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Le meurtre de Mohammad Abu Khdeir, 17 ans, brûlé vif, a ravivé un sentiment national palestinien

Israël réveille la Palestine qu’il voudrait anéantir

L’assaut barbare lancé contre Gaza a un seul objectif – et il n’a rien à voir avec les trois colons tués. Netanyahou sait qu’il lui faut écraser le vif sentiment d’identité collective qui s’est consolidé en dépit des décennies d’efforts d’assimilation.

Quand les corps des trois colons israéliens - Aftali Frenkel et Gilad Shaar, 16 ans tous les deux, et Eyal Yifrach, 19 ans - ont été retrouvés le 30 juin près de Hébron au sud de la Cisjordanie, Israël est rentré dans une période de deuil qui lui a valu des marques du sympathie du monde entier. Les trois jeunes avaient disparu 18 jours plus tôt dans des circonstances encore non élucidées.

L’épisode entier, et davantage encore sa douloureuse issue, a semblé traumatiser les Israéliens au point de leur faire oublier quelques regrettables vérités sur les colons et la militarisation de leur société. Par exemple, un des trois a été, depuis, accusé d’avoir humilié des prisonniers palestiniens, et un autre était apparemment un soldat de l’occupation.

Les trois jeunes ont été présentés comme des jeunes sans défenses, bien que celui qui avait 19 ans soit soldat, et les commentateurs ont négligé (comme d’habitude, ndt) de parler du contexte pourtant indispensable à la compréhension des événements. Très peu ont mentionné le vrai coupable : la politique expansionniste qui sème la haine et la mort.

Avant la découverte des corps, on connaissait le vrai visage du gouvernement de droite de Netanyahou. On avait peu d’illusions sur la nature "pacifique" d’une occupation imposée par des gens comme le ministre des affaires étrangères, Avigdor Lieberman, le ministre de l’économie, Naftali Bennett, et l’adjoint du ministre de la défense Danny Danon. Mais parce que la vie d’"enfants"– c’est le mot que Netanyahu a lui-même employé – était en jeu, même ceux qui ne lui font pas confiance ne s’attendaient pas, dans le cas présent, à voir triompher la politique politicienne.

La sympathie générée par la disparition des trois colons s’est vite évanouie devant la réponse d’Israël (en Cisjordanie, à Jérusalem et ensuite le déchaînement de l’armée à Gaza) qui a largement été considérée dans le monde comme disproportionnée et cruelle. Loin de répondre à la mort tragique des trois jeunes, la réaction de Netanyahou était clairement le fruit de calculs politiques.

Des groupes de Juifs israéliens se sont vengés en perpétrant une série de lynchages ethniques en Israël, à Jérusalem et en Cisjordanie qu’on a comparés à des “pogroms”, et des soldats de l’occupation ont mené une opération massive d’arrestations de centaines de Palestiniens, principalement des membres ou des supporters du Hamas.

Le Mouvement de la Résistance Islamique du Hamas a nié toute implication dans la mort des colons, et cela paraît plausible parce qu’ils hésitent rarement à revendiquer les actions de leur branche armée. Les stratèges militaires israéliens le savent bien.

Cette guerre contre le Hamas a de toutes façons peu à voir avec la mort des colons et tout à voir avec les circonstances politiques qui ont précédé leur disparition.

La Nakba et une nouvelle Intifada

Le 15 mai, deux jeunes Palestiniens, Nadim Siam Abu Nuwara, 17 ans, and Mohammed Mahmoud Odeh Salameh, 16 ans, ont été tués par des soldats israéliens alors qu’ils participaient à une manifestation en commémoration de la Nakba, ou ‘Grande Catastrophe’. Une vidéo montre que Nadim ne faisait rien d’autre que d’être là avec ses amis quand il a reçu une balle israélienne.

La Nakba a eu lieu il y a 66 ans et elle a engendré le soi-disant conflit arabo-israélien. Environ onze millions de Palestiniens ont été forcés de s’enfuir devant l’invasion sioniste en abandonnant leurs maisons et leurs terres. Israël s’est établi sur les ruines of cette Palestine.

Nadim et Mohammed, comme beaucoup des jeunes des générations qui se sont succédées depuis, ont été assassinés de sang froid alors qu’ils participaient à une marche de commémoration de cet exode forcé. Leur assassinat n’a suscité aucune indignation en Israël. Mais la colère palestinienne qui semble grandir sans cesse – du fait de l’occupation militaire et des difficiles conditions économiques – avait atteint un seuil de non retour.

Dans un sens, la mort de ces jeunes Palestiniens a fait passer au second plan les dommageables divisions qui régnaient depuis des années entre les leaders et dans la société palestinienne. Leur mort a rappelé aux Palestiniens que la Palestine, en tant qu’idée, drame et lutte collective, dépasse la politique et même l’idéologie.

