RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher

La véritable dissidence cubaine

Depuis quelques années, c’est devenu la mode de parler de la « dissidence cubaine » et d’appeler « dissident » quiconque qui, pour un salaire payé depuis l’étranger, un visa de sortie du pays, quelques cadeaux ou tout autre avantage matériel, a décidé de trahir son propre peuple, en se mettant au service de l’ennemi de toujours de notre nation. Il semblerait que ce sont eux qui écrivent l’Histoire de Cuba.

Cependant, l’existence même de la nation cubaine est une histoire d’authentique dissidence, dans laquelle se distinguent de grands dissidents de la pensée imposée par le colonialisme espagnol et le néocolonialisme nord-américain.

Ceux que l’on appelle à tort « dissidents », dont il est tellement question, ne sont rien d’autre que des « collaborationnistes » de l’impérialisme. Ils ne sont en rien représentatifs du peuple cubain et ne le seront jamais, de même que les collaborationnistes du fascisme allemand dans les pays européens occupés durant la Seconde Guerre mondiale ne le furent de leur peuple. Les Français, avec raison, appelèrent les collobationnistes des fascistes allemands : « collabos », diminutif de « collaborateur ». La contre-révolution cubaine, financée par des puissances étrangères, est aussi « collaborationniste » que les « collabos » français le furent pendant l’occupation nazie.

Revenons donc sur certaines des figures et épisodes de l’Histoire dissidente de Cuba, qui construisirent la nation cubaine.

Les conquistadors espagnols imposèrent à feu et à sang leur religion en exterminant la population autochtone. Des aborigènes furent dissidents de la conquête espagnole. L’un des cas les plus emblématiques de rébellion fut celui du cacique Hatuey qui dirigea la résistance contre la domination espagnole à l’est de l’Île. Fait prisonnier, avant d’être brûlé sur le bûcher, alors qu’on lui demandait s’il souhaitait se convertir au christianisme pour monter au ciel, il demanda : « Les Espagnols aussi vont au ciel ? » Face à une réponse affirmative, le cacique répondit : « Je ne veux pas y aller, je préfère aller en enfer, pour ne pas être là où ils sont, pour ne pas voir des gens aussi cruels ». Ainsi, Hatuey devenait le premier dissident cubain.

Durant 30 années de guerre, au 19e siècle, les Cubains se sont battus pour l’indépendance de Cuba contre le colonialisme espagnol. Les mambises, comme on appelait les patriotes cubains qui combattaient contre l’armée d’occupation, furent dissidents de la domination et de l’exploitation coloniale.

La protestation de Baraguá : le 15 mars 1878, eut lieu la rencontre historique entre le général Antonio Maceo et le général espagnol Arsenio Martinez Campos à Mangos de Baragua pour la signature du Pacte de Zanjon, souscrit le 10 février 1878, par quelques dirigeants et militaires cubains, lequel devait mettre fin à la Guerre des 10 ans. Maceo fit savoir à Martinez Campos qu’il n’était pas d’accord avec le pacte signé, car celui-ci ne prévoyait pas l’indépendance de Cuba, ni l’abolition de l’esclavage et que ce Pacte n’était rien d’autre qu’« une capitulation honteuse et quant à lui, inacceptable ».

À l’occasion du centenaire de cet acte historique, Fidel déclara : « […] avec la Protestation de Baragua, l’esprit patriotique de notre peuple a atteint son point culminant, a atteint son apogée, son climax ; les drapeaux de la Patrie et de la Révolution, de la véritable Révolution, dans l’indépendance et la justice sociale, ont été placés à leur plus haute place. »

Pour les Cubains et les Cubaines, l’héritage historique d’Antonio Maceo reste très présent. C’est la raison pour laquelle nous ne cesserons de dire que « Cuba sera toujours un éternel Baragua… », et nous déclarerons en dissidence face à toute proposition de capitulation.

De notre Héros national, José Martí, qui organisa la dernière guerre pour l’indépendance de Cuba de la colonisation espagnole, je ne citerai qu’une anecdote qui démontre son inébranlable esprit dissident indépandantiste : il s’habilla toujours en noir parce que, disait-il, « il était en deuil de sa Patrie ».

