23 
A chacun Sa Sainteté.

La Chine, le Tibet et le Dalaï Lama.

L’auteur rapelle que cet article, qui circule beaucoup ces jours-ci en Italie, a été écrit en 2003 ; il a été publié à l’époque sur L’Ernesto. Rivista comunista. L’actualité de cette analyse d’un historien de la philosophie (marxiste) est salutaire en ces temps de grande propagande droitdel’hommiste... (notes et sous-titre de la traductrice)

Célébré et transfiguré par la cinématographie hollywoodienne, le Dalaï Lama continue sans aucun doute à jouir d’une vaste popularité : son dernier voyage en Italie s’est terminé solennellement par une photo de groupe avec les dirigeants des partis de centre-gauche, qui ont ainsi voulu témoigner estime et révérence à l’égard du champion de la lutte de « libération du peuple tibétain ».

Mais qui est réellement le Dalaï Lama ? Disons déjà , pour commencer, qu’il n’est pas né dans le Tibet historique, mais dans un territoire incontestablement chinois, très exactement dans la province de Amdo qui, en 1935, année de sa naissance, était administrée par le Kuomintang. En famille, on parlait un dialecte régional chinois, si bien que notre héros apprend le tibétain comme une langue étrangère, et est obligé de l’apprendre à partir de l’âge de trois ans, c’est-à -dire à partir du moment où, reconnu comme l’incarnation du 13ème Dalaï Lama, il est enlevé à sa famille et enfermé dans un couvent, pour être soumis à l’influence exclusive des moines qui lui enseignent à se sentir, à penser, à écrire, à parler et à se comporter comme le Dieu-roi des Tibétains, c’est-à -dire comme Sa Sainteté.

1. Un « paradis » terrifiant

Je tire ces informations d’un livre (Heinrich Harrer, Sept ans au Tibet, diverses éditions en français autour du film de J-J. Annaud, je reprends ici la notation des pages de l’auteur de l’article dans la version italienne du livre, chez Mondadori, NdT) qui a même un caractère semi-officiel (il se conclut sur un « Message » dans lequel le Dalaï Lama exprime sa gratitude à l’auteur) et qui a énormément contribué à la construction du mythe hollywoodien. Il s’agit d’un texte, à sa façon, extraordinaire, qui réussit à transformer même les détails les plus inquiétants en chapitres d’histoire sacrée. En 1946, Harrer rencontre à Lhassa les parents du Dalaï Lama, qui s’y sont transférés désormais depuis de nombreuses années, abandonnant leur Amdo natal. Cependant, ceux-ci ne sont toujours pas devenus tibétains : ils boivent du thé à la chinoise, continuent à parler un dialecte chinois et, pour se comprendre avec Harrer qui s’exprime en tibétain, ils ont recours à un « interprète ». Certes leur vie a changé radicalement : « C’était un grand pas qu’ils avaient réalisé en passant de leur petite maison de paysans d’une province chinoise reculée au palais qu’ils habitaient à présent et aux vastes domaines qui étaient maintenant leur propriétés ». Ils avaient cédé aux moines un enfant d’âge tendre, qui reconnaît ensuite dans on autobiographie avoir beaucoup souffert de cette séparation. En échange, les parents avaient pu jouir d’une prodigieuse ascension sociale. Sommes-nous en présence d’un comportement discutable ? Que non. Harrer se dépêche immédiatement de souligner la « noblesse innée » de ce couple (p. 133) : Comment pourrait-il en être autrement puisqu’il s’agit du père et de la mère du Dieu-roi ?

Mais quelle société est donc celle sur laquelle le Dalaï Lama est appelé à gouverner ? Un peu à contrecoeur, l’auteur du livre finit par le reconnaître : « La suprématie de l’ordre monastique au Tibet est absolue, et ne peut se comparer qu’avec une dictature. Les moines se méfient de tout courant qui pourrait mettre en péril leur domination ». Ce n’est pas seulement ceux qui agissent contre le « pouvoir » qui sont punis mais aussi « quiconque le met en question » (p. 76). Voyons les rapports sociaux. On dira que la marchandise la plus bon marché est celle que constituent les serfs (il s’agit, en dernière analyse d’esclaves). Harrer décrit gaiement sa rencontre avec un haut- fonctionnaire : bien que n’étant pas un personnage particulièrement important, celui-ci peut cependant avoir à sa disposition « une suite de trente serfs et servantes » (p.56). Ils sont soumis à des labeurs non seulement bestiaux mais même inutiles : « Environ vingt hommes étaient attachés à la ceinture par une corde et traînaient un immense tronc, en chantant en coeur leurs lentes mélopées, et avançant du même pas. En nage, et haletants, ils ne pouvaient pas s’arrêter pour reprendre leur souffle, car le chef de file ne l’autorisait pas. Ce travail terrible fait partie de leur impôt, un tribut de type féodal ». C’aurait été facile d’avoir recours à la roue, mais « le gouvernement ne voulait pas la roue » ; et, comme nous le savons, s’opposer ou même seulement discuter le pouvoir de la classe dominante pouvait être assez dangereux. Mais, selon Harrer, il serait insensé de vouloir verser des larmes sur le peuple tibétain de ces années-là  : « peut-être était-il plus heureux ainsi » (p.159-160).

Un abîme incommensurable séparait les serfs des patrons. Pour les gens ordinaires, on ne devait adresser ni une parole ni un regard au Dieu-roi. Voici par exemple ce qu’il advient au cours d’une procession :
« Les portes de la cathédrale s’ouvrirent et le Dalaï Lama sortit lentement (…) La foule dévote s’inclina immédiatement. Le cérémonial religieux aurait exigé que l’on se jetât par terre, mais il était impossible de le faire à cause du manque de place. Des milliers de gens se courbèrent donc, comme un champ de blé sous le vent. Personne n’osait lever les yeux. Lent et compassé, le Dalaï Lama commença sa ronde autour du Barkhor (…) Les femmes n’osaient pas respirer ».
La procession finie, l’atmosphère change radicalement :
« Comme réveillée soudain d’un sommeil hypnotique, la foule passa à ce moment-là de l’ordre au chaos (…) Les moines soldats entrèrent immédiatement en action (…) A l’aveuglette, ils faisaient tourner leurs bâtons sur la foule (…) mais malgré la pluie de coups, les gens y revenaient comme s’ils étaient possédés par des démons (…) Ils acceptaient maintenant les coups et les fouets comme une bénédiction. Des récipients de poix bouillante tombaient sur eux, ils hurlaient de douleur, ici le visage brûlé, là les gémissements d’un homme roué de coups ! » (p.157-8).

Il faut noter que ce spectacle est suivi par notre auteur avec admiration et dévotion. Le tout, ce n’est pas un hasard, est compris dans un paragraphe au titre éloquent : « Un dieu lève la mai, en bénissant ». Le seul moment où Harrer a une attitude critique se trouve quand il décrit les conditions d’hygiène et de santé dans le Tibet de l’époque. La mortalité infantile fait rage, l’espérance de vie est incroyablement basse, les médicaments sont inconnus, par contre des médications assez particulières ont cours : « souvent les lamas font des onctions à leurs patients avec leur salive sainte ; ou bien tsampa ( ? NdT) et beurre sont mélangés avec l’urine des saints hommes pour obtenir une sorte d’émulsion qui est administrée aux malades ». (p.194). Ici, même notre auteur dévot et tartuffe a un mouvement de perplexité : même s’il a été « convaincu de la réincarnation du Dieu Enfant » (p. 248), il n’arrive cependant pas à « justifier le fait qu’on boive l’urine du Buddha vivant », c’est-à -dire du Dalaï Lama. Il soulève la question avec celui-ci, mais sans trop de résultats : le Dieu-roi « ne pouvait pas combattre seul de tels us et coutumes, et dans le fond, il ne s’en préoccupait pas trop ». Malgré cela, notre auteur, qui se contente de peu, met de côté ses réserves, et conclut imperturbable : « En Inde, du reste, c’était un spectacle quotidien de voir les gens boire l’urine des vaches sacrées ». (p.294).

