignorance, qu’ils vivent dans l’ignorance de la vérité, jusqu’à la vérité de leur propre vie. Ce qui nous entoure est donc un vaste tissu de mensonges, dont nous nous nourrissons. »
Il poursuivit : « Comme le sait ici tout un chacun, l’argument avancé pour justifier l’invasion de l’Irak était que Saddam Hussein détenait un arsenal extrêmement dangereux d’armes de destruction massive, dont certaines pouvaient être déchargées en 45 minutes, provoquant un effroyable carnage. On nous assurait que c’était vrai. Ce n’était pas vrai. On nous disait que l’Irak entretenait des relations avec Al Qaïda et avait donc sa part de responsabilité dans l’atrocité du 11 septembre 2001 à New York. On nous assurait que c’était vrai. Ce n’était pas vrai. On nous disait que l’Irak menaçait la sécurité du monde. On nous assurait que c’était vrai. Ce n’était pas vrai. »
Pinter passa ensuite à une discussion de la politique étrangère des Etats-Unis depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. « Tout le monde sait ce qui s’est passé en Union soviétique et dans toute l’Europe de l’Est durant l’après-guerre : la brutalité systématique, les atrocités largement répandues, la répression impitoyable de toute pensée indépendante. Tout cela a été pleinement documenté et attesté.
« Mais je soutiens que les crimes commis par les États-Unis durant cette même période n’ont été que superficiellement rapportés, encore moins documentés, encore moins reconnus, encore moins identifiés à des crimes tout court. ... Bien que limitées, dans une certaine mesure, par l’existence de l’Union Soviétique, les actions menées dans le monde entier par les États-Unis donnaient clairement à entendre qu’ils avaient décrété avoir carte blanche pour faire ce qu’ils voulaient. »
Pinter parla ensuite du bilan des subversions internationales de Washington : « Dans l’ensemble, elle préférait ce qu’elle a qualifié de ’conflit de faible intensité’. ’Conflit de faible intensité’, cela veut dire que des milliers de gens meurent, mais plus lentement que si vous lâchiez une bombe sur eux d’un seul coup. Cela veut dire que vous contaminez le coeur du pays, que vous y implantez une tumeur maligne et que vous observez s’étendre la gangrène. Une fois que le peuple a été soumis ou battu à mort ça revient au même et que vos amis, les militaires et les grandes sociétés commerciales, sont confortablement installés au pouvoir, vous allez devant les caméras et vous déclarez que la démocratie l’a emporté. C’était monnaie courante dans la politique étrangère américaine dans les années auxquelles je fais allusion. »
Il continua ensuite par décrire les massacres et la dévastation infligés en 1980 au Nicaragua par les terroristes de la Contra avec le soutien des Etats-Unis. « Je dois vous rappeler » dit-il « qu’à l’époque le président Reagan avait fait la déclaration suivante : ’Les Contras sont l’équivalent moral de nos Pères fondateurs.’ »
Pinter détailla le rôle joué par les Etats-Unis au Nicaragua et en Amérique centrale dans son ensemble. Relevant les acquis sociaux conquis par le régime Sandiniste des nationalistes de gauche qui renversa en 1979 le dictateur Somoza bénéficiant du soutien des Etats-Unis abolition de la peine de mort, réforme agraire, progrès réalisés dans l’alphabétisation et l’éducation publique, santé publique gratuite il dit :
« Les États-Unis accusèrent ces franches réussites d’être de la subversion marxiste-léniniste. Aux yeux du gouvernement américain, le Nicaragua donnait là un dangereux exemple. Si on lui permettait d’établir les normes élémentaires de la justice économique et sociale, si on lui permettait d’élever le niveau des soins médicaux et de l’éducation et d’accéder à une unité sociale et une dignité nationale, les pays voisins se poseraient les mêmes questions et apporteraient les mêmes réponses. Il y avait bien sûr à l’époque, au Salvador, une résistance farouche au statu quo.