Leur mort nous a rappelé que la Palestine est beaucoup plus que les desideratas du vieux ‘Président’ de l’Autorité Palestinienne (AP), Mahmoud Abbas et de ses acolytes de Ramallah ou même des calculs régionaux du Hamas suite à la naissance et la mort du ‘Printemps Arabe.’

La réaction d’Israël à la mort des colons a été différente. Après la découverte des corps, d’autres colons et des Israéliens d’extrême-droite se sont lancés dans une campagne de vengeance contre des communautés palestiniennes. Ils se sont réunis sous le slogan “mort aux Arabes”, ressuscitant l’idée en déshérence d’une identité palestinienne unique et indivisible, celle qui existait avant les divisions engendrées par la création du Fatah et du Hamas.

C’est peut-être un paradoxe, mais la douleur et la colère provoquées par le meurtre de Mohammad Abu Khdeir, 17 ans, brûlé vif par des colons israéliens, a stimulé le réveil d’une identité nationale palestinienne brisée depuis trop longtemps.

Un sentiment d’identité nationale, qui avait souffert des murs israéliens, de leurs tactiques militaires et de la propre désunion des Palestiniens, s’est reconstruit d’une manière qui rappelle les événements qui ont précédé le premier et le second soulèvement de 1987 et 2000 respectivement.

Il y a beaucoup à dire sur l’hypocrisie dont les gouvernements occidentaux ont fait preuve dans leurs réactions à la mort des Palestiniens et des Israéliens, la situation désolante des affaires arabes, la pression que subit Abbas, dont le niveau de collaboration avec l’Occupation augmente sans cesse, pour retrouver les assassins, et le manque de réaction sérieuse d’Israël aux abus perpétrés par les colons et les soldats israéliens contre les jeunes Palestiniens dont un garçons étasuno-palestinien. Mais l’action collective des Palestiniens n’est pas vraiment la conséquence de l’hypocrisie infinie de l’occident. La priorité maintenant pour les Palestiniens est de mettre au point une stratégie commune pour cimenter l’unité et réaliser leurs aspirations nationales.

Le gouvernement d’unité

Cependant, à la différence des Intifadas précédentes, parler d’une seule voix semble impossible aujoud’hui. Abbas est un leader faible qui en a fait trop pour répondre aux besoins sécuritaires d’Israël et pas assez pour défendre les droits de son peuple. C’est une relique d’un temps révolu qui est encore là uniquement parce que c’est ce que les Israéliens et les Etasuniens ont de mieux pour le moment.

Même après le début de la violente répression israélienne qui a suivi l’assassinat des colons, Abbas a continué à s’associer de son mieux aux massives recherches israéliennes. Il a même parfois assisté de loin aux brutalités de l’armée israélienne contre des Palestiniens de Cisjordanie.

Il est clair qu’aucune nouvelle Intifada ne laissera Abbas et son misérable régime en place. C’est bien la raison pour laquelle les sbires de l’AP ont empêché les Palestiniens de Cisjordanie de protester contre la violence israélienne qui se déchaînait dans les territoires occupés et qui a finalement culminé dans la guerre barbare contre Gaza faisant des centaines de morts et de blessés. Ces policiers de l’AP qui ont regardé l’armée israélienne faire toutes les descentes qu’ils voulaient dans les maisons palestiniennes sont les mêmes qui ont écrasé les Palestiniens qui essayaient de se rassembler pour manifester.

Tout le crédit supposément accordé à Abbas pour avoir formé un gouvernement d’unité avec le Hamas en juin dernier, lui a été retiré tout aussi vite à cause de son incapacité à se hisser à la hauteur de son engagement envers l’accord d’unité, et la pertinence de son ‘autorité’ a été rapidement éclipsée par la violence israélienne qui a souligné son inaptitude et celle de son gouvernement à faire face aux calculs politiques israéliens.

Le Hamas relancé

Quand Israël a lancé sa campagne d’arrestations massives qui ciblait principalement le Hamas en Cisjordanie, la branche politique du Hamas cherchait déjà des “alternatives” au gouvernement d’unité à Ramallah. Les officiels du Hamas ont préféré le taire pour ne pas révéler qu’ils étaient mécontents d’Abbas et de son gouvernement de Ramallah, mais Dr Ahmed Yousef, un officiel de haut rang du Hamas, en a parlé clairement dans un interview à l’agence de presse Ma’an*.

"Le gouvernement de Rami Hamdallah a échoué à remplir" le vide laissé par le démantèlement du gouvernement du Hamas à Gaza, a déclaré Yousef. “Nous voulons un gouvernement réunissant toutes les factions pour éviter le chaos sécuritaire et résoudre la crise des salaires des fonctionnaires de la bande de Gaza," a-t-il ajouté.