A ce point, Harrer peut continuer sans plus d’embarras son oeuvre de transfiguration du Tibet prérévolutionnaire. En réalité, celui-ci est lourd de violence, et ne connaît même pas le principe de responsabilité individuelle : les punitions peuvent aussi être transversales, et frapper les parents du responsable d’un délit même assez léger voire imaginaire (p. 79). Qu’en est-il des crimes considérés comme plus graves ? « On me rapporta l’exemple d’un homme qui avait volé une lampe dorée dans un ces temples de Kyirong. Il fut déclaré coupable, et ce que nous aurions nous considéré comme une sentence inhumaine fut exécutée. On lui coupa les mains en public, et son corps mutilé mais encore vivant fut entouré d’une peau de yak mouillée. Quand il arrêta de saigner, il fut jeté dans un précipice » (p. 75). Pour des délits mineurs aussi, par exemple, « jeu de hasard » on peut être puni de façon impitoyable s’ils sont commis les jours de festivité solennelle : « les moines sont à ce sujet inexorables et inspirent une grande crainte, parce que plus d’une fois il est arrivé que quelqu’un soit mort sous la flagellation de rigueur, la peine habituelle » (p. 153). La violence la plus sauvage caractérise les rapports non seulement entre « demi-dieux » et « êtres inférieurs » mais aussi entre les différentes fractions de la caste dominante : on « crève les yeux avec une épée » aux responsables des fréquentes « révolutions militaires » et « guerres civiles » qui caractérisent l’histoire du Tibet prérévolutionnaire (la dernière a lieu en 1947) (p.224-5). Et pourtant, notre zélé converti au lamaïsme ne se contente pas de déclarer que « les punitions sont plutôt drastiques, mais semblent être à la mesure de la mentalité de la population » (p.75). Non, le Tibet prérévolutionnaire est à ses yeux une oasis enchantée de non-violence : « Quand on est depuis quelques temps dans le pays, personne n’ose plus écraser une mouche sans y réfléchir. Moi-même, en présence d’un tibétain, je n’aurais jamais osé écraser un insecte seulement parce qu’il m’importunait » (p.183). Pour conclure, nous sommes face à un « paradis » (p.77). Outre Harrer, cette opinion est aussi celle du Dalaï Lama qui dans son « Message » final se laisse aller à une poignante nostalgie des années qu’il a vécues comme Dieu-roi : «  nous nous souvenons de ces jours heureux que nous passâmes ensemble dans un pays heureux » (happy) soit, selon la traduction italienne, dans « un pays libre ».

2. Invasion du Tibet et tentative de démembrement de la Chine

Ce pays « heureux » et « libre », ce « paradis » est transformé en enfer par l’ « invasion » chinoise. Les mystifications n’ont pas de fin. Peut-on réellement parler d’ « invasion » ? Quel pays avait donc reconnu l’indépendance du Tibet et entretenait avec lui des relations diplomatiques ? En réalité, en 1949, dans un livre qu’il publie sur les relations Usa-Chine, le Département d’Etat américain publiait une carte éloquente en elle-même : en toute clarté, aussi bien le Tibet que Taiwan y figuraient comme parties intégrantes du grand pays asiatique, qui s’employait une fois pour toutes à mettre fin aux amputations territoriales imposées par un siècle d’agression colonialistes et impérialistes. Bien sûr, avec l’évènement des communistes au pouvoir, tout change, y compris les cartes géographiques : toute falsification historique et géographique est licite quand elle permet de relancer la politique commencée à l’époque avec la guerre de l’opium et, donc, d’aller vers le démantèlement de la Chine communiste.

C’est un objectif qui semble sur le point de se réaliser en 1959. Par un changement radical en regard de la politique suivie jusque là , de collaboration avec le nouveau pouvoir installé à Pékin, le Dalaï Lama choisit la voie de l’exil et commence à brandir le drapeau de l’indépendance du Tibet. S’agit-il réellement d’une revendication nationale ? Nous avons vu que le Dalaï Lama lui-même n’est pas d’origine tibétaine et qu’il a été obligé d’apprendre une langue qui n’est pas sa langue paternelle. Mais portons plutôt notre attention sur la caste dominante autochtone.

D’une part, celle-ci, malgré la misère générale et extrême du peuple, peut cultiver ses goûts de raffinement cosmopolite : à ses banquets on déguste « des choses exquises provenant de tous les coins du monde » (p.174-5). Ce sont de raffinés parasites qui les apprécient, et qui, en faisant montre de leur magnificence, ne font assurément pas preuve d’étroitesse provinciale : « les renards bleu viennent de Hambourg, les perles de culture du Japon, les turquoises de Perse via Bombay, les coraux d’Italie et l’ambre de Berlin et du Königsberg » (p.166). Mais tandis qu’on se sent en syntonie avec l’aristocratie parasite de tous les coins du monde, la caste dominante tibétaine considère ses serviteurs comme une race différente et inférieure ; oui, « la noblesse a ses lois sévères : il n’est permis d’épouser que quelqu’un de son rang » (p. 191). Quel sens cela a-t-il alors de parler de lutte d’indépendance nationale ? Comment peut-il y avoir une nation et une communauté nationale si, d’après le chantre même du Tibet prérévolutionnaire, les « demi-dieux » nobles, loin de considérer leurs serviteurs comme leurs concitoyens, les taxent et les traitent d’ « êtres inférieurs » (p. 170 et 168) ?

D’autre part, à quel Tibet pense le Dalaï Lama quand il commence à brandir le drapeau de l’indépendance ? C’est le Grand Tibet, qui aurait du rassembler de vastes zones hors du Tibet proprement dit, en annexant aussi les populations d’origine tibétaine résidant dans des régions comme le Yunnan et le Sichuan, qui faisaient partie depuis des siècles du territoire de la Chine et qui furent parfois le berceau historique de cette civilisation multiséculaire et multinationale. C’est clair, le Grand Tibet représentait et représente un élément essentiel du projet de démantèlement d’un pays qui, depuis sa renaissance en 1949, ne cesse de déranger les rêves de domination mondiale caressés par Washington.

Mais que serait-il arrivé au Tibet proprement dit si les ambitions du Dalaï Lama s’étaient réalisées ? Laissons pour le moment de côté les serfs et les « êtres inférieurs » à qui, bien entendu, les disciples et les dévots de Sa Sainteté ne prêtent pas beaucoup d’attention. Dans tous les cas, le Tibet révolutionnaire est une « théocratie » (p.169) : « un européen est difficilement en mesure de comprendre quelle importance on attribue au plus petit caprice du Dieu-roi ». Oui, « le pouvoir de la hiérarchie était illimité » (p.148), et il s’exerçait sur n’importe quel aspect de l’existence : « la vie des gens est réglée par la volonté divine, dont les interprètes sont les lamas » (p.182). Evidemment, il n’y a pas de distinction entre sphère politique et sphère religieuse : les moines permettaient « aux tibétaines les noces avec un musulman à la seule condition de ne pas abjurer » (p.169) ; il n’était pas permis de se convertir du lamaïsme à l’Islam. Comme la vie matrimoniale, la vie sexuelle aussi connaît sa réglementation circonspecte : « pour les adultères, des peines très drastiques sont en vigueur, on leur coupait le nez » (p. 191). C’est clair : pour démanteler la Chine, Washington n’hésitait pas à enfourcher le cheval fondamentaliste du lamaïsme intégriste et du Dalaï Lama.

A présent, même Sa Sainteté est obligé d’en prendre acte : le projet sécessionniste a largement échoué. Et voilà apparaître des déclarations par lesquelles on se contenterait de l’ « autonomie ». En réalité, le Tibet est depuis pas mal de temps une région autonome. Et il ne s’agit pas que de mots. En 1988 déjà , tout en formulant des critiques, Foreign Office, la revue étasunienne proche du Département d’Etat, dans un article de Melvyn C. Goldstein, avait laissé passer quelques reconnaissances importantes : dans la Région Autonome Tibétaine, 60 à 70 % des fonctionnaires sont d’ethnie tibétaine et la pratique du bilinguisme est courante. Bien sur, on peut toujours faire mieux ; il n’en demeure pas moins que du fait de la diffusion de l’instruction, la langue tibétaine est aujourd’hui parlée et écrite par un nombre de personnes bien plus élevé que dans le Tibet prérévolutionnaire. Il faut ajouter que seule la destruction de l’ordre des castes et des barrières qui séparaient les « demi-dieux » des « êtres inférieurs » a rendu possible l’émergence à grande échelle d’une identité culturelle et nationale tibétaine. La propagande courante est l’envers de la vérité.