« Le Président Reagan qualifiait couramment le Nicaragua de ’donjon totalitaire’. Ce que les médias, et assurément le gouvernement britannique, tenaient généralement pour une observation juste et méritée. Les ’donjons totalitaires’ se trouvaient en fait tout à côté, au Salvador et au Guatemala. Les États-Unis avaient, en 1954, fait tomber le gouvernement démocratiquement élu du Guatemala et on estime que plus de 200 000 personnes avaient été victimes des dictatures militaires qui s’y étaient succédé.
« Les États-Unis ont fini par faire tomber le gouvernement sandiniste. Cela leur prit plusieurs années et ils durent faire preuve d’une ténacité considérable, mais une persécution économique acharnée et 30 000 morts ont fini par ébranler le courage des Nicaraguayens. Ils étaient épuisés et de nouveau misérables. L’économie ’casino’ s’est réinstallée dans le pays. C’en était fini de la santé gratuite et de l’éducation gratuite. Les affaires ont fait un retour en force. La ’Démocratie’ l’avait emporté.
« Mais cette ’politique’ ne se limitait en rien à l’Amérique centrale. Elle était menée partout dans le monde. Elle était sans fin. Et c’est comme si ça n’était jamais arrivé.
« Les États-Unis ont soutenu, et dans bien des cas engendré, toutes les dictatures militaires droitières apparues dans le monde à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. Je veux parler de l’Indonésie, de la Grèce, de l’Uruguay, du Brésil, du Paraguay, d’Haïti, de la Turquie, des Philippines, du Guatemala, du Salvador, et, bien sûr, du Chili. L’horreur que les États-Unis ont infligée au Chili en 1973 ne pourra jamais être expiée et ne pourra jamais être oubliée. » [Note de l’éditeur : Il existe d’autres pays qui pourraient être ajoutés à la liste de Pinter, dont l’Argentine, l’Iran et le Paskistan].
Passant aux méthodes de propagande bien affinées et sophistiquées de l’establishment américain, Pinter dit : « Le langage est en fait employé pour tenir la pensée en échec. Les mots ’peuple américain’ fournissent un coussin franchement voluptueux destiné à vous rassurer. Ce qui bien sûr ne vaut pas pour les 40 millions de gens qui vivent en dessous du seuil de pauvreté ni aux 2 millions d’hommes et de femmes incarcérés dans le vaste goulag de prisons qui s’étend d’un bout à l’autre des États-Unis. »
Pinter poursuivit : « Les États-Unis ne se préoccupent plus des conflits de faible intensité. Ils ne voient plus l’intérêt qu’il y aurait à faire preuve de réserve, ni même de sournoiserie. Ils jouent cartes sur table, sans distinction. C’est bien simple, ils se fichent éperdument des Nations Unies, du droit international ou des voix dissidentes, dont ils pensent qu’ils n’ont aucun pouvoir ni aucune pertinence. Et puis ils ont leur petit agneau bêlant qui les suit partout au bout d’une laisse, la Grande-Bretagne, pathétique et soumise.
« Où est donc passée notre sensibilité morale ? Regardez Guantanamo. Des centaines de gens détenus sans chef d’accusation depuis plus de trois ans, sans représentation légale ni procès équitable, théoriquement détenus pour toujours. Cette structure totalement illégitime est maintenue au mépris de la Convention de Genève.
« L’invasion de l’Irak était un acte de banditisme, un acte de terrorisme d’État patenté, témoignant d’un absolu mépris pour la notion de droit international. Une redoutable affirmation de la force militaire responsable de la mort et de la mutilation de milliers et de milliers d’innocents.
« Nous avons apporté au peuple irakien la torture, les bombes à fragmentation, l’uranium appauvri, d’innombrables tueries commises au hasard, la misère, l’humiliation et la mort et nous appelons cela ’apporter la liberté et la démocratie au Moyen-Orient.’
« Combien de gens vous faut-il tuer avant d’avoir droit au titre de meurtrier de masse et de criminel de guerre ? Cent mille ? Plus qu’assez, serais-je tenté de croire. Il serait donc juste que Bush et Blair soient appelés à comparaître devant la Cour internationale de justice. Mais Bush a été malin. Il n’a pas ratifié la Cour internationale de justice. Donc, si un soldat américain ou, à plus forte raison, un homme politique américain, devait se retrouver au banc des accusés, Bush a prévenu qu’il enverrait les marines. Mais Tony Blair, lui, a ratifié la Cour et peut donc faire l’objet de poursuites. Nous pouvons communiquer son adresse à la Cour si ça l’intéresse. Il habite au 10 Downing Street, Londres.
