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La nécessité de la socialisation des moyens de production (4) : réorganiser écologiquement la production

Nous avons exploré quelques pistes vers la démocratisation de la société par la socialisation des moyens de production. Nous allons maintenant passer au défrichement d’un terrain fertile mais semé d’embûches : la question écologique. Difficile d’échapper au discours de terreur dont on a (chez les JRCF et ailleurs) déjà eu l’occasion de dénoncer les conséquences tendanciellement fascisantes et scientifiquement ineptes. Il importe aujourd’hui d’attaquer l’escrologie sur son propre terrain en démontrant une fois de plus que la révolution est la condition sinéquanone d’une écologie réelle.

Il existe un million de manières possibles de démontrer l’inefficacité économique du capitalisme par rapport à la planification étatique, l’une d’entre elles peut se trouver dans notre récent article sur l’essor des services de location de vélos “flottants”. Ce cas précis démontre parfaitement en quoi le besoin infini de profit, condition économique structurelle du capitalisme mène à l’épuisement de la terre : combien de bicyclettes a-t-on pu construire pour finalement les jeter dans des décharges après quelques mois d’utilisation ? Il reste maintenant à voir en quoi le profit entraîne le court-termisme et que celui-ci épuise la terre et le travailleur.

Lorsque le capitaliste décide de faire entrer un nouveau bien dans sa phase de production en masse il sait qu’il joue gros. L’achat de nouvelles machines, les frais colossaux investis en recherche et développement, la construction d’une stratégie publicitaire... Ce sont là des démarches longues et coûteuses qui engagent de faramineuses sommes d’argent. Bien sûr le capitaliste à la Bernard Arnault sait qu’à titre personnel il ne risque pas grand-chose : même s’il mène son entreprise à un désastre il aura toujours la possibilité de se voir gratifier d’un parachute doré ou de quelque compensation pour ses efforts de “capitaine d’industrie”. Mais les ouvriers seront en première ligne face aux risques de licenciement et, en dernière analyse, la société toute entière paiera au prix fort un investissement raté - voyez combien on a pu dépenser pour sauver les banques en suite à la crise des subprimes, voyez combien d’argent public a pu être reversé à des multinationales vie le CICE et vous aurez la ferme intention de veiller à ce que lesdites banques et entreprises fassent un usage raisonné de cet argent.

Dans nos conditions de “risque” et de concurrence entre détenteurs de capitaux, le prix de l’erreur est à la charge du collectif alors que l’individu capitaliste récolte tous les bénéfices. Rien de bien pointu dans cette analyse, mais il est nécessaire de faire état de ces inégalités de traitement pour comprendre l’état d’esprit capitaliste et le court-termisme auquel il mène.

Puisque le grand patron a très peu de chances de se retrouver un jour au RSA (il est économiquement responsable puisqu’il décide de la production, mais politiquement irresponsable puisque les pires conséquences de ses actions ne l’impacteront jamais autant que l’ouvrier qu’il emploie), puisque son horizon indépassable est l’accumulation sans fin de richesses inutiles et, puisqu’il doit lui aussi se prémunir des moments de récession et de la concurrence impitoyable du marché, le grand patron n’a qu’un objectif en tête : le profit maximal. Le profit est à la fois sa raison d’être et son assurance-vie : parade contre les mauvais jours et moyen de la démesure croissante du luxe obscène, le profit est le court-terme fait valeur.

Pour comprendre le lien direct entre capitalisme et logique de court-terme, il suffit de voir combien sont prégnantes les polémiques sur l’obsolescence anticipée ! Que l’on parle de téléphones programmés pour devenir inefficaces après un certain temps (court) ou de bas en nylon qui s’effilochent trop vite c’est bien un mode de production tout entier qui est mis en cause et non pas de simple défauts de conception ! Les capitalistes ont un intérêt vital à l’accumulation et au profit ; il serait naïf de ne pas mettre cela en rapport avec des biens qui deviennent déficients (donc des biens qui doivent être remplacés) largement avant l’heure - compte tenu de nos capacités actuelles de production qui permettent largement la fabrication de produits plus durables.

Le court-terme n’est pas une simple question d’appréhension du temps par l’homme. Le capitalisme paternaliste qui est mort au sortir de la seconde guerre mondiale a très bien pu passer pour long-termiste tant que le patron, propriétaire de père en fils, voyait l’intérêt à faire grandir son industrie pour laisser un héritage. Aujourd’hui la mobilité totale des capitaux fait s’effondrer cette illusion : le capitaliste ne peut plus s’attacher à “son” industrie car l’ouverture de nouveaux marchés et la possibilité (la nécessité même) d’y investir rapidement et beaucoup (voyez la frénésie autour des vélos flottants) fait de lui une puissance infiniment volatile.

Si la question du court-terme résidait dans la bonne volonté des capitalistes à appréhender le long-terme, la question serait résolue ! A l’échelle individuelle on voit en effet combien le capitaliste se grise de sa toute-puissance, au point de vouloir défier le temps. C’est ce que démontre très précisément la montée de l’idéologie transhumaniste sous l’impulsion des Elon Musk et autres techno-gourous qui pensent toucher du doigt la possibilité de devenir éternels...

L’appréhension capitaliste du temps n’est pas ce rêve fou d’immortalité, elle est le produit des conditions de vie objectives du capitaliste. Elle s’accélère lorsqu’un marché s’ouvre, se ralentit quand le profit est en berne et surtout elle s’impose à tous, capitalistes ou non. Ainsi lorsque le profit baisse, lorsque l’austérité point, c’est toute la société qui se met à l’heure d’hiver et doit compter sur le fait d’avoir un bon bas de laine. Et quand la tendance est à la hausse on veut accélérer le temps, comme pour faire entrer le plus de profit dans la moindre seconde d’activité, puis vient la crise et le temps se contracte à nouveau. Le temps capitaliste est, tout comme son économie, irrémédiablement cyclique.

Dans ces conditions comment penser le progrès ? Comment ne pas céder au mythe de l’éternel retour ? La réponse est dans le substrat de la question : il faut tuer le capital et se réapproprier la production qui structure en partie notre perception du temps historique.

Puisqu’il n’y a de temps qu’en perception - ce qui préexiste au temps indépendamment de toute perception n’étant que le mouvement - il faut dire que le long-terme ne se trouve que dans les conditions d’existence humaine qui le permettent. Le long-terme ne peut être que l’oeuvre vivante des masses si les masses sont amenées par une démocratie populaire à réfléchir en commun aux grandes questions relatives à la production de leurs conditions d’existence. Seule la démocratie socialiste donne la perspective de transformer concrètement la production par la voie démocratique, elle seule satisfait la condition nécessaire d’une planification écologique.

Plus grand-monde aujourd’hui n’ose remettre en cause l’urgence écologique qui s’impose à nous. Moins nombreux sont ceux qui voient objectivement le socialisme comme la seule réponse principielle possible. Ceux-là doivent voire la chose suivante : que les masses conscientes d’elles-mêmes portent en elles la filiation et l’avenir de tout un pays et en dernière analyse de l’humanité même. Il n’existe pas de logique de long-terme sans conscience élevée de l’avenir de l’humanité, conscience qui n’est à aucun titre celle qu’imposent les capitalistes dans leur aveuglement égoïste. Seules les masses peuvent faire l’écologie réelle, car elles seules peuvent faire la révolution !

»» http://jrcf.over-blog.org/2019/04/l...
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Eduardo Galeano

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