Tandis qu’il jouit d’une ample autonomie, le Tibet, grâce aussi aux efforts massifs du gouvernement central, connaît une période d’extraordinaire développement économique et social. Parallèlement au niveau d’instruction, au niveau de vie et à l’espérance moyenne de vie, s’accroît aussi la cohésion entre les différents groupes ethniques, comme confirmé entre autres par l’augmentation des mariages mixtes entre hans (chinois) et tibétains. Mais c’est justement ce qui va devenir le nouveau cheval de bataille de la campagne anti-chinoise. L’article de B. Valli sur La Repubblica du 29 novembre 2003 en est un exemple éclatant. Je me bornerai ici à citer le sommaire : « L’intégration entre ces deux peuples est la dernière arme pour annuler la culture millénaire du pays du toit du monde ». C’est clair, le journaliste s’est laissé aveugler par l’image d’un Tibet à l’enseigne de la pureté ethnique et religieuse, qui est le rêve des groupes fondamentalistes et sécessionnistes. Pour en comprendre le caractère régressif, il suffit de redonner la parole au chroniqueur qui a inspiré Hollywood. Dans le Tibet prérévolutionnaire, en plus des tibétains, et des chinois, « on peut rencontrer aussi des ladaks, des boutans (orthographe non garantie, NdT), des mongols, des sikkimais, des kazakhs, etc ». Les népalais sont aussi largement présents : « Leurs familles demeurent presque toujours au Népal, où eux-mêmes rentrent de temps en temps. En cela ils se différencient des chinois qui épousent volontiers des femmes tibétaines, et mènent une vie conjugale exemplaire ». (p. 168-9). La plus grande « autonomie » qu’on revendique, on ne sait d’ailleurs pas très bien si pour le Tibet à proprement parler ou pour le Grand Tibet, devrait-elle comporter aussi la possibilité pour le gouvernement régional d’interdire les mariages mixtes et de réaliser une pureté ethnique et culturelle qui n’existait même pas avant 1949 ?

3. La cooptation du Dalaï Lama en Occident et dans la race blanche et la dénonciation du péril jaune

L’article de Repubblica est précieux car il nous permet de cueillir la subtile veine raciste qui traverse la campagne anti-chinoise actuelle. Comme il est notoire, dans sa recherche des origines de la race « aryenne » ou « nordique » ou « blanche », la mythologie raciste et le Troisième Reich ont souvent regardé avec intérêt l’Inde et le Tibet : c’est de là qu’allait partir la marche triomphale de la race supérieure. En 1939, à la suite d’une expédition de SS, l’autrichien Harrer arrive en Inde du Nord (aujourd’hui Pakistan) et, de là , pénètre au Tibet. Lorsqu’il rencontre le Dalaï Lama, il le reconnaît immédiatement, et le célèbre, comme membre de la race supérieure blanche : « Sa carnation était beaucoup plus claire que celle du tibétain moyen, et par certaines nuances plus blanche même que celle de l’aristocratie tibétaine » (p. 280). Par contre, les chinois sont tout à fait étrangers à la race blanche. Voilà pourquoi la première conversation que Sa Sainteté a avec Harrer est un événement extraordinaire : celui-ci se trouve « pour la première fois seul avec un homme blanc » (p. 277). En tant que substantiellement blanc le Dalaï Lama n’était certes pas inférieur aux « européens » et était de toutes façons « ouvert aux idées occidentales » (p. 292 et 294). Les Chinois, ennemis mortels de l’Occident, se comportent bien autrement. C’est ce que confirme à Harrer un « ministre-moine » du Tibet sacré : « dans les écritures anciennes, nous dit-il, on lisait une prophétie : une grande puissance du Nord fera la guerre au Tibet, détruira la religion et imposera son hégémonie au monde » (p.114). Pas de doute : la dénonciation du péril jaune est le fil conducteur du livre qui a inspiré la légende hollywoodienne du Dalaï Lama.

Revenons à la photo de groupe qui a mis un terme à son voyage en Italie. On peut considérer comme physiquement absents mais bien présents du point de vue des idées Richard Gere et les autres divas de Hollywood, inondés de dollars pour la célébration de la légende du Dieu-roi, venu du mystérieux Orient. Il est désagréable de l’admettre mais il faut en prendre acte : tournant le dos depuis quelques temps à l’histoire et à la géographie, une certaine gauche se révèle désormais capable de ne plus s’alimenter que de mythes théosophiques et cinématographiques, sans plus prendre de distances même avec les mythes cinématographiques les plus troubles.

Publié dans «  L’Ernesto. Rivista Comunista  », n° 5, novembre/décembre 2003, p. 54-57.

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio pour le Grand Soir

COMMENTAIRES  

23/03/2008 12:08 par Anonyme

Super de prendre le témoignage du National-Socialiste pour discréditer le Dalaï.EN fait le Dalaï on s’en fout :la question est la suivante :la Chine assimile-t-elle de force un territoire qui historiquement ne faisait pas partie de son empire ? La réponse est oui !
Noie-t-elle sous une immigration impérialiste un peuple avec une langue ,une culture ,un passé différents ? : encore oui..
J’aime aussi beaucoup la référence aux droits-de-l’hommistes de cet auteur : ça sonne furieusement sarkozyste à mes oreilles...

23/03/2008 18:12 par à -nos-amis

Vous avez l’art et la manière de confondre les espaces vitaux (assimiler de force un territoire n’est-ce pas très indigeste ?) avec les sociétés humaines.
Relisez bien ce magnifique article (eh oui, comme d’habitude chez Losurdo), la présence chinoise fait éclater avant tout une organisation médiévale oppressive de la société (celle ci ne vous nuit pas peut-être ?) tibétaine. Eclatement seul à partir duquel peut naître une identité culturelle puisque les moines, dont vous ne voulez pas entendre parler (ça fait sale), sont bien ceux au nom desquels on s’insurge dans les cuisines de la ménagère européenne phagocytée par sa télévision (là vous trouverez une belle annexion de l’espace ethique humain) et qu’ils laisaient vivre leurs serfs dans l’obscurantisme...
Franchement à se tordre de rire lorsqu’on lit que le Dalaï Lama ne pouvait régler seul le problème de la sauvagerie judiciaire, alors qu’il est au plan politique par définition "l’être unique" quelle que soit la rhétorique dont on use : harmonie, non implication, ordre et roue divine...
Enfin je dirais que le bouddhisme tantrique (Vajrayâna) est une perversion du bouddhisme originel, mais je suis un peu en colère et c’est de mauvais conseil...

24/03/2008 10:09 par vincent présumey

La méthode du "maginifique" Domenico Losurdo n’a rien de marxiste. Elle s’apparente à l’école historique du droit, ces réactionnaires prussiens qui justifiaient le droit par le fait.

C’est curieux, tout de même : au moment précis où l’oppression nationale au Tibet aggravée par le développement capitaliste de la Chine produit un soulèvement, une armarda d’anti-impérialistes à la noix viennent nous faire la morale avec des arguments dignes du Guy Mollet du temps de la guerre d’Algérie. En ce temps là déjà , en effet, on apprenait que le FLN avait des méthodes barbares et anti-démocratiques (c’était vrai), qu’il était soutenu par les EU, la CISL et la CIA (c’était pas faux), qu’il s’appuyait sur des forces "féodales" (mot à toutes les sauces désignant en l’occurance l’islam : c’était vrai), et ainsi de suite. Aux cuistreries molletiste de ce tempts succédent les cuistreries losurdiennes d’une armada d’anti-impérialistes à la noix dont le site du Grand Soir est en train de devenir un focos colonisé à l’instar d’un vulgaire Bellaciao, et qui prend les militants pour des demeurés qui ne se seraient pas apperçus que le dalai lama n’est pas un "leader progressiste" et que l’apparil bouddhiste n’est pas l’idéal.

Les voila qui rapppliquent alors même que le pouvoir français se fait silencieux sur le Iibet pour cause de contrats nucléaires. La vieille fibre fantasmatique qui s’imagine que la Chine serait quelque par "communiste" et qui bande par avance à l’idée d’une guerre EU-Chine, cherchant encore et toujours à noyer la vraie lutte des classes dans la lutte des camps géostratégiques, vient donc ici servir le pouvoir chinois et, accessoirement ( ?) l’impérialisme franchouillard.

Basta ! "Un peuple qui en opprime un autre ne peut être libre" (Marx). De quel côté du char ? La classe ouvrière et les militants ouvriers sont du côté de l’opprimé.

24/03/2008 14:30 par legrandsoir

"(...) une armarda d’anti-impérialistes à la noix viennent nous faire la morale (...)"

Une "armada" ? Pour quelques articles par-ci par-là , c’est leur faire beaucoup d’honneur.

"...dont le site du Grand Soir est en train de devenir un focos colonisé..."