« Les 2000 morts américains sont embarrassants. On les transporte vers leurs tombes dans le noir. Les funérailles se font discrètement, en lieu sûr. Les mutilés pourrissent dans leurs lits, certains pour le restant de leurs jours. »
Pour résumer, Pinter dit : « J’ai dit tout à l’heure que les États-Unis étaient désormais d’une franchise totale et jouaient cartes sur table. C’est bien le cas. Leur politique officielle déclarée est désormais définie comme une ’full spectrum dominance’ (une domination totale sur tous les fronts). L’expression n’est pas de moi, elle est d’eux. ’Full spectrum dominance’, cela veut dire contrôle des terres, des mers, des airs et de l’espace et de toutes les ressources qui vont avec.
« Des milliers, sinon des millions, de gens aux États-Unis sont pleins de honte et de colère, visiblement écoeurés par les actions de leur gouvernement, mais en l’état actuel des choses, ils ne constituent pas une force politique cohérente pas encore. Cela dit, l’angoisse, l’incertitude et la peur que nous voyons grandir de jour en jour aux États-Unis ne sont pas près de s’atténuer.
« Je crois que malgré les énormes obstacles qui existent, être intellectuellement résolus, avec une détermination farouche, stoïque et inébranlable, à définir, en tant que citoyens, la réelle vérité de nos vies et de nos sociétés est une obligation cruciale qui nous incombe à tous. Elle est même impérative.
« Si une telle détermination ne s’incarne pas dans notre vision politique, nous n’avons aucun espoir de restaurer ce que nous sommes si près de perdre notre dignité d’homme. »
Barry Grey
– Source : WSWS.ORG www.wsws.org
Harold Pinter et le Nobel de Littérature
Par Danielle Bleitrach, 9 décembre 2005.
Le dramaturge britannique Harold Pinter n’a pu, pour des raisons de santé, recevoir en main propre son prix Nobel de littérature à Stockolm, il a envoyé une casette video enregistrée. Dans celle-ci , Harold Pinter a une fois de plus dénoncé "l’invasion de l’Irak était un acte de banditisme, un acte de terrorisme d’Etat flagrant, la preuve d’un mépris absolu pour le droit international". "Combien de personnes faut-il tuer avant de mériter d’être décrit comme un massacreur et un criminel de guerre ? Cent mille ?"
Cette politique étrangère américaine qu’il proposait de définir ainsi : "Lèche-moi le cul ou je te fais une tête au carré", et qui avec la fin de l’Union Soviétique a perdu sa justification. [1] " C’était le bon temps. Vous pouviez faire le tour du monde pour aider vos amis à torturer et à tuer des gens- des journalistes, des enseignants, des étudiants, des paysans,etc- pour le simple raison qu’ils en étaient. Qu’ils étaient inspirés par eux, qu’ils étaient corrompus par eux. Et, en parlant sans cesse d’eux, vous conserviez et renforciez votre propre pouvoir. Mais une fois tout cela terminé, qu’allez-vous faire ? A partir du moment où vous n’avez plus de bon ennemi bien gras à vous mettre sous la dent, à partir du moment où vous ne pouvez plus dépenser des milliards de dollars en armement, qu’est-ce que vous allez pouvoir bien faire ? " [2]
La première guerre en Irak, à laquelle Harold Pinter s’est opposé violemment a montré que, sans même la justification antérieure de l’Union Soviétique, "l’Empire du mal", la machine continuait son oeuvre de mort :
Réflexions sur la guerre du Golfe, le football américain. (1991)
Alleluia !
Ca roule
On leur en a mis plein la gueule.
On leur en a mis plein leur sale gueule de merde
Et on leur a défoncé la tronche.
Alléluia !
Dieu soit loué pour tout ce qui nous arrive de bon.
On leur a fout sur la gueule
Et putain, ils ont mordu la poussière.
Dieu soit loué pour ce qui nous arrive de bon.
On leur a explosé les couilles, on en a fait de la bouillie,
De la putain de bouillie.
