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Dans le New York Times, Kristof exploite la crise des réfugiés pour une intensification de la guerre en Syrie

Des millions de personnes à travers le monde, horrifiées par le calvaire subi par les réfugiés venus du Moyen-Orient et cherchant asile en Europe, ont réagi par un élan de solidarité pour les victimes.

Les professions de sollicitude des propagandistes de l’impérialisme américain dans les médias par contre, sont pleines de cynisme et de tromperie. Nombreux sont ceux qui versent des larmes de crocodile sur ceux qui fuient la Libye, l’Irak, la Syrie, l’Afghanistan ou d’autres pays dévastés par la violence impérialiste pour mieux plaider en faveur d’une escalade de la politique criminelle a l’origine de la catastrophe.

Nicholas Kristof du New York Times (NYT) en est un bel exemple. Il est le propagandiste attitré du NYT pour l’impérialisme des « droits de l’homme ». C’est un libéral dont la sensibilité humanitaire est toujours à l’unisson de l’ordre du jour de la Central Intelligence Agency.

Partisan enthousiaste de l’invasion américaine de l’Afghanistan, de l’Irak et des guerres de changement de régime de Washington en Libye et en Syrie, il monte en ligne pour prôner, au nom des millions de gens tués, mutilés ou sans foyer du fait de ces crimes de guerre, une escalade de la l’intervention américaine contre le régime du président syrien Bachar al-Assad.

Dans une chronique du NYT dimanche intitulée « Des réfugiés qui pourraient être nous », Kristof note que son père était un réfugié de la Seconde Guerre mondiale et déclare pompeusement : « Si vous ne vous reconnaissez pas vous ou les membres de votre famille dans ces images de réfugiés aujourd’hui, vous avez besoin d’un implant d’empathie ».

Kristof en avait lui-même grand besoin quand il applaudissait le meurtre de masse commis en Libye par les avions de guerre américains qui y pulvérisaient des villes entières. En septembre 2011, comme la guerre de changement de régime sous leadership américain touchait à sa fin sanglante, Kristof écrivait en s’extasiant un récent voyage à Tripoli et faisait un tableau idyllique d’une capitale paisible aux habitants exultants, reconnaissants à Washington d’avoir organisé le renversement de Mouammar Kadhafi.

Il omettait de parler des cadavres liés des gens loyaux à Kadhafi, trouvés dans différentes parties de la ville ou des centres de détention « rebelles » où la moitié de ceux qui y étaient détenus et torturés étaient des migrants noirs subsahariens, ramassés dans les rues en raison de la couleur de leur peau.

La Libye », écrit-il, « nous rappelle qu’il est parfois possible d’utiliser des outils militaires pour faire avancer des causes humanitaires ».

Un mensonge dont Goebbels aurait été fier ! La « cause humanitaire » ayant motivé la guerre contre la Libye, tout comme les guerres qui l’ont précédée, et suivie, était la présence de réserves massives d’énergie (la Libye a les plus grandes réserves de pétrole d’Afrique) et la campagne de l’impérialisme américain pour dominer le monde.

Pour Kristof, prôner la guerre totale contre Assad n’est pas nouveau. En septembre 2013, il s’était plaint amèrement de la décision du gouvernement Obama de reculer devant un assaut aérien du pays.

Dans sa chronique du week-end, Kristof passe sans transition de sa profession d’empathie pour les réfugiés à l’exigence de créer une « zone de sécurité » gardée par les armées américaine et occidentales, ce qui « permettrait au moins aux Syriens de rester dans le pays ». Critiquant le gouvernement Obama pour avoir « fauté pour ce qui est de la Syrie » il l’exhorte à faire « quelque chose de dur comme d’employer la menace de missiles pour créer une zone de sécurité. »

Enfin, il cite la militante anti-Assad Lina Sergie Attar, basée à Chicago, qui a dit, « Arrêter les barils d’explosifs permettra de sauver plus de réfugiés qui meurent en route pour l’Europe que toute autre action, parce que les gens veulent retourner vivre chez eux ».

La référence aux barils d’explosifs, dirigée contre Assad, ignore le fait que beaucoup, sinon la plupart, des réfugiés syriens fuient les actes meurtriers des forces islamistes anti-Assad soutenues par les Etats-Unis et leurs alliés comme l’Arabie saoudite et les autres émirats du Golfe

« L’empathie » de Kristof lui permet d’omettre qu’avant les guerres néo-coloniales pour le pétrole et l’avantage géo stratégique qui ont dévasté une bonne partie de l’Asie centrale, du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, il n’y avait pas une telle crise des réfugiés. Il l’omet pour couvrir sa propre culpabilité dans la production des mensonges visant à étayer ces interventions.

Dans la version en ligne de sa chronique, Kristof lie son appel à une « zone de sécurité » à un document publié le 2 septembre par l’International Crisis Group, intitulé « Nouvelle approche en Syrie du Sud ». Ce document montre clairement que ce qui est proposé sous le nom de « zone de sécurité » dans le sud de la Syrie est l’imposition d’une « zone d’exclusion aérienne ».

