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L’affaire du soldat "‘kidnappé" illustre la duplicité d’Israël (Dissident Voice)

Un seul incident au cours du weekend (l'annonce de la capture vendredi dernier par le Hamas d'un soldat israélien dans un tunnel) illustre crument l'ampleur des mensonges qu'Israël a réussi à débiter pour justifier son offensive contre Gaza. Dimanche, alors que l'armée annonçait qu'elle allait procéder à des retraits partiels de troupes, Israël annonçait qu'Hadar Goldin était mort, probablement enseveli dans un tunnel qui s'était effondré sous les bombardements d'Israël dans le quartier où il avait été capturé. Sa famille déclarait qu'il y avait été laissé sur place.

Les hauts responsables israéliens ou les médias présentaient l’opération du Hamas de façon partiale, parlant de "kidnapping" et non pas de "capture" – comme s’il s’agissait d’un innocent dont se seraient emparés des criminels opportunistes.
Comme cela se produit bien trop souvent, de nombreux journalistes occidentaux reprenaient la version d’Israël. La une du Times de Londres titrait tapageusement : "Kidnappé à Gaza”, tandis que le Boston Globe parlait du "soldat israélien kidnappé".

D’après les réactions des occidentaux, il était évident, également, que la capture du soldat était une information bien plus importante que les massacres de civils palestiniens au cours de ces dernières semaines.

La tactique cynique d’Israël (laisser entendre que la vie d’un seul soldat israélien était plus précieuse que celle d’un nombre incalculable de civils palestiniens) était répercutée dans les milieux diplomatiques et journalistiques de Washington, Londres et Paris.

Ce qui était également fallacieux, c’était qu’il ressortait qu’en attaquant un groupe de soldats à Rafah et en capturant Goldin, le Hamas avait violé dès le début le cessez-le-feu humanitaire de 72 heures.

Le Washington Post racontait qu’un kamikaze terroriste du Hamas avait surgi d’un tunnel pour faire exploser son gilet qui avait tué deux soldats et Goldin avait été trainé dans le passage.

Les hauts-gradés israéliens annonçaient : "Vendredi matin, les troupes israéliennes se trouvaient dans le sud de la Bande de Gaza, s’apprêtant à détruire un tunnel du Hamas quand, soudain, des militants palestiniens ont surgi d’un tunnel".

Le reporter de CBS, Charlie D’Agata, en reprenant le communiqué israélien, dévoilait inconsciemment, par la même occasion, la duperie au centre du communiqué.
Les autorités, disait-il, "pensent que le soldat a été kidnappé au cours d’une opération destinée à détruire les tunnels – et précisent que cet incident s’est produit après l’heure où le cessez-le-feu était censé débuter."

Donc, si le cessez-le-feu avait débuté, pourquoi donc Goldin et ses camarades faisaient-ils sauter des tunnels, des tunnels dans lesquels, selon Israël, le Hamas se cache ?

Les combattants du Hamas étaient-ils censés attendre tranquillement d’être enterrés dans leurs bunkers pendant la trêve ? Ou bien était-ce Israël qui violait le cessez-le-feu ?

Et ensuite, on a eu droit à l’explosion de colère de l’armée quand Israël a réalisé que son soldat avait disparu. Les correspondants militaires israéliens ont reconnu avoir invoqué la tristement célèbre "directive d’Hannibal", qui consiste à empêcher par tous les moyens, y compris sa mort, qu’un soldat soit capturé vivant. L’objectif étant d’empêcher que l’ennemi bénéficie d’un avantage psychologique dans les négociations.

Les bombardements intensifs qui s’en sont suivis étaient sans doute destinés à faire en sorte que Goldin et ceux qui l’avaient capturé ne sortent pas vivants du tunnel, mais, au passage, Israël tuait également des dizaines de Palestiniens.

C’est une nouvelle illustration du mépris absolu d’Israël pour la sécurité des civils. Au moins trois-quarts des plus de 1.700 Palestiniens qui ont été tués jusqu’à présent sont des civils, alors que les victimes israéliennes sont presque toutes des militaires.
C’est le schéma qu’on retrouve systématiquement dans toutes les offensives israéliennes récentes.

Les déclarations officielles d’Israël sur les raisons qui l’avaient contraint à engager les hostilités à Gaza étaient également frappées de duplicité.

Le premier ministre Benjamin Netanyahu avait expliqué qu’Israël avait été poussé à lancer une offensive par nécessité.

Et Barack Obama lui avait emboité le pas : Israël avait le droit de se défendre contre les tirs de roquettes lancés depuis Gaza.

Plus tard, le prétexte devenait la nécessité de détruire les "tunnels du terrorisme". Cette logique est complètement spécieuse.