Colonisé par qui ? Toutes les contributions "publiables" l’ont été.

"...à l’instar d’un vulgaire Bellaciao"

Alors là , c’est petit, petit... ;-)

Ne tirez pas sur le pianiste : c’est pas lui qui joue faux, c’est le piano qui est soul.

Le Webmestre

25/03/2008 00:02 par vincent présumey

Ce ne sont pas "quelques articles", c’est une prise de position politique de fait. Aprés, que ce soit volontaire ou non, je ne suis pas en mesure de juger de l’intelligence du pianiste.

25/03/2008 01:01 par legrandsoir

Et c’est là que le bât blesse.... Il n’y a pas de "prise de position politique de fait".

Et il n’y a probablement pas un seul "pro-chinois" (au sens où vous semblez l’entendre) à des kilomètres à la ronde du Grand Soir. Ce qui me fait dire que pour l’affirmer, votre analyse doit pêcher quelque part. Saurez-vous découvrir où ?

A aucun moment un autre son de cloche n’a été interdit ou écarté (à quelques rares exceptions, et pour les raisons habituelles à tout site qui se respecte). C’est aussi simple que ça, et ça se résume à ça.

Le Webmestre.

24/03/2008 23:08 par à -nos-amis

Fascinant ! Dès qu’on dit "Losurdo" on entend Vincent ! Je m’en doutais, c’était un peu fait exprès (pardon oh militants intègristes !). N’empêche désolé votre baratin sur la pureté de classe ne m’impressionne pas.

N’empêche, vous mettriez autant d’énergie à disqualifier vos copains américains l’internationale prolétarienne serait bien relancée !

25/03/2008 01:46 par Copas

Notre ami a parfaitement raison de relever la mécanique pro-coloniale de ceux qui se prétendent de gauche ici et ne cessent d’approuver une oppression qui suscite révolte dans un peuple.

Cette gauche néo-coloniale nous l’avons connu. celle qui répandait les mêmes manipulations colonialistes contre la lutte de libération nationale algérienne. Nous avons connu les mêmes raisonnements tordus justifiant l’écrasement des tentatives de libre détermination des peuples hongrois en 1956 et Tchèque en 68, ceux qui soutenaient Jaruzelski au prétexte de l’église catholique et de free europa...

Nous connaissons également les mêmes types d’arguments qui sont opposés aux Palestiniens pour justifier l’occupation de leurs terres par les sionistes :

1) l’argument historique (cette terre est à nous parce qu’avant.....On nous l’a donné, tant pis pour les habitants).

2) ce sont des extrémistes religieux (bouddhisme rétrograde/ Islam rétrograde/ Catholicisme rétrograde pour la Pologne).

3) le peuple sur place n’existe pas : Il n’existe pas de palestiniens mais des Arabes, il n’existe pas de Tibétains mais diverses peuplades différentes, etc

4) Nous leur apportons le progrès (sarko les bienfaits du colonialisme/ la "civilisation", les routes..... les Chinois apportent le développement et la prospérité....)(Ah, au fait, la population du Tibet a bien baissé de 1952 à 1964.... quand à la question de la scolarité gratuite et obligatoire voir ce qui a été décidé en chine en 2005 en matière de scolarité,...).

5) Si ce n’est toi, c’est donc ton frère ou un des tiens.... Le Dalaï Lama financé par la CIA ? Ca prouve que les Tibétains ont l’âme noire et n’ont pas de motifs réels de se révolter mais ne sont que manipulés... Ainsi l’Iran n’aurait pas droit à l’indépendance (Khomeiny, ...), ni l’Irak (qui a soutenu Sadam ?), ni l’Algérie, encore moins le Maroc,....

6) C’est l’étranger qui manipule mais nos bons arabes/harkis/Tibétains, non. Et l’Amérique veut envahir le Tibet ,en passant sur le ventre de 2 puissances nucléaires limitrophes ? L’Inde et la Chine... Vous rigolez ou quoi ? c’est une question à combien de mégatonnes ?

7) Ca serait une mayonnaise montée par les Américains et l’Europe : évidemment, d’ailleurs les gouvernements de ces états ont exigé le boycottage des jeux olympiques ? Oui ? Non ?
(ils l’ont bien fait en d’autres occases...).

8) Les moinillons se révoltent mal, ils sont racistes et tuent des Chinois (voir révoltes de Sétif et de Guelma qui permirent, après mise en scène du colonialisme français, de faire des massacres)...

Pourquoi ne pas se rendre compte que les droits de l’homme ne sont qu’une commodité pour les classes dirigeants chinoises, américaines et européennes. Et que, là , en l’occurrence, la bataille ne les branche pas, donc exit les conneries sorties sur ce terrain. Donc les montages savants sur l’intervention US pour envahir le Tibet....

Sarko vient juste de parler du Tibet (10 jours après), ce qui prouve combien il est impliqué.... Non ? Sarko l’américain...

Une fois qu’on a épuisé toutes les ritournelles des pro-colonialistes, de ceux qui renient systématiquement le droit des peuples à disposer d’eux-même, ceux qui sont contre les valeurs essentielles de la gauche au motif de logiques de blocs qu’ils cherchent ardemment, il demeure que l’attitude du gouvernement chinois actuel est un échec et suscite un soulèvement dans la population.

Et le fond est bien là . Aucun peuple ne se rebelle ainsi si il n’en a pas gros sur la patate. Mais pour nos staliniens locaux ce n’est évidemment pas possible.

Pourtant les faits sont là . Un peuple se révolte. Ce n’est pas un peuple riche, ce n’est pas un peuple qui ne voudrait pas partager sa richesse avec les déshérités qu’il a contribué à créer. Ce n’est pas une révolte de nantis. Ce sont des gens qui savent qu’ils seront torturés, emprisonnés, tués, battus, etc..

Un tel degré de révolte démontre un désespoir profond, un terrible échec de la politique chinoise au Tibet . Tous les montages de nos pro-colonialistes, + pro bourgeois chinois que les chinois eux-mêmes, n’y changeront rien.

Le respect de l’autonomie du Tibet en Chine serait un bien meilleur chemin, plus respectueux des hommes et des femmes qui forment ce peuple. Une façon de mener à une paix profonde où la tension entre les peuples pourrait s’atténuer.

Dans l’immédiat c’est la libération de tous les prisonniers politiques tibétains, la liberté d’expression et les libertés individuelles qu’il faut soutenir ici comme là bas. Et surtout de demander au gouvernement chinois de calmer ses ardeurs et de reprendre le chemin initié par Hu Yaobang avec une approche moins violente et coloniale.

Enfin une dernière chose sur les droits de l’homme.

Si nous savons très bien qu’un certain nombre de forces utilisent la lutte pour les droits de l’homme afin d’apparaitre sous des dehors + séduisants, il n’empêche que l’utilisation du mot droistdelhommiste comme une injure est un concept qu’on a + l’habitude de voir dans la bouche de Le Pen plutôt que chez des hommes et femmes de gauche.

Les droits des êtres humains, leurs libertés individuelles et collectives sont au centre et moteur du projet de gauche. Laisser de côté la question de la tyrannie dans la gauche et vous n’avez finalement que le maintien ou le retour des inégalités.

Le combat pour les droits de l’homme, les libertés les plus larges est un des fondements de la bataille de la gauche.
Le droit des peuples à disposer d’eux mêmes, la caractérisation de l’aspect corrupteur pour le peuple occupant de pratiques coloniales, sont des acquis de la gauche de toujours.

Droits de l’homme, droits des peuples à l’auto-détermination, sont des fondements de la gauche dans le monde.

Ces fondements jamais détruits ont été mis à mal par le phénomène social-démocrate (avec ses guerres coloniales et sa soumission à l’impérialisme américain) et le Stalinisme qui a réussi à ancrer la logique des blocs derrière des nationalismes dominants.

les batailles des peuples pour se libérer des jougs impérialistes et coloniaux ne trouvent malheureusement plus la solidarité d’une gauche internationale , et ses peuples cherchent des alliés où ils peuvent, dans la religion, dans d’autres états pour se libérer.

Nous en sommes là .

le chemin qui permit à un Ho Chi Minh de devenir un des fondateurs du PCF n’existe plus tellement à cause des errements d’une grande partie de la gauche internationale qui est, soit dans une logique du roulage de patins aux américains, soit dans une logique de soutien à n’importer quelle caste militaire bourgeoise du moment qu’elle est en opposition aux USA.

L’honneur de la gauche est d’être aux côtés des droits du peuple tibétain, et de demander au gouvernement de chinois de rechercher des issues pacifiques et non oppressives au problème soulevé.