À la fin du 19e siècle, le 16 février 1896, pour châtier le peuple dissident de Cuba qui appuyait les patriotes qui combattaient contre le colonialisme espagnol durant la Guerre de 1895 et les empêcher d’avoir une arrière-garde avec suffisamment d’approvisionnement pour leurs troupes, le gouverneur général Valeriano Weyler décréta « la reconcentration » : la population des campagnes fut enfermée dans les villages et dans les villes. On a calculé qu’environ un quart de la population cubaine mourut de faim et de maladie à cause de la reconcentration. Ce fut l’un des prix les plus lourds de la dissidence cubaine au colonialisme espagnol. Un des premiers précédents des camps de concentration dont eurent à souffrir les Européens durant la Deuxième Guerre mondiale.

En 1898, les États-Unis empêchèrent l’indépendance de Cuba par le biais d’une intervention militaire. Ensuite en 1902, ils imposèrent l’Amendement Platt dans la Constitution de la République naissante, lequel leur concédait le droit d’intervenir militairement quand cela leur convenait et de disposer de bases militaires (la base navale de Guantanamo en territoire cubain date de cette époque). Juan Gualberto Gomez fut l’une des voix dissidentes qui s’opposèrent à cet amendement.

Durant l’étape néocoloniale, les gouvernements se distinguèrent par la défense des intérêts des États-Unis d’Amérique et de la bourgeoisie « vende-patria » (traître à la patrie). Des milliers de Cubains furent dissidents de cet ordre établi. Julio Antonio Mella, Rubén Martínez Villena, Jesús Menéndez et d’autres furent des leaders de la dissidence du meilleur de notre peuple à cette étape de notre Histoire.

Après le 10 mars 1952, lorsque Fulgencio Batista usurpa le pouvoir de la République par un coup d’État militaire, la dissidence cubaine contre ce régime honteux s’organisa.

Fidel et la génération de Centenaire fondèrent le Mouvement 26 Juillet et furent dissidents de plusieurs théories de l’époque : on affirmait que le peuple ne pouvait pas gagner une lutte armée contre une armée professionnelle et encore moins qu’un petit pays fasse une révolution à proximité d’une grande puissance.

La Révolution triompha le 1er Janvier 1959, avec un solde de 20 000 patriotes dissidents assassinés par la tyrannie, avec le soutien du gouvernement des États-Unis. Durant cette étape, certains des principaux dissidents de la dictature de Batista furent Abel Santamaria, Melba Hernandez, Fidel Castro, Mario Muñoz, Hayde Santamaria, Vilma Espin, Frank Pais, Pepito Tey, Raul Castro, Juan Almeida, Che Guevara, Ramiro Valdez, Camilo Cienfuegos, pour ne citer que quelques noms.

La Révolution cubaine et sa dissidence permanente au capitalisme

Dès le triomphe de la Révolution, Cuba se consacra à mettre en œuvre une politique souveraine et indépendante, en prenant des mesures qui tourneraient définitivement le dos à l’ordre imperial.

 Nationalisation des ressources naturelles, des raffineries de pétrole, des quelques industries dont elle disposait, de la compagnie des Téléphones,
 Promulgation des 1ère et 2ème Lois de Réforme agraire. Élimination du latifundium et remise de la terre à ceux qui la travaillaient vraiment,
 Promulgation de la Loi de Réforme urbaine à travers laquelle environ 80% des logements à Cuba devinrent propriété de leurs occupants,
 Campagne d’alphabétisation et déclaration en 1961 de Cuba comme premier pays d’Amérique exempt d’analphabétisme,
 Déclaration du caractère socialiste de la Révolution (16 avril 1961),
 Première défaite militaire de l’impérialisme en Amérique latine (invasion organisée et financée par le gouvernement des États-Unis à la Baie des Cochons repoussée en 72h),
 Éducation gratuite et universelle,
 Santé gratuite et universelle,
 Déclaration du sport comme droit du peuple.

Durant la Crise d’Octobre de 1962, ou comme on l’appelle en Occident la Crise des missiles, en dépit de la menace nucléaire, Cuba ne céda pas et maintint sa position dissidente du système capitaliste mondial. Lorsque la crise fut résolue, Cuba fut dissidente sur la question de l’inspection de l’évacuation des missiles nucléaires en territoire cubain. L’URSS accepta que ses navires soient inspectés dans les eaux internationales.

 En 1963, Cuba envoya des médecins en Algérie et accueillit un bateau de blessés et de malades algériens, ce qui fut le début de la coopération médicale cubaine avec les pays du Tiers Monde.