On a gagné.
Venez maintenant, je veux que vous m’embrassiez sur la bouche.
Harold Pinter raconte qu’il a écrit ce poème dans un avion et il lui a été inspiré par le triomphalisme, le machisme, les parades de victoire. Il l’a vainement proposé au " London Review of books", au Guardian, à l’Observer, à l’Independant, dans toutes ces publications de Grande Bretagne, il s’est heurté au même refus motivé "par le "langage obscène" qui risquait de faire perdre des lecteurs.
Nous sommes ici au coeur du problème, qu’est-ce qui est obscène ? La réalité ou le langage qui la décrit.
Politique et/ou littérature :
Face au discours pré-enregistré d’Harold Pinter, prononcé d’une voix rauque, les commentateurs, en particulier la dépêche de l’AFP ont déclaré que le dramaturge, récipiendaire du Nobel avait fait plus de politique que de littérature. Un peu à la manière dont les publications auxquelles il s’est adressé pour son poème, l’Observer, en particulier ont justifié leur refus de le publier en arguant "les faiblesses de ce texte en tant que poème", non parce qu’il n’était pas "abouti" mais parce que son langage obscène risquait de rebuter un lectorat frileux... La "politique" serait alors l’ultime obscénité d’une société libérale et libertaire. [3]
Ce que Pinter définissait comme l’érosion du langage de la liberté. [4] Il expliquait que nous visions dans la fiction d’un pays libre : "Je crois que ce qui est à l’origine de cet état de fait, c’est qu’au cours des quarante dernières années ; notre façon de penser s’est laissé piéger par des structures de langage complètement creuses, par une rhétorique périmée, rancie, mais incroyablement populaire. Cela représente de mon point de vue une défaite de l’intelligence et de la volonté. " [5]
Il suffit de connaître les écrits de Pinter pour savoir à quel point ce qui se joue pour lui est la possibilité d’un langage, d’une écriture face au mensonge, dans lequel on nous oblige de vivre. Le langage, l’écriture, deviennent intolérables parce qu’ils déchirent ce que nous tenons pour acquis depuis toujours que nous vivrions en liberté. Parce qu’il nous confrontent à la réalité, à notre lâcheté de ne pouvoir affronter les crimes et les morts commis en notre nom.
L’accusation contre Washington d’avoir soutenu "toutes les dictatures militaires de droite dans le monde" s’est assortie de la dénonciation de la manipulation "très clinique du pouvoir dans le monde entier, tout en se faisant passer pour une force prônant le bien universel. C’est un geste d’hypnotisme brillant, voire plein d’esprit et très réussi". Son pays, la Grande Bretagne, "la minable et molle Grande Bretagne", suit les Etats-Unis, comme "un petit mouton bêlant".
Cela va au-delà de l’Irak, et des invasions guerrières, cela touche à ces conflits de "faible intensité" comme les blocus" où des milliers de gens meurent, mais beaucoup plus lentement que si vous leur aviez lâché une grosse bombe dessus. Cela signifie infecter le coeur même d’un pays, implanter une tumeur maligne et la regarder pourrir tout l’organisme. Vous pouvez ensuite aller vous pavaner devant les caméras en chemise blanche bien propre et cravate de rigueur pour dire que la démocratie a vaincu." [6]
A cause de ce mensonge, cette mascarade, la matière même de la littérature, le langage, sa structure évoluent parallèlement à la réalité. " La réalité demeure -t- elle essentiellement séparée du langage, inexorable, étrangère, à part, réfractaire à la description ? Une correspondance vitale et précise entre ce qui est notre perception de cette réalité est-elle impossible ? Ou bien est-ce que nous sommes contraints d’utiliser le langage dans le seul but de déformer et d’obscurcir la réalité- de déformer ce qui est, de déformer ce qui se produit effectivement- parce que la réalité nous fait peur ? " [7]
Danielle Bleitrach
Discours complet d’Harold Pinter lu à Stockholm, mercredi 7 décembre 2005, au nom du Prix Nobel de littérature 2005.<BR>
www.lemonde.fr/web
Amérique centrale. Elle était menée partout dans le monde. Elle était sans fin. Et cintérêt qu