25/03/2008 10:21 par Caius

Puisque que la seule réponse à mon petit billet est une pitrerie, peu élégante, de la part de VP , je précise un peu le point de vue que je défend.

Personnellement je ne justifie rien : ni la position de la Chine ni celle des tibétains ni celle du Dalai...

La position Wilsonnienne de liberté des des peuples a disposer d’eux même a montré quels massacres et injustices elle a provoqué...(évidemment je ne suis pas pour la position inverse)
Les justifications nationales par l’histoire n’ont aucun poids, car elle sont toutes (sauf falsification manifeste) justes surtout quand elles ont opposés et antagonique...
Napoléon a libéré l’Espagne de l’inquisition et pourtant il avait tort, et les progressistes espagnols qui le combattaient, se se font massacrer une fois les bourbons rétablis sur le trône d’Espagne...
Les remarques de VP et Copas sont évidemment complètement vraies, et en aucun cas on ne peut justifier l’imposition d’un ordre étrangers aux nom de la libération de l’obscurantisme...
Tout cela est vrai, mais rien de ce qu’ils dénonce n’est dans l’article de Domenico Losurdo.

En outre quand on est un tant soit peu progressistes, au lieu de partir en guerre pour la Pologne à la première occasion (Louis-Napoléon su dévier les vielle batailles des progressistes français du XIX ème siècle, de la libération des peuples au profit de ces objectifs...), on réfléchit un peu sur ce qui se joue ici...
D’abord pas de justification morales ou historiques, mais en rester (c’est une base minimum vu le rapport de force international actuel) au droit international. C’est le droit internationale qui fait que la lutte de libération des palestinien est non seulement juste mais légitime. tout comme la lutte du Timor orientale, C’est le droit international qui faisait, même avant la décolonisation que l’Algérie ce n’était pas la France. C’est le droit international qui fait (quelque soit la légitimité d’une revendication nationale au Tibet) que le Tibet fait partie de la Chine, comme Taiwan.

Mais le plus important pour nous, c’est comme dit par ailleurs Dominico Losurdo, les communistes doivent cesser d’être soumis à une sorte de souveraineté limité : Qu’est ce qui fait que la cause tibétaine provoque un flot de compassion chez les révolutionnaire de salon ? Parce que l’impérialisme a décidé que ici et maintenant le Tibet était une cause sacrée. Se laisser imposer son agenda par l’impérialisme c’est n’être rien d’autre qu’un idiot utile.
Et je vous rassure, si vous vous sentez seul ici sur la défense de cette cause sacrée, vous être en bonne compagnie avec Bernrd Kouchner, George Bush, Gordon Brown, Angela Merkel, BHL mais aussi Reporter sans frontière etc.
Par contre c’est curieux, je vois pas beaucoup de dirigeants du tiers monde ou d’Asie... Pas d’Hugo Chavez, pas d’Ortéga, pas d’Evo Morales, pas de Castro, pas de Lula... Tous des staliniens sans aucun doute. Mais peut être ne peuvent-ils pas se permettre de faire le moindre cadeaux à l’impérialisme...

Enfin les tibétains méritent sans aucun doute une meilleures situation, et sans doute comme pourrait dire Mao ;), ont-ils toujours raison de se révolter, mais je sais que si par malheur les objectifs de ceux qui les soutiennent réussissaient, cela seraient une victoire immense pour l’impérialisme, et le retour en Chine et, au delà , des sinistres temps de la guerre de l’Opium...

25/03/2008 13:12 par vincent présumey

Donc ma "pitrerie peu élégante" a eu la vertu pédagogique souhaitée, celle de t’en faire dire un peu plus au niveau arguments. Bien.

Dans tout ce que tu raconte ensuite, il manque la lutte des classes. C’est finalement elle qui construit et défait les nations. Donc il faut effectivement regarder l’histoire réelle. Dans le cas du Tibet, nous ne sommes pas en Chine. On peut bien tourner et retourner ça comme on veut, les faits sont les faits. Les nationalités opprimées en lutte pour pouvoir s’autodéterminer, donc pour imposer les conditions où elles choisiraient librement de relever de tel ou tel Etat, ce n’est pas "Wilson", c’est ... Lénine. Argument d’autorité qui en soi n’a pas de valeur certes, mais qui vaut contre ton premier argument selon lequel je me réfererai peu ou prou à Wilson, ce vieil idéaliste et néanmoins requin, idée saugrenue.

Le "droit international" dont tu te réclames ensuite est d’ailleurs celui-là dont se réclamait ... Wilson ! C’est le "droit international" de la bourgeoisie, qui oscille entre deux pôles :

- la volonté universelle d’ingérence au nom de la "liberté" (commerciale surtout),

- le "respect de la souveraineté" et des fais accomplis.

C’est là un débat interne à nos ennemis véritables, les classes dominantes. Le "droit international" bourgeois n’est pas l’internationalisme de la classe ouvrière. Si les nationalités opprimées sont ses alliées naturelles, c’est parce qu’elles sont opprimées -ce n’est pas du moralisme, c’est là encore un fait.

Il ne sert à rien de faire des leçons d’objectivité historique pour se rallier explicitement à un principe abstrait ne tenant pas compte, ainsi que tu le dis toi-même, de la "légitimité" des revendications nationales ici ou ailleurs. "Le droit international fait que le Tibet fait partie de la Chine", ben voyons ! quoi que tu en dises c’était en effet exactement pareil pour l’Algérie : le droit international est trés flexible, il dépend des rapports de force et si la France a été en difficulté à l’ONU sur l’Algérie aprés 1956 c’est uniquement à cause du rapport de force entre puissances et pas du "droit international" qu’elles manipulaient les unes et les autres.

Ce qui est surprenant ici est d’avoir à donner de telles explications à un "marxiste" à qui on ne la fait pas !!!

Enfin, l’impéialisme aurait donc décidé que le Tibet est une cause sacrée. Première nouvelle ! Notons que même si c’était vrai, cela ne changerait rien à la légitimité de la revendication nationale des Tibétains et du combat des opprimés contre les oppresseurs ... Mais pour croire à cette affirmation, il faut vivre dans un monde de représentations idéologiques, un peu comme des "révolutionnaires de salon" qui piquent une crise d’urticaire dés qu’ils entendent le mot "Tibet", et non dans la réalité de la lutte des classes. La lutte des classes oppose classe ouvrière et capital, et non pas ceux qui ont le look Ernesto à ceux qui ont le look Richard Gere.

Il faudrait aussi parler une autre fois des nombreux "cadeaux faits à l’impérialisme" par la belle liste de barbudos que tu nous fait là . Remarquons simplement qu’en réprimant au Tibet, en organisant une colonisation ethnique et caitaliste Han des villes tibétaines, en assimilant un mouvement manifestement massif à la "clique du dalaï-lama", ce sont les dirigeants chinois qui, une fois de plus, font un cadeau à l’impérialisme ...

Bref, tes arguments restent singulièrement limités et relèvent du droit bourgeois le plus aveugle, le plus borné et le plus plat. Ce qui est ton droit, mais pas au nom de Karl et de Gracchus !

25/03/2008 17:23 par Caius

Bon aucun des arguments que tu ne me sert ne m’ont ni surpris ni étonnés...

Je n’ai pas cité Wilson par hasard, c’est bien l’idéaliste que j’évoquais.
Comme on pouvait s’y attendre (je m’y attendais) voici que le vieux Lénine est ressortis pas pour un argument d’autorité mais sans doute comme symbole d’une position marxiste pure et dure...
Mais Lénine, en marxiste conséquent n’utilisait pas le mot d’ordre d’autodétermination des peuples par principe, mais parce qu’il était le meilleur mot d’ordre à ce moment là dans ces circonstances contre l’ordre ancien et contre l’impérialisme... Les ukrainiens et les Géorgiens ont vu d’ailleurs les limites de la position léninienne à ce propos. (Ce n’est pas une critique de Lénine…)

Même remarque sur le droit international, on peut me faire la leçon, et me servir un digest de la théorie marxiste du droit (évidement quand je faisais mon petit développement j’avais en arrière plan toute les objections que tu me sert). Mais comme pour l’autre principe, je l’ai précisé, cela tient du rapport de force actuel, et aussi du type de relation internationale qu’on souhaite… Lutter contre l’impérialisme c’est agir concrètement dans le combat de classe.