Les espoirs que le Hamas avait mis dans le gouvernement d’unité ont été déçus. L’accord d’unité devait permettre de : mettre fin à l’isolement politique du Hamas de Gaza causé par l’intensification du siège par le dictateur égyptien Abdul Fatah al-Sisi, résoudre la crise économique dans la bande de Gaza et enfin permettre au Hamas de revenir à sa vocation première, la résistance.

Le Hamas espérait sans doute arriver à un arrangement similaire à celui du Hezbollah au Liban : jouir d’une grande influence politique, maintenir sa présence militaire et faire, à son gré, l’aller et retour entre la résistance et la politique. Mais c’est un modèle difficile à reproduire parce que le paysage politique et topographique est très différent en Palestine et au Liban.

A la difficulté pour le Hamas de mettre en place ce nouveau type de mouvement basé sur la complémentarité résistance/politique, s’ajoute le fait qu’Israël est déterminé à détruire tout ce qui peut ressembler à un gouvernement palestinien d’unité. C’est devenu quasiment une obsession chez Netanyahou.

La disparition des colons a donné un nouvel élan à la quête de Netanyahou. Il a immédiatement recommencé à mettre la pression sur Abbas pour qu’il rompe avec le Hamas. En fait, Abbas est devenu la cible d’une campagne sioniste qui dépasse les frontières d’Israël. Son langage a été scruté et critiqué par des organisations comme la Ligue Anti-Diffamation pro-isralienne. Cette ligue, qui a toujours soutenu les guerres israéliennes contre Gaza, a poussé les hauts cris lorsque Abbas a parlé de ‘génocide’ pour décrire la campagne d’assassinats.

Pendant que Abbas végétait dans sa décrépitude politique, le Hamas opposait une féroce résistance à Gaza. Plusieurs groupes de résistants, y compris du Fatah, le parti d’Abbas, se sont unis et ont répliqué avec des tirs de barrages de roquettes sur Tel Aviv, Haïfa, Jérusalem et ailleurs. Même si peu d’Israéliens sont morts, du moins au moment où j’écris cet article, eu égard aux centaines de morts et de blessés palestiniens, les prouesses du Hamas ont achevé de discréditer Abbas et son gouvernement qui sont de plus en plus considérés comme des "collaborateurs" d’Israël.

Comme Majdi, qui a 28 ans et vit dans le camp de réfugiés de Deheisheh, le dit très bien : “Les policiers palestiniens sont les mercenaires de l’occupation israélienne ; ils voient tout et ne font rien."

Un Bibi assiégé

Netanyahou a concentré ses attaques sur le Hamas. Il veut l’éradiquer de Cisjordanie, selon ses propres paroles, puis le détruire à Gaza en même temps que les autres groupes de la résistance. Ses motivations sont nombreuses, sans compter la nécessité de frapper la résistance, pour saper sans cesse ses progrès, toutes les quelques années - les attaques précédentes ont été lancées en 2006, 2007, 2008-9, 2012 et maintenant 2014.

Mais cette il y avait encore de nouveaux motifs, du fait des circonstances nouvelles, comme par exemple, le fait que le gouvernement de Netanyahou qui n’a jamais été solide depuis sa composition – en partie à cause de la constante guerre intestine entre la ministre de la justice Tzipi Livni et des membres de l’extrême-droite – est en danger.

Livni a menacé une énième fois de quitter le gouvernement le 11 juin, la veille de la disparition des colons. L’union de la droite entre le Likoud du premier ministre et Yisrael Beitenu de Liberman a été dissoute le 7 juillet.

Mais ces fissures dans la coalition de Netanyahu paraissent trop graves pour que même une guerre massive contre Gaza puisse les colmater.

Retour de manivelle

Il y a un autre motif à la guerre israélienne contre Gaza. Netanyahou qui craint le déclenchement d’une intifada qui unirait les Palestiniens, menacerait l’AP et ralentirait la construction de colonies illégales, espère que l’agression de Gaza anéantira le sentiment d’unité qui renaît lentement mais sûrement entre les Palestiniens de Palestine et les citoyens palestiniens d’Israël.

Cette unité-là est bien plus inquiétante pour Netanyahou que l’arrangement politique du Fatah et du Hamas résultant de contingences régionales. L’attaque du Hamas est une tentative israélienne de contrecarrer l’émergence d’une nouvelle vision collective qui ne se cantonne plus seulement à Gaza et à son siège, mais qui englobe toute la Palestine et toutes ses communautés de quelque côté du “mur de séparation” israélien qu’elles vivent.

Une vraie unité palestinienne qui culminerait dans une Intifada populaire massive est la sorte de guerre que Netanyahou ne peut absolument pas gagner.

Ramzy Baroud, Middle East Eye

Note :
*http://maannews.net/eng/ViewDetails.aspx?ID=710117

Traduction : Dominique Muselet

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