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Jeannette Bougrab : trop délicate, même

Avec la femme politique Jeannette Bougrab, nous ne sommes pas au niveau d’une Morano brut de décoffrage, d’un Lefèbvre plus pâteux qu’un chewing gum usagé, d’une Rama Yade dont les dents rayent tellement le parquet qu’il n’y a plus de parquet, d’une Fadela Amara qui a trahi les siens et leur cause commune, ni même d’une Pécresse avec son éternel sourire d’hémiplégique.

Bougrab est une authentique universitaire, une personne de réelle qualité. Née dans l’Indre, elle est fille de harki, c’est-à -dire d’un supplétif au service de l’armée coloniale française en Algérie. On ne va pas appuyer là où ça fait mal : autant certains harkis furent des kollabos enthousiastes, autant d’autres furent enrôlés de force. Il n’est, cela dit, pas étonnant qu’étant la fille d’un homme ayant servi un ordre injuste, Jeannette Bougrab ait été repérée (comme Rachida Dati) par des gens influents de droite et qu’elle ait très vite rallié l’hyperbourgeoisie qui nous gouverne avec la férocité que l’on sait.

Après un court passage à la présidence de la Haute Autorité de la lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Le Canard Enchaîné l’accusa d’avoir doublé son indemnité, le tribunal correctionnel de Paris, où elle porta plainte, estima que les chiffres avancés par l’hebdomadaire satirique n’étaient pas fantaisistes), elle est nommée en novembre 2010 secrétaire d’État à la jeunesse et à la vie associative dans le gouvernement de François Fillon. Avant cela, elle avait reçu une claque retentissante lors des élections législatives de juin 2007. Tentant de ravir au député socialiste Christophe Caresche sa circonscription du quartier très populaire de Barbès et de Clignancourt, elle avait réalisé le plus mauvais score de la droite depuis la guerre. A l’issue du scrutin, mauvaise perdante, elle s’était déclarée déçue d’avoir été cantonnée à un rôle « d’animateur de réunions communautaires ». Et pourtant, Alexandre Adler en personne était venu la soutenir !

Elle s’est consolée de cet échec grâce à une nomination comme maître des requêtes au Conseil d’État au tour extérieur (ah ! ce brave tour extérieur). Elle est aujourd’hui membre d’un cabinet d’avocat étatsunien et animatrice d’un groupe de pression d’assureurs, le Conseil d’orientation et de réflexion de l’assurance. On voit donc où se situent ses intérêts professionnels.

Elle est laïque, républicaine, contre le port du voile et contre la discrimination positive. Elle est pour le mariage des homosexuels et estime qu’il n’y a pas de « charia light ». En janvier 2011, elle déclare, en contradiction avec la position officielle du gouvernement, que Moubarak doit quitter le pouvoir. Elle est rappelée à l’ordre par François Fillon et doit faire un mea culpa officiel.

Bref, c’est une femme de conviction.

De conviction mais, comme elle l’admet sans ambages, elle « doit tout à Nicolas Sarkozy ». Faute de goût, diront certains : tout devoir à l’homme du Fouquet’s, tout devoir à quelqu’un, quel qu’il soit, ça fait tache ! C’est lui, dit-elle, « qui m’a nommée au Conseil d’État, c’est lui qui, quand j’ai quitté la politique, est revenu me chercher pour me nommer à la HALDE et ensuite ministre. Mais en même temps, je ne suis pas une courtisane donc il m’arrive de dire quand je ne suis pas d’accord. Quand je n’ai pas été d’accord avec la droite populaire je l’ai dit publiquement, je suis favorable au mariage des homosexuels et à l’adoption pour les couples homos, je le dis également publiquement. Dès que l’on nuance son propos à l’égard de son patron, on est considéré comme impertinent. Nicolas Sarkozy aurait pu me faire dégager vingt-cinq fois, et pourtant il ne l’a pas fait. Je crois que ce qui a fait ma force c’est que, même quand c’est désagréable, je dis les choses. » Elle affirme avoir aujourd’hui quitté la politique, mais si Sarkozy revient, elle reviendra, elle ne reviendra « que pour lui ».

Jeannette Bougrab vient de publier un livre bilan : Ma République se meurt, chez Grasset. Et là , ses confessions font peine à entendre. Car Jeannette y fait preuve d’une chochottitude de mauvais aloi. Comment peut-elle s’étonner, se plaindre que, dans la bande qu’elle a rejointe, certains la considèrent comme l’Arabe de service et la traitent plus bas que terre. La délicatesse, c’est bien. La fausse naïveté, c’est moins bien. L’aimable Pierre Charron se moque de son nom : « Pierre Charon m’avait affublé d’un surnom charmant croyant faire un jeu de mot hilarant à partir de mon nom de famille : bout de gras, j’en ris encore ». Allons, allons ! Sur les photos, Pierre Charron exsude la gentillesse, l’urbanité, la finesse. Un ancien secrétaire d’État de Raffarin lui aurait dit : « le sang qui coule dans tes veines n’est pas français. » L’Arménien Devedjian était-il l’auteur de cette plaisante raffarinade ? Quant à Valérie Pécresse, élève de Sainte-Marie de Neuilly-sur-Seine et de Sainte-Geneviève à Versailles, elle eut quelque difficulté à comprendre que l’Arabe berrichonne fût sans dieu : « Valérie me présente en précisant que je ne suis pas " leur Arabe de service ’ ». « Les bras m’en tombent mais je ne dis rien. Je reste sans voix. » Valérie Pécresse lui demande alors son appartenance religieuse : « athée », répond Bougrab. Ce à quoi Pécresse répond qu’il ne faudra plus jamais le dire « car selon elle, l’athéisme serait segmentant ». « Je tentais de l’excuser en me disant que cette réflexion devait sans doute lui venir de ses électeurs : les Versaillais » ». Le chti Claude Guéant, pour sa part, fulminera, délicatement lui aussi, contre la prise de position de Jeannette, hostile à Moubarak : « Il n’y a rien à faire avec les gens comme vous » … « J’avais évidemment compris ce qu’il voulait dire. Les Rama, Rachida et Jeannette, toutes les mêmes ».

Quand on naît dans l’Indre, on naît au centre de la France, c’est-à -dire dans un endroit où les nouvelles arrivent plus tard qu’ailleurs, de manière atténuée. La pêche à la ligne est un sport extrême. La lutte des classes est un chapitre dans un livre d’histoire, le racisme n’est jamais ordinaire. Tout est ouaté, même pour une fille de harki. Et quand on est intelligent, le monde n’est que délicatesse à votre égard. Jusqu’à ce que l’on croise un Charon, un Hortefeux, une Pécresse.

Bernard Gensane

http://bernard-gensane.over-blog.com/

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