Et je crois n’avoir pas négligé la lutte des classes. Mais je ne néglige pas le fait que les relations internationales sont aussi une expression concrète de la lutte internationale des classes qui n’est pas la somme des luttes des classes nationales…
D’ailleurs je ne comprend pas très bien dans ce qui se passe au Tibet où est la classe ouvrière et où est le capital… (ah oui ! tout opprimé est allié de la classe ouvrière, j’oubliais)
Mais les opprimés ont donc toujours raisons ? Ne peut on s’interroger sur le fait que leur lutte soit objectivement pro révolutionnaire ou anti révolutionnaire (il me semble que c’est le genre de question que se posait Lénine…)
Je n’irai pas jusqu’à dire que la répression chinoise est pro révolutionnaire, mais il est très clair que, dans les circonstances actuelles, les revendication nationales tibétaines sont soutenu par l’impérialisme (si ce n’est organisées). Et oui, le Tibet, ou plutôt la stratégie d’encerclement de la Chine (puis de refoulement et enfin de destruction) est une cause sacrée pour l’impérialisme (ils ont bien réussi contre l’URSS, pourquoi n’essaierait-il pas à nouveau ?).

Je ne sais pas qui est de salon ou pas, mais je sais que mes « Barbudos » (qui sont plutôt glabres d’ailleurs) ne sont pas des révolutionnaires d’opérettes. Je ne connais pas la liste de leurs « cadeaux à l’impérialisme » (comme quoi il n’est pas très reconnaissant, l’impérialisme, qui en guise de remerciement exerce contre eux blocus, tentatives de coup d’état, campagne d’isolement et de diffamation…) mais je sais que eux luttent autrement que dans les mots et que le meilleurs cadeau qu’on puisse faire à l’impérialisme c’est de se rallier à ses mots d’ordres explicites…

25/03/2008 18:41 par à -nos-amis

Ce n’est pas parce que vous paraissez dénoncer une prétendue oppression que d’autres la soutiennent ! Il est plus facile de dénigrer ou nier que d’affirmer ce que l’on pense, bref...

Cependant vous omettez le fait que ce sont toujours les mêmes, des mêmes horizons (peut-être sont-ils les vôtres ? Nulle honte), qui telle une flopée de mouches à miel (je parle des "communicants") s’insurgent, non pas pour les mêmes causes, mais contre les mêmes adversaires les mêmes cibles ? à‚ ce propos il ne sert à rien de dire ce n’est pas une raison pour ne pas condamner, car in fine ce n’est pas cette cause que vous défendrez mais cet objectif là  ! Ceci n’a rien à voir avec une alliance (front de libération de l’Algérie-C.I.A, Aoun-Hezbollah etc.), pour s’allier il faut être fort, il faut avoir une conscience politique et une entreprise se qualifie et qualifie ses acteurs en fonction de ses objectifs. Une entreprise se juge par ses résultats, sinon elle ne vise qu’elle-même. Passons.

Outre le fait que je ne vois pas bien dans vos messages à quoi servent ces litanies géopolitiques confusionnelles (parler de tout et son contraire est-ce une méthode de guerre psychologique ?) et ces références historiques à l’emporte-pièce, attardons-nous à la phrase clef :

"Pourtant les faits sont là , un peuple se révolte !"

Soyez, sans la moindre ambiguïté, assuré que s’il y avait là dedans la vérité d’une réalité objective de ce que recouvre par définition le terme de "peuple" et de "révolte" pour une pensée contestataire ou marxiste, il n’y aurait besoin d’aucun discours pour obtenir le ralliement de beaucoup d’entre nous !
Or, si vous aimez la dialectique puisque vous venez à l’aide de M Vincent, voici :
- Il n’y a pas génocide culturel sinon toutes les sociétés humaines transformées par la modernité technologique et maintenant soumises à la mondialisation socio-économique en seraient un, oû se trouverait alors la condamnation en dehors des anti-impérialistes ?
- Il n’y a pas génocide physique (parlons au présent) ce sont les insurgés exaspérés qui ont d’abord tué à coups de pierres quelques chinois.
- Quelle est la nature de la revendication ? Diable ! Au premier abord je n’en sais trop rien, timide observateur lointain ! Apparemment l’autonomie ne pose pas problème à la Chine, alors, s’agit-il d’un retour à l’éducation et à la médicine traditionnelles ? Non ! même vous ne voulez pas le croire ! mais de l’appropriation d’une identité culturelle, rendue possible par une prise de conscience politique due au processus d’intégration chinois, et qui s’insurge contre ce qui l’a créé.

Cependant la revendication ne saurait-être un retour à l’état antérieur. Etrangement elle prend la forme d’une aspiration nationaliste alors que dans cette antériorité il n’y a pas de nation tibétaine et que le retour à cet état-ante serait, pour ceux qui ne sont pas de la caste dominante la fin de l’identité parce qu’il n’y a pas d’identité sans conscience. Il est donc évident qu’il s’agit d’un nationalisme mâtiné de modernité et de géopolitique. CQFD : de la même façon qu’il est légitime (à mes yeux) que la Corse ou toute province chinoise, état américain, comté anglais etc. revendique sa totale autonomie, on ne saurait confondre ça avec une insurrection révolutionnaire du peuple rendu conscient de son aliénation par l’engagement idéologique.

Là est le bémol. Il me semble justement, à travers tout ce que je lis de vos récris de marxistes effarouchés (i.e M Vincent) qu’il existe une classe ouvrière trans-frontalière, partout la même, partout exploité (idem au Venezuela) par la coterie des méchants patrons, partout la même, partout exploiteurs. Très bien, mais à ce titre là aucune revendication de particularité nationale ou de privilège national ne vous paraît justifiée : la Chine c’est l’Amérique, Cuba c’est le Pérou ! Et refusant de considérer que dans son expansion universelle le capitalisme puisse générer des contradictions qui s’inscrivent dans les rapports internationaux comme une opportunité de le combattre ou de préparer le terrain, vous attendez ( ?) sans sourciller la grande déflagration, la révolution prolétarienne nue, en toute hypocrisie car vous savez parfaitement qu’elle ne peut advenir à cause du déséquilibre des forces en présence et des chiens de garde médiatique.

Ceci pour défendre mon axiome auquel je crois dur comme fer, que la seule possibilité de combattre efficacement le capitalisme pour le remettre à une place tolérable (celle que vous voudrez, pas de polémique) c’est de résister à l’impérialisme qui en est le moteur et... de b..... effectivement comme le dit élégamment M Présumey le jour oû la Chine changera ses réserves de dollars en euros, mais comme le dit aussi Georges (Brassens, pas Bush) ça ne se commande pas !

Andissac M

Ps : ayant passé beaucoup de temps sur ces quelques lignes je pense avoir dit tout ce que je souhaitais et si le webmestre veut bien m’afficher je ne pense pas poursuivre ensuite la polémique, merci.

23/03/2008 19:28 par marie-ange patrizio

Cher lecteur, ne prendre comme référence d’archives que les gens qui sont du même avis que soi, n’est pas très difficile mais peu valide en matière de débat. C’est comme, par exemple, n’aller chercher que les archives de Renault pour montrer que Renault n’a pas du tout collaboré pendant la guerre...
Domenico Losurdo est un historien des idées et à ce titre va chercher même ches les adversaires des preuves de ce que les gens d’autres bords (marxistes comme lui par exemple) ont aussi écrit.
A vos deux questions, si vous avez vraiment lu l’article, les réponses sont justement : non.
Je ne comprends pas très bien ce qui sonne "furieusement sarkozyste" à vos oreilles dans ce que vous appelez référence aux droitsdel’hommistes ? Pouvez-vous dire cela plus clairement ? les allusions, en plus de se révéler parfois contre-productives pour celui qui les lance, ne nous avancent pas beaucoup du point de vue de la clarté (et honnêteté) du débat d’idées.
m-a patrizio, traductrice de l’article

24/03/2008 00:26 par Mei-Birgit Senns

Ceci est un témoignage.

Ce sera un des derniers peut-être, car les gens de mon âge disparaissent progressivement avec lâge.

Mes grands parents étaient des esclaves chinois. Tout petits, ils avaient été vendus sur un marché aux seigneurs lamaïstes. Mon grand père élevait des chevaux pour la guerre. En 1935, il avait été accusé d’avoir empoisonné deux chevaux de son élevage. Sans aucun procès, les moines-soldat étaient venus chez eux, l’avait fait attacher devant leur hutte, contre un arbre et lui avaient coupé ses deux jambes à coups de machette.
Sa femme et sa fille de 17 ans (ma mère) l’avaient caché et soigné. Il n’avait pas survécu, il décèda quatre mois après.