 Coopération avec les mouvements de libération en Amérique latine, Afrique et Asie.

De 1975 à 1991 : à la demande du gouvernement de la République d’Angola, des troupes internationalistes cubaines coopérèrent à la défense de cette nation sœur, tout en collaborant sur des questions civiles. Cuba fut dissidente de la proposition nord-américaine de renoncer à cette coopération en échange de meilleures relations avec ce pays.

Les combattants anti-terroristes Gerardo Hernández, Antonio Guerrero, Fernando González, Ramón Labañino et René González furent sanctionnés injustement à de longues peines. Durant tout leur temps d’emprisonnement, ils furent dissidents des offres de trahir leurs idéaux, de trahir leurs principes. Pour tous ceux qui considèrent qu’un monde meilleur est possible et nécessaire, ils sont des sources d’inspiration, car ils ont démontré que dans ce monde où certains pensent que nous avons tous un prix, on peut résister et vaincre. Ce sont des exemples suprêmes de dissidence au systéme consumériste impérial.

Aux côtés de ces noms glorieux qui ouvrirent la voie à l’indépendance se trouve le peuple de Cuba qui, malgré les difficultés, sort chaque matin pour construire un pays plus juste et plus prospère. Ce sont les ouvriers, les paysans, les médecins, les enseignants, les chercheurs, les intellectuels, les sportifs…, fiers de vivre dans un pays qui, plutôt que de lancer des bombes, envoie des médecins pour sauver des vies et des maîtres pour apprendre à lire.

Désormais, nous ne sommes plus les seuls dissidents sur notre continent. À notre dissidence se sont joints le Venezuela, le Nicaragua, la Bolivie, l’Équateur et d’autres pays, avec leurs présidents et leurs peuples dissidents des impositions du Nord.

Les spécialistes en manipulation médiatique veulent nous vendre leurs marionnettes « dissidentes », sous un autre nom : « la société civile ». Les mêmes salariés, qui ne représentent personne à Cuba, sont promotionnés dans les espaces médiatiques manipulateurs et on leur ouvre le chemin pour leur « show médiatique ». Ils se proposent ainsi d’occulter la véritable société civile cubaine, multiple et diverse, avec son histoire, ses réussites et ses propositions, unie aux mouvements sociaux du monde qui luttent pour un avenir meilleur.

La véritable dissidence cubaine, c’est tout le peuple cubain.

Je terminerai avec les paroles prononcées par le général d’armée Raul Castro Ruz à l’Assemblée nationale du pouvoir populaire, le 1er août 2009, qui confirment que Cuba fut et sera toujours un pays dissident de l’ordre impérial : « […] On ne m’a pas élu Président pour restaurer le capitalisme à Cuba ni pour brader la Révolution. J’ai été élu pour défendre, maintenir et poursuivre le perfectionnement du socialisme, non pour le détruire. […] Fermement unis, nous serons conséquents avec l’héritage de la longue histoire de lutte de notre peuple, les enseignements de Fidel et l’engagement éternel envers ceux qui sont tombés au combat. »

À bon entendeur…

Pablo Luis Gonzalez Justo

La Havane, 31 mars 2015

Pablo Luis Gonzalez Justo est diplômé en Commerce international à l’Université des Sciences de l’information de Cergy-Pontoise (France) ; en Ingénierie mécanique aéronautique à l’Université d’aviation civile de Kiev (Ukraine). Membre du Comité international pour la liberté des Cinq et président de l’association Racines cubaines.

URL de cet article 28414
   
Même Thème
L’Histoire m’acquittera
Fidel CASTRO, Jacques-François BONALDI
L’Histoire m’acquittera (en espagnol : La Historia me absolvera) est un manifeste d’auto-défense écrit par Fidel Castro en octobre 1953, à la veille de son procès (il est jugé pour avoir attaqué la caserne de Moncada le 26 juillet 1953, en réaction au coup d’état de Batista). Fidel Castro est diplômé en droit, il manie la plaidoirie, exercice qu’il connaît bien, avec aisance : il y explique ses actes et son implication dans le soulèvement contre Batista mais surtout, il y développe ses (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

Ne nous flattons pas trop de nos victoires sur la nature ; elle se venge de chacune d’elles.

Friedrich Engels

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.