Israël occupe et assiège Gaza, ce qui, selon les lois internationales, donne à ses habitants le droit de lutter pour leur liberté. Comment un oppresseur, un criminel peut-il avoir le droit de se défendre ? Si Israël n’aime pas subir les coups de griffes ou se retrouver avec des bleus, il n’a qu’à cesser d’étrangler ses victimes.

Le discours d’Israël sur son droit de se défendre imprègne tellement les reportages dans les médias et les communiqués diplomatiques que, dans une interview sur CNN, la présentatrice Carol Costello demandait sans rire à son invité interloqué : "pourquoi le Hamas ne montre-t-il pas tout simplement à Israël où se trouvent ces tunnels ?".

Un journaliste de la BBC, aux côtés d’un porte-parole de la police israélienne confirmait récemment une rumeur qui circulait depuis des semaines parmi les correspondants de l’armée. Le groupe à l’origine du rapt des trois adolescents israéliens de Cisjordanie (qui avait déclenché l’offensive d’Israël contre le Hamas) était une cellule politique isolée, agissant de son propre chef.

Soutenant exactement le contraire – qu’il avait des preuves en béton que c’était le Hamas qui était responsable – Netanyahou donnait carte blanche à l’armée pour arrêter les membres du Hamas et détruire les institutions de l’organisation en Cisjordanie.

Cette opération coup de poing avait créé la provocation nécessaire : le Hamas permettait aux factions de Gaza de lancer un nombre limité de roquettes.

Le journaliste Nathan Thrall écrivait récemment que le Hamas avait impressionné l’armée israélienne jusque là en observant le cessez-le-feu qui avait été conclu avec Israël 18 mois plus tôt, alors qu’Israël n’avait pas respecté les conditions de l’accord en poursuivant le siège de Gaza.

Maintenant, les roquettes donnaient à Netanyahou un prétexte pour attaquer.

Et donc, quelles étaient ses raisons pour pénétrer dans Gaza ? Que cachaient ces nombreuses duperies ?

Il semble que Netanyahou voulait mettre fin à une menace stratégique : il ne s’agissait ni des roquettes du Hamas, ni des tunnels, mais de la création d’un gouvernement d’unité entre le Hamas et son rival de longue date, le Fatah.

L’unité palestinienne risquait de le soumettre à nouveau à des pressions pour qu’il accepte des négociations ou se retrouve face à une campagne renouvelée et plus crédible pour la reconnaissance de l’État palestinien à l’ONU.

Mais la démonstration de force étonnamment impressionnante du Hamas – qui tuait des dizaines de soldats, lançait des roquettes à longue portée qui traversaient tout Israël, faisait brièvement fermer l’unique aéroport international, menait des offensives sur le territoire israélien et faisait subir à Israël des pertes économiques estimées jusqu’à présent à plus de 4 milliards de dollars – a peut-être à nouveau fait changer de tactique.

Pour l’instant, Netanyahou semble préférer retirer ses soldats plutôt que d’être contraint sous la pression internationale à négocier avec le Hamas. Il sait que son exigence principale sera la levée du siège.

Mais à plus long terme, Netanyahou aura peut-être besoin de l’unité palestinienne, au moins à ses conditions à lui, pour saper les acquis du Hamas.

Alors qu’Israël lançait l’offensive contre Gaza, Netanyahou se tournait vers la Cisjordanie. Il leur annonçait qu’il ne signerait jamais d’accord qui stipulerait qu’Israël devrait renoncer au contrôle de la sécurité en Cisjordanie, de peur que, étant donné sa superficie plus importante, Israël ne "crée une vingtaine d’autres Gaza”.

Il écartait ainsi tout espoir de création d’un état palestinien.

Une entité "démilitarisée" strictement limitée et absolument dépendante d’Israël et des Etats-Unis, serait donc la seule solution qu’accepterait Israël.

Laisser le dirigeant palestinien Mahmoud Abbas et le Fatah entrer à Gaza pourrait justifier un assouplissement du siège.

Mais seulement si Abbas accepte de détruire les infrastructures militaires du Hamas et d’exporter dans l’enclave côtière le modèle qu’il a instauré en Cisjordanie - c’est-à-dire, des concessions sans fin aux dictats d’Israël et des Etats-Unis.

Jonathan Cook

Jonathan Cook est un écrivain et un journaliste britannique indépendant qui vit à Nazareth. Il a reçu le Prix Spécial de journalisme Martha Gellhorn. Ses deux derniers ouvrages sont "Israel and the Clash of Civilisations : Iraq, Iran and the plan to remake the Middle East" et "Disappearing Palestine : Israel’s Experiments in Human Despair". Son site http://www.jonathan-cook.net

Traduction Leo Lerouge

»» http://dissidentvoice.org/2014/08/eyeless-in-gaza/
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