Sa mère avait appris par la suite que le poison avait été répandu dans le puits d’un autre seigneur et c’était son domestique qui en avait donné l’eau à ses deux chevaux que montait leur maître.

Ma mère n’avait pas d’autres moyens d’existence que son travail à la teinturerie depuis l’âge de 6 ans. De toute façon, elle ne voulait plus vivre dans la terreur permanente d’être châtiée. Sa mère avait beaucoup insisté pour qu’elle quittât le pays avant le jour où sa mère devait être amenée pour être châtiée à son tour. C’est ce qu’elle fit grâce à un respectable marchand de laine, Han comme elle, qui l’avait caché parmi les immenses corbeilles de laine.

Elle avait pu revoir sa mère en 1975, réfugiée en Tchékoslovaquie, grâce au CICR, mais sa mère était devenue aveugle. Les seigneurs, gros propriétaires de terres, d’anciens Mandchoue, lui avaient brûlé les yeux et coupé trois doigts à chaque main.

C’est trop long à raconter les petits et grands sévisses que connaissait le servage tibétain lamaïste.
Ma famille est boudhiste. Il faut dire que le boudhisme tibétain est une sorte de déviation, une secte maffieuse et sanguinaire qui a bien vécu au détriment des vies humaines, et qui a fait d’énormes dégâts culturels et économiques. Les lamaïstes sont comme les talibans ou les saoudiens avec l’intégrisme islamique. Ce sont des susurpateurs... Des imposteurs.

L’être humain était totalement leur propriété. leur vie, leur subsistance, leurs déplacement, leur établissement,leur éducation (il n’y en avait pas si on n’était pas choisis par eux) ; absolument tout dépendait de leur bon vouloir.

Je ne peux qu’asserter ici la vraisemblance des récits apportés sur ce site, ainsi les commentaires ne sont qu’un tout petit éclairage sur la véritable communauté théocratique du Dalaï Lama et ses règles barbares.
Il faut y avoir vécu pour comprendre les tibétains, devenus citoyens chinois et qui n’ont pas suivi le Dalaï Lama. Pour eux qui y sont restés, l’arrivée des communistes avait été un vrai salut, une vraie délivrance.

Ma mère, aujourd’hui très âgée, en fait encore des cauchemards. La cruauté de ces moines et seigneurs l’ont traumatisée à vie. Elle se réveille parfois dans la torpeur, elle croyait être pousuivie, dans son rêve, pour être exécutée parce qu’elle n’avait pas pu dire où était sa mère.

A son âge, elle dit vouloir et voir combattre la théocratie. Que ceux qui la soutiennent, me dit elle, en apprenant la nouvelle, goûtent un petit peu de sa cruauté, il en perdront vite leur verve. C’est une petite population dégénescente, usurière et terroriste en permanence : Les moines sont de pauvres malades qui s’ignorent. Ils sont dangereux.

En effet, il faut sortir des sentiers battus et chercher à mieux se documenter. Je suggère la lecture de "l’arbre blessé" "Le déluge du matin" et d’autres ouvrages de
Han Suyin. Ils sont écrit en chinois, français, anglais, vlamms etc. Dans une dizaine de langues.
Les études de Pierre Piquart qui, elles aussi, en rendent des comptes assez fidèles.

Mais savez vous que le Dalaï Lama est un réfugié qui reçoit un pécule annuel de 186’000$ ?
Sa petite communauté d’une trentaine de fidèles dit "gouvernement en exil", reçoit de la CIA, une enveloppe annuelle de 1’600’000$

D’autre part, cela vous ferait-il plaisir qu’on dise de la France qu’elle envahit et occupe la Birère ou les Landes... ou bien Paris en feu ?

24/03/2008 19:36 par Bluegeay

Bravo "Le grand Soir" : 4 articles sur le Tibet, tous les 4 de la même veine.
Bonjour les alternatives !

Pour un site qui "ne roule ni pour ni contre aucun groupe ou organisation particuliers", ce que je veux encore croire, il y là de quoi s’interroger quand même.

Cette fois c’est décidé : Salut !
Après avoir vérifié que vous publiez ce post même s’il ne vous plaît pas, je vais définitivement lire ailleurs les infos alternatives.

24/03/2008 20:37 par Caius Gracchus

Etre marxiste c’est ne pas répéter ad nauseam des slogan soit disant progressiste sous couvert de bonne conscience de gauche nécessairement de gauche. Etre marxiste ce n’est aps prendre la posture de l’anticolonialiste c’est aussi regarder aussi les objectifs de l’impérialisme... La comparaison avec l’Algérie et Guy Mollet laisse entendre que le Tibet serait pour la Chine ce que l’Algérie était pour le France ; rien de plus faux. Peut être les rapports entre Ukraine et Russie pourrait se rapprocher de ceux entre Chine des Hans et Tibet. Et être toujours du côté des peuples opprimés c’est bien, mais cela ne peut résumer une position progressiste : au Kosovo qui opprime qui ? Quand les "serbes " oppriment les albanophones on soutient ces derniers ? et on soutient l’intervention de l’Otan qui les soutient ? et pourquoi pas ? et quand les albanophones oppriment les serbes on change de camp ? Cette position n’est pas marxiste elle est uniquement narcissique...

24/03/2008 23:57 par vincent présumey

Je n’ai évidemment rien écrit nulle part qui puisse laisser entendre que la Chine serait la France des années 50 et le Tibet l’Algérie, au delà d’une analogie trés générale quoique lourde de sens entre la présence d’une puissance oppressive et d’une nation opprimée en lutte contre son oppresseur ...

J’ai par contre mis l’accent sur une comparaison évidente entre les arguments des pro-régime chinois d’aujourd’hui et les partisans du colonialisme à l’époque de la guerre d’Algérie : vos arguments sont en effet les mêmes. Et comme en prime beaucoup d’entre vous se croient marxistes, voire héritiers de Caius Grachus, loin d’être narcissique, le leur faire remarquer peut, pour votre bien, avoir encore la dernière vertu pédagogique adaptée à votre cas : celle du coup de pied au cul.

Amitiés marxistes,
VP.

27/03/2008 20:21 par Anonyme

Le Tibet : Géopolitique de la Paille et de la Poutre...

A chaque séjour à l’étranger, en dehors de ce que communément on appelle l’Occident, je suis frappé de voir combien nos discours et propagandes n’ont aucune prise. Aucune crédibilité, en dehors de son espace territorial. A part, évidemment, le cercle des castes locales protégées par les armes occidentales.

En Amérique latine, en Asie, en Afrique. Nos leçons sur la démocratie ou le respect des droits de l’homme, qu’affectionnent tant nos politiques et nos médias, ne sont pas prises au sérieux. « Double langage hypocrite » est le qualificatif le plus souvent employé, lorsqu’on veut rester poli avec nous. Vision totalement différente ? C’est, surtout, une évolution géopolitique, une véritable lame de fond en train de se lever face au « double standard » de l’Occident, pour reprendre l’expression couramment employée en anglais.

Une de mes plus fortes expériences, dans ce renversement de perspective, s’est produite lors d’un dîner avec des Chinois, de la République Populaire de Chine. J’avais sympathisé avec eux en travaillant sur des projets d’investissement (1). Cette soirée célébrait la fin de nos travaux.

A la fin du repas, la confiance et la sympathie étant partagées, je me suis hasardé à leur demander ce qu’ils pensaient des remarques sur le Tibet que leur adressaient régulièrement les délégations occidentales en visite chez eux. Pour réponse, j’ai eu droit à un grand éclat de rires de la part de mes interlocuteurs. Leur responsable hiérarchique, d’une culture et expérience internationale impressionnantes, m’expliqua :

· « … Le Tibet ? Nous avons sorti cette province, de la misère où l’avait plongé la théocratie d’un clergé bouddhiste dévoyé. Bouddha, c’est le spirituel pas le temporel : à l’opposé d’une religion d’Etat. Des siècles de misère, d’ignorance et de fatalisme. Nous y construisons des hôpitaux, des établissement d’enseignement, des routes, des stations d’épuration d’eau pour l’eau potable, un réseau électrique, un réseau d’assainissement pour les égouts, un réseau GSM, un réseau ferré qui est un des plus grands exploits techniques dans l’histoire du transport… Nous y apportons le développement et le bien-être.

