La classe dirigeante tombe toujours du côté où elle penche

Cher lecteur, voici une mise en garde : je vais me lancer dans une généralisation et vous peindre, à grands coups de pinceau, un tableau qui, vu de près, paraîtra confus mais, vu de loin, se révélera être une composition très réaliste. C’est parti.

J’ai vu il y a quelques temps l’intervention de Sophie Aram à la cérémonie des Molière et les réactions du public. J’ai vu les images du dîner du CRIF et entendu le discours d’Attal.

Le fascisme n’arrive pas sous forme de hordes en chemises brunes. Il n’arrive pas par un coup frappé à la porte au petit matin. Ca, c’est son irruption, sa concrétisation, dans nos vies de tous les jours. Non, il s’annonce d’abord par un tonnerre d’applaudissements. Pour un ancien SS au parlement canadien ou un discours négationniste devant un parterre d’endimanchés. Et du négationnisme il glisse vers la justification. Puis de la justification au soutien.

Il arrivait déjà lorsqu’il a emprisonné, bâillonné et torturé le journaliste le plus primé du XXIe siècle dans l’indifférence quasi-générale de la profession et de son soi-disant rôle de contre-pouvoir.

Il a voyagé depuis l’Ukraine en passant par Gaza. Il est arrivé pour sauver leur déclin et leur corruption morale totale.

Hier, il était à Paris, décomplexé et presque blessé d’être si incompris par la plèbe, mais tellement rassuré par cet entre-soi.

Bref, l’autre jour, le fascisme était de sortie et, d’après les commentateurs, tout d’élégance vêtu.

Les soutiens d’Israël sont tous issus des catégories socio-professionnelles supérieures (CSP+). Israël est gouverné par un régime d’extrême-droite. Les CSP+ soutiennent donc un régime d’extrême-droite. Les CSP+ argumentent (lorsqu’ils argumentent) qu’ils défendent une "démocratie", et peu importe les actes commis par cette "démocratie" ou les rouages de son fonctionnement interne. Ils démontrent ainsi leur attachement, leur préférence ou leur penchant pour une version formelle d’une démocratie de façade. Et une auto-identification et solidarité sans faille pour une culture qu’ils perçoivent comme proche de la leur, ou qui se présente comme telle (ah, s’ils savaient...). Et le fait qu’elles (les CSP+) s’y reconnaissent et la défendent révèle l’idée qu’elles se font d’elles mêmes et de la démocratie. Donc de nous. Jusqu’au génocide, s’il le faut.

La défense d’Israël n’est qu’une forme d’expression du mépris, sinon de la haine, de l’autre. C’est-à-dire de nous. Les CSP+ tentent de nous enfumer par des arguments de type sociétaux, tels que "il vaut mieux être gay à Tel-Aviv qu’à Gaza" ou "ce n’est pas à Gaza que vous verrez des bikinis". Comme si l’absence d’une gay pride à Rafah ou de seins nus sur la plage était le fond du problème. Comme si ce n’était pas autre chose qu’une projection de leurs propres priorités, préoccupations et angoisses existentielles. Et pour rien au monde ils n’échangeraient un brunch en terrasse à Tel-Aviv contre une ration alimentaire pour un enfant à Gaza.

Ordures

Je l’avoue : les gay-prides me font plutôt rigoler, je n’ai rien contre une jolie paire de fesses et j’adore les brunchs en terrasse. Et je suppose que "culturellement", je me sentirais plus à l’aise dans un café branché à Jaffa que dans un boui-boui improvisé à Rafah. Au moins pendant les dix premières minutes, c’est-à-dire jusqu’à ce que les bouches s’ouvrent. Jusqu’à réaliser à quel point je me sens plus proche d’une Palestinienne, avec ou sans voile, que d’une fasciste tik-tokeuse génocidaire décérébrée.

Si certains croient pouvoir marchander "ma" zone de confort, "mes" codes de conduite en échange d’une solidarité avec leur barbarie, ils se trompent. Et lourdement. Parce qu’au-delà des codes de conduite, au-delà de l’idée que je me fais du confort, d’un mode de vie idéal, des signaux d’appartenance à un groupe, moi aussi je tombe toujours du côté où je penche.

Viktor Dedaj
Avant les chemises brunes, il y a toujours les smokings.

COMMENTAIRES  

29/05/2024 15:42 par Ida

Cher Viktor, oui je me permets cette familiarité, MERCI. C’est tout, je n’ai rien de plus constructif, de plus élaboré. Merci pour LGS, merci de nous faire nous sentir moins seul.e.s. On vous aime.