La création d’une telle zone a été en Libye le prétexte utilisé pour mener une guerre aérienne sanglante en coordination avec les attaques au sol menées par les forces liées à Al-Qaïda et agissant pour le compte de Washington. Le tout culmina dans le renversement et l’assassinat de Kadhafi. Derrière le discours d’un « règlement politique » en Syrie, on prépare le même sort à Assad.

Le rapport de l’International Crisis Group déclare : « Réaliser une zone exempte d’attaques aériennes dans le sud pourrait servir de modèle pour une approche différente par les Etats soutenant les rebelles dans le nord ... Une action de Washington pour mettre fin aux attaques aériennes du régime dans le sud pourrait signaler une volonté de faire de même dans le nord ... »

Ce que Kristof propose vraiment, derrière le discours trompeur d’une « zone de sécurité », c’est une attaque à l’échelle nationale avec des missiles Tomahawk et des bombes bien plus destructrices que les bombes barils du régime. Il est indifférent au fait que cette politique a tué au moins 50.000 Libyens et déclenché une guerre entre milices islamistes rivales qui a réduit ce pays à un champ de mort chaotique et que la guerre civile attisée par les États-Unis en Syrie a déjà tué quelque 250.000 personnes et en a déplacé 11 millions, soit la moitié de la population.

Un coup d’oeil aux entreprises représentées au Conseil d’administration et au Conseil consultatif international de l’International Crisis Group suffit à montrer les vrais objectifs de la guerre en Syrie. Il y a là BP, Chevron et Shell Oil. Figurent parmi les principaux responsables ou conseillers Samuel Berger, conseiller à la Sécurité nationale de Bill Clinton, le républicain néo-conservateur et pro-guerre en Iraq Kenneth Adelman, l’ancien commandant de l’OTAN Wesley Clark et le spéculateur milliardaire George Soros.

Le moment choisi pour publier l’article de Kristof démontre qu’il fait partie d’un effort du New York Times, en coordination avec la CIA et le Pentagone, pour préparer l’opinion publique à une escalade militaire américaine en Syrie. L’article a paru un jour après un article de première page co-écrit par le laquais du Pentagone au Times, Michael R. Gordon, qui faisait référence à des allégations vagues et non fondées que la Russie se préparait à intensifier son soutien militaire à Assad.

Cet article avait toutes les caractéristiques d’un article commandité, plus ou moins dicté par des responsables militaires et du renseignement et publié par le « journal de référence ». Citant des fonctionnaires anonymes de l’administration Obama, il avertit que la Russie pourrait être sur le point de dépêcher des centaines de soldats en Syrie et de lancer des frappes aériennes à l’appui de forces gouvernementales syriennes. Son seul élément de preuve est l’expédition annoncée par Moscou de logements préfabriqués et d’une tour de contrôle aérienne portable vers un terrain d’aviation syrien.

Le jour où l’article a paru, le secrétaire d’Etat américain John Kerry téléphonait au ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov pour le mettre en garde contre toute escalade d’un soutien militaire russe à Assad.

Kristof fait partie d’un groupe de gens écrivant pour le Times, qui a fonctionné comme une courroie de transmission pour les mensonges de la CIA et du Pentagone au service de la guerre impérialiste. Il y a parmi eux la tristement célèbre Judith Miller, auteur d’articles sinistres sur des armes de destruction massive irakiennes avant l’invasion étasunienne en 2003, entièrement basés sur les informations de responsables de l’administration Bush et du renseignement.

On y trouve l’ancien rédacteur en chef Bill Keller et le chroniqueur des affaires étrangères Thomas Friedman. Tous deux ont encouragé les guerres en Asie centrale et au Moyen-Orient comme servant la démocratie et les droits de l’homme, bien que ce dernier ait aussi écrit qu’il n’avait « aucun problème avec une guerre pour le pétrole ».

Et puis, il y a Roger Cohen, autre libéral enthousiaste des « droits de l’homme » impérialistes. Il a publié lundi un article (« L’Europe d’Aylan Kurdi ») où il réprimande l’Europe pour son traitement des réfugiés sans même jamais mentionner les guerres américaines de conquête et d’anéantissement qui ont produit la crise.

Il convient de rappeler que, parmi ceux jugés et condamnés pour crimes de guerre à Nuremberg, il y avait, outre les dirigeants survivants du Troisième Reich, Julius Streicher, le rédacteur en chef de l’hebdomadaire antisémite Der Stürmer. Le tribunal a conclu que, bien que Streicher n’eût joué aucun rôle direct dans la formulation de la politique de guerre, il avait joué un rôle vital dans l’empoisonnement de la conscience du peuple allemand. Il fut pendu aux côtés des représentants du gouvernement nazi.

Tout entreprise sérieuse voulant établir la responsabilité des crimes commis en Afghanistan, en Irak, en Libye et en Syrie devrait, de la même façon, juger ceux qui, comme Kristof, Cohen, Keller, Friedman et Miller, ont servi la machine de guerre du Pentagone par leur promotion de la guerre d’agression.

Article paru en anglais, WSWS, le 8 septembre 2015

Copyright © Barry Grey, wsws.org, 2015

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