Tout cela, vous n’en parlez jamais. Bien sûr, on ne rattrape pas des siècles de retard en quelques années. Mais, on va y arriver. Vos tentatives de déstabilisation avec ses faramineux budgets de propagande, qui soulageraient bien des misères de par le monde, ne nous impressionnent pas.

· Mais, les droits de l’homme, les droits à l’autodétermination, la liberté de vote…

· Vous, occidentaux, vous tournez le dos à l’évolution du monde. Nous, nous construisons là où nous allons. Vous, quand vous n’êtes pas dans un rapport de forces à peu près égal, vous ne savez que détruire, asservir et piller. Vous vivez encore sur des idées du XVI° siècle, même si vous employez des techniques modernes…

· Mais, les pressions au sujet du Tibet…

· Regardez, au Moyen-Orient, par exemple : vous vous dites laïcs, et vous êtes en train d’imposer des théocraties en créant des Etats fondés sur l’appartenance religieuse et confessionnelle. Il faut être chrétien, juif, sunnite, shiite, druze, maronite, kurde, pour avoir une existence légale, un Etat. Bien sûr, c’est pour mieux les contrôler en les opposant, pour les piller. Plus vous morcelez et plus vous êtes tranquilles pour contrôler la région et pomper le pétrole ou le gaz.

· Mais, concernant le Tibet…

· Vous ne respectez rien : vous choisissez les dirigeants. Sans tenir compte du choix électoral des peuples. Vous renversez des gouvernements légitimes, protégez des dictatures, des criminels de guerre. Vous réduisez en cendres des pays : vous bombardez, rasez des villes, des villages, emprisonnez des milliers de gens, tuez, torturez… Et, en plus : vous financez, provoquez, encouragez des guerres civiles, comme vous l’avez fait en Chine pendant si longtemps.

Ce sont des centaines de milliers de morts et de blessés et des destructions incalculables, depuis que vous avez pris la succession de l’Empire Ottoman en 1918… Au minimum, 2 millions de morts. Un véritable génocide. Et, ce n’est pas encore fini. Vous voulez détruire l’Iran. Mais, comme la Chine, le Moyen-Orient sera un jour maître de son destin, sans avoir à subir la loi de l’Occident… A ce moment-là , il y aura une redistribution des cartes.

· Mais, les interventions à propos du Tibet…

· J’y viens… Il y a une différence fondamentale, entre les occidentaux et nous : quand on prétend nous donner une leçon, nous écoutons poliment, par courtoisie à l’égard de nos invités ou de nos hôtes. Nous avons le Temps avec nous. Vous, vous n’êtes capables d’écouter que votre arrogance. Et, çà l’Histoire en marche n’en a rien à faire. Vos « idées politiques » ne sont pas crédibles : vous faites le contraire de ce que vous déclarez.

Vous des démocrates ? Il n’y a pas pires prédateurs ! Pour le moment, vous n’avez que la technique et la force pour vous imposer. Personne ne croit le premier mot de vos leçons de démocratie. Un jour, dès le milieu de ce siècle, vous serez dépassés, marginalisés. Et, ce jour-là , vous commencerez à écouter et à regarder. Ce jour-là seulement, nous le savons. Voyez : vous nous avez pillé (2) pendant un siècle, pensant que cela allait durer éternellement. Et, puis…

Mais, nous savons faire la différence entre les dirigeants politiques de l’Occident, sans foi ni loi, et les peuples qui le composent, et qui sont anesthésiés de propagande. C’est pour çà , que nous buvons à la santé du peuple français et à ta santé, Georges !... »

Et, de partir dans un grand éclat de rire. Je me suis toujours demandé comment mes joyeux compagnons de soirée arrivaient à tenir un repas arrosé de cognac, du début jusqu’à la fin. Toujours aussi lucides, précis et donnant à réfléchir…

De sacrés bons vivants, nos amis Chinois. Mais, en plus, eux : ils voient loin…

http://stanechy.over-blog.com/artic...

(1) Investissements chinois en dehors de la Chine, et même de l’Asie. (2) L’Occident s’est emparé des richesses de la Chine (notamment ses ports, son commerce extérieur et ses douanes) à la suite de la Guerre de l’Opium en 1842, et le traité de Nankin du 29 août, lui arrachant des concessions territoriales et des territoires (Hong Kong), suivi d’autres conflits et traités conduisant à un dépeçage massif. Les premiers pays à s’allier et mener des opérations militaires conjointes contre la Chine ont été : la Grande-Bretagne, la France, et les USA. Par la suite, pour se maintenir dans cet immense pays, divers chefs de guerres étaient soutenus financièrement pour poursuivre leurs guerres civiles. Jusqu’au bouleversement de la seconde guerre mondiale, en Asie, et la victoire de Mao.

28/03/2008 11:02 par emcee

Il se trouve que j’aime bien comprendre les tenants et aboutissants avant de m’engager pour une cause ou pour une autre, échaudée que je suis par les "bonnes" et les "mauvaises" causes que nous a prescrites de tous temps le monde occidental.
Or, en lieu et place d’une analyse un peu distanciée de la situation au Tibet, nous avons, au fil des commentaires, des querelles partisanes, des références et des allusions cryptées, des accusations de partialité au GS - qui a le mérite de nous proposer un autre son de cloche que le simple postulat Tibet = opprimés / Chine = oppresseurs, cherchez pas plus loin, y a rien à voir.
A défaut de pouvoir se baser sur les observations et les évolutions sur le terrain, certains commentateurs se livrent, donc, à une bataille d’arguments subjectifs, idéologiques et inintelligibles.

En conclusion, je ne suis pas plus avancée (et de loin) et je déplore que la gauche, une fois de plus, se livre à des arguties complètement dépassées au lieu de chercher à réfléchir sereinement à la situation actuelle pour construire une alternative populaire crédible.
Les "peuples" qui sont dans la souffrance aimeraient bien que les idéologues cessent de couper les cheveux en quatre, façon "Vie de Brian". Ils ont besoin d’aide d’urgence, pas de censeurs et de donneurs de leçons.

Les ultra-libéraux ont un tapis rouge déroulé devant eux. Ils auraient tort de passer à côté.

Au Grand Soir  : je profite de l’occasion pour vous dire que j’aime beaucoup ce que vous faites, que je lis attentivement les articles que vous publiez parce qu’ils apportent des éclairages différents, et, que, même si on n’est pas forcément toujours d’accord avec ce qui est dit, ils permettent de nourrir notre propre réflexion.
De plus, j’apprécie énormément la nouvelle présentation du site. Très classe.
Bon, j’arrête, on va m’accuser de je ne sais quelles arrières pensées malsaines.
Deux remarques cependant : d’abord, on ne peut pas copier de texte, ce n’est pas pratique pour les citations, par ex ; ensuite, le fil des commentaires, qui n’apparaît pas de façon chronologique, est parfois difficile à suivre.

28/03/2008 11:13 par legrandsoir

aaaahhhh....

ENFIN quelqu’un qui nous comprend et nous aime.

Acceptez ces quelques larmes de reconnaissance.

Pour ce qui concerne les problèmes signalés, on regarde.

Le Grand Soir

28/03/2008 19:19 par à -nos-amis

"...arguments sbjectifs, idéologiques et inintelligibles."

Puisqu’on ne fait que parler, disons que s’il y en a pour moi là dedans je suis désolé, je fais ce que je peux !
Je bats ma coulpe à coups de moulin à prières...

Sérieux, le monde n’est pas si simple que ça et il y a de sacrés clients sur le site ! Trop d’attitudes primaires ont souvent provoqué plus d’effusion de sang qu’un triturage de cerveaux, Bush en sait quelque chose ! Mais vous avec raison il faut à la fin savoir opposer la force à la force, chacun son role, même ici sur un site de communication-information.
Mais je le répète on ne fait que parler...

Amitiés, Michel

01/04/2008 23:11 par emcee

"Puisqu’on ne fait que parler, disons que s’il y en a pour moi là dedans je suis désolé".

Non, justement pas, je vous trouvais fort pertinent, au contraire. Et clair.

Désolée si j’ai donné cette impression.

Mais, je ne me reconnaissais pas le droit de distribuer mauvais points et satisfecit.

Ce sont les argumentaires embrouillés (pour le non-initié comme moi), basés sur des paroles qu’auraient prononcées des gens disparus depuis fort longtemps qui m’ont agacée. Comme si le monde n’avait pas tourné depuis et que nous n’avions pas la possibilité de prendre du recul.

02/04/2008 10:54 par à -nos-amis

Oui et de penser par nous mêmes, merci de votre sympathique message !

(Commentaires désactivés)