29/05/2024 19:34 par CAZA

C’ est qui le mec au cigare avec la coupe de cheveux qui lui donne l’ air d’ un gland circoncis ?
Bon comme je sais pas également qui c’ est ça sophia Aram je cherche et trouve ça et je comprend illico .
Puis je lis les commentaires de la vidéo .Du coup ça va mieux . Ya des lecteurs du Point qui devraient venir lire LGS .
Au hasard :<<< « le silence assourdissant » !!!
ah bon ?!
a chaque fois que j’ouvre la télé j’entends, pogrom, seconde shoah, haine, antisémite, antisionisme... etc
elle est sourde la nulle récompensée ???
>>>
https://www.youtube.com/watch?v=3_6ZGCeo6XM

30/05/2024 01:17 par Jean-Paul

Merci Viktor, pour ce texte, à l’analyse toujours aussi ciselée et pertinente.
En assistant à la fois glacé, écœuré et révulsé, au génocide en cours en Palestine, au massacre des ukrainiens envoyés à l’abattoir par l’otanistan, des russes tués en conséquence, et aux conditions historiques qui les rendent possibles, il me paraît difficile aussi de ne pas penser que si les classes dominantes de l’ouest collectif se percevaient comme étant en danger de ne pas pouvoir persévérer dans leur être (de dominants), elles n’hésiteraient pas, "s’il le faut", à nous sacrifier de la même manière.

30/05/2024 14:22 par Louise de Bretagne

« Faites attention, quand une démocratie est malade, le fascisme vient à son chevet mais ce n’est pas pour prendre de ses nouvelles. »
(Albert Camus)

30/05/2024 17:11 par Palamède Singouin

Les soutiens d’Israël sont tous issus des catégories socio-professionnelles supérieures (CSP+).

Il me semble qu’au nombre des soutiens d’Israël on trouve aussi les électeurs de Le Pen-Zemmour, tout heureux de voir massacrer du "bougnoul". Et apparemment, ils sont plutôt à ranger dans les CSP-.

30/05/2024 20:10 par Josy

Les inversions accusatoires des colons pour défendre et justifier des criminels massacreurs qui s’étalent sur leurs sentiments après intervention du Hamas, sans penser que la révolte doit bien un jour finir par utiliser tous les moyens possibles pour enfin se libérer au nom de tous les palestiniens asservis, et qui n’ont même pas un mot pour les crimes et les horreurs que commettent leur communauté, comme si les enfants des autres ne valaient pas les leurs ;Ils révèlent une tendance à l’absence d’empathie, d’humanité , de bon sens et même de morale élémentaire .
Transformer le bourreau en victime est ce qui apparait de plus injuste , de moins acceptable et de plus révoltant au monde .Perversité et déraison. Le fascisme comme haine de soi projetée sur les autres par manque de goût de la vie .
Merci pour ce texte qui met le doigt sur la fissure sociale du cœur .

31/05/2024 10:05 par THOMAS ML

C’était confus dans ma tête et vous mettez enfin des mots sur mes idées. Je suis triste de voir qu’on n’a même perdu notre liberté de nous exprimer et de garder un esprit critique à cause des politiques gouvernementales successives. Nous avions aussi perdu notre égalité et notre fraternité, les mots étant dépouillés de leurs sens ! Vous me permettez de retrouver mon sens d’humanité de femme citoyenne . Merci

31/05/2024 17:52 par Salvador

L’instruction ne nous préserve en effet pas du pire comme le prétendait Christiane Faure - raison pour laquelle elle oeuvra pour une instruction politique des jeunes adultes.

Les enseignants notamment prirent par exemple part aux massacres du Rwanda ("Une saison de machettes", la parole aux bourreaux). Ils ne furent naturellement pas les seuls mais quels gages donnèrent-ils au carnage...

Pour sûr un paquet de CSP- partage le constat mais ce ne sont jamais les pauvres bougres qui intiment quoi penser. Ce sont bien des intellectuels, hommes politiques ou journalistes qui distillent ce venin comme ce fut naguère le cas sur les ondes de la radio des millle collines.

Certains prêchent par conviction et naïveté - sans doute Sofia Aram, d’autres par calcul - très certainement Gabriel Attal.

En effet Mr Deddaj, sans doute l’humanité transcende-t-elle nos cultures...

01/06/2024 00:16 par Vania

En occident, après l’hommage d’un SS notoire au parlement canadien, voici l’hommage accordé par le parlement britannique et par B. Johnson lui même aux nazis ukrainiens d’Azov. Bas les masques, ils ne se cachent plus.
https://actualidad.rt.com/actualidad/510598-parlamentarios-reino-unido-neonazis-ucranianos
https://x.com/RealAlexRubi/status/1793619922779779509
P,S::Dans un autre commentaire, j’avais mis par erreur un lien sur un médicament. Excusez-moi :).

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